Encore un film dont la bande-annonce, l’affiche et le titre (sérieux, Dragons, moins original c’est pas possible) ne me faisaient absolument pas envie. Un village de gros bourrins vikings qui chassent le dragon, un ado malingre mais forcément plus malin que les autres, une jolie blonde qui méprise le héros, et puis une amitié inattendue se tisse entre l’homme et l’animal, ça sentait le téléphoné, le vu mille fois, le prétexte à cascades à coups d’images de synthèse bien léchées, le petit message gentillet à la fin.

Alors, oui, Dragons est tout ça. Mais pas que. Parce que c’est intelligemment fait, avec juste ce qu’il faut d’humain pour retenir l’attention et échapper de justesse au scénario bateau.

L’histoire, donc, d’un classique achevé : Harold est aussi gringalet que son père, Stoïck, est une marmule. Ce dernier est le chef de l’île de Berk, habitée par des Vikings qui tiennent plus de l’Orc ou du Klingon (la victoire ou la mort, today is a good day to die, tout ça). Sur cet île, le sport national consiste à se battre contre les dragons qui assaillent régulièrement le village. Harold, qui compense par la cervelle le yaourt qu’il a dans les bras, parvient à blesser le plus mystérieux des dragons. Il croit son intégration dans la tribu enfin faite, mais la bête et l’adolescent vont apprendre à s’apprivoiser mutuellement, et les préjugés vont commencer à s’écrouler.

Le déroulement de l’histoire est parfaitement vu et convenu ; je n’en dirai pas plus, mais je raconterais la fin que je n’aurais quand même pas l’impression de dévoiler quoi que ce soit. Pourtant, Dragons parvient à être un bon petit film attachant. Tout d’abord par un soin tout particulier attribué aux personnages, lesquels échappent juste ce qu’il faut au cliché – la petite Astrid, en bonne Klingonne… euh… Viking, réfléchit l’épée à la main et n’a besoin d’aucun chevalier servant ; le père Stoïck montre une méchanceté tout droit née de sa bêtise ; et, surtout, Harold est extrêmement sympathique, ne serait-ce que parce qu’il applique à son monde de brutes médiévales un raisonnement tout scientifique qu’il étaye par des bricolages à la limite du steampunk. D’autre part, le film évite le sempiternel cliché de l’animal parlant ; le dragon apprivoisé par Harold (celui de l’affiche), Krokmou, reste très longtemps une bête sauvage dont l’apprivoisement est long, difficile et dangereux, ce qui n’en rend que plus vraisemblable le lien qui finit par unir les deux amis.

Un gros sans-faute pour l’animation et l’expressivité des personnages – certains plans d’ensemble sont même d’un réalisme à couper le souffle, donnant l’impression d’être devant un vrai film et non un long métrage d’animation. Que les amoureux de nobles dragons anciens comme votre serviteur, échaudés par l’affiche, se rassurent : Krokmou (qui tient plus du chat que du noble ver) est le seul de son espèce, et on se prend étonnamment vite d’affection pour sa dégaine un peu particulière. Les autres dragons font quand même très cartoon, mais amusent.

Bref, Dragons évite – de justesse, aurait-on envie de dire – d’être une énième resucée sans saveur de l’histoire d’amitié entre le paria de la société et l’animal mystérieux, qui transformeront préjugés et conflits pour une nouvelle ère de paix et d’amûûûr ; le film apporte un ton légèrement différent qui lui donne son identité et dissimule plutôt bien l’inévitable morale. Bref, Dragons vaut tout à fait la peine d’être vu par l’amateur de fantasy et de dessins animés.

Il n’empêche qu’à présent, le prochain métrage à utiliser le même canevas va devoir sérieusement sortir des sentiers battus.