C’est une question qu’on m’a posé deux fois en deux semaines en privé, alors il semble qu’il puisse être utile de donner quelques pistes aux jeunes traducteurs et trices, surtout s’ils comptent faire de la traduction une activité semi-professionnelle, ou s’ils ont la chance de maîtriser une langue rare.
Comment souvent dans ces cas-là, l’Association des Traducteurs Littéraires de France (ATLF) vient à la rescousse avec un site proposant nombre d’informations sur le métier (http://www.atlf.org/).
Tout d’abord, et cela n’a rien d’une évidence, il faut s’assurer que l’on est convenablement armé pour s’engager à réaliser un travail de traduction, en particulier si l’on débute ou (c’est assez fréquent) que l’on rend service sur un contract ponctuel sans réelle intention professionnelle. Pour cela, le code de déontologie du traducteur est un précieux guide. Il faut notamment juger de la difficulté du travail à réaliser : un essai technique ou de la poésie ne poseront pas les mêmes embûches qu’un article de presse grand public ou qu’une nouvelle de littérature blanche. Il n’y a pas de lignes directrices autres qu’un examen de conscience honnête et approfondi, surtout si l’on débute, pour répondre à la question : « Suis-je capable de faire correctement ce boulot sans y laisser l’ensemble de mon sommeil pour les trois mois à venir ? »
Ensuite, combien demander ? L’ATLF réalise tous les ans une enquête sur la rémunération des traducteurs en fonction de la langue et du support (voir ici). Ces fourchettes peuvent servir de ligne directrice mais il faut avoir conscience que les tarifs peuvent varier bien davantage, notamment selon l’expérience du traducteur, la difficulté du support, l’urgence du délai, la rareté de la langue, etc. Toutefois, ils ne devraient pas descendre « trop » en-deçà de la fourchette basse. La traduction est un travail exigeant et une bonne traduction se paie. Si le donneur d’ordre n’a pas les moyens de la financer1, il lui faut peut-être s’interroger sur la pérénnité de sa stratégie à l’étranger.
Il faut noter que cette enquête donne les tarifs selon le dit « feuillet calibré standard de 1500 signes ». C’est n’est PAS une tranche informatique de 1500 signes calculée dans Word. Le feuillet est un étalon en vigueur depuis des décennies dans l’édition, hérité de la machine à écrire, et correspond à une feuille « modèle » d’approximativement 1500 signes. Je n’entre pas davantage dans le détail, il y a un excellent article et didacticiel sur la question encore une fois sur le site de l’ATLF à cette adresse (en PDF). Il est possible de calculer la rémunération selon le calibrage informatique, mais il convient alors de la majorer (voir enquête rémunération).
Enfin, je ne m’en étais pas encore fait l’écho, mais Pierre Assouline vient de publier un épais rapport sur la condition du traducteur, bourré de chiffres et d’analyses, fruit d’une longue et minutieuse enquête de terrain. Il est disponible gratuitement sous forme numérique sur le site du Centre National du Livre à cette adresse.
- Si c’est une entreprise, bien sûr. ↩
Je viens de récupérer le bouquin de Pierre Assouline, qui a l’air de contenir des choses intéressantes et d’autres un peu moins, j’ai l’intention de m’y plonger plus en détail.
Les tarifs de l’ATLF sont bien, mais pour ce qui concerne les langues dites « rares », ils sont illusoires, du moins pour notre petit milieu de l’Imaginaire. Si on demandait le tarif proposé, nous n’aurions pas le moindre contrat.
Je suis d’accord. Quant à la majoration en cas d’utilisation de l’unité de 1500 signes réels… ha ha ha. Je me marre.
Ben pas moi, des éditeurs le pratiquent !
Le rapport de Pierre Assouline a l’air en effet de valoir le coup d’oeil, pour le peu que j’en ai parcouru pour le moment.
Hmmmm. Et il va en sortir quoi, pratiquement parlant, du rapport en question ? Just asking.
Ben rien. Les petits éditeurs continueront à sous-payer: ils n’ont pas le choix.
Certains gros aussi…
+1 avec Sylvie pour la question de la majoration.
Danièle Laruelle et Josée Bégaud, du « Portail Traduction Littéraire » ont élaboré des convertisseurs permettant de comparer les tarifs selon qu’on est payé au signe source ou au signe cible, au feuillet papier normal ou au décompte informatique, en tenant compte du foisonnement.
Les liens ne sont pas passés entre balises, je réessaie sans, à vous de faire des copier-coller dans vos lignes d’url.
Portail Traduction Littéraire : http://www.portail-traduction.fr/portail/
Convertisseurs de tarifs : http://www.les-outils-du-traducteur.net/convertisseur/index.php5
Cette conversion-ci, par exemple :
http://www.les-outils-du-traducteur.net/convertisseur/feuillet_tableau2.php5
nous apprend qu’un tarif de 20€ aux 1500 signes informatiques de la langue cible, avec un taux de blancs de 20%, équivaut à un tarif au feuillet de 16,67€ (soit largement inférieur au tarif moyen constaté par l’ATLF tous genres et toutes langues confondus [tgtlc]).
Et celle-ci :
http://www.les-outils-du-traducteur.net/convertisseur/source_cible_tableau2.php5
nous révèle que 12 euros des 1500 signes cible équivalent à un tarif au feuillet papier français de 8,33€. (Autrement dit, moins de la moitié du tarif moyen constaté par l’ATLF tgtlc.)
Merci pour les compléments 🙂
Erratum : au dernier paragraphe, lire « 12 euros des 1500 signes SOURCE équivalent à un tarif au feuillet papier français de 8,33€. (Autrement dit, moins de la moitié du tarif moyen constaté par l’ATLF tgtlc.) »
@ Sylvie et les autres : le rapport d’Assouline est disponible en ligne gratuitement, ici :
http://www.centrenationaldulivre.fr/IMG/pdf/2011-Assouline-10.pdf
Puis il y a aussi une annexe là : http://www.centrenationaldulivre.fr/IMG/pdf/Annexes_Assouline-5.pdf
Désolé pour les post successifs, c’est « enter » qui me joue des tours !! (Un grand merci à Lionel pour ce post.)
David Camus : oui, j’avais vu, merci, mais ça n’est vraiment pas ma priorité de lecture en ce moment ! (c’est sympa, les rapports, surtout s’ils sont bien fait, mais honnêtement, qu’est-ce que ça va changer pour nous tous ? )
Je confirme également que la majoration est pratiquée, comme le décompte au feuillet calibré standard, qu’on ne m’a jamais discutée quand c’était en ces termes dans le contrat.
Sinon, le rapport Assoulne a été présenté au CNL et, je crois, au ministèrs de la Culture. Il semble qu’il en sorte au minimum une reconnaissance de la profession de traducteur contre la vague progressive d’automatisation qui commence à entrer à la CE. C’est un peu tôt pour en juger les effets mais on ne va pas se plaindre qu’un type du calibre d’Assoulne se soit intéressé à la profession et ait réalisé une étude approfondie et sérieuse (la première depuis un bail, peut-être même depuis toujours). 🙂
Le rapport Assouline a été établi sous l’égide du CNL (à la demande, me semble-t-il, de l’ATLF) et a pour but d’établir un état des lieux objectif. Il va servir de base à des discussions entre l’ATLF et le SNE (Syndicat National de l’Édition), qui ne s’étaient pas rencontrés depuis 1993. Les premières de ces discussions auront lieu la semaine prochaine.
(Sinon pour ma part j’ai quasiment toujours été payé au « feuillet standard », ou alors au tarif feuillet standard majoré de 15% pour décompte informatique.)
Bon, je viens de lire ce rapport, et c’est très très intéressant. Je n’ai pas l’impression qu’on puisse le trouver sous forme de livre – en tout cas pour l’instant. C’est bien dommage. En tout cas, à lire et à faire lire !
Nous devrions créer une association de traducteurs des littératures de genre.
Je ne sais pas si cela pourrait aider à grand-chose sachant que l’ATLF a déjà une grande expérience et protège les intérêts de tous les traducteurs, quel que soit le genre. Par contre, un groupement de réflexion qui y serait intégré, pourquoi pas ?
David Camus : Il en existe une version reliée éditée par le CNL (que j’ai reçue en tant que membre de l’ATLF, je suppose), mais je ne sais pas s’il est prévu qu’elle soit commercialisée.