La controverse autour de Rêver 2074 a de quoi laisser baba : un projet qui semblait tout de même globalement inoffensif a polarisé le microcosme de l’imaginaire avec une puissance si radicale qu’on est forcé de suspecter que le vrai discours, le vrai « problème », si problème il y a, se trouve ailleurs. À présent que les réseaux sociaux sont carbonisés, que les insultes ont volé, que des amitiés ont été brisées – le tout dans un cercle d’une cinquantaine de personnes au maximum, car il faut bien concevoir que le vaste monde, lui, le lecteur, n’a guère cure de qui se passe – et c’est très bien ; à moins que ce cercle de cinquante personnes représente le cercle réel du lectorat fidèle, auquel cas nous avons de bien plus graves problèmes littéraires que le financement de cette anthologie de science-fiction -, si je puis, timidement, m’essayer à un post mortem qui essaie de comprendre cette polarisation, dans l’espoir de tirer des leçons sur la chose, il me semble que le différend – une anthologie financée par un comité promouvant le luxe – vient de la double acception du mot luxe.
S’il y a bien une chose que cette tempête dans, moins qu’un verre d’eau, un dé à coudre, prouve, c’est que le luxe entraîne les fantasmes. Mais la science-fiction également, vue avant tout comme une littérature sérieuse, d’idées, et d’idées plutôt sociales. On a prêté toutes sortes d’intentions à ce projet, aux limites du conspirationnisme, et on peut s’amuser, comme le faisait remarquer Charlotte Bousquet sur Facebook, que la question ne se serait probablement même pas posée en fantasy, laquelle ne véhicule pas cette image de littérature sérieuse. J’ai envie de dire : grand merci pour la liberté de création que cela nous donne – y compris d’être sérieux, mais clandestinement.
Qu’on ouvre un dictionnaire, et la double acception du mot saute aux yeux, l’ambiguïté est présente : il s’agit de dépenses « somptuaires » associant « raffinement » et « ostentation ». Le luxe, au-delà des fantasmes qu’il suscite, se trouve ainsi ramené dans les débats à une seule de ses dimensions.
1. Le raffinement évoque immédiatement l’art et la culture ; il porte l’idée générale de progrès – c’est ce qu’aborde Charlotte Bousquet sur son blog, par exemple, mais également plusieurs commentateurs dans la discussion poussée qui s’est déroulée ici, évoquant la valeur de rêve, la motivation au progrès. Il faut également considérer que bien des progrès, intégrés depuis dans notre quotidien, ont commencé sous la forme d’un luxe, en des temps où la société fonctionnait différemment. Jadis, posséder un ordinateur familial était un luxe, aujourd’hui ne pas en avoir un constitue un handicap ; avoir du temps libre était un luxe, c’est aujourd’hui un élément inhérent à la qualité de vie, et ce temps dégagé, cette aisance, nourrit toute l’industrie culturelle, laquelle est empreinte d’une certaine « superficialité » au sens qu’elle est, sensu stricto, dispensable. Je fais pleinement partie de cette catégorie ; dans l’absolu, nul n’a besoin de lire mes livres ; même si je m’efforce d’y élargir les thèmes avec quelques questions historiques et philosophiques, ça ne sera jamais aussi dense – et donc nécessaire, dans une conception utilitariste du monde – qu’un essai sur la question (mais peut-être un peu plus rigolo, du moins je l’espère). Le luxe, dans cette acception, représente la marge de manoeuvre de l’humanité, le défrichage de terrains adjacents, l’exploration de possibilités nouvelles qui donneront, ou pas, d’authentiques progrès. C’est un jeu élaboré, pour adultes.
2. Et puis le luxe évoque le superflu, quand d’autres n’ont même pas le nécessaire ; il cristallise tous les péchés du monde capitaliste, le symbole d’inégalités scandaleuses où certains dépensent des fortunes pour des sacs de marque quand d’autres crèvent de faim. C’est l’aspect « ostentatoire » intolérable pour beaucoup, qui représente à son plus haut point les excès d’une société marchande, c’est le symbole de l’impuissance du simple citoyen face à un système qui l’oublie et lui donne l’impression de se construire sans sa voix, malgré l’étiquette « démocratie » censément portée par les civilisations modernes. Colère, impuissance.
Le truc, c’est qu’aucune des deux définitions n’est fausse, et qu’en plus, les deux peuvent se rencontrer dans le même phénomène. Prenons pour exemple les Médicis : sans leurs dépenses « somptuaires » en art et en architecture, la Renaissance n’aurait pas eu le même visage, voire n’aurait pas eu lieu. Elle engendra tout un bouillonnement et un progrès culturels ; ils financèrent et entretinrent des intellectuels de haut vol, qui travaillèrent à faire progresser l’époque où ils vivaient. Laurent le Magnifique protégeait par exemple Léonard de Vinci ou Marsile Ficin, traducteur de Platon.
À côté de ça, Laurent de Médicis faisait preuve d’une brutalité méticuleuse envers ses opposants.
Qui est le véritable homme ? Le protecteur des arts, ou bien l’homme politique sans merci ? Les cathédrales florentines se sont-elles bâties sur la spoliation de la famille Pazzi ?
N’est-ce pas un peu simpliste ? Cette question a-t-elle seulement un sens ?
Les phénomènes ne connaissent pas de cause unique, et la complexité est bien la seule règle qui régisse l’univers, en particulier social, et, dès lors qu’on se décide humaniste, nul homme n’est réductible à une seule dimension. Si j’ai bien fini par cerner un truc dans cette affaire (big up à Lam Rona sur Facebook pour la discussion qui m’a aidé à mettre le doigt dessus), c’est que, bien souvent, la mésentente vient du fait que les interlocuteurs n’emploient pas la même acception du thème, lesquelles charrient des sous-ensembles sémantiques différents, aux connotations différentes, allant de vaguement positives à une négativité confinant à la haine (du système). Je reste convaincu que se scandaliser de ce petit projet (petit par son impact sur le vaste monde en regard des inégalités qu’on entendrait combattre) revient à prendre le problème par un bout particulièrement microscopique de la lorgnette, et qu’il s’agit de s’outrer d’un arbrisseau qui cache une forêt mille fois plus dense et complexe ; qu’on n’abattra pas le système capitaliste en vociférant sur Rêver 2074 et que, au-delà de cela, ça n’a franchement pas grand-chose à voir avec la lutte dont il est question – pas plus que de militer pour le développement durable mondial en se focalisant sur le chlore employé pour blanchir les tickets de métro de Plan-de-Cuques, ou qu’on obtiendra une révolution économique et intellectuelle mondiale en commençant par dynamiter les droits des créateurs, qui sont les plus isolés et les plus fragilisés du secteur, par exemple. Rêver 2074 cristallise un épouvantail rhétorique et, si l’on veut lutter contre le système en commençant par ce point-là, par cohérence et par traitement identique de toute interaction avec l’économie contemporaine, il faut cesser toute collusion de toute sorte et élever des poules sur un bateau en autarcie. Sinon, je crois qu’il faut composer avec le réel de manière à choisir ses combats et où investir le maximum d’énergie.
Si le débat autour du thème doit se poursuivre, de grâce, prenons au moins conscience d’une chose : avant de s’écharper, qu’on se mette d’accord sur le sens du thème qu’on emploie ; le raffinement ou bien l’ostentation, qu’on comprenne au moins de quelle position l’on parle, pour commencer.
Dans l’intervalle, par exemple, BP a été condamné à verser 4,5 milliards de dollars de plus pour la marée noire du golfe du Mexique, mais ça, ça fait bien moins buzzer les réseaux sociaux, parce que c’est loin, ça ne parle pas de SF, c’est vague, on n’y peut rien. On ne se sent paradoxalement pas concerné. Cela ne nous donne pas, en discutant avec véhémence, l’impression d’une action immédiate sur notre monde. Lentille déformante des réseaux sociaux et de leur immédiateté.
Juste un dernier mot pour finir pour te remercier, auguste lectorat, de ta civilité générale dans la discussion idoine, malgré les polarisations, les frustrations perceptibles ; globalement, tout le monde est resté dans les clous d’argumentations construites. Je disais sur Facebook que je ne prétendais pas avoir la science infuse, c’est bien pour ça qu’il y a les commentaires ; si au moins, sur ce blog, tout le monde arrive à discuter en assez bonne intelligence, y compris les gens mieux documentés que moi et surtout ceux d’un avis différent, ma foi, on n’aura pas tout perdu, hey.
Maintenant, passons à autre chose. Parlant de financement, Mythologica et Fiction ont tous deux réussi leur financement participatif, et ça, c’est super chouette !
Incroyable !!
J’aime l’idée de « brutalité méticuleuse ». Et sinon, comme d’hab, j’suis d’accord avec à peu près tout.
Le truc extrêmement positif que l’on peut tirer de cette histoire est qu’il existe une sorte de vigilance dans ce milieu qui à défaut d’être ciblée sur des choses d’importance entraîne des débats qui (en dehors des trolls habituels) sont restés plutôt courtois et constructifs. A titre personnel mon regard sur l’anthologie s’est sensiblement modifié au fil des discussions lues ça et là. Bon, aller comparer l’importance de cette discussion avec une marée noire est un coup bas. On pourrai dire « Et les dizaine de milliers de somaliens qui vont mourir de faim n’ont ils pas autant d’importance qu’une marée noire ? » etc, etc. En bref, je suis plutôt heureux que le milieu que j’apprécie sois capable (globalement) d’intelligence même lors d’un tsunami dans un shooter.
Ce n’est pas l’importance des événements que je compare mais leur retentissement sur les réseaux: l’importance que nous semblons collectivement leur attribuer.
Lionel, je ne suis toujours pas d’accord avec toi, et en fait, je suis de moins en moins d’accord avec toi. Surtout, je pense que tu es passé totalement à côté du vrai sujet des débats qui ont lieu.
Mais d’abord, une remarque plus générale : le coût de la condamnation de BP, non seulement c’est un coup bas, mais en plus (et tu m’excuseras l’expression), c’est un argument à la con. Au final, il tendrait à faire une distinction entre des débats importants, ceux qui touchent l’économie par exemple, et des débats pas importants, ceux qui touchent la culture notamment. Or, quand on s’intéresse à la politique, on se rend compte que la culture est
stratégique, et que la politique économique n’est souvent que le résultat presque « annexe » de conceptions idéologiques et culturelles. Donc, en fait, et avec un peu de mauvaise foi, ce qui s’est passé sur Rêver 2074 est probablement plus important que la condamnation de BP.
Par ailleurs, et pour revenir à ton blog, tu es passé à côté
du vrai problème. La question, ça n’est pas la définition du luxe, mais la conscience politique des auteurs, leur responsabilité politique et le contexte politique de Rêver 2074. Peu importe la double, triple, quadruple acceptation linguistique du luxe. Le comité Colbert, lui, se concentre sur une réalité économique et politique bien précise, dont je n’ai aucun doute sur le fait qu’elle n’a rien à voir avec le progrès de l’humanité ou le bonheur du plus grand nombre.
Une fois de plus, je te reprocherais ce que j’ai reproché (peut-être de façon pas assez claire) à ce projet : le manque total de conscience politique. En réduisant le débat à un problème linguistique, tu évacues totalement les implications et les conséquences idéologiques de ce projet. Dans le même temps, tu fais la démonstration d’un certain manque de conscience politique, qui à mon sens, est le responsable de l’incompréhension qui a régné entre les protagonistes du débat.
La culture (au sens large) forge les esprits et les mentalités. Elle joue donc un rôle crucial dans les évolutions politiques. Ceux
qui travaillent dans la culture ne peuvent pas se dispenser d’un travail de conscience politique. Ce serait comme de filer des kalachnikov à des aveugles. Ça finira mal.
« La question, ça n’est pas la définition du luxe »
Si quand même ! Si on ne sait pas de quoi on parle, si on ne parle pas tous de la même chose, comment peut-on seulement espérer débattre ?
C’est le plus important, en français et en politique.
tu as mis le doigt exactement où il fallait : « raffinement » et « ostentation »…
… il me semble bien que les réactions un peu brutales sont liées à la forme choisi pour la présentation de R2074 : l' »ostentation » plus que le « raffinement »
(et pour mémoire, la définition CNRTL d’ostentation : »Attitude, caractère de celui qui cherche à tout prix à attirer l’attention sur lui-même, sur un trait de sa personne, sur sa situation sociale avantageuse. » ; on ne saurait mieux définir la stratégie des industries du luxe)
@ Lucie : en fait, je suis d’accord avec toi. C’est juste que de mon point de vue, la définition du luxe pertinente pour Rêver 2074, tu ne la trouveras pas dans un dictionnaire, mais dans le manifeste du comité Colbert. Aborder le problème d’un point de vue strictement culturel est une erreur.
moi je vais plagier « brutalité méticuleuse » :8
Je ne te comprends pas, Arnaud. Si tu es d’accord avec moi, alors tu l’es avec Lionel, puisque je le rejoins en tous points ^^
On ne cherche pas « la définition du luxe pertinente pour Rêver 2074 » mais la définition du luxe pertinente pour débattre entre nous.
Arnaud, du calme stp. Concernant le débat, TOI tu te places du point de vue du luxe comme ostentation, d’où la conscience politique que tu invoques, et tu exclus formellement l’aspect raffinement. Si tant de personnes n’ont pas pu s’entendre, c’est que certains, comme toi, parlent de conscience politique, quand d’autres parlent d’autre chose. Mon discours, c’est qu’il y a les DEUX, sacré bon sang, et qu’avant de s’enflammer, c’est une bonne chose de comprendre le point de vue d’où parle la personne d’en face.
Quant à l’histoire de BP, j’ai répondu à Jean-Hugues.
Lam, la définition CNTRL d’ostentation me fait surtout penser à n’importe lequel d’entre nous qui tente d’attirer l’attention sur ses bouquins.
D’ailleurs, j’en profite pour remercier Lionel du message à propos de Mythologica et Fiction 😉
Et tant que j’y suis, c’est le meilleur endroit pour parler de mes fantasmes à moi, n’est-ce pas ? :p
http://www.riviereblanche.com/svetambre2.htm
@ Lucie : Certes, mais on débat de quoi, sinon de Rêver 2074 ?
@ Lionel : non, ça n’est pas moi, c’est le comité Colbert, à moins que tu ne sois vraiment convaincu que celui-ci œuvre pour le bien de l’humanité.
(désolée, Lionel, fallait que ça sorte ^^)
Arnaud : voir le fil où la notion d’art et de création ont été invoquées, voir Charlotte (si je ne m’abuse) qui parle d’émancipation à travers Chanel, etc. On ne va pas refaire la discussion d’origine.
Arnaud « @ Lucie : Certes, mais on débat de quoi, sinon de Rêver 2074 ? »
Non, on ne débat pas d’un livre qu’on n’a pas lu. A moins que tu aies revu ta copie, tous les commentaires que j’ai pu lire de toi disaient que tu refusais de lire cette antho, mais que tu savais déjà ce qu’il y avait dedans et que tu savais qu’il fallait la condamner absolument.
J’ai essayé de dire que je trouvais l’attitude malhonnête, mais les retours de bâton (pas de ta part, je précise !) m’ont fait fuir.
J’abonde dans le sens de Lionel : lorsque plusieurs définition existent, il convient pour comprendre celle(s) qu’utilise(nt) l’interlocuteur de comprendre son intention (son projet)
Lorsque quelqu’un, dans son propos, parlant de luxe, fait référence à R2074, il embarque, volontairement ou pas, le contexte posé par le comité colbert, le projet de la « fabrique de l’utopie » ; même si c’est à son corps défendant ou par méconnaissance
Lam Rona, ça n’a rien à voir avec le fond, mais est-ce que tu pourrais passer moins de lignes dans tes commentaires ? Ça fait un bug horrible sur mon écran… Une devrait suffire, plutôt que deux à chaque fois, non ?
@ Lucie : lire l’antho n’a aucun intérêt, puisque ce qui est en jeu ici, c’est la logique de propagande initiée par le comité Colbert. A la rigueur, lire les travaux de ce comité, ça aurait déjà plus d’intérêt.
@ Lionel : je n’ai aucune envie de refaire la discussion d’origine, mais c’est toi qui remets le sujet sur le tapis. En outre en évacuant toute une dimension du débat. Ne t’étonne pas que certains reviennent à la charge.
En l’occurrence, sur les aspects positifs du luxe, c’est un raisonnement absurde. Est-ce que quelqu’un s’est posé la question de savoir quels auraient été les aspects positifs d’une plus grande répartition des richesses, y compris au profit des artistes ? Ces derniers auraient-ils tant besoin de mécènes si, comme tout le monde, ils avaient de quoi vivre décemment sans se prendre la tête ?
Encore une fois, je suis consterné par l’incohérence (à mes yeux en tout cas) entre le fait d’un côté de râler pour une meilleure rémunération des auteurs et un meilleur statut (revendications au demeurant légitimes) et de soutenir, ou en tout cas de ne pas condamner, une œuvre de propagande réalisée par les mêmes qui sont à l’origine du système qui font que les auteurs crèvent la dalle. On dit souvent qu’il ne faut pas mordre la main qui nourrit, mais quid de la main qui affame ?
Arnaud « @ Lucie : lire l’antho n’a aucun intérêt, puisque ce qui est en jeu ici,
c’est la logique de propagande initiée par le comité Colbert. A la
rigueur, lire les travaux de ce comité, ça aurait déjà plus d’intérêt. »
Donc on ne débat pas de la même chose, donc on ne peut évidemment pas être d’accord. Ce n’est pas seulement le luxe, qu’il faut définir, c’est le sujet de la discussion.
En passant, je ne vois pas comment on pourrait se pencher sur la « logique de propagande initiée par le comité Colbert » sans en observer le moyen. A moins de craindre de s’apercevoir, qu’en fait, la « logique de propagande » est inexistante, elle aussi fantasmée.
Je voudrais revenir sur un paragraphe de ton texte, Lionel, et casser si possible au passage une idée reçue qui ne commence que seulement à être écornée par les historiens.
Tu écris:
« Le truc, c’est qu’aucune des deux définitions n’est fausse, et qu’en plus, les deux peuvent se rencontrer dans le même phénomène. Prenons pour exemple les Médicis : sans leurs dépenses « somptuaires » en art et en architecture, la Renaissance n’aurait pas eu le même visage, voire n’aurait pas eu lieu. Elle engendra tout un bouillonnement et un progrès culturels ; ils financèrent et entretinrent des intellectuels de haut vol, qui travaillèrent à faire progresser l’époque où ils vivaient. Laurent le Magnifique protégeait par exemple Léonard de Vinci ou Marsile Ficin, traducteur de Platon. »
Sauf que…
La Renaissance ne s’adressait qu’à une poignée de personnes, les nobles, voire même plutôt ceux de la très haute noblesse. On sait maintenant qu’il y avait au Moyen Âge (XIVe-XVe siècles) bien plus d’écoles ouvertes aux pauvres et aux petites gens (en Normandie par exemple, une tous les 4/5km) qu’à la Renaissance, période durant laquelle elles ont quasiment disparues. Il faudra attendre le XVIIe et surtout le XVIIIe siècle, pour que l’éducation redevienne de masse.
Autrement dit, à la Renaissance, on a l’apparition d’un luxe ostentatoire formidable de raffinement, et en même temps une régression culturelle majeure.
Quelques éléments ici:
http://www.cairn.info/revue-histoire-et-societes-rurales-2009-1-page-127.htm
Arnaud : la main qui a nourri les auteurs, ici, c’est le comité Colbert. Tout comme Laurent le Magnifique autrefois. Arrête de dire que j’évacue une partie du débat PUISQUE JUSTEMENT je mentionne les deux ici. Tu t’obstines à n’en voir qu’un, c’est ton droit, mais on tourne en rond. Je t’invite à écrire une uchronie où de Vinci, Ficin et les autres se poseraient ces questions-là et apporteraient des réponses à ton goût. J’aurais grand intérêt à la lire et je pense que ça disséminerait davantage les idées qui te tiennent à coeur.
Il n’y a pas de double acception, mes amis. Il y a un double malentendu.
D’un côté il y a tous les sens qu’on peut trouver dans le dictionnaire, sans oublier les sens passés. C’est super intéressant d’un point de vue historique et lexicographique (coucou monsieur Rey…). Mais dans le cas qui nous occupe, c’est complètement à côté de la plaque.
De l’autre, il y a un sens précis, celui qui est dans la tpete des entreprises composant le comité Colbert. Que l’on pourrait brièvement résumer par « ce qu’on fait, nous ». Et comme c’est eux, les pros de la chose, il se trouve que chaque fois qu’on parle de luxe d’un point de vue économique, c’est de ce sens-là qu’il s’agit.
Donc s’il faut reconnaître une chose au CC, c’est la légitimité pour définir leur propre activité (et, partant, le sens de l’anthologie qu’ils ont payée avec leurs sous).
@ Lucie : On est d’accord. Si on m’avait expliqué que je devais lire l’antho pour y découvrir que les auteurs avaient berné les gars
de Colbert et détourné l’anthologie, peut-être que je m’y serais collé. En l’occurrence, personne ne l’a fait. J’en conclue que je ne fantasme pas. En outre, s’imaginer qu’une anthologie financée par le comité Colbert et distribué gratuitement n’est pas de la propagande, c’est à mon sens faire preuve d’une grande naïveté. Je ne sais plus qui l’a dit, mais quand c’est gratuit, c’est toi le produit.
Merci beaucoup pour les éléments, Patrice. 🙂
😉
« … lire l’antho n’a aucun intérêt… »
alors là, je m’inscris en faux ; sa lecture :
– donne une assez bonne idée d’un avenir _possible_ du statut des auteurs littéraires (scénaristes à la mode hollywoodienne ?) ;
– permet de voir de manière assez transparente la stratégie de communication des industries du luxe, ainsi que leurs motivations.
@ Lionel : on ne se comprend pas. Je ne parle pas du sens étymologique du luxe, je parle des deux aspects du problème :
culturel, et politique. Tu ne parles que du culturel, et tu évacues le
politique. C’est ça, notre point de désaccord.
Arnaud, il y a un problème de logique, pour moii 🙂 Tu dis « personne n’a fait ça, j’en conclus que… » Mais ce n’est pas parce que tu n’as pas vu telle chose qu’elle n’existe pas.
Il y a eu très peu d’articles de gens ayant lu l’antho. Et beaucoup de billets parfois haineux de gens ne l’ayant pas lue. Lis la chronique de Philippe Caza et son passage sur le Care…
(en réalité, le luxe, je m’en fous, mais le cassage d’un truc qu’on ne s’est pas donné la peine de regarder, j’ai du mal)
Arnaud : « Si on m’avait expliqué que je devais lire l’antho pour y découvrir que les auteurs avaient berné les gars
de Colbert et détourné l’anthologie, peut-être que je m’y serais collé. » => http://nonpasleboutonrouge.wordpress.com/2014/11/27/a-cheval-donne-on-ne-regarde-pas-les-dents-2/
Lucie, je pourrais te retourner le commentaire : à quel
point es-tu documentée sur le capitalisme, son hégémonie culturelle et ses moyens de propagande ?
Christophe : « chaque fois qu’on parle de luxe d’un point de vue économique, c’est de ce sens-là qu’il s’agit. »
Et quand on en parle d’un point de vue autre qu’économique ? Parce que le point de vue économique n’est pas abordé, dans l’antho.
Arnaud : J’ai vraiment l’impression que tu lis ce que tu veux lire, et que ça commence à déborder sur ton opinion de moi, ce qui m’agace un peu. L’article n’évacue absolument pas le politique, il le place dans le deuxième aspect pour dire que quelqu’un qui voit le luxe comme le raffinement va foncièrement clasher avec quelqu’un qui le voit comme ostentation. Et si tout le monde mangeait à sa faim, l’ostentation poserait moins de problème. Je ne cherche pas à convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit. (Il y a longtemps que j’ai abandonné cette illusion-là.) Je cherche à décoder une situation.
Arnaud, si je décide de parler du capitalisme, je me documenterai. Là, je parle d’un foutu bouquin, et la première chose à faire, c’est de le lire !
« Parce que le point de vue économique n’est pas abordé, dans l’antho. »
Voyons, Lucie, les références aux brevets, à la propriété industrielle, à la violence de la concurrence économique (par exemple dans le texte de Joëlle), ce n’est pas un point de vue économique ?
@ Lionel : simplement en ouvrant un dictionnaire plutôt que le site du comité Colbert (je caricature), tu évacues le politique. Je salue ta démarche de décodage, mais en la plaçant dans un cadre strictement culturel, et pas politique, tu te mutiles intellectuellement.
@ Lucie : la polémique concernant Rêver 2074 n’a à mon sens qu’un seul sujet, et c’est celui du capitalisme. Si nous étions dans une société égalitaire où tout le monde mange à sa fin, cette antho n’aurait soulevé aucune polémique (bon, en fait, je pense qu’elle n’existerait pas, mais bon)
Je précise mon explication. Le comité Colbert a sa vision du luxe. C’est lui qui sponsorise l’antho. C’est lui qui a organisé la réflexion préliminaire, ainsi que tout l’enrobage a posteriori. Donc, le luxe, ici, dans le contexte de cette antho, c’est le luxe selon lui. Un auteur qui aurait par exemple décidé de baser sa thématique sur l’usage du mot « luxe » dans l’expression « un luxe de détails » (c’est-à-(dire, donc, une surabondance) serait complètement décalé, et je pense qu'(on l’aurait invité à revoir sa copie.
VOTRE ATTENTION S’IL VOUS PLAÎT, de manière générale, je vous attire à rester calmes et constructifs, à ne pas refaire un débat qui a déjà eu lieu dix fois, parce que j’ai assez peu d’énergie en ce moment pour m’abstenir de modérer à la 12-gauge. Vous remerciant et des bisous 🙂
Arnaud : La culture n’est que l’aspect raffinement. Elle n’est que la moitié de l’équation. C’est justement le sujet de l’article.
Qu’en dit le Grand Robert dirigé par Alain Rey ? « Luxe : 1. Mode de vie caractérisé (à la différence du confort) par une grande dépense de richesses consommées pour la satisfaction de besoins superflus, inspirés soit par goût du plaisir, soit par celui du faste, l’esprit d’ostentation ; déploiement de biens destinés à cette satisfaction. »
Je vous fais grâce des autres acceptions, mais, sauf erreur de ma part, je n’y ai pas trouvé de mention de raffinement.
Lionel, si tu veux que je reste calme, il faut que tu
arrêtes de nous demander de ne pas débattre alors que c’est toi qui remet le couvert. 😉
Par ailleurs, nous ne nous comprenons toujours pas. Je n’associe
pas l’aspect culturel du problème à une définition et l’aspect politique à une autre. Le caractère strictement culturel de ta démarche provient du fait que tu restreins ta méthode à l’utilisation des dictionnaires alors qu’il aurait fallu se pencher, comme t’y invites Christophe, à étudier la doctrine du comité Colbert. Là, tu aurais été (aussi) politique.
Le raffinement provient du TLF. « Pratique sociale caractérisée par des dépenses somptuaires, la recherche de commodités coûteuses ou de biens raffinés et superflus, souvent par goût du faste ou désir d’ostentation. » Plus loin: « Qualité de ce qui dénote la richesse et le raffinement », pris comme acception de « sophistiqué ».
et comment fais-tu, Lionel, pour passer de « raffinement » à « culture » ?
Ah… la culture…
Deux choses à dire concernant la culture (dans la perspective du luxe).
1. La référence à la culture est limitée par le fait qu’une composante importante, l’art, est complètement hors sujet. Peinture et autres arts, malgré la valeur financière élevée de leurs productions et le degré élevé de qualification de leurs producteurs, ne font pas partie du secteur du luxe. Et je vais vous en dire très vulgairement la raison, ou du moins une d’entre elles. C’est que leurs produits (dans notre société marchande) sont des biens de spéculation, et non, comme les produits de l’industrie du luxe, de simples biens de consommation, fût-elle ostentatoire.
2. L’usage de la culture par l’industrie du luxe est (en grande partie) de l’ordre de la mystification. Selon elle, leur consommateur est un être d’élite, raffiné, cultivé, possédant les clés de l’usage de leurs produits et en maîtrisant les secrets. La réalité, bien sûr, est que le seul ticket d’entrée pour appartenir à cette élite est l’argent. Les êtres les plus vils et vulgairement incultes produits par la société contemporaine (stars du rap, célébrités de la téléréalité, oligarques mafieux…) sont les bienvenus dans ces soi-disant temples du raffinement cultivé, ils y sont accueillis avec un larbinisme tout à fait égal à celui auquel ont droit les clients plus traditionnels.
je confirme, enfin non le comité colbert confirme, les propos de Christophe
c’est en toute lettres dans R2074 : « Cet artisanat retrouvé, rajeuni, rendu puissant, novateur, utopiste, universel, a rejoint l’art, et l’a même dépassé, car les arts ont été compromis, depuis le XXe siècle, par la spéculation et les bulles financières. »
Lam Rona : A travers l’histoire, où le raffinement, dans de petits et de grands exemples, est devenu moteur de progrès culturel – d’où le fait que je prenne les Médicis comme exemple: le mécénat, pour les mécènes, était aussi faire preuve de raffinement (voire d’ostentation! 😉 ). D’autre part, les discussions ici ont pas mal évoqué la question de l’artisanat / art (cristal etc.).
Pour rebondir sur ce que dit Christophe, raffinement peut donner art qui peut donner culture, ce n’est pas systématique, mais la liberté d’exploration qu’octroie le faste peut débloquer des horizons (je pense toujours à Ficin, mais aussi à tous les artistes « subventionnés » avant qu’on ne commence à réfléchir à un droit d’auteur).
Lionel, n’aurais-tu pas lu R2074 ? ^^ (c.f. l’extrait ci-dessus sur la « compromission » de l’art ; autant pour les mécènes…)
Plus sérieusement, ton introduction m’interroge « un projet qui semblait tout de même globalement inoffensif… »
Le constat que je fais, c’est que tout un tas de monde parle de R2074, non seulement sans l’avoir lu (ce que je déplore tout comme toi), mais en examinant seulement le produit et pas le projet. Et ce qu’il dit, ou pas, sur un avenir possible de la »sponsorisation » de l’écriture…