(clickbait clickbait clickbait, bande de dégoûtants)
Souvent, les logiciels d’aide à l’écriture font gagner un temps fou et je m’en fais l’avocat : ils offrent en plus l’avantage de la mobilité (plus facile de se balader avec un ordi que douze chemises de notes). Mais parfois, le cerveau, en tout cas le mien, a besoin de jouer aux Lego, de construire avec ses mains quelque chose de physique pour sentir la dynamique d’une idée.
Ici la refonte et surtout la compression d’une part importante de Port d’Âmes, afin de dynamiser le récit et d’évacuer un bon tiers de superflu. Je crois fermement que, même dans un récit psychologique, le contrôle de la tension narrative prime sur toute autre considération. Je crois également qu’il n’existe pas de scènes d’atmosphère ou d’exposition : ce sont des excuses pour faire passer au lecteur des informations qu’on n’a pas trouvé comment glisser autrement et je m’emploie à les traquer sans relâche, n’en gardant au maximum qu’un couple dans un zoo pour l’étude de l’espèce.
ça me fait penser à ces murs couverts de photos ou d’indices divers dans les séries policières… Au hasard, Broadchurch ! 😉
En tout cas, oui, il est sûr qu’on a besoin de varier les façons de faire. Déjà, notre cerveau ne fonctionne pas de la même façon en écrivant à la main ou à l’ordi…
Ceci étant, autant j’apprécie qu’on cherche autre chose que la méthode classique (« scènes d’exposition ou d’ambiance »), autant je réprouve l’affirmation qu’il n’y en a pas et qu’il fauDRAIT les traquer. C’est un peu comme si tu disais qu’au nom de la peinture moderne il faut interdire les paysages à l’ancienne ou les portraits. Inventer autre chose ne veut pas forcément dire faire disparaître la méthode ancienne. Il y a des lecteurs qui apprécient cette méthode, sans pour autant être fermés à autre chose. En court: non à toute exclusive.
Une scène d’exposition n’est pas une scène. C’est une exposition.
Principalement je pense que ce que désigne Lionel dépasse le champ de la scène d’exposition au sens où tu l’entends, Georges c’est plus les « mottons expositoires » pour reprendre le terme et la signification donnée par E. Vonarburg. Ca couvre les « as you know bob » avec dialogue factice pour faire passer des infos nécessaires au lecteur, les grands passages « omniscients » pédagogiques exposant en trois pages la magie, la société, les sciences, connues dans l’univers narratif par les persos mais qui doivent être donné au lecteur, globalement ça rejoint le fameux « show don’t tell », le jeu est de faire passer le plus possibles d’informations de façon fluide, continue par touches plutôt que sortir le tank. Par exemple, dire qu’un perso est intelligent c’est peu de choses par rapport au fait de mettre le perso dans des situations où il se montre intelligent. Pour ça, je suis totalement ce que dit Lionel.
« in medias res » c’est pas faire tabula rasa de l’exposition nécessaire, c’est appliquer des systèmes narratifs différents moins évidents de premier abord 🙂 si en tant que lecteur je « sens » qu’on me basarde « un motton expositoire » c’est qu’il y a qq chose de raté pour moi.
Y-aura-t-il une édition collector avec le making-of et les scènes coupées ?
Je comprends que faire disparaître les mauvaises expositions soit un mieux pour tous; comme faire disparaître les taches de peinture sur un tableau. Disons qu’il faut alors bien exprimer la chose, ne pas donner l’impression qu’on s’attaque à la technique quand elle est correctement utilisée. J’ai mal lu, mais le texte se prêtait à cette mauvaise lecture je crois.
c’est un texte de dix lignes 🙂 pas un essai sur l’écriture, de base avec Lionel, je pense pas me planter en disant que tout ce qui nuit à (merde quelle est ton expression?) la nécessité interne de l’histoire??? doit être interrogé. Bref quand on voit les cordes de la machinerie, ça l’énerve, on peut pas les faire disparaître entièrement, mais on peut les limiter au strictement nécessaire (au sens de « qui ne peut pas ne pas être ») et ne pas les laisser en évidence, peintes en fluo.
Nicolas, merci: c’est exactement ça. 🙂
Francísz : Non, mais si j’ai le temps et l’énergie, dans un temps lointain, peut-être ferai-je une série d’articles sur le processus avec exemples à l’appui. Je vais être très honnête, ça dépendra en premier lieu de la réception du livre: ça n’aurait guère de sens de faire ce travail si l’histoire n’emporte pas l’adhésion.
en fait, oui, mais non. parfois, surtout en sf, on est *obligé* de dire les trucs carrément, ou alors, de passer des plombes à se torturer la cervelle pour pas grand chose. y’a un truc de Kim Stanley Robinson qui est très bien sur le sujet dans le bouquin de VanderMeer, Wonderworld.
Oui, j’ai mal lu, d’accord. Au temps pour moi.
prenez le début d’Accelerando…
je te conseille Prière à Aarluk dans « L’importance de ton regard » ou « Nuit de visitation », Georges. On pense souvent à tort que ça revient à virer l »introspectif » c’est pas du tout le cas mais souvent faire un truc introspectif est quelque part l’excuse pour ne pas interroger tout ça.
Ah vi, l’excès inverse du jamais de « tell » est mauvais aussi, parfois c’est l’exposition informative mesurée qui est la plus efficace.
Quand le show don’t tell est plus long que le tell, vaut mieux le tell si c’est pas essentiel au récit.
(je crois que je me focalisais sans m’en rendre compte sur la psycho des persos plus encore que sur le récit, là j’ai bcp bcp de mal avec un tell exclusif, mais c’est perso aussi. « L’autorité » seule de l’auteur marche pas sur ce plan avec moi je m’en rends de plus en plus compte alors que j’ai pas de pb à accepter qu’il m’impose un système de magie ou des développements scientifiques particuliers. )
Lionel, tu peux préciser « tension narrative »? 🙂
Tension narrative = il y a de l’enjeu intéressant qui donne envie d’avancer dans le récit. Il ne s’agit pas forcément de sauver le monde; une gamine flippant de réussir son contrôle de maths donne tout autant de tension narrative si la gamine est bien racontée.
Le contraire d’Irving, quoi, par exemple.
Le contraire d’Irving, quoi, par exemple.
Et je suis tout à fait d’accord, Olivier. Plutôt que de se creuser la cervelle à faire des scènes alambiquées pour exposer des infos nécessaires au monde, une poignée de paragraphes clairs et concis dispersés au bon moment font bien mieux le boulot.
Et je suis tout à fait d’accord, Olivier. Plutôt que de se creuser la cervelle à faire des scènes alambiquées pour exposer des infos nécessaires au monde, une poignée de paragraphes clairs et concis dispersés au bon moment font bien mieux le boulot.
Tu privilégies ça pour le polar, je suppose? Moins pour la sF.
Je crois humblement que toute littérature populaire – au sens où raconter une histoire est sa mission première – doit soigner sa tension narrative et donc ses enjeux. Il s’agit, en un mot comme en cent, qu’il se passe des trucs intéressants. (« Intéressant » dépendant bien sûr de l’auteur comme du lecteur, mais plus l’auteur est bon, plus il intéresse un vaste éventail de lecteurs à un vaste éventail de thèmes)
J’ai compris le principe de la scène d’exposition, mais qu’est-ce que tu appelles « scène d’atmosphère » ?
Bon courage en tout cas.
Merci ! Une scène d’atmosphère, en gros, c’est la scène contemplative qui ne fait pas avancer l’histoire. Elle peut servir de respiration ou donner aux personnages un instant pour récapituler et choisir leur prochaine action, mais pour ma part, le sang d’une histoire se trouve avant tout dans le mouvement. Les états d’âme à longueur de page, ça m’ennuie. Les états d’âme parce qu’un personnage agit et se trouve confronté à des conséquences, ça m’intéresse beaucoup plus. (Ceci demeurant toujours un avis personnel.)
D’accord. Je suis d’accord avec toi, du moins tant qu’on reste dans la littérature dite populaire. Parce que sinon, par exemple, tu jettes tout Virginia Woolf à la poubelle 😉 Mais sans doute parce qu’au fond, les racines de la littérature populaire reposent sur l’histoire, le récit. Et non sur la poésie. Et c’est clairement le type de littérature que tu aimes écrire. Après, il existe toujours des hybrides… Le débat reste ouvert, comme principe directeur pour raconter une histoire, j’adhère plutôt. Après, ça reste un principe très général, certains auteurs de littérature populaire sont plus contemplatifs que d’autres, je pense que ça dépend aussi de l’importance accordée au style pour lui-même, et pas comme simple instrument de l’histoire. Je dis ça parce que j’ai l’impression que les auteurs qui ont un style particulièrement puissant, marqué, sont toujours plus lents que les autres à dérouler l’histoire. Ce n’est qu’une impression, peut-être ?
Diantre, je pensais le problème simple mais en fait c’est un peu compliqué quand j’y réfléchis bien 🙂
Attention, je n’exclus nullement la poésie, bien sûr. Je crois en revanche qu’on peut raconter une histoire ET faire de la poésie. Je pense juste qu’on peut trop facilement invoquer la poésie, la contemplation, pour cacher du vide ; je ne porte pas de jugement sur d’autres oeuvres, je dis juste qu’en ce qui me concerne, je prends bien soin qu’invoquer ces raisons ne cachent pas une paresse intellectuelle. Je ne dis pas que j’y parviens, ni que c’est bon ; c’est simplement mon approche avec moi-même. « Kill your darlings », comme disait Faulkner.
Là-dessus, je suis entièrement d’accord, mais du coup, je me dis : ne sois pas trop dur avec toi-même en élaguant ton bouquin, parce que si ça se trouve, tu penseras bavasser alors que tu seras en train de saboter une belle envolée lyrique ! Je suppose que tu as dû déjà y réfléchir, pour ma part c’est une question que je me pose souvent en phase de correction sur un texte, et c’est toujours très difficile de se juger soi-même.
« Trucs intéressants », ça ne veut rien dire, Lionel. (je t’emmerde, je sais). Et l’auteur « pédagogue universel », c’est un cliché.
Où ai-je dit qu’il était à la fois pédagogue et universel?
mais plus l’auteur est bon, plus il intéresse un vaste éventail de lecteurs à un vaste éventail de thèmes.
« Baston, baston ! » :p
(pédagogue ? L’auteur doit savoir raconter une histoire, pas nécessairement éduquer ou instruire)
Anne, ce n’est absolument pas ce que j’ai dit. 🙂
– « Plus » ne signifie pas « jusqu’à l’unversalité » ; il y a de la marge ;
– Intéresser un lecteur à un thème, à une histoire, n’implique pas une pédagogie.
Je n’ai pas pour ambition d’apprendre des trucs à tout le monde, j’ai pour ambition de donner une bonne histoire au plus de monde possible.
Parce que l’ambition de certains auteurs, c’est de donner une mauvaise histoire à sa concierge? 😀 C’est même pas drôle de te troller, ce matin, Lionel !
Ca vient d’où, le terme « scène d’atmosphère »?
ça vient du manga. Les japonais ont tout inventé.
Ah voilà ! Merci ! Ben vous étonnez pas !
Maintenant, si j’ai bien compris ce qu’était une scène d’atmosphère, ce n’est pas simplement une pause pour le lecteur, non?
Poser une ambiance n’est pas forcément faire une pause, si ?
ça dépend combien de temps on pose, et ça dépend si on est [insérer le nom de votre auteur préféré ] ou [ insérez le nom de votre auteur le plus honni ].
Bah, on peut toujours sauter des pages 😀
Je ne sais pas. Une respiration ou un moment pour récapituler, on ne peut pas appeler ça une pause dans l’action ?
Sylvie, ça dépend du contexte ! 😀
(j’adore cette formule)
Une pause dans l’action, pour moi, c’est un moment comme le jeu de pêche dans Suikoden : ça détend, ça n’a rien à voir et on peut s’en passer (sauf qu’on veut pas parce que c’est chouette et que ça détend et que ça n’a rien à voir). Enfin, c’est pas tout à fait ça, mais un peu. Je veux rejouer à Suikoden.
Ouais enfin l’action…. Dans le deuxième film de Matrix, il y a tout le temps de l’action et pourtant il ne s’y passe rien. Dans pas mal de Sergio Leone on a des scènes d’atmosphère et pourtant ça fait avancer l’histoire.
Une pause dans la narration, alors ?
Une pause dans la narration, c’est une description, non? (bon allez, j’arrête de faire chier et je retourne bosser)
Ha ben non, on commence juste à s’amuser !
Rah oui mais j’ai du boulot et on sait tous comment cette histoire va finir ! 😀
(orgie ou baston ?)