Sa première sensation fut celle d’un courant d’air – un souffle frais, vaguement nauséabond, quoique Paul ne parvenait pas à identifier pour quelle raison l’odeur le dérangeait. Nauséabond était le premier adjectif qui lui était venu à l’esprit, mais ce n’était pas exactement juste. Il se redressa sur le sol dur, sa paume calleuse posée sur des croisillons glacés – métalliques. Il tourna la tête. L’odeur était à la fois organique et âcre. Cela lui rappelait les vidanges sauvages du pick-up qu’il faisait en pleine forêt, avant… l’accident. C’était cela. Huile de moteur sur humus. Mais le sol était trop dur pour des sous-bois, et le courant d’air était continu, trop constant pour du vent. Où était-il, bon sang ?
« Il y a quelqu’un ? » Les mots avaient franchi ses lèvres avant qu’il n’ait réfléchi à la sagesse d’attirer l’attention. Il ne savait pas où il se trouvait. Seul ? Observé ? Ses souvenirs de la veille étaient flous. Où étaient-ils allés, après l’Oak’s Pub ? Vanessa avait proposé de le ramener. Ils avaient fêté l’acceptation de son dossier avec la bande, en vue de l’opération qui lui restaurerait la vision. Et après… Une migraine lui fusilla les tempes quand il voulut se rappeler ce qu’il avait fait après et il eut subitement envie de vomir. Il se plia en deux, laissant échapper un hoquet – respira lentement, éloigna ses pensées de la soirée de la veille, se concentra sur le courant d’air étranger qui rafraîchit brusquement la sueur sur son front.
Le malaise passa. Il décida de tenter un nouvel appel.
« Il y a quelqu’un ? »
Il tâta le sol autour de lui, cherchant sa canne. Rien. Il se leva, la tête légère.
On raconte que la cécité affine les autres sens, mais elle aiguise aussi, notamment et de façon curieuse, la perception de l’espace. Avant même d’avoir atteint les murs légèrement vibrants et tièdes du réduit où il se trouvait, Paul avait compris qu’il n’était pas dans une forêt. Aucune forêt ne semblait osciller lentement sur elle-même – un mouvement infime qu’il n’avait pu percevoir que debout.
Contrainte : « Un aveugle se réveille dans un lieu inconnu ». Temps : 10 minutes.
Très accrocheur, la suite vite !
Tout cela en 10 minutes ? Bigre.
Héhé, merci ! Mais il n’y a pas de suite prévue, c’était juste un exercice ponctuel…
Tiens, ça me trappelle quelque chose 🙂
Pas mal 😉 La contrainte était imposée par qui ?
Comme le dit Nico, c’est un exercice réalisé pendant l’atelier d’écriture des Imaginales que je co-animais avec Jean-Claude Dunyach et Elisabeth Vonarburg. Elisabeth donnait des contraintes aux stagiaires et comme il n’y a aucune raison qu’on y échappe, nous nous sommes pliés au jeu aussi.
Très sympa de lire ce texte après te l’avoir entendu lire pendant l’atelier, c’est intéressant de voir comment il est « écrit »: ponctuation, paragraphes and co!
(Les auteurs présents E.Vonarbourg, J.C. Dunyach et Lionel se sont prêtés au jeu en même temps que les participants pendant l’atelier écritude des Imaginales)
c’est du Davoust ^^ et quelles étaient les contraintes? juste écrire en 10 mn?
Lau Twenteas : Nope, il y avait aussi « Un aveugle se réveille dans un lieu inconnu » (je mets les contraintes en fin de texte s’il y a lieu).