Le métal est un cousin naturel de la fantasy à ce titre qu’un pan important de cette musique s’abreuve aux mêmes sources : les traditions épiques, principalement scandinaves. Les jumelages ont d’ailleurs été fréquents (Blind Guardian en tête). Cependant, si cette inspiration se retrouve fréquemment dans les textes et même dans un certain imaginaire guerrier qui nourrit la puissance du son (de Demons & Wizards à Epica), elle devient rarement une part constitutive de la musique elle-même. C’est là qu’entre en scène le pagan (ou folk) metal, qui intègre instruments traditionnels et médiévaux à des formations rock et métal habituelles. Le Pagan fest est la grand-messe de cette mouvance : on y célèbre gaiement la musique, la camaraderie, le valhalla, l’hydromel et les valkyries, et ce n’est pas tous les ans qu’on a la chance de le voir s’arrêter à Rennes, surtout avec Eluveitie et Finntroll en têtes d’affiche.

L’Antipode est l’une des plus petites salles de la ville mais probablement l’une des plus chaleureuses pour ce genre de musique, entre autres parce qu’elle est presque aussi large que longue, ce qui rapproche très vite des musiciens (je garde un souvenir ému du trio Therion / Tristania / Trail of Tears que j’avais eu la chance incroyable d’y voir en 2004). Malheureusement, pour le Pagan fest, c’est aussi un léger désavantage, car le public rennais étant plus punk que métal, une part importante se retrouver à slammer, à pogoter et à agiter des drapeaux au lieu de rester vissé en place à écouter la musique comme dans un bon concert de Dimmu Borgir. Cela dit, à ce titre, j’admets très volontiers que je suis un vieux con.

Varg

Le bal a été ouvert par les Allemands de Varg : body paint guerrier et grosse voix au rendez-vous, une exécution parfaite et des compos bien ficelées mais qui, pour moi, manquaient un peu justement de cet élément “pagan” qui constitue le but de la soirée. Varg est assurément un bon groupe efficace, mais il m’a semblé que le thème faisait pour eux plus partie du décor que d’une véritable intégration à leur programme. Une bonne performance, parfaite pour chauffer la salle, joyeuse et agréable, mais qui chasse clairement sur les plante-bandes d’Amon Amarth sans parvenir au même niveau.

Arkona

En revanche, Arkona fut clairement pour moi la grosse révélation de la soirée. Groupe russe emmené par Masha, une petite chanteuse blonde qui a plus d’énergie qu’une pile nucléaire,  passant du death au chant semi-traditionnel sans même une gorgée de bière, elle est allée chercher le public sans l’ombre d’une hésitation – et l’a trouvé. J’ajoute que c’était clairement, sur cette soirée, le groupe qui a le mieux réussi l’alchimie entre métal et tradition, en adoptant littéralement ce mode de composition pour les instruments modernes, quand d’autres se contentent souvent de plaquer des textures en guise de décor en-dehors des intermèdes instrumentaux (*ahem* le dernier Eluveitie *ahem*). Les albums sont disponibles sur Deezer, même si, hélas, la machine Arkona prend principalement sa dimension en live.

Dornenreich

L’erreur de programmation de la soirée. Dornenreich propose des ambiances minimalistes (batterie / guitare / chant / violon) à la limite du dérangeant que ne renierait pas le doom, mais pourquoi diable les avoir placés après la bombe Arkona ? Les compositions ne sont pas dénuées d’intérêt, et même empreintes par moments d’une certaine poésie désespérée, mais ce genre d’ambient aurait eu plus sa place en première ou deuxième partie de soirée, plutôt qu’en prélude aux deux têtes d’affiche. Le public n’a pas compris et l’ambiance s’est considérablement refroidie pendant ce set sans véritable présence scénique et qui, en plus, sonnait très “démo” (il manque une basse). Un groupe probablement intéressant mais extrêmement desservi par sa place dans l’événement.

Eluveitie

J’attendais les Suisses avec impatience, raison première de mon intérêt pour ce Pagan, et je n’ai pas été déçu par la performance : son parfait, instrumentistes doués comme il se doit et un Chrigel Glanzmann (chant) bien agressif et primal. Je regrette que le dernier album du groupe, Everything Remains (as it Never Was) relègue un peu les éléments folk au décor et à la texture plutôt que de les placer au centre de la composition (hormis pour les obligatoires ballades), mais ne boudons pas notre plaisir, il faut admettre que l’album (et tout Eluveitie d’ailleurs) est d’une efficacité redoutable, notamment le single “Thousandfold”, manifestement taillé pour la scène – et d’un impact jouissif. Ça envoie, et ça le fait bien.

Mais j’apprécie surtout Eluveitie pour ses ambiances plus intimes et, à titre personnel, j’ai été comblé d’entendre enfin “Omnos” en live (qui, pour la petite histoire, est une réécriture du Petit Chaperon Rouge sans la couche métaphorique).

Finntroll

Finntroll est une espèce d’OVNI du black metal, qui enchaîne rythmes effrénés et passages instrumentaux évoquant des lutins farceurs – le genre de farce qui implique une pleine lune, des crocs pointus et beaucoup de sang. Je m’attendais donc à un certain second degré voire à une franche déconnade du groupe, mais rien de tout cela : Finntroll est un groupe carré, efficace, qui prend manifestement très au sérieux le fait de mélanger accordéon, thèmes à la Danny Elfman et black metal. La prestation fut absolument irréprochable, mais petite déception malgré tout, donc ; j’espérais un show un peu barré, car c’est justement ce mélange improbable qui fait pour moi tout le supplément d’âme du groupe. Je ne sais pas pour vous, mais moi, je trouve ça vachement rigolo :

Je dois avoir un humour bizarre.