Avant de faire une roadmap (comme on dit dans les départements de développement logiciel – je vous raconte pas le choc culturel quand j’ai entendu ce mot pour la première fois en 2001) plus détaillée sur l’année, une annonce que je suis très heureux de pouvoir faire : cette année verra la publication d’un nouveau recueil de Bruce Holland Rogers aux éditions Gephyre. J’ai eu le plaisir de me charger de la traduction comme du choix des textes, pour proposer un petit bijou de nouvelles courtes et ultra-courtes : Rogers est en effet un maître de la short short story ; l’équivalent en fiction littéraire du haïku (même si le haïku, c’est le haïku ; mais vous voyez l’idée). (Le bouquin sera évidemment un bijou grâce à Rogers, pas grâce à moi, hein, on est toujours d’accord.)
Pendant dix ans, je me suis occupé de traduire deux nouvelles de Bruce Holland Rogers chaque mois dans l’espoir de répliquer en français le succès de son service d’abonnement par mail à des textes courts, sans succès ; on était probablement beaucoup trop en avance techniquement (c’était vers 2005) et j’ai constaté avec consternation (allitération en « st ») que le français n’avait clairement pas le même pouvoir de diffusion que l’anglais pour ce genre de projet ultra-indépendant et planétaire. Snif.
Bref, je suis assis sur un véritable corpus de textes purement géniaux et parfaitement inconnus, ce qui est une tragédie, ce à quoi les éditions Gephyre et ce recueil vont génialement remédier. Ce recueil court proposera pour la première fois en français une intégrale de séries de vignettes entre le fantastique et le réalisme magique, avec l’humour doux-amer et l’humanité qui caractérisent Bruce, ainsi que des nouvelles évidemment indépendantes, organisées comme un voyage à savourer, page après page. Car chaque nouvelle courte est assurée de vous laisser pensif·ve après seulement quelques minutes : c’est un livre qui se déguste dans la durée et à revisiter.
Je suis dithyrambique, mais j’aime et admire sincèrement de très longue date le travail de Bruce, et je suis ravi qu’il soit possible de vous le faire connaître davantage après L’Opéra des Serrures paru chez Rivière Blanche. Merci aux éditions Gephyre de donner vie à ce projet, et on s’en reparle rapidement !
(Dans les projets en cours évoqués par le passé, je mentionnais deux gros projets éditoriaux sur le feu ; c’est donc l’un d’eux. L’autre va nécessiter encore un an de maturation au bas mot, ne serait-ce que parce que j’ai une Succession des Âges à finir… ça aussi, j’en reparle rapidement.)
J’avoue être très curieux. Les formes courtes sont beaucoup moins vendues/achetées en France (du moins j’ai l’impression) même si de plus en plus de maisons d’édition proposent de vrais recueils de qualité. Souvent les nouvelles, novellas et micro-nouvelles sont perçues comme de l’écriture pour débutant (comparé aux romans). Alors que ce sont des formats avec leurs propres techniques et difficultés (ceci dit c’est souvent plus rapide d’écrire une nouvelle qu’un roman). C’est un tour de force de susciter une émotion ou faire vivre un univers en seulement quelques paragraphes sans qu’il y ait besoin d’introduire des éléments, ni devoir conclure et expliquer. Et comme je fais confiance à ton avis, je vais surveiller cette sortie de près.
Merci à toi de ta confiance ! Le travail de Bruce est magnifique à mon humble avis, l’énergie est incroyablement ramassée sur si peu de pages, tout en célébrant toujours l’humanité.
Effectivement, la forme courte est assez peu considérée en France (Mélanie Fazi rappelle souvent qu’en tant qu’autrice de nouvelles, on lui a souvent dit « quand est-ce que tu passes au roman », sous-entendu « quand est-ce que tu écris de vrais trucs »…), mais ça n’est pas qu’un problème purement français, on le trouve également en langue anglaise (quoique dans une moindre envergure ; les classiques anglais étaient souvent nouvellistes, alors qu’en France, on considère surtout les romanciers). Mais là-bas, comme les marchés sont mécaniquement plus vastes en raison du nombre de locuteurs, cela représente un problème économique moindre, ce qui aide à la légitimité.