Extrait d’une courte discussion avec un spécialiste du droit d’auteur, versé plutôt dans le domaine de la musique et du spectacle vivant. (Caveat : n’étant pas un spécialiste moi-même de ces questions, je cite de mémoire ses mots – toute imprécision dans les termes est de mon fait, mais les principes sous-jacents demeurent probablement.)
Moi : Tu sais la dernière que le CNL nous a pondu ? Les organisateurs de festival vont devoir rémunérer toutes les interventions des auteurs sans exception s’ils veulent être subventionnés. C’est normal dans le cas d’une conférence, d’un atelier, et codifier les usages, pourquoi pas, mais pour une table ronde, qui s’apparente à répondre à une interview, c’est absurde. [Voir l’article idoine ici]
Spécialiste : Effectivement. Mais qui décide de ça ? Je veux dire, il n’y a pas des auteurs dans ces structures ? Ils ne sont pas au courant de ces problématiques ?
Moi, un peu désarçonné : Beuh. Si… Il y en à la SGDL, en principe, et au CNL aussi, j’imagine… À la SOFIA aussi, mais… globalement, nous sommes quand même un certain nombre à être passablement surpris, voire en franc désaccord, avec certaines décisions qui y sont prises.
Spécialiste, qui presse l’offensive : Parce que dans les sociétés de gestion collective de la musique, ce sont les créateurs qui se trouvent à leur tête, justement. Le principe sous-jacent est que les créateurs sont les mieux placés pour savoir ce qui les concerne et prendre les décisions qui influencent et définissent leur travail.
Moi, piteux : Je suis bien d’accord, mais on n’en sent pas vraiment l’influence en littérature… Maintenant que j’ai un pied dans les deux mondes, j’ai quand même l’impression qu’il y en a un qui fonctionne mieux que l’autre. Ctte préoccupation de l’auteur, cela ne transparaît pas des masses dans le milieu littéraire. Je ne sais pas comment l’expliquer. J’ai peut-être une vision déformée, aussi. Mais déjà, j’ai la sensation que l’auteur moyen est complètement aux fraises quand il s’agit de se tenir au courant de ses droits et devoirs, de se préoccuper de ce qui le guette. J’ai vu des écrivains il y a trois ans découvrir totalement les problèmes liés à ReLIRE, et même ignorer la différence entre une liseuse et une tablette ! Tu imagines un musicien ignorer ce qu’est Spotify ou même un baladeur mp3 ?
Spécialiste : Certes, mais peu importe l’auteur moyen : les dirigeants des sociétés et organismes devraient être informés, eux.
Moi : Bien sûr, et je pense qu’ils le sont. Je ne sais pas très bien pourquoi ça coince. Peut-être parce que les marchés sont extrêmement différents ? Peut-être parce que dans le domaine de l’imaginaire, nous fonctionnons d’une manière assez différente des autres marchés, avec beaucoup d’événementiel, que nous sommes très proches de notre public en raison d’une forte cohésion du milieu autour de passions qui nous lient tous ? Même si ça change, quand même, on garde cette étiquette de vilains petits canards. Une certaine frange de la littérature blanche (et de son lectorat) méprise ouvertement les genres comme étant de la sous-littérature (alors que les plus gros succès toutes catégories confondues relèvent de l’imaginaire). Il y a un cloisonnement manifeste, moins sensible en musique. Avec ma casquette d’électronicien, je n’éprouve absolument pas de mépris de la part de musiciens classiques, qui sont au contraire très intéressés par ce que je fais, alors qu’avec ma casquette d’auteur de fantasy, je me heurte à davantage de conservatisme. On n’est plus dans les années 60, plus personne n’oserait dire que le punk ou le rock sont de la sous-musique, par exemple de la part de d’un compositeur de musique « sérieuse ».
Spécialiste : Et ils n’auraient aucune raison de le dire, parce que ces genres les financent indirectement ! Les compositeurs de musique symphonique ou de genres plus confidentiels touchent un pourcentage supérieur, dans la répartition des droits, dans les diffusions, que la variété. Comme c’est plus confidentiel, c’est plus difficile pour eux de vivre ou d’obtenir de la diffusion, donc on rééquilibre solidairement.
Moi : … sérieux ? C’est génial ! Mais combien de décennies avons-nous de retard ? Les bras m’en tombent, qu’on soit incapable de faire ça en littérature, alors que c’est l’évidence même. On en parlait justement sur Facebook rapport à cette idée de rémunération en festival, d’équilibrer en fonction du nombre de ventes, de rémunérer davantage les auteurs jeunes ou plus confidentiels par rapport aux gros vendeurs, plutôt que d’appliquer une grille universelle à tous – ce qui se dessine actuellement avec le CNL. Mais de là à espérer ne serait-ce que l’ouverture d’un dialogue là-dessus…
tu sais des dinosaures technologiques t’en as aussi en musiques, ton argument là me laisse sceptique 😉 J’en connais plein, tu fréquentes peut être pas assez de vieux musicos.
Je ne doute pas qu’il y en ait, mais ça me semble moins prégnant. Comme je le dis, toutefois, je ne nie en rien que j’ai probablement une vision parcellaire.
A savoir que dans la boucle des « décideurs » il y a aussi La Charte.
Sinon à savoir que les élections de la Sofia viennent de se faire, (ou arrivent ce week end je ne sais plus j’ai passé mon pouvoir). Toujours est il que la Sofia sert un peu à cette distribution de sous suites aux prêts en bibliothèque, intéressant mais plus il y aura d’auteurs, mieux ça sera car par exemple elle finance d’autre choses comme une partie de l’Ircec (retraite complémentaire des auteurs qui va devenir obligatoire) .
A part ça, je me demande si la SGDL est très connectée à sa base parfois, dixit la négo sur le Numérique que je trouve à minima.
Enfin, et pas des moindre, il est important que les auteurs se bougent les fesses pour ne pas être aux fraises. Aller s’informer plus que d’aller pleurnicher, s’investir dans les associations d’auteur (Charte, SNAC, etc) et surtout, oui surtout (au risque de généraliser) cessent leur égoïsme. C’est comme ça qu’on en arrive a des augmentation de 8% ircec parce que tout le monde est dans son coin et personne ne s’unit…..
Alors je me demande à quel point c’est vrai. Je m’étais laissé dire que les plus gros receveurs d’argent de la SACEM et consorts, c’étaient les Johnny Halliday, JJ Goldman et autres grands noms de la chanson française, ceux dont la renommée et les revenus sont déjà assis, au détriment des groupes plus petits, ou nouveaux.
Arrêtez moi si je me trompe, mais il me semble que MagoYond avait du payer une redevance SACEM pour jouer ses propres chansons dans un concert gratuit, et n’a jamais touché un centime d’eux malgré leurs ventes et leurs concerts.
Il y a beaucoup de mythes et de désinformation sur le sujet. Payer pour te jouer toi-même, ça m’étonne fortement. Ce paiement est en principe à la charge de l’organisateur du spectacle. Après, s’il ne paie pas lui-même, le problème est ailleurs…
Ça me fait penser au cas des tous petits groupes et de la taxe SACEM sur les CD vierges : les mecs achètent des CD vierges pour y graver leur musique, versent donc une redevance à la SACEM comme tout le monde pour graver et vendre leur propre musique, et comme ils sont ultra-débutants, ils retouchent que dalle.
Rhooo la mauvaise foi. La redevance par copie privée n’est pas collectée ni décidée par la SACEM, c’est comme parler du droit de prêt en bibliothèque comme « taxe SOFIA ». Et puis y a encore des gens qui gravent des CD en 2015? Tu m’étonnes que les groupes en question ne décollent pas :p
Les groupes eux même se gravent pour se vendre dans leurs concerts. Mais la taxe copie privé que tu payes dès que achètes un support vierge, elle va bien quelque part, supposément rémunérer les artistes lésés par cette copie privée.
Bah la SACEM pousse bien au cul niveau redevance de copie privée quand même (encore en février dernier).
Mais vrai que l’anecdote date. J’aurais dû parler de vynils pour faire plus moderne (sic) 😛
La SDRM, les gens, ce sont les gens qui s’occupent du droit mécanique, ça n’est pas la SACEM. C’est très légèrement un débat d’arrière-garde (la loi a trente ans cette année) et si les mecs ne sont pas inscrits aux sociétés de gestion collective pour toucher ce qu’on leur doit (mais surtout profiter de la protection mondiale de leur travail, ce qui est l’intérêt premier de la gestion collective et la raison pour laquelle je prépare moi-même mon adhésion), faut pas non plus pleurer. Ce serait un peu comme un auteur non inscrit à la SOFIA.
J’apprends.
Bon, par contre, l’exemple de la SOFIA, c’est ptet justement pas un bon exemple, parce que des ptits débutants qui ont un truc publié quelque part et pas à la SOFIA, ça doit en faire des théories de gens. Pareils pour les ptits groupes qui débutent, qui sortent tout juste du garage, quoi.
Ils devraient s’inscrire: dès que tu es publié à compte d’éditeur, tu peux entrer à la SOFIA. Dès que tu as une représentation publique d’une oeuvre, tu peux entrer à la SACEM. Pas de barrière à l’entrée à part une diffusion qui dépasse tes parents et ton conjoint. 😉
Après, 38€ d’inscription, si t’es juste niveau finance, tu peux te dire que ça vaut pas le coup vu que tu vas gagner 5€ de droits d’auteur :/
Mais bon, c’est bon à savoir, parce que j’avais complétement oublié l’existence de la SOFIA 🙂
« Les compositeurs de musique symphonique ou de genres plus confidentiels touchent un pourcentage supérieur, dans la répartition des droits, dans les diffusions, que la variété. » C’est justement en train de changer. Si je te retrouve la pétition signée à ce sujet, je la poste ici.
En musique les musiques populaires dominent le marché et les musiques appartenant au modèle culturel bourgeois sont en minorité. En littérature c’est le contraire.
Tout simplement parce que un nombre important de gens ne s’intéresse pas à la lecture; tandis que la musique on y échappe pas ne fin de compte.
Si l’on veut que l’imaginaire soit considéré, à nous d’agir pour le banaliser. Pour tenter de petites choses par chez moi, je dois dire que ce n’est pas facile. Mais il faut le faire.