Ce début d’analyse nous vient du site d’enquête indépendant The Straight Dope, qui ne fait que reprendre des documents accessibles à tous (sur Wikimedia). The Straight Dope est connu pour l’acuité de ses recherches, notamment dans la réfutation de légendes urbaines ; cependant, on peut ici se demander pour quelle raison le personnel du site n’a pas osé pousser davantage les éléments prometteurs en sa possession.

Les lecteurs de longue date savent que le sujet du piratage et la survie de l’art indépendant à l’ère numérique sont des sujets qui me tiennent à coeur et que je recherche sans cesse des chiffres permettant de conduire à une conclusion ou une autre dans ce domaine. Eh bien, grâce à The Straight Dope, ma quête a touché à sa fin ; loin des analyses fallacieuses financées par des groupes de pression, des études optimistes réalisées par des jusqu’au-boutistes du libre, les chiffres ne mentent pas, et ceux-ci montrent une relation indiscutable entre le piratage et l’économie.

On se méprend fréquemment sur l’importance du débit dans le phénomène de téléchargement ; en réalité, il y a longtemps qu’une connexion tournant à plein temps rapporte bien plus de données qu’on ne peut raisonnablement en voir dans une journée de vingt-quatre heures comportant de nécessaires périodes de sommeil et de travail. En conséquence, le facteur limitant le téléchargement n’est pas le flux, c’est l’espace de stockage ; c’est lui qui détermine si un contenu peut être mis de côté assez longtemps pour être regardé.

Cela ne surprendra évidemment personne de constater que la taille des disques durs a crû de façon considérable depuis trente ans (on se rappelle, dans un autre registre, de la loi de Moore) :

Le phénomène est sans appel et confirme évidemment l’intuition : j’ai aujourd’hui pour une bouchée de pain une clé USB de 4 Go, quand je me rappelle que mon Mac LC avait 80 Mo (!) de disque dur…

C’est là que l’analyse se doit de réaliser un saut quantique, mais je peux vous promettre son efficacité – et la surprise à l’arrivée. Les idées, et surtout les conclusions, naissent souvent de la rencontre fructueuse entre des opposés ; dans la mise en relation entre des données qu’on pensait initialement sans rapport. Je m’interroge encore une fois sur la probité de The Straight Dope, à qui j’avais jusqu’ici accordé ma confiance : pourquoi avoir refusé de voir une corrélation aussi évidente ? TSD serait-il financé en occulte par Universal ou un consortium de films bollywoodiens (le poids économique de cette veine n’étant plus à démontrer) ?

Cette évolution de la technique prend un tour glaçant à l’évocation de ce nouveau graphe :

Quelle autre preuve faut-il ?

Il s’agit bien évidemment de la dette nationale US, mais les États-Unis ont été les premiers à développer et soutenir Internet. Or, on constate que la dette n’évolue que très peu jusqu’au tournant des années 80. Oui : pas même une guerre mondiale, pas même les chocs pétroliers n’ont fait croître la dette dans la même proportion que la généralisation d’Internet, et surtout que le développement de la taille des disques durs. On connaît la place absolument centrale qu’occupe l’industrie culturelle dans notre monde moderne ; un gouffre aussi vertigineux n’a évidemment pu être creusé que par une seule cause.

Confronté à des chiffres aussi accusateurs, les tenants du partage de la connaissance répliqueront assurément qu’Internet permet une propagation du savoir inégalée. Dans l’intérêt de la raison, il nous faut bien évidemment étudier toutes les facettes du problème, et vérifier s’il existerait ainsi une forme d’impact positif, non quantifiable économiquement, de cette distribution.

Or, par souci d’exhaustivité et d’honnêteté intellectuelle, il nous effectivement remarquer que cette influence existe :

Rythme des découvertes d’espèces d’arachnides et de crustacés (Wikimedia)

L’échelle logarithmique montre à quel point, à l’approche de l’ère moderne, la vitesse de découverte des espèces s’est accrue, certainement grâce à la facilitation de la communication entre scientifiques et, plus particulièrement, à la possibilité de consulter les bases d’espèces à distance afin de déterminer immédiatement si une espèce pressentie comme nouvelle l’était effectivement, depuis la plage ou la forêt amazonienne par exemple.

Hélas, il nous faut dès maintenant écraser cet espoir utopique afin de le remplacer par une donnée bien plus glaçante. Et, entre l’avenir du monde et le progrès de la science, je pense qu’il convient de faire le bon choix.

Evolution du stock d’armes nucléaires mondial (Wikimedia)

C’est sans appel.

L’augmentation phénoménale et terrifiante du stock d’armes nucléaires cumulé sur les États-Unis et l’URSS coïncide avec le développement d’Internet – et donc, des capacités de stockage et du piratage. Comme par hasard, le pic d’armement correspond au moment où l’espace de stockage moyen avoisinait les 650 Mo – soit la taille d’un CD audio ou d’un film en DivX. J’ignore quelle preuve supplémentaire il faut au monde : Internet a non seulement creusé la dette nationale des États-Unis, mais les disques durs sont directement responsables de l’instabilité politique de notre époque. On me répliquera sans aucun doute que l’armement nucléaire mondial a fortement décru depuis ; il faut prendre en compte les volontés acharnées des gouvernements à faire réduire les stocks, qui proliféraient auparavant sans retenue, en corrélation directe avec leur cause réelle ; les effectifs en sont à présent découplés et ne constituent plus un indicateur fiable.

On peut donc que louer les efforts de ces mêmes gouvernements pour juguler, filtrer, étrangler ce repaire de la pédophilie et du terrorisme qu’est Internet, afin que la liberté d’expression et de communication ne soit jamais employée que de la bonne manière, à savoir, comme il faut. Car il en va non seulement de notre avenir économique, mais de notre avenir tout court.

Et, pour achever de s’en convaincre, il suffit de poser le plus bref instant les yeux sur ce symbole déjà terrifiant pour des millions de personnes à travers le monde – l’annonciateur d’une apocalypse certaine :

calendrier-maya

Oui.

Le calendrier maya a la forme d’un DVD-R.