C’est une question qui revient fréquemment : « je voudrais m’acheter une liseuse, tu n’as pas un conseil à me donner ? » En conséquence, j’avais rédigé pour Noël 2012 un gros guide sur les questions principales à se poser : quel constructeur, quelle attitude vis-à-vis des verrous numériques, etc. Je terminais par donner – pour ce que ça valait – mon choix de l’époque : le Kindle d’Amazon en raison de mon profil d’utilisateur (beaucoup de lecture en anglais).
On m’a déjà fait remarquer à l’époque que c’était un peu malaisé, parce que cela donnait l’impression que je recommandais le Kindle et la plate-forme d’Amazon. Non. J’ai un profil et des besoins particuliers. Par contre, je suis forcé d’avouer que cela donne, malgré moi, une sorte de blanc-seing à l’entreprise. Or, je n’ai pas d’amour particulier pour celle-ci, plutôt l’inverse ; et, au fil des ans, il apparaît que cet acteur majeur du secteur culturel se comporte non seulement d’une façon hautement déloyale, prêt à toutes les bassesses pour arracher sa clientèle, mais qu’en plus, ses agissements sont délétères au milieu qu’il prétend servir, contribuant toujours davantage au morcellement des revenus, à la fragilisation de l’économie, à la rupture de la confiance entre acteurs.
La liste est trop longue, mais l’on pourrait citer
- L’évasion fiscale monumentale de l’entreprise (l’auteur Allan Ahlberg a d’ailleurs refusé le prix qu’on voulait lui décerner pour cette raison)
- Les conditions de travail « dignes du XIXe siècle » dans les entrepôts d’Amazon
- La recherche d’une inventivité perverse pour entuber toujours davantage la chaîne du livre, comme la vente d’ebooks d’occasion
- La gratuité des frais de port sur le livre, que le législateur a d’ailleurs récemment déclaré illégale (loi contournée aussi sec, mais là, c’est la loi qui est mal écrite)
- Les luttes tarifaires où les auteurs sont pris en otage, comme l’affaire Schuster & Macmillian il y a quelques années, et actuellement contre Hachette – où Amazon cherche tout naturellement à opposer les auteurs à leurs éditeurs, ben voyons
- Et j’en passe : les marges des petits éditeurs arbitrairement réduites, les applications qui incitent les clients à comparer les tarifs des boutiques en dur à ceux en ligne, les comptes Kindle arbitrairement fermés…
Je travaille dans le milieu littéraire, la chaîne du livre est mon alliée, de l’éditeur au libraire. Amazon dépasse le stade de la concurrence acharnée (qui est le jeu du capitalisme) pour entrer dans le foutage de gueule généralisé, de l’employé, de l’auteur, de l’éditeur, et de vous, clients, lecteurs. On le sait, s’il y a un truc qui m’agace, c’est qu’on me prenne pour un imbécile ; je ne suis pas bégueule sur les facilités de la vie moderne, mais à prouver, à répétition, qu’Amazon n’a aucune morale autre que de trouver une nouvelle façon de baiser la gueule du système (je pèse mes mots), cette entreprise nuit à mes intérêts d’écrivain et à ceux de mes alliés économiques.
Je respecte le choix de chacun d’aller chez eux, en toute connaissance de cause – c’est pourquoi je ne vais pas non plus m’opposer bec et ongles à ce que mes ouvrages soient disponibles en commande dans leurs rayons. (Je ne choisis pas, de toute manière.) J’ai toutefois toujours incité à préférer les commerces de proximité, les librairies où l’on vous offre un vrai conseil, où l’on trouve des passionnés qui connaissent vos goûts et savent vous recommander le roman qu’il vous faut, et que vous ne trouverez jamais ailleurs.
Je ne suis pas du genre à appeler publiquement au boycott ni à dire quoi faire à qui, mais j’aimerais quand même aller plus loin et te décourager très ouvertement, auguste lectorat, d’aller chez Amazon, pour toutes les raisons précitées. Fais vivre tes commerçants de proximité ! Et si tu ne les connais pas, va à leur rencontre ! Dans un système capitaliste, choisir chez qui l’on achète un acte politique. Si tu es un accro du commerce électronique, ton libraire a probablement un site (comme Critic) ! Et si tu tiens absolument aux grandes enseignes, il y en a quand même d’autres qui sont – au minimum – domiciliées en France comme la Fnac et représentent un moindre mal. Enfin, si tu es comme moi un fondu de musique numérique, je porte à ton attention les alternatives que sont Qobuz, CDBaby, Beatport, etc.
Pour en revenir au sujet des liseuses : alors, quid du Kindle ?
Le Kindle, c’est comme Apple (iOS) : ça marche tout seul, ma grand-mère pourrait s’en servir, et en plus c’est pas cher (pas comme Apple). Mais toutes les données sont verrouillées, bien sûr (voir cet article). Dans le cas d’Apple, il est concevable de céder un peu d’ouverture du système en échange d’une facilité d’emploi. Amazon fournit la même facilité, certes. Mais il n’est pas le seul sur le marché, très loin de là. Si vous n’avez pas envie de vous lancer dans l’aventure d’une liseuse multi plate-formes (comme les Sony), les Kobo sont d’excellente facture, par exemple, et proposent un service tout aussi simple d’emploi (avec DRM également), joint à la Fnac.
Bon, j’ai un Kindle. Je m’en sers, je ne vais pas le balancer aux orties. Mais une chose est sûre, quand celui-là tombera en rade, je n’en rachèterai pas.
Et moi, quand mon Sony Reader tombera en panne, je serai pas dans la merde… Parce que pour trouver un truc QUI NE SE CONNECTE PAS, maintenant, tu suggères quoi ?
(ah, c’était l’article pour éviter de répondre à ce type de question ? Tant pis pour toi, c’est comme la loi Amazon, l’est mal rédigé :p )
Ce n’est pas la liseuse qui est le plus important, mais de pouvoir acheter des livres sans DRM. Un vendeur qui ferme, change ses conditions ou tombe simplement en panne et POUF! disparus ses achats…
Booken ou Trekstor pour la non-connexion.
pas avec la liseuse Sony qui ne se connecte pas, justement. Que je peux brancher sur mon ordi sous Linux et charger comme une clé usb
Faites comme moi arrêtez de lire :p
Sauf que les DRM ne sont pas le fait de la liseuse mais du vendeur 🙂 Lucie, les Kobos par ex permettent une connexion usb à un pc pour la charger, même si la plate-forme d’achat sur la liseuse est reliée au site kobo/fnac.
+1 Lucie. A la base j’avais aussi choisi un PRS justement parce qu’il lui était impossible de se connecter via Wifi.
Mais avec une Kobo, on ne peut lire que des e-books Fnac, c’est bien ça ? Moi, je préfère acheter chez les éditeurs ou dans de petites librairies spécialisées (ou pas)
J’ai une Kobo et je n’ai rien acheté à la Fnac, je lis dessus tout ce que j’ai acheté direct chez l’éditeur ou chez d’autres libraires en ligne (+ bibliothèque, pour les emprunts). Elle lit très bien le format Epub et PdF, les avec et sans DRM, donc non, on n’est pas limité à un seul catalogue. Je n’utilise pas la fonction Wifi par contre, je la charge toujours via mon ordi etvia Adobe Digital Edition (nécessaire pour les emprunts en bib de toute façon, vu que ce sont les DRM qui gèrent le temps d’emprunt). Voilou 🙂
Ah non. La Kobo accepte plein de formats, y compris les plus courants sur le web. C’est la grosse différence avec un Kindle, oui la plate-forme est relié à Kobo/fnac, mais l’utilisateur peut acheter ses ebooks où il le souhaite tant que le format est compatible.
Et encore pour la kindle, pas besoin d’être en wifi, pas besoin de n’acheter que sur amazon, et la conversion epub/mobi et comprise dans le logiciel (gratuit) de transfert kindle/ordi
Calibre! Calibre! Calibre!
Tout à fait, le DRM n’est pas le fait de la liseuse mais du vendeur, mais de fait, acheter la liseuse d’un vendeur lie le client à sa boutique (et à ses DRM) dans le cadre d’achats verrouillés.
Quelle que soit la liseuse de votre choix, c’est à vous à sauvegarder vos achats, il est aberrant de compter sur votre dealer pour ça.
Après, en fonction de ses connaissances techniques, tout ecosystème dit fermé peut se contourner sans trop de problème.
Lionel, en tant qu’utilisateur multi plateforme (par besoin dans ton cas), tu peux jeter un oeil sur la Book T68 de Onyx, le meilleur des mondes dans une seule machine
http://www.clubic.com/livre-electronique/actualite-710769-onyx-boox-t68-e-ink-android-google-play.html
Tu l’utilises ? C’ets bien pour prendre des notes ?
C’est ce qui me fait rester sur le papier : je corne les pages, je note au stylo comme un barbare, et toutes les liseuses que j’ai essayées étaient losesques quant à la prise de notes.
MErci Yo pour l’article.
Pour les notes, une liseuse, ce n’est vraiment pas terrible, à part pour faire des surlignements qu’on peine à extraire ensuite. Pour cet usage, je prends une photo avec tablette ou smartphone que j’annote ensuite.
Belle machine, pas chère en plus.
une presque tablette diront certains, tu trouveras qq vidéos de présentation des différentes apps testées sur ce blog
http://blog.the-ebook-reader.com/tag/onyx-boox/
J’allais en effet pointer que vu les fonctionnalités annoncés, on flirte lourdement avec la tablette. Ce qui n’est pas forcément ce que recherche tout le monde (le moins il y a d’applications tierces sur ma tablette – accès au web compris – le mieux je me porte).
Sympa en effet, mais bcp trop cher pour moi 🙁
A ce que je sais sur la Fnac quand on achète les DRM viennent seulement de l’éditeur, ça n’en rajoute pas (non parce que j’ai un peu l’impression de lire que si on achète à la Fnac on va avoir des DRM qu’on voulait pas… et j’ai acheté Kobo, pas Fnac mais ça revient un peu au même, sans passer par le store de ma liseuse et outre les cafouillages entre Immateriel et Kobo qui font qu’il y a des DRM où il ne faudrait pas, qui est un soucis technique a priori et non une volonté de Kobo de rajouter des DRM, y’a aucun soucis, c’est de l’epub « normal »).
Le seul soucis de Kobo c’est qu’ils ont un format particulier, le kepub, qui fait par exemple qu’un simple epub aura les notes de bas de page non cliquables alors que le kepub oui. Sinon l’epub simple passe très bien, je m’emmerde pas avec les kepub et j’achète tout sans DRM, sans me connecter au net, sur des structures que j’ai choisies.
Et pour le store Kobo attention il ne marque plus si c’est avec ou sans DRM, d’où entre autre ma préférence vers d’autres stores.
Et je mets tout sur mon ordi en copie et n’ajoute mes ebooks que via la connexion usb.
Kobo Immateriel, de la mauvaise volonté des 2 côtés poru cette histoire de DRM…
Lorsque Kobo vous vend un KEPUB, le format EPUB est (était?) toujours fourni avec, dans votre compte Kobo (via le site)
Et les notes de bas de pages ePub sont cliquables sur les autres liseuses, c’est donc les liseuses Kobo qui sont dysfonctionnelles 😉 Par contre le fait que ce soit une popup, c’est pas mal
Peut-on parler de dysfonction si ça marche dans un format et pas l’autre ? A priori c’est juste une volonté constructeur. C’est une des limites de cette liseuse mais à moins de lire un truc avec beaucoup de notes ce n’est pas gênant (j’attends juste la fin du chapitre pour les lire). Je me demande s’il n’y a pas aussi des coupures de pages un peu étranges (pas gênantes à la lecture, juste parfois on a qu’une demi page alors que ce n’est pas une fin de chapitre).
S’il n’y avait pas de différence entre le kepub et l’epub le premier n’aurait aucune raison d’être (même si c’est un peu couillon de faire un truc aussi proches mais bon, moi ça me va pour lire des epubs alors les petites limites je les accepte bien volontiers).
^^ bizare, ça Anne, ça fait longtemps que tu l’as ?
Ce qu’il y a de bien quand je lis un article du blog, c’est que j’élargis en même temps mon vocabulaire. Le mot du jour : blanc-seing. 🙂
le problème, avec la kindle, c’est qu’il faut créer son compte kindle pour qu’elle démarre, mais ensuite, tu peux éteindre la wifi et en principe, ton ordi devrait la reconnaitre sans problème
oh, j’avoue que linux et cie, je n’y comprend pas grand chose :p
Intéressant ! Toutefois, tout n’est pas figé. Voici un vieil article sur le Kindle, qui couvre pas exactement les mêmes points que toi, mais donne quelques trucs : http://blog.grishka.fr/2013/02/kindle-4-amazon/.
Elsa Lelf, c’est un soucis hardware/software propre à la Kobo (mais pas que Kobo), la zone cliquable est trop petite pour nos doigts. Sony a résolu le problème en élargissant la zone cliquable sur les notes de bas de pages par exemple.
En tant que codeur, je pense à « agrandir » le champ cliquable pour palier à ce soucis Kobo.
Le Kepub est plus qu’une simple amélioration des zones cliquable, cela permet également la synchrinisation entre machine Kobo (point de lecture, surlignagnes, notes,…) ils ont voulu imiter l’ecosystème d’Amazon avec un format propriétaire (mais non obligatoire)
ça reste des « trucs » que les moins technophiles n’appréhenderont pas aisément, mais devront par la force des choses les découvrir trop tard.
Et par esprit de contradiction, ce seront les moins technophiles qui se rueront sur les Kindle pour la facilité offerte
Vive le support physique !!!
Le livre physique est le seul format dont on est certain qu’il sera lisible le siècle prochain. 😛
je doute que les livres « modernes », au vu de leur qualité, tiennent un siècle pour certains
Qualité d’écriture ou d’impression (et de papier tout ça) ? Parce qu’il y a des trucs nuls qui traversent les âges.
impression (pour la longévité) parce que le contenu, seul le temps jugera
Haaa, d’accord alors. (je note que mes superbes bouquins de l’Atalante ont tendance à se déliter en quelques mois)
Dis Lionel est-ce que tu peux nous conseiller du coup des sites (de préférence français) proposant des ebooks de livres en VO anglais hors Amazon ?
Feedbooks a une offre en EN (et autres)
http://www.gutenberg.org/
argg, j’ai oublié quelles liseuses permettent le transfert de notes, surlignanges et copies de texte via evernote.. Sony ?
LA BooxT68 doit être intéressante dans ces cas là
a tester également le soft Bluefire maintenant sur PC, il y a une fonction export de notes, à tester avec les notes natives de liseuses donc 😉
http://blog.the-ebook-reader.com/2014/07/14/bluefire-releases-new-reader-app-for-windows-pc/
https://www.change.org/petitions/hachette-stop-fighting-low-prices-and-fair-wages
Bonne lecture.
Cordialement.