L’ergonomie du poste de travail est fondamentale quand on passe la journée devant un écran : le mal de dos, les troubles de la vision, le syndrome du canal carpien ne sont pas des maladies d’oisifs, mais de vraies menaces réellement douloureuses et handicapantes qui naissent de mauvaises habitudes de posture et de frappe. Elles guettent bien sûr tout particulièrement le travailleur indépendant qui n’a aucune idée de l’organisation nécessaire ni du matériel à choisir, quand une entreprise, si elle est responsable, réfléchit à l’ergonomie. Le plus vicieux dans ces troubles, c’est qu’une fois déclarés, il est souvent trop tard : le mal s’est installé sournoisement pendant des années et parfois seule la chirurgie peut le résoudre.

Mais entre la théorie idéale et les contraintes de la réalité, il y a parfois un monde, et, notamment, les impératifs de productivité. Tout le monde n’a pas forcément eu la discipline d’apprendre la dactylographie selon les règles, mais plutôt à l’instinct et à l’usage ; rien de pire pour prendre de mauvaises habitudes et se détruire les mains. Et après plus de vingt ans de pratique, ces habitudes sont si difficiles à perdre qu’il faudrait six mois de rééducation – six mois sans l’outil de travail principal – qu’on ne peut, ou ne veut pas forcément investir.

Tu l’auras compris, ô auguste lectorat : c’est aujourd’hui de clavier que je veux parler, conformément à la promesse que j’ai faite de tester l’engin qui est devenu mon nouveau fidèle compagnon au long cours, à savoir : l’Enermax Acrylux.

Constamment guetté par un canal carpien, je suis extrêmement tâtillon avec les claviers que j’emploie et j’en teste autant que possible ; les bons me prolongent mon sursis, les mauvais me rendent les mains inutilisables au bout d’une journée. J’ai donc un ensemble de contraintes assez particulier dans la recherche de mon outil de travail – si vous vous reconnaissez dans certaines, alors je n’écrirai pas cet article en vain.

Il me faut :

  • Un clavier droit. Pas de trucs en V, inclinés vers le bas, modulaires, à disposition des touches 73.2% plus orthopédiques que la concurrence. J’ai appris la dactylo à six ans sur un Apple //c, quand ces engins de l’espace sont apparus quinze ans plus tard : je n’ai ni le temps, ni la patience de m’y faire.
  • Disposition des touches classique : pavé numérique, pavé « Insertion – Home – Page haut – Page bas » standard, parce que mes mains savent trouver directement les raccourcis clavier de navigation dans un texte sous Word.
  • Robuste. Je frappe comme un batteur de black metal, et toute la journée ; tous les claviers silencieux prétendument solides (oui, je parle de vous, Logitech et Microsoft) font le vacarme d’une chaîne d’ancre après deux mois passé à subir mes sévices.
  • Silencieux et (évidemment) au toucher confortable. Idéalement un toucher type « ordinateur portable », parce que la course des touches est plus courte et donc que mes doigts ont moins de distance à parcourir.

J’avais trouvé mon bonheur avec l’Enermax Aurora, mais, par une décision commerciale complètement absurde, Enermax a décidé d’en cesser la fabrication, le remplaçant par l’Acrylux.

Heureusement, celui-ci remplit mon cahier des charges, notamment au niveau de la frappe. Il emploie le même système de « ciseaux » que son grand frère, extrêmement doux. Cela donne un toucher à la fois caoutchouteux et réactif plus confortable que le toucher habituel d’un ordinateur portable, et si l’Aurora a survécu à mes mauvais traitements, il n’y a pas de raison que l’Acrylux plie l’échine. Il reprend en plus le design « extra-plat » de son prédécesseur, évacuant la nécessité d’un repose-poignets encombrant et mal adapté (les canons de l’ergonomie dictent que les mains doivent « tomber » sur le clavier et que les poignets ne doivent surtout pas se lever). Pour peu qu’on aime les claviers droits, ce clavier se place très naturellement sous les mains (quelques millimètres d’épaisseur !) et la frappe devient très rapide pour un minimum d’efforts.

Au chapitre de « c’est toujours bon à prendre », il propose deux ports USB toujours pratiques (mais mal placés, perpendiculairement à l’axe du clavier, ce qui peut gêner la souris). De plus, il est très beau : il semble sortir d’un crossover entre Tron et Battlestar Galactica, avec son fini noir luisant et son illumination rouge. Contrairement à ce que les autres tests lui reprochent, je n’ai pas trouvé qu’il recueillait particulièrement les empreintes digitales. Cela reste quand même accessoire – le but est de taper sans regarder ses mains, donc sans admirer son clavier toutes les cinq secondes… Mais ne boudons pas notre plaisir. Enfin, la sérigraphie des touches semble bien mieux tenir que sur l’Aurora, ce qui, là, n’est pas du luxe.

Côté déceptions, il est un peu sonore, la faute à un plastique qui, pour une raison que je ne m’explique pas, sonne « creux », défaut absent sur l’Aurora. Mais cela reste largement supportable, surtout si l’on privilégie le confort de frappe, ce pour quoi ce clavier est clairement conçu : la bureautique de compét’. Et enfin, bien sûr, il est hors de prix, mais la qualité de ce niveau-là se paie : dans les 70 €.

Bref, l’Acrylux corrige certains défauts de l’Aurora mais en introduit d’autres, tout en gardant l’essentiel : un incomparable confort de frappe. Donc, si, comme pour moi, la santé de vos mains ne tolère aucune économie, alors l’investissement vous paraîtra au contraire bon marché et le reste des fioritures et des défauts sans guère d’importance.

Je vous laisse avec une petite démo vidéo trouvée sur YouTube qui montre notamment le côté « sonore » de la bête :