Plus de social et moins de social

Non, il ne s’agit pas d’un discours de l’actuel gouvernement, mais d’une prolongation du globiboulga (le blé préféré des dauphins pilotes) de la semaine dernière, avec deux-trois réflexions à ciel ouvert sur cet endroit (qui, non, ne va pas fermer, comme on m’en a adressé la crainte en PM. Je me repose la question de sa pertinence tous les trois-quatre ans, c’est un cycle normal et plutôt sain, et de toute façon, si je devais un jour cesser de l’alimenter, je promets céans que ses archives resteront disponibles).

La problématique des échanges en ligne de nos jours est bien connue : un petit groupe d’entreprises a fait préemption sur l’espace public et la notion même de communauté, ce qui, cela me semble évident, nous appauvrit collectivement. Par raisons éthiques, j’ai envoyé X et Meta aux gémonies et me suis centré exclusivement ici et sur Bluesky. Ce qui est chouette (savez-vous combien la vie sans shitstorm, avec des conversations posées, est agréable pour la pression artérielle ?) mais, de fait, me coupe de l’aspect « salon littéraire permanent » du métier, ce qui est moins chouette.

Or, comme je le disais jeudi dernier, par ailleurs, ça fait 17 ans que cet endroit existe, et j’ai vu quantité d’espaces apparaître et disparaître (vous vous rappelez Google+? lol). Et si, depuis l’époque de php-nuke, j’ai bien compris un truc auquel j’encourage tou·tes les créateur·ices à réfléchir, c’est le suivant :

Vous devez être en possession de vos archives.

Être présent·e sur un réseau, certes ; y échanger, bien sûr ; mais y construire sa communauté, pour que ledit réseau puisse ensuite vous enfermer (et vous soutirer des pièces d’or) est un piège qui se reproduit encore, encore et encore. (Cf tou·tess mes camarades qui se trouvent prisonnier·es d’Instagram malgré leurs convictions politiques parce qu’en disparaître, m’affirme-t-on, les mettrait en sérieux danger ; la même chose s’était produite avec Facebook – cet article a… 13 ans). Les réseaux sont des têtes de pont, des lieux qu’on visite ; mais il faut une maison virtuelle, un lieu qui vous appartient, dont vous détenez l’intégralité du contrôle : un site et/ou blog. Invitez les gens, ramenez-les chez vous, montrez-leur comment c’est chouette. Libérons-nous collectivement des machines à engagement.

Bien sûr, c’est bien plus difficile que de poster des photos immédiatement sur Insta et de recevoir des retours. (C’est l’une des raisons pour lesquelles je déteste Insta.) Surtout, et ça, c’est structurel, on perd l’immédiateté de l’échange. Un post bref, un statut, une photo rapide, ça se prête à bien à Bluesky ou Instagram ; demander aux gens de cliquer pour venir lire quelque chose exige mécaniquement davantage que « regardez mes fantastiques gaufres ». Sortir de l’environnement nécessite, en filigrane, la promesse d’une substance. C’est pourquoi les « blogs », initialement des journaux personnels (« web-log ») sont progressivement devenus des outils de marketing ciblés et/ou des encyclopédies savantes (dont il existe de super exemples).

Je n’ai rien contre le côté encyclopédie savante (ce n’est pas comme si je ne m’adonnais jamais à l’exercice), mais encore une fois, je trouve qu’on a perdu un truc en confiant aux réseaux de « microblogging » l’aspect spontané de nos photos de chats. Ce site tourne sous WordPress, et Jetpack, l’un des plugins commerciaux du développeur, a introduit les « Social Notes » (les miennes sont ici) qui, en théorie, sont la réponse qu’on cherchait : des posts courts, spontanés, hébergés par son propre site mais partagés sur les réseaux comme des posts natifs.

Dans les faits, l’implémentation laisse à désirer. Les images n’apparaissent pas sur Bluesky ; ces notes sont extrêmement difficiles à intégrer dans le reste du site ; il manque un outil de rédaction rapide et convivial sur mobile comme l’offrent tous les réseaux commerciaux, ce qui tue l’aspect spontané.

Ce qu’il faudrait, c’est pouvoir faire apparaître ces notes dans le flux même du reste du blog ; qu’elles soient récupérées et envoyées automatiquement chaque jour par les plugins de newsletters (pour que les personnes qui ont raté la conversation puissent s’y joindre) ; bref, qu’elles forment des posts à part entière, mais dont l’aspect immédiat et transitoire soit tout de suite compréhensible, et déborde vers la possibilité d’une communication plus asynchrone.

Je serais étonné que ça n’existe pas déjà sous une forme ou une autre, avec des possibles plugins tiers. Je suis même prêt à payer un peu pour ça (si ça n’est pas gratuit, ça n’est pas moi le produit). Donc, si tu te demandes, auguste lectorat, quel est l’avenir de ce lieu de perdition, voici ce que j’aimerais réussir à atteindre, et ce à quoi la partie bidouilleuse de ma psyché va consacrer son attention.

2025-07-20T07:01:09+02:00lundi 28 juillet 2025|Expériences en temps réel|0 commentaire

Les réseaux sociaux ont tué les communautés, les blogs sont morts, ChatGPT remplace le contact et rien n’est réel de toute façon

Je suis un vieux blogueur. Les premières entrées de ces pages datent de 2008. DIX-SEPT ANS, bientôt ce blog pourra voter ; en 2008, l’iPhone venait tout juste de sortir, George W. Bush était encore président du monde et j’étais encore sur MySpace. (Si j’ai un blog, d’ailleurs, c’est la faute à, ou grâce à Léa Silhol, à qui je rends céans grâce et hommage : elle m’a encouragé / poussé très fort dans le dos, et comme je ne sais pas arrêter les trucs que je commence, dix-sept ans plus tard, je donne des cheveux blancs à mon hébergeur avec une base WordPress beaucoup trop grande pour son bien.)

À intervalles réguliers, je me demande : qu’est-ce qu’un blog aujourd’hui ? Où est sa place ? Le paysage a changé beaucoup plus vite que moi – je reste attaché à l’aspect bloc-notes bordélique du blog version 2005, comme cette entrée l’est assurément ; un peu de tout et n’importe quoi, un aspect expérimental, un point d’étape, un partage d’un truc rigolo. Les réseaux, hélas, ont cannibalisé cet aspect ; avec toute l’animosité qu’on doit vouer à Elon Musk si l’on est normalement constitué, il n’avait pas tort quand il traitait Twitter de « place du village ». Ce qui n’est pas réservé qu’à Twitter, notez bien ; Instagram, jadis Facebook, sont autant de places du village, d’agora modernes (agoræ ? agori ? chats angoras ?), en supposant que le tenancier vous rackette à l’entrée en vous demandant où vous étiez hier soir et vous balance en pleine face des pubs destinées à vous faire pourrir le cerveau – MAIS BON.

Aujourd’hui, un blog – je le vois chez nombre de mes camarades – se soit d’avoir un angle, une ligne éditoriale, et c’est sans doute l’approche intelligente ; je ne jette certes pas la pierre à mes camarades. Un auteur parle de livres, de narration, peut-être un peu de cinéma, il cible son propos, construit ainsi son lectorat, son public, sa communauté, ce qui augmente sa visibilité, et c’est normal – être vu, c’est aussi vendre, et il faut manger.

Mais moi, je vais vous dire : j’aime les blogs à la John Scalzisa fille poste ses arrangements de charcuterie en long, large et en travers parce que pourquoi pas. Okay, CERTES, je suis le public cible pour des arrangements de charcuterie, mais quand même. Et pourtant, je peine fortement à parler de moi, je considère que les livres doivent parler d’eux-mêmes ; j’ai perdu de longue date le goût des polémiques en ligne ; je lâche quelques jeux de mots à la con sur Bluesky, des réflexions plus à chaud, mais donc : suis-je bloqué dans un paradoxe stupide avec un média fondé sur le partage alors que je suis fondamentalement bloqué sur l’idée de partage en ligne ?

Est-ce que je n’écris pas un peu toutes ces réflexions juste parce que j’ai un fucking tome 5 à finir et que chaque fois que j’alimente ce blog, je sens que je devrais employer de l’énergie créative à écrire au lieu de, heu, écrire ?

2025-07-19T08:45:24+02:00mercredi 23 juillet 2025|Expériences en temps réel|6 Commentaires

Lancement international de mon double numérique, LioGPT

Nous vivons déjà dans l’avenir, et puisqu’Internet répète sans cesse qu’il faut vivre avec son temps, c’est sans doute que c’est vrai. Vu que je bénéficie d’une minuscule réputation dans notre domaine (vous lisez ces mots, après tout), et que je travaille exclusivement pour la renommée et l’argent, j’ai décidé qu’après tout, je pouvais cumuler les deux sans aucune éthique et ne plus en foutre une en monnayant votre confiance, puisque c’est extrêmement 2025.

Je vous annonce donc, avec une fierté égocentrique venue de mon maître à penser Elon Musk, la naissance d’une produit révolutionnaire, un double numérique entraîné à parler et surtout écrire comme moi, pour ne plus avoir à écrire une seule ligne parce qu’au fond, c’est quand même un peu chiant tout ça : LioGPT ! (Abréviation de Language Interface Opportunistic Grift Product for Teams.)

L’interface de LioGPT, intelligence artificielle tellement révolutionnaire qu’on la croirait complètement vraie

Mais quel est l’usage de LioGPT, me direz-vous ? Mais quelle importance ? C’est une intelligence artificielle, cela ne vous donne-t-il pas tout de suite envie d’investir un ou douze millions de dollars dans ce produit ? Faut-il vraiment une fonctionnalité ? N’est-il pas suffisant de juste mettre un gros macaron « IA » sur une photo pour gagner cinquante points au NASDAQ ? Vous m’emmerdez.

Voilà, c’est bon, vous êtes contents ?

Allons, chers partenaires, car voyez-vous, je ne vous considère pas comme des clients, ni même des utilisateurs, mais comme des partenaires, c’est important pour nous, à Lionel Davoust Corporation Global Endeavours ®, chaque personne est unique, comme l’indique ses numéros de ticket de support technique, donc, chers partenaires, LioGPT permettra un unique éventail de fonctions révolutionnaires aptes à transformer le champ d’application du savoir dans l’entreprise, et tout cela pour seulement 299$ par an, early bird pricing avant la formule Absolute Pro™ à 4999$ par mois. Vous ne voulez pas rater cette opportunité unique d’avoir dans vos atouts de productivité professionnelle LioGPT, mon jumeau numérique, capable, entre autres, de répéter à intervalles réguliers les mêmes citations qu’il dit tout le temps sous forme de notification multimédia dans votre appareil de réalité augmentée, de confondre systématiquement la droite et la gauche, et d’inventer de A à Z des sources d’articles scientifiques qui n’existent pas.

Dans un souci de transparence absolue, et surtout parce que la règlementation européenne m’y contraint, ce qui me permet de me donner une apparence totalement vertueuse pour un truc que j’aurais pas fait sinon, il me paraît importante de détailler les sources de données entrant dans l’entraînement de cette application game changer. LioGPT est nourri sur la base d’une immense diversité de données, pour offrir le meilleur service à ses utilisateurs, suivant par là-même les pratiques établies par tous les grands ténors du domaine. Les sources incluent :

  • L’intégralité de mon travail, romans, nouvelles, ce blog, mais aussi textes inédits, interventions en tables rondes et interviews, dessins de quand j’avais quatre ans car mon génie apparaissait déjà
  • Des dizaines de téraoctets de livres et articles téléchargés illégalement, parce que tant qu’à me la raconter et piquer le boulot des autres, autant me faire passer pour Ursula Le Guin
  • Trois cents heures de pleurs d’enfants travaillant dans les mines de terres rares servant à la confection des smartphones
  • Un recueil extensif d’insultes tuvalaises face à la montée des eaux causée par la crise énergétique aggravée entre autres par l’intelligence artificielle

Le tout pour apprendre en vain à ce produit purement statistique une vague apparence d’empathie afin de vous installer dans un état de totale dépendance affective car vaut mieux encore ça qu’affronter le monde qui part en sucette, et plutôt que de vous proposer des solutions, ne vaut-il pas mieux empirer la chose pour vous siphonner un max de thune ? Ça sert à rien qu’on soit tous les deux malheureux, vous et moi. Tous ensemble, nous pouvons nous mobiliser pour que moi, au moins, je vive dans le confort.

Dispo dès aujourd’hui sur iOS, Android et OS/2 Warp.

2025-03-25T15:38:01+01:00mardi 1 avril 2025|Expériences en temps réel|3 Commentaires

Alors que les réseaux classiques implosent, qu’est-ce qu’on va faire ?

Sondage parfaitement non-scientifique balancé au coin de Twix un soir où, constatant que les réseaux classiques sont tous plus irrespirables et/ou devenus difficiles d’utilisation les uns que les autres, je me demandais vers quoi nous pourrions nous tourner :

Qu’est-ce que je fous sur ces plateformes dont je dis périodiquement du mal ? Deux raisons : d’une, c’est génial de parler à des gens, à vous toutes et tous, de pouvoir faire des rencontres virtuelles que le présent site, bien qu’il reste mon canal en ligne fétiche, ne peut plus susciter en 2023 ; de deux, l’aspect salon littéraire permanent (évoqué ici).

Pour le premier aspect, je crois que Twix est condamné à moyen terme (et c’est bien parce que j’ai juré que je ne ferais plus la girouette que j’y suis encore, mais Phony Stark me donne des boutons – j’attends qu’il rende le service payant pour avoir enfin une excuse de me barrer), et je trouve Facebook devenu inutilisable au possible, et de toute façon on sait que c’est pour les darons. Mastodon a pas mal calé, en revanche Bluesky (j’y suis, au fait !) est prometteur, mais très, mais alors très très basique pour l’instant.

Que peut-on créer comme communauté sympa de nos jours, qui ne soit pas inféodée à un service qui te vampirise tes données personnelles et/ou appartient à un fou furieux qui attaque en justice les chercheurs étudiant la désinformation sur sa plate-forme, et qui ne nécessite pas une armée de modérateur.rices pour la tenir en un seul morceau ? Vivement qu’on devienne tous Borg, tiens.

2023-10-25T07:20:04+02:00mercredi 25 octobre 2023|Expériences en temps réel|6 Commentaires

Entrez dans ma cave

Approchez, approchez ! Petits et grands, venez, approchez et contemplez le cirque tragicomique d’une vie d’accumulation en partie due à un trouble obsessionnel compulsif ! Cela, et aussi le fait que, toute ma vie, j’ai eu la possibilité de déménager soit dans un logement plus grand, soit avec une plus grande cave, me permettant de conserver perpétuellement des cartons dont le contenu m’était devenu aussi mystérieux que l’inconscient d’un des premiers patients de Sigmund Freud.

Bref : j’ai déménagé au bout du monde. Et chaque mètre cube coûtant là en revanche une tranche de rein, il m’a fallu opérer un tri drastique, l’occasion également de retrouver quelques merveilles crues oubliées, de la documentation et du matériel accumulés en des époques aux mœurs différentes, et même, quelques fragments de passé étrangement prescients.

Approchez, approchez, et entrez dans un voyage dans le temps personnel et vain ! Mais précieux, car c’est le mien !

La technologie, c’est plus ce que c’était (ou bien si ?)

Regardez ! Regardez comme on se guidait et s’orientait en cet âge de pierre où l’on utilisait encore du papier pour, par exemple, rédiger sa liste de courses – comme des animaux ! Et regardez, y a des prix en francs !

Le plus étrange est que Momox m’a proposé de les racheter 1€ pièce. Il doit exister une secte collectionneuse de vieilles cartes, à la recherche du DaVinci code dans les souterrains du port des Minimes.

Mais, fantastique, ces plans recèlent également d’absolues splendeurs promouvant la technologie du futur : le téléphone en mobilité, grâce à ce fleuron qu’est… la cabine ! Avec des télécartes !

Internet étant d’ailleurs la technologie en plein essor du moment, à laquelle on peut accéder à la vitesse étourdissante de sa ligne téléphonique grâce à un modem qui, comble du raffinement, fait aussi Minitel ! Le meilleur des mondes ! Extraordinaire : ordinateur éteint, recevez et stockez vos fax ! Inclut la version complète de Netscape Navigator 3 ! Je suis étourdi.

Mais qu’allait-on bien pouvoir faire avec tout ça ? Il fallait bien de l’espace pour stocker les données récupérées à très haute vitesse sur les autoroutes de l’information. Heureusement, tout pouvait être réglé avec l’essor des disques durs externes. 20 gigaoctets ! Oh là là, avec tout ça, je pouvais bien stocker l’intégralité de ma musique la graver en mp3 à destination de mon baladeur CD.

(J’ai la tête qui tourne en considérant que ma GoPro stocke aujourd’hui cinquante fois d’espace sur une carte SD plus petite que l’ongle de mon petit doigt.)

C’est marrant (ou pas) de voir qu’en 2004, au-delà de cette nouveauté brûlante qu’est Windows XP, on testait déjà des systèmes de visioconférence. En grand écran s’il vous plaît.

Bon, on arrête les conneries.

Parce que j’ai quand même du vrai joli vintage d’origine. Non mais.

Heureusement, à l’époque, je savais tout de l’avenir. Ou pas. Le bouquin a accumulé les années tandis que je remettais perpétuellement sa lecture.

Oups.

Bizarrement, celui-là, Momox n’en a pas voulu.

Le grand carousel de mon passé chevelu

Ah, mais, auguste lectorat ! Chers grands et petits visiteurs ! Le cirque n’est pas complet tant que je ne vous ouvre pas, dans toute sa touchante vulnérabilité, l’amusement de mon propre vintage, que nous ne soufflons pas ensemble la poussière d’une vie stockée à la cave dans les diverses ramifications qu’elle a pu prendre pour terminer en méandres tantôt vivaces, tantôt asséchés.

Amusons-nous déjà que quarante ans plus tard, on puisse retrouver ceci :

QUARANTE ANS BORDEL

Alors hein, avec vos carnets de correspondance digitaux, là, je me MARRE, vous ne pourrez jamais retrouver vos PDF à la cave AHAHAH

Bon heu, bref

Je sais évidemment que j’avais toujours voulu être biologiste marin, je blague régulièrement que je voulais être commandant Cousteau mais que la place était déjà prise, en revanche, visiblement, j’avais vraiment écrit à la fondation dans un probable moment de désenchantement quant à une future orientation professionnelle, et figurez-vous que ces gens répondaient vraiment, avec de la vraie doc attachée, et que là quand même, c’est limite une mission de salut public.

Je vous dirais que retrouver ça m’a ému un brin. Y figurait le centre de recherches de La Rochelle où, sept ans plus tard (en 2000), je me retrouvais en stage de fin d’études.

Reprenons. Plus tard, j’étais donc en prépa maths sup bio, et comme un livre c’est sacré et que ça ne se jette pas, ça se vend ou se donne, on se trouve bien emmerdé quant on est écrivain professionnel et qu’on retrouve à sa cave ce genre de chose :

Nan parce que j’ai bien regardé, ça n’a rien d’un traité sur la typographie, hein, c’est plein de symboles cabalistiques que j’ai compris jadis mais qui aujourd’hui ne m’évoquent que le Necronomicon, donc dans le doute, j’ai préféré remiser ça avec mes ouvrages sur les espaces non-euclidiens (vous l’avez ? Subtil. Je suis fier.)

Il y a aussi des trucs qui énervent et consternent. Dans ma documentation papier de l’époque (assez conséquente – bon dieu, que l’invention du PDF a été une bénédiction pour les forêts), j’ai retrouvé des machins du genre :

Il en faut encore, vingt ans plus tard, pour contester et chouiner, alors que CNN, donc un média fort obscur, disait déjà que le changement climatique était « évident ». Qui aurait pu croire le débat scellé à l’époque, hein ?

Dans les mêmes eaux, visiblement, mes copies de français de prépa avaient déjà tracé ma future carrière d’écrivain. Si La Succession des Âges est à la bourre, ne cherchez plus, ma prof de français m’avait déjà cerné en 1998 :

Vous remarquerez l’exercice de haut vol qui consiste à pouvoir diluer un résumé. Et ça, c’est la marque des plus grands, parfaitement.

Mais heureusement, j’allais devenir étudiant ensuite, et WAOUH J’AI CARRÉMENT VINGT ANS, roulement de tambour chers petits et grands, préparez-vous à la tronche correspondante, on ne rigole pas, ou du moins pas assez fort pour que je vous entende depuis l’Australie :

Le joyau de l’exposition

Chers amis ! Petits et grands ! Il est temps pour moi à présent de vous révéler le joyau de cette exposition, la splendeur suprême qui, lors de ma redécouverte, m’a plongé dans un ahurissement si abyssal qu’il m’a fallu l’évacuer d’un rire si vaste que ma voisine a tapé sur son plafond avec un manche à balai.

Mes amis ! Replacez-vous il y a trente ans, dans un contexte innocent, bien avant la démocratisation d’Internet et l’inévitable explosion de mauvais esprit, de débauche (et carrément de criminalité) qu’il a charrié dans son sillage. Fut un temps, mes amis, où pour le grand public, les mots s’employaient juste à leur premier degré, sans sous-entendu gras ni arrière-pensée choquée !

C’est de ce temps-là que je vous parle ; un temps où, lors de mon adolescence, je fus très engagé pour la cause animale et notamment contre l’expérimentation en laboratoire et la vivisection ; j’ai redécouvert que j’étais membre d’une association militante à ce sujet pendant deux-trois ans. Association qui, donc défendait et aimait les animaux, c’était la plus stricte vérité d’un point de vue, disons… étymologique.

Association qui publiait régulièrement son journal, dont le titre… 

euh… 

eh bien… 

… disons qu’on ne choisirait plus le même aujourd’hui, hein ?

Je vous le donne en mille.

Je ne m’en remettrai jamais.

(Ah mais c’est l’ex-« jeunesse zoophile » ! Donc tout va bien !)

Au secours.

(Pour la petite histoire, une recherche rapide montre que ladite association a cessé ses activités en 1998 après vingt ans d’exercice !)

2023-07-24T09:10:53+02:00lundi 24 juillet 2023|Best Of, Expériences en temps réel|14 Commentaires

Maintenant disponible : le kit d’émergence organique de Procrastination

L’émergence organique est ce concept que nous évoquons souvent dans Procrastination, abordé récemment de nouveau par la bande dans l’épisode sur l’inconscient constructeur – une histoire, un monde et des personnages dépendent tous les uns des autres, et une des manières les plus agréables et les plus cohérentes de créer un récit consiste à laisser ces dépendances se mettre en place naturellement au fil de l’écriture.

Jusqu’ici, nous avons pu dire que l’émergence organique se construisait avec l’expérience et la connaissance de soi. Mais à présent, toute l’équipe est ravie de vous présenter enfin un raccourci miracle vous épargnant toute la difficulté d’un travail ardu : le kit d’émergence organique de Procrastination !

Avec le kit d’émergence organique de Procrastination, plus besoin de travailler vos récits, de réfléchir à votre technique, de sonder en vous-même vos intentions profondes ni de démarcher des éditeurs ! Pour un modique abonnement mensuel de 49,90€ , vous pouvez d’ores et déjà commander sur la boutique du site ce kit, qui vous rendra 85% plus génial que l’année dernière à la même heure, fera arriver les sollicitations de manuscrits directement par SMS sans sortir de chez vous et vous donnera la connaissance intuitive de Scrivener !

Mais que contient le kit d’émergence organique de Procrastination ? Ce produit révolutionnaire et particulièrement bon marché est exclusivement réalisé avec des partenaires d’agriculture durable. Il contient six grosses graines d’idées géniales à planter dans le sol, un kilo de sol déshydraté prêt à l’emploi (votre propre sol peut être employé à vos risques et périls, voir ci-dessous), de l’eau Fluenceuse™®© et un mini-arrosoir en plastique jaune. (Ne surtout pas utiliser de plastique de couleur différente ni d’eau du robinet : seule l’eau Fluenceuse™®©, conçue par un procédé secret et breveté, peut désigner les idées géniales.)

De façon générale, il a été constaté que le kit d’émergence organique garantit une productivité accrue de 54%1, en plus d’offrir la capacité mentale de convertir automatiquement les calibrages des textes entre mots et signes et la prescience absolue concernant les tendances du marché, vous permettant de savoir ce qui va vendre demain, de manière à laisser exclusivement l’argent gouverner votre carrière ! C’est pour cette raison qu’il ne faut pas voir le kit d’émergence organique de Procrastination comme un achat, mais comme un investissement.

Et quel meilleur investissement que vous-même ? Et un modeste kit d’émergence organique ?

Grosse graine d’idée géniale en cours de germination

Vous êtes sceptique ? C’est bien normal ! Mais d’autres avant vous ont fait le même achat, et leurs témoignages absolument authentiques ci-dessous sont convaincus, alors si vous ne l’achetez pas, ça veut quand même dire que vous êtes un gros loser :

⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️ – Avec le kit d’émergence organique de Procrastination, je suis maintenant un auteur de best-sellers, j’ai obtenu trois contrats d’adaptation à Hollywood, et j’ai une grosse voiture. Recommandé à 100% !

– Marc L.

Le kit d’émergence organique de Procrastination a fait de moi un véritable phénomène sur les réseaux ! Tout le monde parle de moi ! Pour mes livres, bien sûr. Pour mes livres.

– Joanne K.

Grâce au kit d’émergence organique de Procrastination et une machine à voyager dans le temps, je suis maintenant un auteur classique étudié partout en France ! Et je vais pouvoir inventer TikTok avant l’heure.

– Victor H.

Et comment fonctionne donc le kit d’émergence organique de Procrastination ? Le mode opératoire est très simple.

  1. Prenez l’une des graines dans votre main courante ;
  2. Fermez les yeux et concentrez-vous sur l’idée géniale que vous souhaitez recevoir, pour une durée dépendant de la longueur du récit souhaité (une nouvelle : 30 secondes, un roman : 5 minutes, une saga de fantasy épique : 1200 ans) ;
  3. Plantez la grosse graine dans le sol déshydraté (si vous avez du sol chez vous, il peut aussi être employé, à condition qu’il ne provienne pas d’un cimetière amérindien, auquel cas l’équipe se dégage de toute responsabilité concernant d’éventuels effets indésirables sur la santé mentale et la carrière littéraire) ;
  4. Arrosez la grosse graine avec l’arrosoir et une bonne dose d’eau Fluenceuse™®© ;
  5. Et maintenant, assez procrastiné, allez écrire.
  1. Étude indépendante réalisée par Elbakin.net.
2023-03-30T05:29:45+02:00samedi 1 avril 2023|Expériences en temps réel|2 Commentaires

J’ai demandé à des IA de générer des portraits du monde politique français version Warhammer 40,000, et je n’ai pas été déçu (non plus)

Il y a eu ce fil Twitter absolument génial, employant enfin les formidables technologies de notre époque à des fins servant l’humanité :

Sauf que comme d’habitude, il n’y en a que pour le monde anglophone. N’ayez crainte, mes amis, j’ai branché les intelligences artificielles, et j’ai du cauchemar à vous proposer. Contemplez, dans toute leur uncanny valley, ces portraits du paysage politique français générés façon Warhammer 40,000.

Nicolas Sarkozy :

Emmanuel Macron :

François Hollande :

Éric Zemmour :

Marine Le Pen :

Jean-Michel Blanquer :

Manuel Valls :

Roselyne Bachelot :

Jacques Chirac :

Lionel Jospin :

Martine Aubry :

Édouard Balladur :

Et comme je n’allais pas m’arrêter en si bon chemin, quelques bonus – Elon Musk :

Jeff Bezos :

Et comme il n’existe guère de bonne raillerie que l’on ne partage – votre humble serviteur (au secours) :

2022-11-21T06:47:08+01:00lundi 21 novembre 2022|Expériences en temps réel|2 Commentaires

Edgar Allan Poe et la philosophie de l’ameublement

Je suis au taquet sur les titres qui tabassent en ce moment, moi. Et non, ce n’est pas le titre d’un Enid Blyton perdu, mais le sujet d’une curiosité littéraire peu connue qui m’a toujours réjoui, bien loin du tekeli-li ou des corbeaux : Poe écrivait évidemment la fiction qu’on connaît, mais aussi des essais où il était, heu, parfois un peu péremptoire, dirons-nous chastement (il a notamment un foutu essai interminable et complètement barré où il prétend pouvoir percer les mystères cosmologiques de l’univers grâce à la puissance de sa raison, bref).

Ça, par contre, c’est puissamment rigolo et… bizarre : il a rédigé, entre autres trucs, un court essai intitulé The Philosophy of Furniture (disponible en ligne) d’un péremptoire total dont je n’arrive toujours pas à déterminer si c’est un énorme troll ou s’il est 200% sérieux. Les sites de référence disent que le ton est volontairement humoristique, mais quand on lit son making-of très orgueilleux du « Corbeau », j’ai quand même un gros doute.

Morceaux choisis qui ne cessent de me faire glousser nerveusement (traduction maison pour le lol) :

« Les Hollandais n’ont qu’une vague idée de la différence entre un rideau et un chou. En Espagne, ils font tout en rideaux – c’est une nation de pendus. »

The Philosophy of Furniture

Ou encore

« Le tapis est l’âme de l’appartement. C’est de lui qu’on déduit non seulement les teintes, mais aussi les formes de tous les objets afférents. Un juge de droit commun peut se permettre d’être un homme ordinaire ; un bon juge de tapis n’a pas le choix d’être un génie. »

The Philosophy of Furniture

Bref, si vous avez cinq minutes et lisez bien l’anglais, ça vaut le détour crispant et halluciné, et puis c’est toujours marrant de complexifier sa vision d’un géant littéraire. Et puis ça fait une super anecdote en cocktail. (Si vous allez en cocktail. Moi pas, j’ai un blog à la place.) À lire ici.

Oui bon écoutez c’est un article sur l’ameublement, je fais ce que je peux
2022-07-25T07:28:35+02:00mercredi 27 juillet 2022|Expériences en temps réel|Commentaires fermés sur Edgar Allan Poe et la philosophie de l’ameublement

C’est joli, épreindre

Ce que j’aime le plus dans Antidote, ce n’est pas ses modules de correction, mais la facilité avec laquelle on découvre des régionalismes oubliés ou des mots à l’étymologie surprenante (rappelez-vous « enfoiré ») (soit dit en passant, une nouvelle fois, on constate l’importance de la ponctuation à l’absence de virgule dans la parenthèse précédente, hein)

Aujourd’hui, je vous présente le mot « épreindre », qui à première vue semble une version accentuée d’étreindre, et qui, en un sens, n’en est pas si loin, quoique moins joli, et en fait, il vaut mieux ne pas épreindre les gens, sauf si vous un psychopathe, ou à la rigueur, si vous les connaissez super bien, ahem, bon, on laisse votre imagination faire le reste, CHUT IL Y A DES ENFANTS PAR ICI, et puis de toute façon on sait bien que qui trop embrasse mal épreint

Plus sérieusement. On note l’étymologie commune avec « exprimer », et combien, effectivement, il peut être nécessaire de s’essorer soi-même pour faire sortir des paroles difficiles. Amusant également, l’espagnol a parfaitement conservé « exprimir » pour presser un fruit, par exemple, verbe qui possède par ailleurs le sens figuré d' »exploiter » (tiens donc). On reste dans les mêmes voisinages, mais c’est rigolo de constater où les mots ont atterri, dans des connotations et des territoires différents en fonction des langues.

Quoi qu’il en soit, la prochaine fois dans un bar, plutôt qu’une orange pressée, demandez une orange épreinte : pour l’assurance totale de passer pour un péteux.

2022-06-03T21:33:30+02:00jeudi 9 juin 2022|Expériences en temps réel|2 Commentaires
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