Je répète que la communication ne fait pas tout, mais baisser artificiellement le prix en espérant se rattraper sur le volume des ventes et en imaginant que la communication est accessible à tous est pour moi un miroir aux alouettes – le temps des gens n’est pas extensible et diviser le prix par 10 ne promet pas 10 fois plus de ventes -, et je ne crois pas que ça aide les petits auteurs. Je crois que nous revivons ce qui s’est passé en musique. Il va y avoir une espèce de sédimentation avec les plus grosses productions tirées vers le haut, qui écrasent les autres artistes généralistes qui n’ont pas été starifiés. Seules les niches artistiques vivant sur une communauté indépendante s’en sortent encore.
Alors que les Utopiales 2012 se sont terminées il y a deux semaines, les compte-rendus et articles commencent à apparaître sur la toile et les blogs ; à vous signaler, un très long entretien réalisé avec Guillaume du blog Traqueur Stellaire, bien connu des amateurs de SF. Nous y discutons de mon parcours, d’intentions d’écriture dans La Volonté du Dragon et Léviathan, et surtout, d’Internet, d’HADOPI et des problématiques de communication autour de l’e-book.
À lire sur cette page.
[note post-rédaction: attention, réponse fleuve. Désolé, je me suis laissé emporter ^^’ ]
Wouhou, ça c’est de l’entretien !
Encore une fois, j’aime tes réponses ! Un grand bravo pour cette portion sur le numérique, l’édition et la comm’. Je galère toujours (et je me fais traiter de rabat-joie) quand j’essaie d’expliquer à quelqu’un qui veut devenir auteur auto-édité ou créateur de jeux vidéos indé (domaine où l’on trouve des problématiques similaires) que vendre à pas cher ou distribuer du gratuit pour se faire connaître en se passant d’intermédiaire, c’est se lancer dans un parcours du combattant puissance 1000.
Bien sûr que les gens, même avec peu de moyens, peuvent se permettre de lâcher 1€ pour un produit culturel, le problème n’est pas là, la question c’est pourquoi lâcheraient-ils un euro dans votre produit culturel et pas celui du voisin ? (bon, je ne suis pas fan du terme « produit », mais dans le contexte commercial de la chose, il faut reconnaître qu’il est adapté)
Le facteur limitant n’est pas l’argent, c’est le « temps de cerveau disponible »: je suis un gros lecteur, je bouffe plusieurs bouquins par semaine… et chaque semaine il en sort plus que je ne peux en lire. Étant donné (comme d’ailleurs pour jeux vidéo ou le cinéma) qu’il s’agit d’achats « a priori » (impossible de savoir si l’on va prendre le pied promis avant d’avoir « consommé », mais l’argent à déjà été « investi »), et étant donné la faible quantité de « temps de cerveau disponible » par rapport à l’offre, des choix (cruels T_T) s’imposent…
Là entrent en compte le « profil » de lecteur, et ceux que j’appellerais les « prescripteurs »: amis, bloggueurs, libraires, éditeurs, journalistes… (catégories non-mutuellement exclusives ;p ) Et, bien sûr, c’est là que se met en branle l’arsenal comm’.
Pour moi, la réelle valeur ajoutée de l’éditeur (qui fait bien son boulot), elle est là: il y a certaines maisons d’éditions qui m’ont toujours satisfait au niveau de la qualité des ouvrages par rapport à ce que je recherche, elles ont donc un nom que j’associe à une qualité… une image de marque quoi. Tant qu’elles m’approvisionnent suffisamment pour combler mon « temps de cerveau disponible » sans me décevoir, pourquoi j’irais voir ailleurs ? (bon, je simplifie à l’extrême là, il y a plein de facteurs qui déterminent ce que j’achète et ce que je n’achète pas, certains plus avouable que d’autres ;p Mais j’espère qu’on pige l’idée)
Alors oui, si on laisse le système tel qu’il est, on obtient le même résultat qu’en politique: gros moyens, grosse exposition, grosses ventes. Petits moyens, tu tiens à la passion ou tu meurs, avec quelques success stories de temps en temps histoire d’entretenir l’espoir et de garder la machine bien huilée sous contrôle. Comment améliorer ça, aucune idée, mais si de vraies pistes de réflexion émergent, compte tenu de la récurrence du même type de problème dans une grande variété de domaines, c’est peut-être toute notre société qui pourraient en être impactée… On a donc là quelque chose qui n’est pas trivial, et qui mériterait sans doute beaucoup plus de travail autour qu’il n’y en a. Sauf que pour ça, il faut du temps de cerveau… Et le serpent se mord la queue, pendant que la mangouste se lèche les babines.
Merci Damien ! Exactement. J’ajouterais que c’est la crainte qui me vient avec le piratage : l’acte de payer et sa légitimité s’effritent toujours davantage, ce qui accentue la concentration déjà naturelle de l’offre culturelle, et réduit donc la prise de risques.