Je trouve qu’écrire en musique représente toujours un dilemme : d’un côté, le son distrait la part anxieuse de l’esprit, envoie la part critique s’occuper dans son coin à l’écart de la part créative pour ne pas l’étouffer – c’est un des principes derrière mon bien aimé Focus@Will. Mais de l’autre, très rapidement, la musique dans les oreilles couvre celle des mots et il devient difficile de s’entendre penser. D’où la quête sans fin pour écrire en musique (avec des tas de recommandations passées dans les archives) : il en faut juste assez pour apaiser l’esprit.

Dans ce voyage, l’une des découvertes qui m’a certainement le plus convaincu est l’application Eōn, conçue par Jean-Michel Jarre, sortie il y a quelques années. J’étais assez méfiant du principe : des algorithmes génèrent une musique continue et procédurale, accompagnée de visuels évolutifs, le tout fondé sur des séquences conçues par le maître. Si vous utilisez des services de ce genre, vous connaissez le problème : ça finit par tourner en rond à force d’usage intensif, quand le but est justement d’occuper l’esprit sans lui donner d’accroche reconnaissable. Du coup, si ça se répète, c’est loupé. Et quand ça ne se répète pas trop, la musique associée est souvent trop aléatoire, c’est-à-dire moche et dissonante (je n’arrive à me faire à Endel, par exemple).

Eh bien justement, dans ce style, Eōn est spectaculaire. Cela aurait pu être un jouet coûteux et extrêmement limité vendu sur la réputation de Jarre, c’est tout le contraire. Après plus d’une centaine d’heure à utiliser l’application, j’ai éprouvé une familiarité passagère une poignée de séquences vraiment typées, et les combinaisons sont si nombreuses que ça n’est pas vraiment gênant. Toute l’idée de l’app est de ne jamais se répéter tant sur le plan visuel qu’auditif, les combinaisons de séquences étant virtuellement infinies (et toujours éphémères), et en plus, c’est extrêmement écoutable, dans le genre textural : pas de mélodie, mais de bête bruit non plus.

Bref, hautement recommandé pour les longues sessions de concentration (et ça marche évidemment sans connexion Internet). L’app coûte une dizaine d’euros, sur iOS ou Mac. Une capture ci-dessous pour se faire une idée :