Vous avez entendu les critiques, les avis tranchés, dithyrambiques ou blasés, et vous ne savez pas encore s’il faut y aller, ni même quoi penser, car les goûts de vos amis, d’habitude si faciles à cerner, semblent s’emmêler les pinceaux, se contredire par rapport aux référentiels habituels. N’ayez crainte ! J’arrive, et je vous dis tout ce qu’il faut penser sur Interstellar, et ce sans une once de modestie ni de spoilers.
Ahem, plus sérieusement…
À moins d’avoir passé les trois derniers mois dans une caverne avec Platon, vous savez qu’Interstellar, c’est LE film ambitieux du réalisateur Christopher Nolan, connu pour Inception et les derniers Batman. (Batmen ?) Dans un Hollywood surformaté, Nolan navigue avec une aise remarquée et remarquable, mêlant avec talent effets spéciaux et scénarios plus fouillés que les standards habituels, comme en témoigne le très réussi Inception. Avec une monumentale épopée spatiale de trois heures, il est donc très attendu au tournant : Interstellar sera-t-il un classique mêlant profondeur et bonne histoire ?
Le film commence dans un futur très proche, où la Terre se meurt : les fléaux environnementaux se succèdent et l’humanité a faim. Dans ce contexte de survie globale, Cooper, un ancien pilote d’essai de la NASA, tombe sur un projet spatial ultra-secret. Un trou de ver, conduisant à une autre galaxie et à des planètes potentiellement habitables, a été découvert en orbite de Saturne. Il faut y envoyer un équipage réduit pour chercher une planète candidate à la colonisation humaine, mais avec les effets de dilatation temporelle dus à la relativité, il pourrait bien s’agir d’un voyage sans retour. Cooper, déchiré entre l’appel des étoiles et l’attachement à ses enfants, finira par partir pour le plus vaste inconnu qui soit.
Interstellar connaît son ascendance, c’est visible, mais ne se contente pas de l’hommage : il y a une réelle volonté de pousser plus loin le film d’exploration spatiale prospective que le monument 2001, l’Odyssée de l’Espace, et ce en se fondant sur le savoir astrophysique, les problématiques et les moyens cinématographiques des années 2010 (odyssée deux ?). Les accords d’orgue prolongés de Hans Zimmer ramènent à Strauss, les robots assistant l’équipage rappellent régulièrement que leur obéissance est absolue (histoire qu’on ne craigne pas une resucée d’HAL 9000). Et c’est clairement sur le niveau visuel, sur la grandiloquence et la splendeur des plans spatiaux, sur leur lenteur (relative, nous sommes au XXIe siècle) et leur vraisemblance (pas de bruits dans l’espace ; tous les corps sont physiquement isolés) qu’Interstellar est le plus réussi. Le vertige de l’immensité spatiale, son hostilité, sa froideur, les distances incommensurables que l’univers met en jeu, tout est palpable pour le spectateur, le prend aux tripes, le colle à son siège, le déracine de ses repères familiers et il peut entendre un écho de ses propres pensées quand l’un des explorateurs déclare en tremblant : « nous ne sommes pas faits pour venir ici. » Sense of wonder, vertige cognitif, Interstellar est un bijou de ce point de vue ; et très peu de films y sont parvenus avec un tel brio (il faut dire qu’ils sont rares à s’y être essayés).
La production martèle qu’un astrophysicien, Kip Thorne, a été associé à l’écriture afin de proposer une représentation aussi réaliste que possible des phénomènes dépeints (trou de ver, trou noir) et de garantir la fidélité à la relativité générale, notamment aux effets de dilatation temporelle dus à l’accélération d’un corps1. Oui, c’est (globalement) cohérent, mais de là à qualifier Interstellar de hard science comme je l’ai vu ici ou là, il ne faut pas pousser, on n’est pas chez Bear ou Benford. Il faut toutefois louer l’effort de didactisme, invisible, accompli dans l’écriture, pour porter ces notions au grand public, et elles sont mises en jeu de manière assez juste. On pourrait en revanche s’interroger sur le fait que la relativité générale, une théorie âgée d’un siècle et fondamentale à notre compréhension du monde, soit aussi méconnue du grand public, au point que les critiques généralistes se renversent de l’intelligence du film.
Parce que c’est un peu là que le bât blesse. Interstellar est un beau film ; Interstellar est un film vertigineux : Interstellar est un vibrant plaidoyer pour l’exploration spatiale, en nous ramenant à la nécessité fondamentale d’explorer ce qui nous entoure (et peut-être de sauver notre peau en nous trouvant une planète neuve au lieu de nous éteindre bêtement sur celle que nous avons abîmée) ; rien que pour cela, il mérite un profond respect. Mais s’il y a une chose qu’Interstellar n’est pas, c’est un film intelligent.
Il n’est pas question de fustiger la potentielle vacuité des réflexions philosophiques sur la survie, sur l’amour, sur la cohésion de l’espèce, sur les impératifs évolutifs qui gouvernent encore les pulsions humaines ; il me paraîtrait bien ingrat de le faire, dès lors qu’on se rappelle qu’un film tel qu’Interstellar est avant tout une oeuvre de narration et non philosophique, et que les questions qu’il pose sont de toute façon très efficacement véhiculées par l’image et le scénario seuls. Interstellar est un film long, mais il n’est pas ampoulé par ses dialogues, par la tentative de pensée qu’il s’efforce d’introduire, et qui, bien que superficielle, tient la route.
Interstellar patine hélas à cause de stupides erreurs narratives, de facilités et surtout d’occasions manquées qui sont regrettables quand on voit l’envergure du film par ailleurs. Sans dénaturer l’intrigue, si la production a embauché un astrophysicien pour bétonner le scénario, il aurait été judicieux d’ajouter un agronome et un océanographe. La famine subie par la Terre est soit mal expliquée, soit ne tient pas debout ; quant aux vagues hautes du plusieurs kilomètres qui traversent régulièrement une planète-océan qui semble profonde de vingt centimètres, et ce sans provoquer le moindre ressac, euh… Et passons sur la mécanique des communications dans le trou de ver qui change en fonction des exigences du scénario, des décisions parfois absurdes prises par l’équipage…
Mais admettons tout cela au nom de la volonté de l’histoire. Plus dommage, et plus décevant, alors qu’Interstellar s’efforce d’offrir une réflexion poussée sur la place de l’homme dans l’univers, les personnages qui la portent dégénèrent à grande vitesse en des clichés tout juste bons à servir d’antagonistes ponctuels, au cours d’effets narratifs qu’on sent venir à cent mètres. Tous ces astronautes, scientifiques de haut vol, triés sur le volet, volontaires pour leur mission, craquent de façon un peu trop systématique : d’accord, on a compris, l’espace, c’est grand et ça fait peur, mais il aurait été bien plus émouvant de voir ces gens lutter pour garder leur sang-froid et se fissurer peu à peu qu’exploser régulièrement comme des divas. Et là, alors que c’est une pierre angulaire du discours, c’est rageant. Et nous éviterons de regarder de trop près les dix dernières minutes, qui tiennent probablement à ce stade de la figure imposée par le cinéma moderne à gros budget, mais regrettons-les un peu quand même, discrètement, là, comme ça.
De façon plus vaste, le défaut majeur d’Interstellar est peut-être sa conclusion, sa chute, le gros PAIEMENT de la promesse narrative du début du film. Soit je deviens blasé, ou bien intellectuellement surpuissant (oui, voilà, c’est forcément ça), mais je peine à comprendre comment un spectateur vaguement attentif, et surtout passionné d’imaginaire, ne pourra pas la voir venir dès le premier quart d’heure, conclusion appuyée lourdement par des mises en place, répliques disséminées ici et là avec la subtilité d’un monolithe noir. Interstellar place le spectateur dans une drôle d’oscillation continuelle, entre « ouaaaah c’est beau, c’est grand, j’ai peur » et « ah, bon, ça y est, merci, j’ai compris depuis une heure : la suite, svp ».
Suis-je assassin ? Suis-je en train de te dire, auguste lectorat, qu’Interstellar est un gros pavé bouffi sans intérêt et que la SF vaut mieux que tout cela ?
Eh bien, certainement pas, et même tout le contraire. Interstellar est un film majeur, peut-être un futur classique – ce qu’il mérite. Mais attention, ce n’est pas un grand film, comme le sont Bienvenue à Gattaca, Blade Runner ou L’Armée des douze singes. Mais c’est un film marquant, notable, un jalon de l’histoire de la science-fiction. J’irai jusqu’à affirmer qu’on peut le désigner comme successeur au trône symbolique occupé par 2001.
Sacrilège ? 2001 était un jalon marquant, longtemps inégalé, qui a atteint le statut de culte, et donc, par là-même, considéré inégalable par beaucoup. Mais – au risque d’égratigner la statue – descendons un peu de nos piédestaux de hauts intellectuels. Franchement, sérieusement ; à sa sortie, qui a pigé la fin de 2001 ? Qui, avant que les big dumb objects comme le monolithe noir ne deviennent un trope répandu du genre, avait instantanément pigé le lien entre l’os lancé en l’air par le primate et le fondu vers le vaisseau orbital humain ? Soyons sérieux deux minutes. 2001 est un classique, une oeuvre majeure, mais nous savons tous que, quand on en parle à un non-spécialiste, il dira qu’il n’a pas très bien compris ce qu’il a vu (en termes plus ou moins châtiés). 2001 – en tout cas son dénouement – est incompréhensible sans explication de texte ou sans avoir lu le livre de Clarke. La vénération de l’oeuvre, dirais-je, découle aussi de ce plaisir d’initié : 2001 est un chef-d’oeuvre, parce que moi, je l’ai compris, et c’était tellement en avance, vous comprenez.
2001 est donc, à mon humble avis (qui me vaudra peut-être le bûcher2), une oeuvre majeure, splendide, puissante, mais aussi puissamment imparfaite.
Interstellar l’est aussi, quoique pour d’autres raisons. Interstellar pousse plus loin le vertige spatial, le réactualise, offre une oeuvre d’une grande cohérence (jusqu’à ses défauts) et présente l’immense avantage de l’intelligibilité. Ergo : allant plus loin, c’est un successeur, moderne, à la hauteur de 2001. Et un film qu’on peut montrer à quasiment n’importe qui pour parler d’espace, de l’importance de son exploration, pour le faire voyager et frémir, sans qu’il vous regarde à la fin avec un air mi-bovin mi-contrarié. Interstellar est une grande contribution à la science-fiction et à son accessibilité. C’est un film majeur.
Mais, eh bien, cela n’en fait pas un chef-d’oeuvre pour autant. Et c’est, malgré tout, un peu dommage.
- Si vous n’êtes pas au top, lisez les livres de la série La Science du Disque-monde, tout y est très bien expliqué et de façon plus drôle que chez Stephen Hawking, et oui, je sais, je les ai traduits, mais c’est bien pour ça que je peux en parler. ↩
- Et je rappelle, pour mémoire, ma grille de lecture critique : parte ouane, parte tou. ↩
Bien d’accord. Après, je considère qu’un film est intelligent à partir du moment où il s’adresse pas à la stupidité collective, donc je suis peut-être large dans mes accolades. ^_^
Quand tu écris « Interstellar … offre une oeuvre d’une grande cohérence », je m’interroge sur le média cinéma (ou vidéo) qui nous envoie des successions d’informations organisées pour être crues sans recul : le temps file, l’action progresse, la suspension d’incrédulité nous est presque imposée par le débit sans recours au sens critique. A moins de n’être pas « entré » dans le film, ou d’en être sorti.
C’est en y repensant que toutes les énormes incohérences du scénario me sont apparues. J’ai cherché à les expliquer par une volonté de l’auteur d’exciter la réflexion du spectateur (comme dans certains passages de Inception), mais je n’ai pas trouvé la clé. Quand il faut une fusée à trois étages pour arracher une navette de l’attraction terrestre au début du film, puis qu’un coup d’accélérateur de la même navette suffit à quitter une planète présentée comme ayant une gravité supérieure à celle de la Terre, j’ai beau chercher, je ne vois aucune explication logique autre que « sans ça, le film s’arrêtait là, donc le scénariste ne s’en est pas préoccupé et a fait taire l’astrophysicien qui lui faisait remarquer cette incohérence ». Dans Star Wars, on décolle ou atterrit comme on veut sur n’importe quelle planète ou astéroïde tout le long de la série, c’est cohérent. Dans Interstellar, cela dépend si l’auteur veut « faire vrai » ou « faire vite ».
Mais surtout, en tant que spectateur on est happé par la succession d’événements et il faut faire un effort particulier pour s’extraire du flux et questionner ce qu’on voit. En cela, Interstellar offre un exercice critique particulièrement intéressant.
@Laurent Bien vu pour la fusée à 3 étage VS le vaisseau. Moi ce qui m’ennerve le plus dans ce films ( que j’ai adoré, d ‘autant plus que pour une fois je l’ai joué réglo et je suis allé le voir au ciné) ce sont les « faux » moment explicatif, ou les heros se racontent mutuellement les théories de la relativité, je ne vois pas comment l’auteur aurait pu s ‘en passer (profiter des videos du musée pour diffuser un reportage pour les enfants? ), car c ‘est vrai qu’on est pas tous au point sur ca, mais ca casse le rythme . Et dernier point, c’est en effet chiant de savoir des les 30 premieres minutes de film comment ca va se finir, Nolan on commence a le comprendre 🙂
Hm… « Les accords d’orgue prolongés de Hans Zimmer ramènent à Wagner… » Strauss, non, plutôt?
Petite précision historique. Lionel Davoust écrit: « 2001 – en tout cas son dénouement – est incompréhensible sans explication de texte ou sans avoir lu le livre de Clarke. La vénération de l’oeuvre, dirais-je, découle aussi de ce plaisir d’initié : 2001 est un chef-d’oeuvre, parce que moi, je l’ai compris, et c’était tellement en avance, vous comprenez. » C’est vrai que cette fin nécessite une réflexion, mais à l’époque, elle a été faite et bien diffusée: nombreux articles notamment dans « Fiction » et « Galaxie », livre d’analyse remarqué (« Le Foetus astral »); par la suite, le livre de Michel Ciment sur Kubrick (il y a eu plusieurs éditions–je crois bien avoir acheté la première, sortie peu après « Shining) a apporté d’autres éclaircissements.
Cela dit, pour autant que je m’en souvienne, Clarke et Kubrick étaient en désaccord sur le sens du récit et son développement; c’est pour cela que Clarke a écrit un roman d’après son scénario originel, dont Kubrick s’est écarté. Il y a des différences fondamentales entre les deux.
ça n’égalera jamais le gendarme et les extraterrestres sur n’importe quel point
Par curiosité, Jean-Daniel, quelles différences fondamentales entre roman et film ? (à part l’explosion finale des armes nucléaires dans le livre, je ne me souvient pas de différences dépassant le détail)
je viens d’apprendre en te lisant que j’ai passé les 3 derniers mois dans une caverne avec Platon. et j’en ai même pas profité pour venger les 2500 ans d’emmerdes qu’il a provoqué. putain, je m’en veux de ne pas avoir été lucide.
Je rejoins Mano Kevin Smith Hasselhoff sur les moments d’explication de texte (tu vois la feuille, quand je la plie et que je fais un trou, ça fait un cercle, en 3D ça fait une sphère) que j’ai vraiment vécu comme des parenthèses « tutos » qui rompaient la fluidité du truc. Et je suis assez d’accord sur la fin, qui fait un peu flop, on se serait arrêté après que la bibliothèque se soit évaporée que ça ne m’aurait pas gênée.Ce que je trouve intéressant dans ce film, c’est justement que j’ai pas envie de chercher ce qui est cohérent ou ce qui ne l’es pas…J’ai envie de laisser tel quel ce petit voyage dans l’espace qui m’a foutu un bon vertige et m’en a mis plein les mirettes.
Je trouve malin aussi de ne pas avoir mis Matt Damon à l’affiche, ça fait son petit effet. (« Mais putain, on peut pas avoir un petit plan sur la photo du fameux Dr Mann histoire de voir un peu sa gueule ?! C’est scandale « ).
Du coup Lionel, je ne suis pas déçue par ta critique. Elle sonne juste à mes oreilles. Je peux reprendre une existence normale 🙂
Au passage, je note : » Tous ces astronautes, scientifiques de haut vol, triés sur le volet, volontaires pour leur mission, craquent de façon un peu trop systématique ».
Euh, reprenons depuis le début : sur un équipage de quatre personnes, nous avons un pilote à la retraite dont le dernier vol s’est achevé par une sorte d’écrasement (mais qui est retenu parce qu’il ne reste personne avec autant d’expérience de vol) et la fille du patron. Donc, dans 50% des cas, le tri a été, euh, rapide. Les deux autres membres de l’équipage ne survivent pas, mais, de mémoire, ils ne craquent pas. Quant au personnage joué par Matt Damon, il a craqué au bout de plusieurs mois de solitude à peu près totale. Il n’y a pas de quoi lui jeter la pierre.
Dans _2001_, c’est l’ordinateur qui avait craqué. Dans _Interstellar_, ce sont les gens. Ce n’est pas inintéressant.
Je me suis également posé des questions sur la vague vertigineuse de la première planète. Et c’est difficile d’expliquer l’utilisation d’une navette plutôt que d’une fusée à étages pour décoller. Cela dit, je préfère ne pas me prononcer tant que je n’aurai pas fait les calculs requis. Une planète qui tourne, même à la distance de Mars ou Jupiter, autour d’un trou noir qui a la masse de cent millions de Soleils (ou plus?), ça pourrait générer une force centrifuge non-négligeable, ou des effets intéressants dans l’axe qui relie les centres de masse de la planète et du trou noir. Et même si une vague quasi lamellaire semble improbable à nos yeux de Terriens, les conditions décrites sont si exotiques que j’hésite un peu.
Laurent Gidon: Je ne me souviens plus des détails. Il faudrait que je retrouve les articles d’époque dans « Fiction » et « Galaxie ». Je les ai à portée, mais je suis occupé à autre chose pour le moment.
Jean-Louis : « Une planète qui tourne, même à la distance de Mars ou Jupiter, autour d’un trou noir qui a la masse de cent millions de Soleils (ou plus?), ça pourrait générer une force centrifuge non-négligeable » Peut-être, mais cette planète nous est présentée comme ayant 130% de la gravité terrestre. On se demande pourquoi, d’ailleurs, mais bon…
Aaaah oui, effectivement, le petit lander qui redémarre pépère des exoplanètes, ça m’avait aussi choqué sur le moment. Quand je parle de cohérence, c’est visuelle et narrative. Niveau scénario, il ne faut pas regarder trop près.
Patrick : Bon, sang, oui. Au temps pour moi. Je pensais Zarathoustra => Nietzsche => Wagner. Honte.
Jean-Daniel : Merci pour cette précision historique! Effectivement, à ce que j’en sais, Clarke et Kubrick étaient en désaccord. Il n’empêche: sans ces sous-titres, comme lors des diffusions régulières de 2001 à la TV dans les années 80, le film est abscons.
Jean-Louis : J’ai aussi pensé à des effets de marée, mais il reste deux problèmes qui me semblent rendre la chose fondamentalement impossible:
– Même si c’est une onde de houle parfaite, il me semble impossible que les astronautes ne ressentent pas un effet de traction à son approche (un sacré courant vu l’envergure)
– Plus rédhibitoire: une vague casse dès que la profondeur est très inférieure à sa longueur d’onde; elle devrait donc avoir cassé depuis longtemps (longueur d’onde de l’ordre de qq km, profondeur de qq dizaines de cm…).
Flûte, je m’y perds : qu’est-ce que la cohérence narrative, si elle ne s’applique pas au scénario ?
Cohérence de discours, visuelle et d’atmosphère… si forte qu’elle te fait (presque) oublier le reste 😉
Sacré presque, il m’a bien eu !
Jean-Louis Trudel amha la force centrifuge est hors propos dans ce cas, peutimporte la vitesse à laquelle tourne la planete. c ‘est sa masse qui te colle au sol. De la meme facon en ce moment meme le fait que la terre tourne tres vite sur elle meme ne t’aide pas a te lever de ta chaise. Dans le cas d ‘une fronde, tu utilise la force centriguge pour envoyer ton caillou tres loin, mais c ‘est seulement au moment ou tu lache l’un des bout de la corde que ca part : c’est comme si tu rompais la gravité d ‘un coup. my 2 cents
Non, la force centrifuge entre bel et bien en ligne de compte. C’est une des raisons pourquoi on préfère lancer nos fusées de régions équatoriales.
Alors Nolan aurait dû nous l’expliquer avec une jolie feuille de papier, comme pour le trou de ver.
@jean-louis trudel Oui tu as raison.
Évidemment, je parle pour la Terre de la force centrifuge due à la rotation de la planète. Pour le monde d’_Interstellar_, il s’agirait de celle due à la révolution de la planète autour du trou noir : dans notre système solaire, elle est infime. A vrai dire, je doute qu’elle compte vraiment pour _Interstellar_, mais je ne me prononcerai pas avant d’avoir fait les calculs.
Alors, il y a beaucoup plus à dire que cela, mais une petite chose m’interpelle à propos des marée.
Je l’admet tout net, je suis très mal placé pour commenter le fonctionnement de ces vagues géantes… mais notre compréhension de ces vagues est, si je ne m’abuse, basée sur l’observation sur notre planète.
Donc, une planète de taille et de masse différente, couverte d’un liquide qui n’est jamais scientifiquement annoncé comme identique à l’eau de la Terre, et soumise à l’effet assez particulier d’un trou noir relativement proche, donc les effets sur la gravité notamment peuvent être, j’imagine, divers ; cette planète donc, ne pourrait en aucun cas présenter un phénomène de ce type ?
J’veux dire, Nolan rend très didactique l’apprentissage par le grand publique de certaines notions scientifique, mais il n’apporte aucune réponse ni aucune explication concernant ces marées. Au final, ce qui me semble être le plus gênant ici, ce n’est pas que ce soit possible ou non. C’est que livré à lui même, le spectateur se raccroche nécessairement à ces connaissances propres, qui le ramène aux vagues de nos mers et océans. D’où le sentiment d’incohérence.
Les calculs de Jean-Louis vont être durs à faire, puisque de l’autre côté du trou de ver les distances semblent n’avoir aucune importance : il faut 18 mois et un effet de fronde gravitationnelle pour aller de la Terre à Saturne, mais de l’autre côté c’est juste une question de fuel et d’heures pour passer d’une planète à l’autre.
Lionel : tu raisonnes en terme de vagues, mais une marée n’est pas une vague, c’est (loin des côtes et de tous les facteurs compliquant les idéaux mathématiques) une déformation de la surface de la planète.
Laurent : il faudrait que je revoie le film, mais j’avais eu l’impression qu’on pouvait supposer qu’ils se mettaient en hibernation entre les planètes, mais qu’on ne le montrait pas.
De fait, je n’aurais pas dû employer le mot (vague). 🙂
Jean-Louis : Mais on ne nous parle pas de marée, justement (je sais ce que c’est 😉 ), c’est présenté (si je me souviens bien) comme une vague, et ça en a les caractéristiques (train de houle, pour être exact).
Jean-Louis : dans ce cas, la relativité temporelle aurait dû jouer pendant l’hibernation et il y aurait eu beaucoup plus de 23 ans d’écart entre Cooper et sa fille… comme après son retour d’ailleurs. Même la relativité semble ne fonctionner que quand le scénario en a besoin.
Il manque au film au moins un bon diagramme avec le trou noir et chacune des planètes bien identifiées. Je ne me souviens que du diagramme avec le trou noir et la première planète. Du coup, il m’a semblé possible que si la seconde planète était plus éloignée du trou noir, la relativité ne jouerait plus qu’un rôle mineur.
Et dans ce cas, longue hibernation… nulle part mentionnée.
L’ellipse est un outil narratif sous-estimé par de nombreux auteurs…
Il faudrait revoir le montage parallèle entre ce qui se passe sur Terre (la mort de Brand, le passage de la fille de Cooper à la ferme) et de l’autre côté du trou pour vérifier si on peut y intercaler cette ellipse. Qui se dévoue pour revoir le film ?
C’est assez peu courant pour le souligner, mais je suis majoritairement en accord avec toi ;p Je sais, ça te fait une belle jambe o/
Je vous trouve bien gentils, tous. Pour moi Interstellar n’a rien d’un film majeur, je n’ai pas particulièrement été émue par ses images et la « cohérence » du scénario m’a fait repenser à Prometheus — scientifiquement ça reste aberrant quoi qu’il ait pu être dit. C’était un long patchwork de genres dans un film voulait ressembler à la fois à Contact et à 2001 sans égaler, et de loin, ni l’un, ni l’autre. J’ai le sentiment de m’être fait arnaquer.
J’avais dit que je ne ferais pas la recension (fastidieuse) des incohérences scénaristiques : l’OC s’en est chargé, et en plus c’est drôle.
http://odieuxconnard.wordpress.com/2014/11/14/interstellar-le-script-aux-trous-noirs/
L’intro de Christopher Nolanb en Comic (7 toutes petites pages), qu’il a bien fait de ne pas inclure dans la réalisation, cela aurait gâché beaucoup : http://www.wired.com/2014/11/absolute-zero/
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi, notamment sur 2001. 2001 est et reste Le film de science-fiction le plus abouti de l’histoire du cinéma au regard de ses explorations scientifiques, quand bien même la fin reste énigmatique pour ceux qui sont collés à une explication narrative dialoguée. Là où 2001 reste extra-ordinaire, Interstellar s’affirme comme une tentative de rationalisation. C’est vrai que c’est louable de rendre la science accessible au plus grand nombre. Mais tu sais bien que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ! » Le truc de 2001 consistait à appuyer lourdement sur le langage cinématographique comme vecteur unique de l’histoire (image et musique). Jamais Kubrick n’a compté sur l’intelligible d’une narration verbale. En revanche, Interstellar est de ce point de vue plus pédagogique, au risque d’être incomplet et donc moins rigoureux. Là où la science était poésie en 1968, en 2014, elle devient dogmatique et écologique. Ce n’est pas le même point de vue. Reste que tous les deux valent la peine d’être vu et revu. Ce ne sont de très beaux voyages, mais les points de vues sont trop différentss : le premier est anthropologique et métaphysique, le second relève d’un parti pris explicite jamais dévelloppé (les créatures de la cinquième dimension, peut-être inspirées par AI de Spielberg et Kubrick justement) et avec des références très, parfois trop appuyées de la part de Nolan qui n’étaient pas présente chez Kubrick. Chez Nolan, le dialogue est important et ne laisse personne indifférent. Ce qui en soi est un exploit pour un film de SF de nos jours. Et puis, dans le fond, je m’en fous des défauts du film. Je reverrai bien plusieurs fois toute la partie spatiale, juste pour le plaisir de repartir avec eux…