Recevant de plus en plus de mails semi-automatisés, plutôt bien intentionnés d’ailleurs – je ne m’en plains pas, c’est sympa de recevoir des propositions, tant que c’est fait intelligemment -, il me faut continuer d’établir quelques petites lignes directrices restées tacites jusqu’ici, mais que je devrais probablement noter quelque part, dans le but de faire gagner du temps à tout le monde, à commencer par moi, qui, très franchement et avec regret, n’arrive vraiment pas à suivre avec le flot de mes courriers électroniques.
Donc, pour commencer, en deux mots (version rapide), et ensuite, le pourquoi du comment, pour ceux que ça intéresse (polémique inside).
En deux mots
Je ne chronique pas de littérature de fiction, ni sur ce blog, ni ailleurs (même si je l’ai longtemps fait), pas d’exceptions.
Je suis heureux et honoré de recevoir des propositions de services de presse, et je suis toujours ravi de recevoir des livres, car les livres, c’est le bien. Mais en général, surtout en cette ère de blogging débridé, le but d’un service de presse est d’obtenir un article en retour, et c’est normal. Un livre, un article. Donc, si le but de votre SP est de faire chroniquer le livre, je ne suis pas l’interlocuteur qu’il vous faut, parce que vous n’aurez pas d’article.
Par contre, si vous voulez m’envoyer votre livre parce que vous trouvez ça cool, que vous voulez m’aider à remplir ma bibliothèque, ou juste parce vous voulez me faire plaisir (et ça me fait plaisir), hey, bien sûr que je serais ravi de l’avoir entre les mains. Mais n’attendez pas de chronique ni de presse. (Honnêtement, je ne suis malheureusement même pas sûr de pouvoir le lire avant l’an 2102.)
Il m’arrive en revanche (assez fréquemment) de parler de livres sur l’écriture ou d’essais (même de films, de séries, de jeux vidéo, de musique). Là, pour les SP et les chroniques, oui, pourquoi pas.
Pourquoi donc ?
Là encore, très simplement : parce que je suis écrivain et que je ne suis pas capable d’être juge et partie. J’ai également pas mal de copains dans le milieu, et j’éprouve un net conflit d’intérêt à pouvoir parler librement (donc potentiellement en mal) d’un livre d’un éditeur avec qui je peux avoir travaillé / travailler un jour, d’un ami, et même ; si je connais l’auteur, ne vais-je pas être inconsciemment influencé par ce que je sais de lui / elle ? Si je connais le projet artistique / les intentions de l’auteur, donc si je sais lire entre les lignes, suis-je un bon critique ? Je ne peux en jurer, et si je ne peux en jurer, je m’abstiens.
Maintenant, le complément grinçage de dents : ajoutons le fait que le milieu littéraire manque parfois singulièrement de maturité. Certains éditeurs, auteurs, communicants sont d’une grâce admirable ; même après un papier négatif sur leur travail, ils vous serrent la main avec la profonde conviction que vous avez bien fait votre travail et rempilent sans hésiter. Je leur rends mille fois hommage, ils sont ceux qui impriment à la culture leur grandeur. Hélas, tout le monde n’est pas ainsi et c’est un peu moche, mais le conflit d’intérêt, on le prend aussi parfois en plein dans les dents. Il est arrivé à des camarades, ayant la double casquette, de se faire étriller par des contacts / auteurs / éditeurs après avoir proposé un avis pas entièrement dithyrambique sur des livres, parce qu’ils avaient le malheur d’avoir été sincères. Il m’est déjà arrivé de me faire descendre ou insulter à cause de mes chroniques musicales (là où l’on pense de façon assez drôle que je ne vois rien), ce qui m’amuse plus qu’autre chose (car insulter l’auteur d’une chronique tiède est un flagrant manque de professionalisme), mais la littérature est l’une de mes familles, c’est mon métier, et c’est aussi ma vocation, et là, je ne suis pas sûr d’être tellement amusé que ça. J’élimine donc autant que possible de mon existence les combats qui n’en valent pas la chandelle, et c’en est un.
clap clap
je ferais bien pareil, mais quand on est libraire… 🙂
Justement, tu t’en fous, tu es dieu 🙂
Bukowski for kids… t’es un grand malade.
Parce que c’est plus ou moins en rapport et que je suis curieux, le serpent de mer de l’encyclo bouge encore?
Nicolas : A ma connaissance oui, mais je ne suis plus tellement dans le truc (mon boulot dessus est plus ou moins terminé).
Voilà qui est bien expliqué. Je n’ai qu’une ridicule expérience « d’auteur » avec une nouvelle casée dans Géante Rouge, mais ça m’avait fait un peu le même effet. Impossible de chroniquer ce numéro de GR, je me sentais juge et partie.
Oui, c’est encore pire quand on est soi-même dans un support à chroniquer 🙂
Il m’a fallu récemment demander à un membre de mon équipe de choisir entre son poste et son travail de rédac-chef pour un petit site de jeux vidéo. Ce ne fut pas très agréable, ni pour lui, ni pour moi, mais le conflit d’intérêt était flagrant… Je prends comme un compliment qu’il ait décidé de rester dans le groupe.
Je pense que même si l’on pense pouvoir faire la part des choses, les frontières que l’on s’est fixées peuvent disparaître très vite et l’on se rend compte qu’on est du mauvais côté de la barrière qu’une fois qu’il est trop tard.
Effectivement, bravo. C’est fou qu’il n’ait pas vu le conflit lui-même ; à la rigueur, il était plus gênant pour sa crédibilité de rédac’chef que pour sa place dans ton équipe… Tu lui as rendu service je crois.
c’est beau ton monde le mien c’est l’inverse , on passe notre temps à dire que ce qu’à fait l’autre c’est de la merde surtout quand en fait il a fait un truc de bien et qu’il l’a fait avant nous 🙂