En lien avec l’article de la semaine dernière sur la construction des opinions personnelles avant la consultation d’autrui, une observation sur des questions d’écriture en particulier, artistiques en général, que je vois souvent circuler en ligne. Elles se formulent à peu près toutes de la même manière :
Comment puis-je faire x dans mon histoire ? Quelle technique pour accomplir y ? Vous pensez quoi de faire z ?
Ce n’est pas parce qu’on est en écriture et que l’approche technique a (heureusement) traversé l’Atlantique depuis les États-Unis que l’écriture est devenue une science ; qu’il existe une bonne réponse, un code (ou une poignée) garantissant le succès dans l’exécution. Ça serait trop simple. Je dirais même, au contraire, que chercher cela est prendre le problème à l’envers. Cela revient à demander :
Comment puis-je faire un solo de guitare qui déchire ?
Ben, au-delà de te muscler les doigts, faire des gammes et comprendre l’harmonie, la réponse devient très vite éminemment subjective, tant pour toi que le public, et donc, elle ne peut connaître de réponse objective. En chercher une, je le crains, est même une manière assez sûre de tuer la vie et le naturel d’un projet.
D’accord, mais quand même, comment accomplir un effet donné dans une histoire ? Alors, on peut parler de pistes, bien entendu, on peut étudier des approches, partager son expérience. Mais il est fondamental de se rappeler qu’elles sont une voie parmi une infinité, juste un point de départ pour l’exploration. Trouver la manière d’accomplir quelque chose dans une histoire est nécessairement consubstantiel des événements, des personnages, du stade de l’histoire, et surtout, surtout, de la sensibilité et des intentions de l’auteur ou autrice. De la même façon qu’un solo de guitare émerge de sa chanson, et la nourrit en retour. Au bout du compte, c’est indissociable. Et surtout, ça ne connaîtra jamais de réponse absolue.
La question est légitime. Mais pour y répondre, je crois qu’il faut partir avant tout de son projet, de son envie personnelle, et de creuser en soi la manière dont on veut procéder dans cette instance précise. Car c’est de la création : une réponse ne servira qu’une fois telle quelle dans un contexte donné. Oui, les leçons acquises à cette occasion viendront nourrir les projets suivants, la clairvoyance, de manière à cerner peut-être un peu plus vite ce qui fonctionne ou pas ; mais à nouveau projet, nouvelles réponses, nouvelles exécutions subtilement ou très différentes.
Je sais, c’est pas pratique. Mais en fait, si on se laisse le loisir d’explorer et de se faire plaisir, c’est plutôt cool ! Comme dit le proverbe, on ne se baigne pas deux fois dans le même solo de guitare (ou un truc du genre). Vos réponses, votre personnalité, votre humeur à un moment (et même les difficultés qui peuvent être reliées à l’exécution d’un passage) sont mille fois plus intéressantes que tous les modes d’emploi du monde.
Veuillez ne pas en prendre ombrage, mais dorénavant, je crois que j’appellerai cela des « questions solo de guitare » avec cet article comme point de départ à la conversation – parce que ce genre d’interrogation sur l’approche revient assez souvent.
Il y a une bonne part d’égo dans ce qui motive un solo, en plus de l’envie de se faire plaisir. (L’égo ce n’est pas sale). Je crois que c’est important de l’ajouter dans l’équation parce que souvent les apprentis n’osent simplement pas le solo.
C’est très juste. Et comme un solo, quand tu débutes, ça peut être très douloureux pour l’auditoire 😅 Mais pourtant, l’ego est une excellente force créative quand elle se combine au savoir-faire. Merci de l’avoir rappelé !