Quatre épisodes venant d’être diffusés aux États-Unis, il devient possible d’avoir un peu de recul sur l’adaptation en série du Trône de fer (Game of Thrones), une des meilleures séries de fantasy moderne, écrite par G.R.R. Martin. Enfin, autant de recul qu’il est possible quand on a lu les livres et connaît donc l’histoire – le Trône de fer reste bien en mémoire en raison de l’attention qu’il exige, née des dizaines de personnages qui y figurent.
Pour ceux qui ignorent ce dont il est question : Le Trône de fer raconte l’histoire de plusieurs maisons nobles luttant pour le trône fédérant le royaume ; un monde aussi menacé de l’intérieur, par ses innombrables manœuvres politiques où nul ne jouit de l’immunité scénaristique, que de l’extérieur, entre le retour annoncé d’anciennes terreurs rôdant par-delà le grand Mur qui isole le nord, et la dynastie renversée à la génération précédente qui menace de revenir s’emparer du pouvoir. C’est une saga complexe aux multiples personnages, forts et passionnants ; Martin a un talent unique pour façonner les grands événements historiques à partir de la petite histoire du quotidien. Entre le nombre de fils d’intrigue, la multiplicité des décors, la finesse du scénario et son ton adulte, résolument sombre, adapter cette œuvre pour la télévision semblait une gageure.
Mais le défi est relevé avec panache ; le fait que Martin soit producteur exécutif n’y est probablement pas étranger. La première chose qui frappe dans cette adaptation est la qualité graphique : décors et costumes présentent un soin peut-être sans précédent pour une série télévisée, et fait sans difficulté jeu égal avec la version cinéma du Seigneur des Anneaux. Le générique (dont on ne se lasse pas et dont la musique vous rentre dans la tête plus vite en mémoire qu’À la volette) annonce la couleur : il s’agit d’une grosse production comme d’une création originale, avec une patte et une atmosphère uniques :
Les acteurs présentent tous un jeu impeccable (en VO du moins), et sont d’une incroyable justesse par rapport aux personnages du livre, y compris physiquement (il s’agit du sentiment personnel de votre serviteur, mais il semble partagé par la plupart de critiques). Daenerys Targaryen fait poupée de porcelaine à souhait, Jaime Lannister est aussi séduisant que vicieux, Jon Snow impulsif comme sympathique. On peut à la rigueur s’étonner du choix de Sean Bean (Boromir dans le SdA) pour Eddard Stark, qu’on imaginait plus sec et austère, mais il s’acquitte sans peine du rôle et l’investit de mieux en mieux au fil des épisodes.
Mais le principal, le scénario, ne se trouve également trahi en rien, que ce soit dans sa complexité comme dans sa maturité. Bien sûr, le nombre de personnages principaux se voit grandement réduit à un nombre convenable pour la télévision, mais ne perd rien des événements principaux ni des relations entre les uns et les autres. Ce ne sont que quelques fils d’intrigue secondaires qui sautent pour des raisons de clarté, ce qui sert ceux qui restent. La série peut toutefois donner l’impression d’avancer un peu trop vite et de peiner à offrir quelques moments de respiration dans le tourbillon d’événements qu’il lui faut présenter à chaque épisode et le nombre de fils à faire avancer, mais, au moins, rien ne piétine et on peut penser que la narration trouve peu à peu dans son rythme.
Game of Thrones est donc une grande série, un modèle d’adaptation intelligente et sans concession qui donne vie à un grand monde, et qui devrait servir de mètre-étalon pour celles qui suivront, loin de la pantalonnade que devrait être le Conan 3D de cet été. Les lecteurs des livres auront plaisir à voir s’animer sous leurs yeux les fourberies et la noblesse des personnages qu’ils ont apprécié, à arpenter le grand Mur en compagnie de Jon Snow, à ricaner des traits d’esprit de Tyrion Lannister ; et ceux qui ne savent pas encore que l’hiver arrive feront bien de se précipiter sur la diffusion française de la série quand elle passera en juin sur Orange Cinéma Séries. Un tome original devrait occuper une à deux saisons de Game of Thrones ; il nous reste à espérer que la série connaisse le succès qu’elle mérite pour rentabiliser le budget pharaonique qu’elle exige certainement.
Je suis tout à fait d’accord! ^^
n’ayant pas lu le livre (parce que la fantasy et moi …) je trouve la série superbement bien réalisée. ET la série me rappelle beaucoup la très belle adaptation des Pilliers de la Terre, là aussi grosse oeuvre très bien transposée. Il y a trois séries à suivre en ce moment à mes yeux : Celle-là bien sûr, Camelot (avec Joseph Fiennes) et The Borgias (avec Jeremy Irons).
Faute d’avoir lu la série (oui, oui, je sais, mais c’est prévu), je ne peux juger de la fidélité, mais effectivement, c’est très bien. Un petit bémol sur la comparaison avec LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, parce que l’on sent quand même les limites d’un budget télévision (notamment chez les sauvages du Sud, les villages sont moins solides à l’œil, si j’ose écrire). Mais c’est quand même d’un niveau tout à fait élevé pour la télé.
Ah, et puis, les noms, quand on ne les a pas vus écrits, on a du mal à les retenir, sauf pour certains personnages (Jon, Thyrion, Littlefinger, etc.) . Mais ce n’est pas très grave, parce qu’on sait à tout moment qui sont les personnages, ce qui est le plus important.
Pas lu donc gros moment de solitude lors du premier épisode : “Heu… lui c’est qui déjà ?” L’ensemble se savoure comme un bon vin 🙂
“Heu, c’est qu… quoi, comme cru, déj… déjà? *hips*” ^______^
En fait l’essentiel c’est de savoir COMMENT tu arrives à le voir ? J’étais pas là le soir de la première et après j’ai quitté Savannah 🙁 depuis, je me demande bien comment je pourrais faire pour m’en mater un ou deux épisodes … (mode fille qui pleure on)
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse (pour rester dans la métaphore œnologique).
Concernant le casting, j’ajouterais qu’il y a longtemps que je n’ai pas vu d’enfants acteurs aussi convaincants que les deux qui incarnent Bran et Arya. Je ne sais pas dans quelle mesure ça reflète les livres, mais il se passe un truc assez fort dans chaque scène entre Arya et son père.
Dans mon souvenir, c’est encore plus fort et complexe dans les bouquins, mais c’est vraiment bien rendu, oui. 🙂
Je viens de voir les deux premiers épisodes, c’est vrai que c’est très bien fait. J’aime bien la relation entre les enfants et les loups. Je sens que je vais avoir de la lecture, cet été ^^. Annaïg : moi je regarde là Edit LD : lien supprimé sur le blog, histoire de ne pas avoir d’ennuis, mais allez voir sur FB 😉
Merci Solène 🙂 j’ai fini par trouver, j’ai regardé les deux premiers aussi.
Un signe de la qualité de l’adaptation, à mon avis, c’est quand les scènes dramatiques prennent autant aux tripes que pendant la lecture. La scène avec Lady marche très, très bien – les acteurs sont superbes !
Je n’ai vu pour l’instant que le premier épisode… et suis-je le seul à trouver que Jaime Lannister ressemble (à un point parfois gênant) au “Prince Charming” de Shrek ?
Machin (qui ne commente plus à “visage” découvert depuis que les commentaires se retrouvent sur FaceBook – le MAAAAAAAL).
Non, c’est assez bien vu, mais c’est volontaire, disons que Jaime est aussi beau à l’extérieur qu’il est pourri à l’intérieur (comme beaucoup de Lannister…).
(Et sinon, les commentaires sont postés en mon nom sur FB avec juste une mention de l’auteur dans le texte, donc ça ne risque pas grand-chose.)
Je kiffe grave, ça tue sa race, pour utiliser les mêmes expressions idiomatiques d’Eddard Stark. Même que cela ma furieusement donné envie de relire la moitié du tome 1 que j’avais acheté il y a fort longtemps et de poursuivre en achetant la suite, donc. (D’ailleurs, je suis joie, J’ai Lu a réédité la série en tenant compte du découpage original. Même si ce n’est que du pur marketing pour accompagner comme il se doit la sortie de la série, ça arrange ma bibliothèque.)
Ça c’est une bonne idée de leur part ! J’espère qu’on va progressivement s’éloigner de ce tronçonnage de la VO en plusieurs sous-parties.