Aaaaah, monde de la science-fiction française. Viennent parfois des moments comme celui-ci où tu ne peux me décevoir, car les réactions étaient courues d’avance. J’aurais dû mettre mes prévisions dans une petite enveloppe, convier une assemblée choisie à une salle de cabaret décorée de tentures rouges, façon bordel classieux, revêtir mon plus beau smoking et puis ouvrir l’enveloppe devant cette assistance médusée. Dedans, j’aurais écrit :
L’anthologie Rêver 2074 va soulever un torrent d’amertume et de désapprobation publique moraliste, pouvant aller jusqu’à l’ostracisation des auteurs ayant participé au projet.
(J’aurais dû faire payer l’entrée.)
Et donc, ça n’a pas loupé. Pour mémoire, Rêver 2074, c’est un projet financé par le comité Colbert (association pour la promotion du luxe français) : pour résumer, une anthologie de science-fiction plutôt positive, présentant le luxe sous un jour favorable (le sous-titre annonce « Une utopie du luxe français »). L’anthologie est présentée en grande pompe, entre autres à New York, et elle est traduite en langue anglaise. Mentionnons qu’elle est gratuite. Si je résume : ce sont des gens qui ont de l’argent, qui se sont payé une anthologie de science-fiction sur le thème de leur métier, avec des auteurs qui ont choisi de jouer le jeu, et qui la présentent au monde anglophone, tout cela sans que personne ne paie rien pour la lire.
Eh bien, apprends et répète après moi, auguste lectorat : ça, c’est mal. Je ne parle pas de la qualité des textes. Je parle du projet en lui-même.
C’est mal parce que c’est financé par des gens qui ont de l’argent. C’est mal parce que ces gens représentent des produits hors de prix que seule une minorité peut se payer. C’est mal parce que c’est l’élite qui parle à l’élite, et que l’élite c’est mal. C’est mal parce que ça conforte une industrie foncièrement mauvaise dans sa position. Et surtout, ces gens, qui sont riches et donc par là-même hautement suspects, osent dévoyer la science-fiction en teintant son image pure. Les auteurs complices de ce forfait sont des social-traîtres, il faut les bannir des forums, les brûler en place publique, les inscrire à l’index et jamais plus ne les approcher – rendez-vous compte la collusion ! Ils ont travaillé avec ces gens-là ! Des gens riches – des malhonnêtes, donc !
C’est tellement français, putain. Aux États-Unis, on aurait… ah bien tiens, aux États-Unis, ils vont présenter l’antho, justement.
Remarquez bien qui paie : pas l’industrie de l’armement, pas un groupement politique, pas le nucléaire, Monsanto ni même l’industrie de l’élevage animal – oh non, non. L’industrie du luxe – c’est-à-dire un des trucs les plus superflus de la planète. C’est écrit dans le nom : le mot luxe a cette acception double. Le luxe, c’est financé par des gens qui ont de l’argent à dépenser, et ce sont des industries qui fournissent à ces gens-là un exutoire pour leurs moyens, parfois avec de la qualité, très souvent avec de l’image. C’est, par essence, le truc dont on peut se passer, potentiellement survendu, mais cela fait partie du jeu : c’est presque une notion de cote artistique – j’achète ce tableau peut-être parce qu’il me plaît, mais surtout parce que le peintre a la cote. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est inoffensif, car nulle industrie n’est inoffensive de nos jours, que ce soit économiquement ou socialement, mais quand même, bon sang, à part vendre du rêve de papier glacé sur-Photoshoppé et hors de prix, et sachant qu’il ne s’agit pas d’un produit nécessaire, je peine à comprendre en quoi certains peuvent se sentir carrément insultés par un tel projet. À part sur la base de cette tendance gauloise qui consiste à n’être heureux que si l’on possède davantage que le voisin. Je n’ose soupçonner la jalousie, car je persiste naïvement à nourrir une plus haute opinion de mes contemporains.
Bon dieu, vous êtes révoltés, vous voulez pointer les inégalités de la société ? Mais OK, d’accord ! Toutefois, qu’on me permette de penser que se scandaliser de Rêver 2074 pour cela est une révolte de canapé, aussi absurde que liker une page Facebook contre l’assemblage des smartphones par des enfants chinois en guise d’action humanitaire – et ce depuis un iPhone.
La question subsidiaire, puisque ça semble être à la mode : est-ce que j’aurais accepté de participer à ça, moi ? Eh bah ouais, carrément – qu’on me fasse donc un procès d’intention, alors. Je me serais efforcé d’introduire une part subversive (je ne sais pas si j’y serais parvenu). J’aurais eu pleinement conscience que j’allais être marqué au fer rouge du sceau de l’infamie par une certaine bien-pensance en révolte si perpétuelle sur les réseaux sociaux qu’elle a perdu de vue l’idée même d’échelle de valeur. Mais je vais vous dire : c’est probablement une des raisons pour lesquelles je l’aurais fait – parce que j’aurais eu pleinement conscience que ça emmerderait du monde.
Et pendant ce temps, je serais allé parler à New York – à des Américains – de SF française, ce qui aurait été à mon sens, qu’on m’en excuse, largement plus constructif que de déverser ma vindicte dans un sérail franco-français, qui peine à dépasser ses frontières, à alimenter son marché interne, à communiquer auprès de son lectorat en raison de la contraction toujours plus marquée des collections et de la communication. Pendant que l’excellente revue Mythologica peine à se pérenniser et lance un crowdfunding pour sortir son quatrième numéro, on jette l’opprobre sur des projets qui sont financés, se lancent, promeuvent l’existence même d’une science-fiction française dans le monde.
Hé bah, ça m’échappe, pour le dire poliment.
Je n’ai pas encore lu les nouvelles. Je ne me prononce pas sur leur qualité. Non, ce sur quoi je me prononce, c’est :
En quoi, fichtredieu, la réalisation de ce projet enlève quoi que ce soit à qui que ce soit, trahit une quelconque idéologie tacite qu’il convient de respecter (la science-fiction « convenable » serait-elle une idéologie ?), abuse son lecteur, qui ne paie rien pour se le procurer ?
Je réponds : en rien. Alors, du calme. Et si l’on veut parler de quelque chose, parlons du livre lui-même.
J’ai souvent vu passer une incompréhension, à savoir, voir reprocher à des personnes qui critique la démarche, de ne pas avoir lu les textes. Cela n’a rien à voir, me semble-t-il. A la limite même, il serait possible de trouver la démarche inacceptable, et par ailleurs trouver des qualités aux textes.
Critiquer la démarche d’un livre sans l’avoir lu me paraît parfaitement absurde, désolé. La démarche, c’est ce que ça veut dire. Difficile de se faire un avis sur l’ensemble sans vision d’ensemble. En plus, la démarche, comme le prouvent les commentaires de ce fil et d’autres, elle est puissamment fantasmée.
Ah, l’argent. Quand il est utilisé pour des bonnes choses pour tout le monde, on se félicite. Cependant ce ne sont pas les riches qui sont le sujet: c’est d’où vient -il? Comment a-t-il été acquis? par quel chemin?
ce qui gène, je pense que la plupart des riches, comme vous dites, ont du sang sur leur mains et ne l’ont pas vu. De toute façon, même si ils ont vu: ils font comment?
Et nous avec nos façons de consommer plus ou moins selon les personnalités ? Nous avons aussi du sang sur les mains. Tout est lié, Mister Mondailisation.
Nos choix n’en sont plus, nos mains et nos pieds sont liés. Alors dans ce vaste foutoir, on attend que les faillites effectives des états se concrétisent: les riches sont de moins en moins nombreux, les pauvres ou presque pauvres …. un raz de marée et ça c’est pas de la science fiction.
c’est le monde d’aujourd’hui.
Des bunkers tours de luxe …. parqués comme des abrutis dans une vie factice pendant que les autres s’étripent.
ce n’ets pas le niveau d’alphabétisme dont on devrait se préoccuper, c’ets le niveau de conscience de ce que je dis. les choix seraient tout autre/
par exemple pour Noel, pas de cadeaux, pas d’excès, pas de conso à fond … essayez vous verrez on se sent un peu moins sale.
Je ne suis pas d’accord avec toi Lionel, et j’ai expliqué plus haut pourquoi. Et puis, rien que le titre, c’est de la propagande d’un niveau orwelessque : « rêver ». Accoler le rêve au luxe, c’est bien proposer un projet de société et une vision de l’être humain basées sur l’argent et son meilleur ami, le capitalisme. Beurk…
Je n’ai jamais dit que tu étais d’accord, je sais bien. J’ai justement dit qu’on disconvenait de façon intéressante et civile, et je trouve ça instructif, ça fait avancer. Enfin, lis-moi attentivement quand je t’envoie des fleurs, merde 😉
Je parlais de ta réponse à Altairac. Toi aussi fais attention ! 😉
Ha pardon! 😉
Mais quelle polémique? Parlons de tempête dans un verre d’eau…
http://mrmondialisation.org/la-ville-qui-ose-bannir-les-panneaux-publicitaires/
Lionel Davoust: Je n’y vois rien d’absurde. si l’on considère que le motif même qui est la base du travail : ici, la promotion du luxe, est inacceptable, la démarche même peut être critiquée en tant que démarche: ce ne sont pas les « textes » qui sont critiqués, mais leur contexte. Je m’étonne que cette différence ne semble pas évidente, on ne parle pas du tout de la même chose. Après, les textes peuvent être très intéressants, ou pas.
Se poser ainsi du point de vue de principes absolus est une attitude moraliste, et c’est cette attitude entière que, pour ma part, je réfute. Sans compter que, comme dit par ailleurs, cette démarche fait l’objet de tant de fantasmes et de tant de frustrations que personne ne la reçoit de la même manière.
Anne Fakhouri : une tempête dans une coupe de champagne si je puis me permettre ^^
Ah non, le champagne, ça poisse les doigts!
On en revient à de vieux problèmes et dilemmes qui ne se balaient pas d’un revers de la main. Dans un domaine sans doute bien différent (heureusement!), on voir se profiler des questions philosophiques cruciales, dans u dessin animé comme « Le vent se lève ». Le Jap qui aime fabriquer de beaux avions. Avec qui ? Il n’a pas trop le choix… il doit transiger… Il est tout à fait légitime de se poser des questions (en revanche, dire « moi je n’aurais pas fait ça », c’est sûr, c’est beaucoup s’aventurer…!) mais poser des questions, même de manière agressive, je ne vois là rien d’absurde, ni de ridicule. Ce sont de vrais problèmes.
Poser des questions, bien sûr. Mais j’ai vu beaucoup d’agressivité, pas vraiment de questions.
J’ajoute que les remarques du genre « Et Untel, qui critique, aussi bien, s’il avait eu l’opportunité, il aurait peut-être accepté! » sont des simples truismes, qui rappellent la nature humaine, mais qui ne servent à rien dans un débat qui pourrait être intéressant.
A savoir: la promotion du luxe est est une bonne chose? si oui, pourquoi? ou une mauvaise? pourquoi? Une fois répondu à ces questions de principe (déjà passionnantes), y a-t-il, si on est partisan de la deuxième option, des « tolérances » acceptables qui fait que l’on peut tout de même y participer. Quelles sont les limites, dans ce cas? etc.
Et ce n’est pas nouveau. Il y a de l’agressivité dans tous les sens. Quel que soit le projet.
C’est certain, et cela prouve que les un les autres (y compris moi) avons bien besoin de réfléchir un peu sur ces problèmes. Je pense que l’agressivité qu’ils suscitent prouve l’existence de malaises. Il ne risquent pas de résoudre en s’offusquant de l’hypocrisie supposée d’un tel dans le débat. Les problème sont là, hypocrisies ou pas.
Et soit dit en passant: taper sur les auteurs qui ont fait un choix pro qui les regardent, c’est d’une évidence presque burlesque. En revanche, dénoncer les petits marquis et autres bavards inutiles qui emmerdent le monde entre et pendant les salons, ce serait plus difficile, non?
Parce que je vais révéler une grande vérité: je n’aime pas plus le milieu de l’édition. Ni le principe. Qui repose sur les mêmes rouages que ceux du luxe (Flammarion fait partie du Comité Colbert, d’ailleurs…) mais qui ne génèrent pas autant de fric (moins visible, donc?). Donc, la tempête dans le verre d’eau n’aura rien de mémorable. C’est même la conséquence d’un procédé classique. A la limite, oui, effectivement, on pouvait juger les textes.
Ah bon, c’est une antho financée par mécénat ? Pourtant, ça ressemblait fort à une brochure publicitaire imaginée par un service com. Or, la pub est pleine d’artistes, mais n’a qu’un lointain rapport avec l’art…
Mais oui, c’est une brochure publicitaire. Enfin, une com. Un événementiel. Point.
En même temps, l’antho est gratuite, donc vous ne donnez pas vos sous aux méchants chantres du capitalisme… D’ailleurs, je serais vous, je la téléchargerais massivement, comme ça ils auront virtuellement PERDU de l’argent !
En même temps, l’antho est gratuite, donc vous ne donnez pas vos sous aux méchants chantres du capitalisme… D’ailleurs, je serais vous, je la téléchargerais massivement, comme ça ils auront virtuellement PERDU de l’argent !
😀
HA ! J’en prends deux exemplaires, tiens, ça leur fera les pieds.
La seule chose qui m’intéresse c’est quel impact sur la SF. Aujourd’hui la Sf a à nouveau besoin d’un public populaire et on essaie depuis des années de séduire le public de la blanche. Et c’est le truc qui m’énerve.
L’idéologie, finalement je m’en fous. Mais qu’à coté de ça des auteurs soient blacklistés à cause de leurs opinions politiques ou parce qu’ils travaillent dans le mauvais secteur d’activité, ça par contre ça m’énerve.
Oui j’ai peur que ça donne une mauvaise image d’une littérature qui a justement un déficit d’image. Que se rapprocher des élites soit un mauvais calcul et nous éloigne encore plus du public populaire.
Aux USA quand on a ce type d’anthologie c’est plutôt la NASA ou le milieu des nouvelles technologies qui s’y mettent. Le fait que ce soit l’industrie du luxe nous montre que cette industrie est mieux organisée, a mieux pensé la société de l’information que des secteurs plus technologiques et sans doute plus demandeurs légitimement. Le secteur du luxe veut sans doute aussi redorer son image. Après avoir communiqué pendant des années à coup d’art contemporain indigeant jusqu’au godmiché gonflable de la place Vendôme ( c’était le comité Colbert là aussi), on veut communiquer sur quelque chose de moins clivant. Qu’un secteur d’activité instrumentalise un de nos genre préféré pour redorer son blason c’est assez dérangeant aussi.
Il y a des tas de chose à dire sans aller dans la basse idéologie. Mais à coté de ça je comprend que les auteurs. Pour une fois que des gens s’intéressent à la SF, on ne va pas faire la fine bouche.
Moi ce qui me dérange c’est plutôt qu’un secteur se refasse une virginité sur notre dos. Et ce qui m’inquiète c’est l’impact sur la perception du genre. Je suis donc un peu plus au ras des paquerettes que nos camarades gauchistes.
Je ne vois pas en quoi critiquer la démarche de cette anthologie est une attitude moralisatrice qui mériterait d’être balayée du revers
de la main. Ni en quoi la participation à cette anthologie serait un choix purement professionnel qui ne regarde que ceux qui le font et qui échapperait, par un mécanisme mystérieux, à toute critique.
La culture et les œuvres qui la constituent sont des briques essentielles de notre construction, tant individuelle que collective. De ce fait, c’est aussi une question politique. On peut donc en débattre, et la critiquer.
A la rigueur, le seul argument qui exigerait qu’on lise les textes avant de critiquer, ce serait de dire qu’il faudrait s’assurer que, effectivement, les textes font bien l’apologie du luxe. Cela dit :
1) dans la mesure où les auteurs n’ont pas fait valoir le
caractère subversif de l’œuvre, il semblerait qu’on puisse se passer de cette lecture.
2) même dans cette hypothèse, la qualité littéraire n’entrerait
pas en ligne de compte. L’attitude qui consiste à dire que la culture et la politique sont deux choses séparées me semblent être empreint d’une grande naïveté, voire d’une insouciance coupable (ou en tout cas d’un manque de conscience politique).
Il ya dans cette affaire des choses qui me trouble.
D’où y a t’il un problème à ce que l’on s’interroge sur cette question, le luxe, et plus précisément l’industrie du luxe ( pas forcément en rapport) à une époque ou les gens riches sont de plus en plus riches et les gens pauvres de plus en plus pauvres ?
Je veux dire : j’ai conscience de pourquoi les auteurs ont écrit ça : cracher sur un mécénat, ce n’est pas vraiment facile et dans certains cas, c’est même impossible… On devrait se poser la question de savoir si effectivement la paupérisation des auteurs ne va pas entrainer ceci : la possibilité de ne pouvoir écrire/créer que si on a un mécène, lequel orientera forcément votre travail sur le plan idéologique.
Et là on touche un truc vachement plus fondamental : l’artiste, l’écrivain, censés être des observateurs de leur époque vont ils être obligés de faire des concessions sur leur intégrité juste pour voir leur boulot exister, pour pouvoir faire son métier ? est ce là la fin de l’indépendance ?
Enfin oui ya ce gloubi Boulga autour les notions du luxe (restrictif) et de l’utopie (non restrictif) qui me semblent difficilement compatibles. Et cette notion de rêve ? Est ce que le rêve n’est donc qu’en rapport qu’avec les biens matériels ? ce qu’est l’Industrie du luxe…
Que de questions.
Mais à se battre contre les auteurs de cette anthologie, je pense qu’on ne soulève pas ces question là, comme à chaque fois qu’on trouve plus nécessaire de condamner que de réfléchir…
J’ai peut-être un côté un peu oui-oui, mais franchement que l’industrie du luxe table sur la SF pour faire sa promotion, je trouve ça plutôt positif. Surtout après avoir lu je ne sais combien de fois cette année, que la SF était moribonde. Quant au contenu, je ne l’ai pas encore lu mais déjà téléchargé.
Je ne suis pas vraiment d’accord. Je découvre la polémique en même temps que cet article mais je suis plutôt pas favorable à cette anthologie. Le problème n’est pas que ces gens sont riches, mais que le recueil soit fait dans une logique promotionnelle. Effectivement, le luxe c’est moins pire que : « l’industrie de l’armement, un groupement politique, le nucléaire, Monsanto, l’industrie de l’élevage animal » mais ça pose quand même question. Pour moi, c’est presque un publi-redactionnel, mais dans le domaine littéraire au lieu d’être dans un journal. C’est tordre un peu le contrat de lecture. Au lieu de se payer des communicants, des attachés de presse, ils décident de faire appel à des écrivains. Comme ces marques qui envoient des produits aux journalistes et aux blogueurs. Ou celles qui font des pseudos projets humanitaires pour se donner de la visibilité. Sans frapper ceux qui ont accepté (à chacun sa déontologie, sa manière de composer avec, après tout même l’art de la peinture était dépendant de ses commanditaires à la Renaissance, et certains savaient détourner le message) je trouve ça dommage de voir cette nouvelle stratégie commerciale émerger. (Après un auteur qui adore le luxe peut bien se faire une joie d’en faire la promotion, je vois pas le souci, même si ça ne m’intéresserait pas de le lire) le traqueur stellaire a chroniqué le recueil au passage : http://www.traqueur-stellaire.net/2014/11/rever-2074/
Je ne crois pas qu’on clame sur tous les toits un caractère subversif. C’est justement la nature de la subversion…
Indépendamment, de base, face à un projet, je trouve qu’un jugement se construit sur l’ensemble des informations, en se l’appropriant. Toute forme de communication est biaisée par nature. Entendre des intentions, qui ne sont peut-être pas les vraies, former un avis là-dessus, qui est biaisé par ses propres présupposés, puis former un jugement, ça me semble introduire quantité de biais de mesure. De plus, cela se fonde sur une éthique que l’on considère absolue, caractère que je réfute, pour ma part. (L’éthique est un choix, et non une vérité, ce que démontre l’histoire sociale.) D’où le fait que je parle de moralisme.
Mais ce n’est pas un mécénat ! 😀
Arrêtez d’être agressifs, bordel de merde !
Bordel de meeeeeerde, s’il te plait.
Je vais essayer d’être bref.
1 / Non, la réception de « Rêver 2074 » n’était pas courue d’avance, du moins, pas dans le sens que tu indiques. Quand le truc à déboulé sur FB, annoncé en fanfare par Jean-Claude (et c’est bien normal), un tombereau – que dis-je : un déluge – de like, de commentaires enthousiastes, et de félicitations plus ou moins sincères s’est ensuivi. Seules quelques voix se sont élevées dès le premier jour pour exprimer leur désaccord et donner un autre son de cloche. Je m’honore d’en avoir fait partie, aux côtés de mes camarades Christine Luce (Cirroco Jones) et Samuel Minne. Il a fallu ramer pendant des jours et des jours pour faire entendre notre point de vue alors qu’on laissait gentiment sous-entendre que la jalousie nous faisait parler, voire un réflexe pavlovien de contestataire professionnel toujours le couteau entre les dents, voire un aveuglement coupable, voire la pure et simple bêtise. Aujourd’hui, trois semaines plus tard, le consensus semble s’être retourné et ce sont les initiateurs du projet qui doivent ramer. Je n’établie pas un lien de cause à effet, je dis simplement que nous n’avons jamais varié dans notre position, qu’elle a été constamment étayée, argumentée, respectueuse de nos interlocuteurs. Tu peux réécrire l’histoire si ça te chante, c’est ainsi que les choses se sont passées.
2/ L’accueil aurait été différent chez les Étatsuniens ? Et alors ? Certains résistent encore au modèle « néo-libéral » qu’on voudrait à toute force nous imposer. C’est un crime ? M. Warren Buffet a beau se réjouir que la guerre des classes existe et que les riches sont en train de la gagner, « tant qu’y a d’la vie, y’a d’l’espoir », lui répondrai-je tout à fait franchouillardement.
3/ Tu me déçois en caricaturant nos positions. Vieille technique de politicard : quand on veut décrédibiliser son adversaire, on dit qu’il a la rage. Ainsi donc, nous nous serions opposés à ce projet parce que « le luxe c’est mal » et autres fariboles ? Il n’a jamais été question de ça en ce qui nous concerne (je parle toujours des trois susmentionnés). Je ne vais pas encore une fois exposer en détail les raisons pour lesquelles, en cautionnant ce projet, les auteurs qui y participent se font les propagandistes d’une vision du monde qui mène la planète à sa perte. Tout ce que je pense sur le sujet est parfaitement résumé dans le livre d’Hervé Kempf : Comment les riches détruisent la planète, qu’en guise d’introduction au luxe je vous encourage à lire. Si le luxe devenait l’avenir radieux de l’intégralité de la population mondiale, comme cette « utopie » semble le souhaiter, ce n’est pas trois planètes qu’il nous faudrait, mais quinze (chiffre non sourcé parce que fantaisiste, je tiens à le préciser) ! C’est qui plus est parfaitement illusoire (et non utopique). Philippe Caza a eu une formule choc et juste sur le mur de Samuel hier : « pas de luxe sans esclaves ! ». Il souligne également l’indécence qu’il peut y avoir à tenir un tel discours alors que les SDF (dont 31000 enfants aux dernières nouvelles) vont passer un hiver de plus dans nos rues et que l’État vient de décider que les refuges n’ouvriront plus à date fixe mais quand la température descendra à – 5° (voir sur mon mur). Moraliste ? Et alors ? Qui a dit que la morale devait être absente de nos réflexions ?
4/ Anathèmes, exclusions, menaces et autres insultes envers les auteurs. Une seule réponse : NON. Nous trois n’avons jamais mangé de ce pain-là. J’ai failli perdre dans l’histoire un (vrai) ami de trente ans, et c’est plutôt nous qui nous sommes fait insulter. Notre position est une position éthique basée sur une analyse. Nous l’avons toujours défendue de manière respectueuse, correcte et aussi sereine que possible. Nous ne sommes ni des donneurs de leçons ni des « djihadistes verts », puisque le mot est à la mode. Nous ne sommes pas plus « purs » que les autres (dixit Ph. Caza), mais nous avons le droit de nous exprimer et d’avoir un point de vue contraire au bruit de fond dominant.
5/ C’est quoi l’amitié ? Vaste programme. En ce qui me concerne – et c’est clair avec tous mes amis – ce n’est pas de les soutenir mordicus quelque conneries qu’ils puissent faire et dire. Le devoir d’un ami, c’est de dire : « non, arrête, là, tu déconnes… », pas de la fermer en n’en pensant pas moins, pas d’apporter un soutien de façade en agissant en sous-main pour torpiller le soi-disant « ami », pas de pulvériser à la sulfateuse ceux qui osent s’élever contre ledit ami. Dans cette histoire je (nous peut-être, le deux autres, je ne vous embarque pas là-dedans) me suis conduit en toute amitié.
6/ Sur ces fortes considérations, je vous laisse, voilà trois semaines que le truc se traîne et qu’il faut répéter, et répéter et répéter, pour le plus grand profit du Comité Colbert. Je suis un peu las, tu m’excuseras, Lionel. Et puis faut que j’aille gagner ma croûte.
Non mais c’est dégueulasse t’en profites parce que personne pourra te tondre. EN FAIT, c’est pour ça !!! tu le savais, c’est pour ça que tu t’es rasé les cheveux !!!!
pour le reste :
(c’est comme le Grand Schtroumph, tu regardes à côté une photo de Marx c’est évident le rapport)
Il y a aussi un truc qui m’énerve, c’est que quand certains éditeurs proposent aux auteurs de reverser une partie de leurs droits pour une cause humanitaire ou au profit d’une association, certains tordent le nez, alors que pour une opération de communication au profit du luxe c’est l’enthousiasme.
Que ces 4 dernières années les anthologies de charité se soient multipliées aux USA ( que ce soit pour les victimes de l’ouragan Sandy, pour les tremblements de terre en Haïti ou pour financer des écoles dans les tiers monde) et qu’en France on fasse une anthologie sponsorisées par les industries du luxe montre peut être que les véritables néo-libéraux ne sont pas où on le pense.
Certes, cher Lionel, mais dans le contexte actuel, il me semble intéressant d’avoir une opinion sur ce type de démarche promotionnelle tout de même dérangeante, quelles que soient par ailleurs les qualités littéraires du contenu
Lili : Bien sûr! Mais pour moi, c’est un tout: démarche, fond, forme, contenu, même la com’, tout fonctionne ensemble.
Toujours aussi intéressant de lire ton point de vue sur un sujet.
Au passage si ça n’a pas déjà été cité ici je conseille la lecture de cet article sur le Comité Colbert qui résume ce qu’il est : une association lobbyiste d’un gros secteur d’activité. http://www.webandluxe.com/07/2011/le-comite-colbert-se-positionne-comme-le-lobby-europeen-du-luxe/
je suis d’accord, bien sûr, mais comme dit plus haut (par toi, peut-être bien) on peut être dérangé par le projet en lui-même sans en connaître forcément toutes les données. je n’ai pas lu cette antho (et ne la lirai sans doute jamais car elle ne m’intéresse pas) et poser un jugement sur quelque chose dont on ignore les tenants et les aboutissants est tout de même un peu outrecuidant. mais bon, la démarche qui consiste à mettre son talent au service de pire pour en faire la promotion me fait mal au bide, personnellement. question : peut-on parler de manière convaincante de ce qui vous dégoûte ? un minimum de sympathie envers son sujet n’est-il pas nécessaire pour l’aborder correctement ?
Amateurs.
http://www.madmoizelle.com/fauchon-eclair-batman-301349
Bon, d’habitude je ne participe pas trop aux polémiques sur Fbk, ce n’est juste pas mon truc, mais là il y a une réaction de Fabien Lyraud qui m’a fait tiquer. Tous les auteurs français que j’ai pu rencontrer sont vraiment enthousiastes quand ils peuvent participer à une antho caritative. Et c’est tant mieux. Se renseigner avant de dire « ailleurs c’est mieux », c’est bien aussi.
Sans avoir lu les 186 commentaires précédents (je suis quand même censée justifier mon salaire, là maintenant tout de suite) : nonobstant le fait qu’il faut sans doute mettre les riches, les rentiers et les banquiers en tas et allumer le grand bûcher avec leurs billets de banque, l’idée qu’ils financent une antho de SF et non de roman sentimental ou je ne sais quelle autre niaiserie les fait remonter dans mon estime. Ils restent très très bas, hein, mais bon, ça reste de la SF.
Pis ça va bien avec la littérature (ou tout autre art) sur un piédestal. C’est à tout le monde, aux riches, aux pauvres, aux moches, aux cons. La SF n’est pas plus pure ou supérieure en quoi que ce soit au polar, au roman d’aventure ou à l’essai philosophique. Si on commence à confisquer quelque chose, même immatériel, on est au même niveau que les rupins qui s’accaparent les richesses.
IL y a des auteurs qui sont enthousiastes pour les antho caritatives c’est vrai. Lorsque Corinne a décidé de reverser les droits d’Arcanes à un association tout le monde a été d’accord. Mais les anthos caritatives ne fleurissent pas autant qu’aux USA.
Je n’ai pas vu des anthos au profit d’une cause depuis longtemps. A part celles de CDS éditions. Mais ça fait quelques années déjà. Mais les choses sont peut être plus discrètes chez nous.