Oh, mais comme c’est bien fait, c’est exactement la dernière phrase de l’article précédent ! On dirait qu’une intelligence supérieure est à l’œuvre.

Bon, OK. Tout le monde parle du livre électronique, vous vous dites « Ben faudrait p’tet que j’my mette, non ? Après y aura plus que ça et moi avec mes yeux et mes lunettes j’pourrai pu lire Guillaume Musso. » Qu’est-ce donc à dire que ce truc ?

Alors déjà, non, vous n’êtes pas obligé(e) de passer au livre électronique. (Serait temps que l’Académie Française nous ponde un terme bien laid pour remplacer ebook, tiens. Dans la veine de leurs créations précédentes, je suppose qu’ils instaureront ibouque. Par conséquent, j’instaure céans le terme livrel, par calque sur les excellents courriels et pourriels québecois, et parce que j’en ai marre de taper livre électronique.)

Donc. Non, vous n’êtes pas obligé(e) de passer au livrel. Le papier a encore de beaux jours devant lui et je doute qu’il soit remplacé un jour, ce qui est également l’avis d’Umberto Eco (c’est la classe). En revanche, c’est une nouvelle manière d’apprécier la lecture, d’en profiter partout, c’est drôlement pratique pour les ouvrages techniques.

Quels sont donc les avantages du livrel ? Faisons une liste à puce, Power Point-like.

  • Ultra léger et petit. Ca tient dans un sac féminin, une sacoche de cadre sup’, un baise en ville, une poche d’anorak. Alors qu’un bouquin est pesant et s’écorne (et donc, on le laisse à la maison), un livrel se fourre partout, s’oublie merveilleusement bien, ce qui permet de le ressortir dans un moment de creux pour croquer une ou deux pages. (D’ailleurs, je me demande si le fait que la lecture soit majoritairement féminine aujourd’hui a puisse être corrélé avec le fait que ces foutus grand formats de 3 kilos et demi ne peuvent rentrer que dans un sac à main.)
  • Toute une bibliothèque dans la poche. Conséquence de ce qui précède.
  • Confort de lecture. Que ce soit sur liseuse ou tablette, on a affaire à du caractère généré par l’électronique, donc « parfait », contrairement aux erreurs d’impression de poches de mauvaise qualité. Ecrit trop petit ? Augmentez la taille des caractères. La police vous déplaît ? Passez en Old English pour une petite touche gothique qui fera sensation (et vous niquera les yeux en deux heures.) (Le débat liseuse ou tablette fera l’objet d’une entrée à part, demain.)
  • Dictionnaires embarqués. Et ça, c’est le méga pied, encore plus si vous lisez en langue étrangère. Les livrels modernes sont fournis avec d’imposants dicos qui vous permettent d’obtenir la définition d’un mot d’un simple clic. Plus besoin de sortir l’Universalis de Papa.
  • Annotations et surlignements. Pour les fétichistes du livre (j’en fais partie) qui refusent ne serait-ce que de corner une page, c’est une merveille. Une citation vous a plu ? Surlignez-la et retrouvez-la d’un claquement de doigts. Le fichier n’aura pas mal.
  • Place gagnée. Ben ouais, mine de rien, quand on lit beaucoup, les bouquins, ça prend de la place. Si vous ne tenez pas spécialement à l’objet papier (roman de gare, livre de poche), le livrel est votre ami : zéro place, à part sur le disque dur.
  • Monstrueuse offre gratuite. Tout le domaine public, en gros, disponible sur des sites comme le Projet Gutenberg ou la BNF. Vous voulez relire Les Trois Mousquetaires ou tout Victor Hugo ? C’est là, votre seul investissement sera l’appareil.
  • Maintenant, tout de suite. Vive la culture de l’immédiat instaurée par le Net. Vous voulez un livre, là ? Achetez-le en ligne, cinq minutes plus tard, il est chez vous.
  • Périodiques et articles. La presse est disponible sur nombre de livrels. Cela permet de recevoir facilement, à moindre coût, vos supports préférés, ou même de vous faire votre propre revue de presse à partir d’articles glanés sur le Net ; tout cela sans encombrer les étagères de vos toilettes.

Maintenant, ce n’est pas magique non plus.

  • Ca ne se consulte pas pareil. Eh bien, oui. Le papier a un énorme avantage : c’est un objet mécanique sur lequel tout le contenu est disponible. C’est idiot, mais un livre, ça se feuillette. Un livrel, non. Parcourir un fichier et retrouver un passage qu’on n’a pas repéré au préalable, c’est la croix et la bannière. Difficile de picorer un extrait, mais surtout d’avoir une vision d’ensemble du volume que l’on a entre les mains. Pour de la fiction, c’est un moindre mal.
  • Pas de batterie, pas de gloire. Les batteries modernes tiennent bien la charge, mais quand même, c’est à signaler.
  • Pas sexy. Et c’est un geek qui le dit. Mais un livrel, qu’on le veuille ou non, qu’Apple brevette toutes les formes géométriques du monde pour faire la pige à Samsung, le livre est charnel, a été vivant, sent la vieille maison, a une jolie image parfois en relief en couverture, se range sur une étagère et s’admire. Le livrel, c’est juste un bout de plastique perfectionné qu’on changera dans deux ans parce qu’une nouvelle version sera sortie.
  • Offre incomplète. Vous n’aurez pas tous les livres de la Terre en électronique. Même dans dix ans, il va falloir un travail de numérisation titanesque (et qui constitue un colossal enjeu économique, n’est-ce pas, Google).
  • Facilité d’emploi sous réserve. Formats, Wi-Fi, connectivité, réseaux sociaux, incompatibilités, boutiques propriétaires, DRM, le monde du livrel a hérité des joies de l’informatique. Même si les concepteurs ont fait des prouesses d’ergonomie pour rendre ça utilisable par tata Cunégonde, le livrel instaure des soucis potentiels que le papier ne pose jamais.
  • La question des DRM. Parmi ces problèmes, celui-là mentionne un point à part. Pour limiter le piratage – et pour enchaîner le consommateur à un écosystème économique – les fichiers sont protégés contre la copie, mais parfois tellement bien qu’ils sont aussi protégés contre leur usage légitime… Le débat est si vaste qu’il méritera lui aussi son entrée.

Que retenir de tout ça ? En gros, qu’un livrel est un complément du papier, mais un sacré complément, immédiat, léger, documenté et disponible un peu partout. Personnellement, je m’en sers pour lire des articles récupérés un peu partout, des textes quand je fais de la direction d’ouvrage, des essais en anglais dont je ne veux pas qu’ils m’encombrent et, question fiction, pour lire du domaine public et en langue étrangère (les tarifs étant très intéressants, puisque libérés des frais de port et souvent inférieurs au poche).

Voilà donc pourquoi. Te sens-tu concerné par ces usages, ô auguste lectorat, ou bien voues-tu le livrel aux gémonies ? (Ca doit pas être un nom facile à porter. Vous imaginez, dans la rue ? « Hé, Gémonie ! »)

(Demain, nous parlerons machine : liseuse, tablette, quoi t’est-ce, que prends-je ?)