Auguste lectorat, je ne suis pas très fier de toi.
Examinons les statistiques de mon humble demeure :
Même en admettant que le premier article ait simplement suscité la curiosité et/ou que la série ait été prise en retard, l’effondrement est patent. (pending. pardon.) Ce que j’ai constaté au fil de ces deux mois d’été.
Loin de moi l’idée de faire la morale – ni de faire les gros yeux – mais je la/les ferai au prochain jeune auteur qui osera proférer ces mots honnis : « j’ai plein de projets, je veux écrire sérieusement, mais j’ai pas le temps. » (« Ma vie est trop compliquée. »)
On traverse parfois des périodes difficiles où l’on entre en mode survie et où l’écriture, franchement, devient la dernière roue du carrosse. Normal. On peut aussi vouloir écrire comme un simple loisir, tourner des idées dans sa tête, et s’y mettre une fois de temps en temps sans perspective de long terme. Rien de plus légitime et l’on adopte alors le rythme qu’on souhaite.
Je te parle à toi, l’auteur qui prétend avoir le feu sacré, mille histoires et univers à en faire pâlir d’envie J. J. Abrams, Philip K. Dick et Flaubert (pourquoi Flaubert ? J’en sais rien, pourquoi ces questions ?), qui aspires à la publication voire vas bientôt publier une décalogie qui aura le statut de nouveau classique, mais qui ne trouves jamais le temps. Et je te prends fermement par l’épaule, et je plonge mon regard fou dans le tien, l’haleine fleurant bon le saucisson Label Rouge :
Je sais ce qui te bloque, mec. (ou nana. Mais pour l’effet, « mec » est plus percutant. Arrête de me déconcentrer, steuplaît.) Comme abordé en introduction, écrire prend du temps. Du fucking temps, t’entends ? (Euphonie ?) Écrire, c’est comme lire : c’est un sport contemplatif, c’est une activité qui s’inscrit sur la durée, comme un voyage ou la voile. La gratification n’est pas immédiate, comme quand tu écoutes du Britney Spears ou que tu regardes Les Ch’tis se maravent à St-Tropez. Tu écris une phrase, un paragraphe, tu as juste un bout de truc en devenir, où tout est possible et où rien n’est. Tu écris un chapitre, tu as à peine une brique du mur, et tu te dis : bordel, c’est pas bientôt fini ? Eh bien non. Ça commence juste, et c’est ça qui ronge. Tu lis un chapitre, tu as à peine cinq minutes de l’épisode de la semaine de L’Amour du Risque. Et c’est pour ça que la littérature est condamnée – excuse, c’est le saucisson qui parle, je disais, c’est pour ça que la littérature s’apparente de plus en plus, dans notre monde hypercon et necté, à la cultivation d’un jardin zen, à la pleine conscience, à la réservation d’une zone personnelle protégée inscrite dans l’espace et dans le temps pour créer (écrire) et recevoir (lire). Et c’est rare, et c’est précieux, et c’est salutaire. C’était le but de ces déclencheurs, avant toute chose : te le faire tâter. Écrire prend du temps, du temps, plus de temps encore, et encore du temps. Écrire, c’est forger un sabre japonais dont on trempe l’acier deux cents fois. Écrire, c’est s’enfermer avec régularité, pendant des mois, parfois des années, pour produire une oeuvre finie, parce que si tu ne l’écris pas, personne ne l’écrira à ta place, parce que tu es unique, avec des trucs à toi dedans à dire, et que si tu ne les dis pas, si tu ne fais pas partager ton rêve, il disparaîtra à jamais de l’univers, sauf si tu crois à l’Éternel Retour, mais perso, tu vois, je suis plutôt incrédule ascendant mouais sur ce point !
Allez ! Viens, va, je t’offre une bière.
Comment ça, tu acceptes ? Échec, saligaud : tu devrais dire, fichtrefoutre, j’ai compris, senpai, je m’en vais tout de suite m’enfermer chez moi pour écrire deux pages !
« On traverse parfois des périodes difficiles où l’on entre en mode survie et où l’écriture, franchement, devient la dernière roue du carrosse. »
Présente ! L’été pour moi, en général, c’est le rush absolu, avec du boulot qui tombe à la pelle et « oh, on a une urgence, on t’en remet une petite couche ? » et des journées qui se finissent à 1h du mat’… alors quand ça s’arrête, j’ai qu’une envie, c’est de me pieuter (éventuellement de bouffer un peu avant).
Mais tu sais ce que j’ai fait ? Un combo Lionel : j’ai lu scrupuleusement tes déclencheurs et… je les ai collés dans Scrivener, comme ça dès que la pression retombe, je teste les deux à la fois 😉
Du coup, même si le remontage de bretelles était pas pour moi, je prends la bière quand même, j’ai le sentiment de l’avoir bien méritée :p
Il faut aussi savoir prendre la bière quand elle se présente !
Bonne écriture 🙂
« On traverse parfois des périodes difficiles où l’on entre en mode survie et où l’écriture, franchement, devient la dernière roue du carrosse. » C’est l’histoire de mes trois derniers mois… La frustration est d’autant plus intense que je n’ai pas droit à la bière.
Tu sais si ça se trouve, personne n’a participé parce que tout le monde est occupé à écrire des décalogies 😀
Screenshot or it didn’t happen ! 😉
Je t’avoue que, pour moi (hormis le côté « été de merdre »), le plus « gênant » a été ta volonté de lier tous les textes, en partant du protagoniste du premier texte défini, après coup, comme personnage principal. Ca m’a embêté 😛 car celui que j’avais décrit n’était qu’un intervenant de troisième zone. Oh, j’ai écrit un autre texte avec lui, mais il ne m’amusait déjà plus 🙁
Et n’oublions pas non plus, quand on est au fond du trou passque bon, c’est la rentrée : écrire c’est aussi un moyen de survie, ne serait-ce qu’à soi-même.
Splendide texte, Yoze (donc gagne) (pardon).
Merci 🙂 (et oui, tout à fait.)
Tiens, question pas complètement en rapport mais qui me turlupine depuis quelques temps: est-ce que les stats de vues prennent en compte les lectures d’articles via le flux rss complet et/ou via pocket ? Vu que je bouge pas mal en ce moment, je passe beaucoup par ces intermédiaires via mobile.
Sinon je plaide coupable pour la non-utilisation des déclencheurs cet été, les projets d’écriture sont en pause ^^’ (va falloir que je refasse mon aménagement de temps sous peu d’ailleurs).
@+ !
PS: Félicitations pour Port d’âmes, qui a été source d’une nuit raccourcie vu que je n’ai pas pu le lâcher après ouverture avant de l’avoir fini. 🙂 It’s a trap!
Merci beaucoup pour Port d’Âmes, ne pas pouvoir lâcher un bouquin est une des plus belles appréciations qui soient, je suis très heureux qu’il t’ait passionné !! 🙂
Ces stats ne comptent pas les flux, mais je les ai à part. Concernant Pocket, par contre, j’ai effectivement des referrals.
Bonne réorganisation de temps, et ne lâche pas les projets qui t’intéressent vraiment. 🙂
Je suis libre pour la bière ! Nan j’écris rien, mais ton regard fou et ton haleine de saucisson m’ont ému, allez tu bois quoi ?
Fichtrefouille, Senpai, c’est moi qui t’offre la bière. Et merci pour la leçon.
WHISKY! 😉
Là de suite avec le décalage horaire, c’est plutôt l’heure du premier café, mais je note ! 😉
On a aussi ! 😉
Coupable ! Ok, j’avoue, j’ai commence vaillamment les premiers déclencheurs et… J’ai quand meme avancé sur une nouvelle en cours, donc je n’ai pas oublié complètement l’écriture. D’ailleurs, plutôt que de passer du temps à trouver des excuses, je m’y remets un petit coup.
Merci pour l’exercice, en tous cas ! Agréable et instructif, comme toujours.
Ah mais si ça t’a aiguisé l’appétit pour tes propres projets, c’est largement mieux ! 🙂
Ils m’ont bien servi, ces déclencheurs, mais en décalé ! Je les ai faits tous d’affilée pour le premier jet d’une histoire — comme je suis plutôt scripturale, le premier jet c’est le hideux, celui qui ne ressemble à rien, qui ne sera présentable qu’après x itérations mais qui doit être écrit le plus vite possible pour avoir une matière première à travailler…
Bravo pour le travail, et le retravail ! 🙂