Comme tout le monde (hélas), me voici de retour après l’édition de 2010 de ces Utopiales, consacrées cette année au thème de la frontière. Les festivals sont souvent des moments intenses car, en plus de vouloir profiter des débats, des expos, ce sont des grand-messes de la profession, où l’on retrouve tous les copains, où des projets se nouent, où l’on côtoie des tas de gens qui vous disent, d’un air navré « ah ! il faut vraiment qu’on boive un coup, mais là j’ai rendez-vous avec Machin » – ton serviteur, ô auguste lectorat, étant probablement le pire de tous en la matière. Mais je ne me plains absolument de rien : j’ai eu la chance de faire des rencontres fantastiques, de boire quand même quelques bières et de donner quelques entretiens à des gens gentils qui ont même ri à mes blagues, alors bon.
Je m’étais réservé la matinée de jeudi pour voir les vingt minutes de Tron Legacy proposées en avant-première ; la lose, la voiture en a décidé autrement. J’ai quand même pu voir quelques débats, comme ceux autour du jeu proposés par David Calvo et Stéphane Bura, passionnants comme toujours ; le film Earthling, qui a remporté le prix Utopia mais ne m’a pas entièrement convaincu (critique détaillée à venir).
Mais, comme je le disais, ces festivals, ce sont surtout des rencontres ou des retrouvailles, avec les auteurs, blogueurs, traducteurs et lecteurs bien sûr : Mélanie Fazi, le regard aux aguets et l’appareil photo pour le capturer ; toute l’équipe de l’Atalante ; Antoine Mottier et Sébastien Cevey ; Lelf ; la dynamique équipe du Vade-Mecum du Disque-Monde ; El Théo et Christian Grussi des éds Sans Détour ; David Calvo et Stéphane Bura ; l’adorable Vincent Gessler halluciné de recevoir les prix Verlanger et Utopia (ex-aequo avec Ugo Bellagamba pour Tancrède) pour Cygnis – bravo, copain, tu sais comme je suis ravi pour toi ! Je préfère cesser l’inventaire ici, le name-dropping n’intéressant pas grand-monde – et plus j’en cite, plus je risque de vexer les éventuels oubliés…
La joie de faire de l’interpétariat est aussi de pouvoir côtoyer les plus grands ; j’ai pu ainsi relayer les propos de China Miéville (Perdido Street Station), dont j’avais traduit la toute première nouvelle publiée en France (Familiarisation dans Asphodale n°4), qui allie une grande gentillesse à une profondeur de réflexion sur les genres et la logique onirique qui montre une domination à la fois tranquille et parfaite de l’imaginaire. Je ne peux qu’éprouver – en toute humilité – une certaine communauté d’esprit pour quelqu’un qui cite Kafka en table ronde !
Mais j’ai également fait la connaissance de Brandon Sanderson, auteur d’Elantris et de Fils-des-Brumes (traduit par Mélanie Fazi), et choisi pour terminer La Roue du Temps créée par le regretté Robert Jordan. Sanderson est un homme enthousiaste, chaleureux, et il est – je ne le dis pas à la légère – un modèle de travail. Au cours d’une interview que j’ai eu le plaisir de traduire pour Fantasy.fr, il a révélé par exemple avoir écrit CINQ livres non publiés avant de vendre Elantris. Quant à Fils-des-Brumes, c’est son… treizième.
Si ce n’est pas une leçon de persévérance, je ne sais pas ce qui peut donner un plus grand coup de pied aux fesses : Sanderson voulait devenir écrivain, et il a tout investi, sans retenue, dans sa passion. Sans jamais perdre la foi ni l’envie : il écrit parce que c’est ce qu’il veut faire, pas pour la gloriole, et voilà qui prouve assurément qu’il aurait continué, peut-être pour toujours, avec ou sans publication. Voilà, je pense, un auteur réellement compulsif. Je crois l’être aussi – je passe ma vie à produire du texte depuis toujours et c’est ce que j’aime par-dessus tout – mais, dans les difficultés qu’on rencontre forcément tous, coups durs et doutes, je ne saurais garder, parmi les maîtres américains, meilleur exemple à l’esprit dans ce domaine en particulier. Pour paraphraser Bouddha, « there is no way to writing : writing is the way ».
Bref, je n’en dis pas plus pour ne pas gâcher la découverte de cet entretien, mais je le relaierai sans faute : bien des auteurs professionnels n’ont pas écrit autant que lui durant toute leur vie. Voilà une leçon magistrale d’apprentissage, de talent et d’insistance. J’ai maintenant hâte de lire ses livres.
En conclusion, ce fut une édition riche en émotions mais aussi très active pour ma part ; j’ai assez peu de photos et même peu twitté. Je n’ai pas encore trouvé une façon simple de rester en contact avec la communauté en déplacement, mais j’explore la chose !
Malheureusement pas put être présent cette année, madame attendant un heureux évènement. A l’année prochaine.
Galactic Sud
Mouhahaha, t’es autant fan boy que nous. C’était bien awesome comme édition. J’ai aussi envie de lire tous les livres de ces invités passionnants, les internationaux s’étant effectivement révélés très intéressants sur leur approche de l’écriture, des genres et de la littérature jeunesse.
[…] This post was mentioned on Twitter by Lionel Davoust and Pierre Pradal, Galactic Sud. Galactic Sud said: RT @lioneldavoust: Sur le blog : quelques mots et photos de ces Utopiales 2010 >> http://bit.ly/aIzcJI […]
Ravi d’avoir pu te rencontrer « en vrai » durant ces Utopiales ! Bon j’ai de la lecture qui m’attend 😉
Je n’ai pas osé t’aborder car tu étais toujours bien entouré 🙂 j’espère tout de même que ton parapluie-katana a survécu à l’ouragan serial-killer-de-parapluie 😉
au plaisir de te croiser et de lire l’interview Brandon Sanderson 🙂
Bouddha parlait anglais ?
(je m’arrête là pour que ma jalousie de ne pas avoir pu venir ne transpire pas trop, pour la peine, je vais me bouffer un oreo)
C’était la première fois que je venais aux Utopiales et j’ai passé des journées formidables ! C’était riche, dense, et très instructif. Entendre des auteurs avouer leurs doutes et leurs difficultés, les voir échanger, les approcher… J’ai particulièrement apprécié les interventions de Dmitry Glukhovsky, l’auteur de Metro 2033. Plus pragmatique et enthousiaste, tu meures ! La double récompense pour Cygnis a elle aussi été une grande surprise (quelque part, je le savais… je me disais bien que le syndrome Beauverger pouvait frapper un récit comme celui-là). J’ai découvert ce roman durant mon stage aux éditions L’Atalante, juste après sa publication, et je suis sincèrement heureux pour Vincent Gessler. Espérons que tout cela initie une carrière pleine de rebondissements… prochain roman en fin de gestation, mais chut !
Dernier point, ces cinq jours passés à écumer les tables rondes et la librairie m’ont fait prendre conscience que la SF est une famille d’acteurs hétérogène, ouverte et en perpétuel mouvement, et dont la dynamique me donne une certaine confiance en l’avenir. En gros, elle n’a à voir avec les rendez-vous cauteleux et les tartuferies des sommités parisiennes de la littérature dite « noble »… et c’est plutôt rafraîchissant.
+1 au commentaire de Lelf 😀
Très contente d’avoir pu te rencontrer en vrai. Pour la peine, je vais me réécouter L’île close ^^
Ravi d’avoir tous pu vous rencontrer (sauf Lhisbei, grmbl, fallait pas hésiter hein 😉 ) et désolé de ne pas avoir pu mentionner tout le monde dans l’article (et donc d’autant plus content de vous retrouver en coms), mais c’était vraiment cool !
@Lelf : J’assume ; je serais super triste de perdre le côté passion, après tout c’est ce qui me motive !
@Seb : Tout à fait, c’est un monde d’expérimentations incessantes. Je ne connais pas le milieu de la littérature générale mais j’ai l’impression que chaque voix dans l’imaginaire pourrait à la rigueur être sa propre collection ! Ca pousse à réfléchir sans cesse et c’est ce qui est stimulant et amusant.
Ah ! Il faut vraiment qu’on boive un coup, mais là j’ai rendez-vous. ;o)
Aaaah les Utopiales, je m’en vais reprendre des pilules pour faire passer tout ça. Merci à toi d’être venu et comme je dis aux proches : c’est indescriptible.
@El Théo : je voulais vraiment passer vous voir avant votre départ mais j’avais… un rendez-vous, qui… n’est pas venu. La lose…
@Mott : C’est tout à fait ça : je suis à chaque fois bien ennuyé pour faire des comptes-rendus. Comment tout raconter ? Le mieux est de faire un article chaque jour, mais… à quelle heure ? 🙂 Merci encore à toi en tout cas pour le dépannage en cours de route !
Encore un grand merci pour cette rencontre (et patiente ^^) inoubliable et courageuse !
PS : parler de Mozinor c’est mal… ça fait les rereregarder à nouveau…
Encore merci ^^ *bis*
Merci à toi et à tout le Vade-Mecum, cher Baron !