Alors que des débarqués du Moyen-âge défilent dans la rue pour protester contre des libertés qui ne leur enlèvent ni ne les obligent à rien, tandis que s’élèvent des cris d’orfraie contre une prétendue « théorie du genre » qui, rappelons-le, n’existe pas, que des célibataires en soutane prétendent régenter une vie séculaire dont, par définition, ils s’excluent et ne peuvent donc comprendre, il semble bon, voire urgent, d’établir une petite check-list, non-exhaustive, pour évaluer les idées en première approche (liste citée dans AKA Shakespeare) :
- Toute croyance, dans tout domaine, demeure une théorie à un certain niveau. (Stephen Schneider)
- Ne condamnez pas le jugement d’autrui parce qu’il diffère du vôtre. Vous avez peut-être tort tous les deux. (Dandemis)
- Ne lisez pas pour contredire ou réfuter : ni pour croire et prendre pour acquis ; ni pour trouver exposés et discours ; mais pour soupeser et réfléchir. (Francis Bacon)
- Ne tombez jamais amoureux de votre hypothèse. (Peter Medawar)
- Formuler des théories avant d’avoir des données constitue une erreur capitale. Imperceptiblement, on commence à tordre les faits pour qu’ils correspondent aux théories au lieu de tordre les théories pour correspondre aux faits. (Arthur Conan Doyle)
- Une théorie ne devrait jamais s’efforcer d’expliquer tous les faits, car certains d’entre eux sont erronés. (Francis Crick)
- C’est ce qui ne colle pas qui est le plus intéressant. (Richard Feynman)
- Éradiquer une erreur rend un aussi bon, voire meilleur, service qu’établir une vérité ou un fait nouveaux. (Charles Darwin)
- Ce n’est pas ce que tu ignores qui te met dans le pétrin. C’est ce dont tu es persuadé, mais qui est faux. (Mark Twain)
- L’ignorance est préférable à l’erreur ; et celui qui ne croit rien est moins éloigné de la vérité que celui qui croit ce qui est faux. (Thomas Jefferson)
- Toute vérité franchit trois états. D’abord, elle est raillée ; ensuite, on s’y oppose violemment ; enfin, on l’accepte comme une évidence. (Arthur Schopenhauer)
(La dernière vous concerne tout particulièrement, chers énergumènes de la Manif pour tous. Vous en êtes clairement au stade deux, quand le reste du XXIe siècle en est arrivé au trois concernant la liberté d’union.)
J’ajoute que les « faits » dont on parle dans ces préceptes devraient plutôt s’appeler « observations ». Aucun fait n’existe, à vrai dire, comme vérité indiscutable et contenue, bornée ; ne serait-ce qu’à travers le filtre des sens, de la conscience, le réel se dérobe toujours, ultimement, à son constat. Mais celui-ci reste suffisamment précis, pourvu qu’on s’attache à la raffiner, pour construire une base de débat approchant convenablement de l’objectivité nécessaire à la construction d’un consensus social.
Parce que maintenant, ça commence à bien faire.
Mince alors, j’avais pourtant une hypothèse super sexy et… non, rien.
« Débarqués du Moyen-Age », c’est limite insultant pour le Moyen-Age… mais j’adore « cri d’orfraies » donc ça compense 😉
« Oh ! vie heureuse des bourgeois ! Qu’avril bourgeonne
Ou que décembre gèle, ils sont fiers et contents… » comme disait tonton Georges.
( « Les oiseaux de passage » chanté par Brassens, le poème original malgré quelques longueurs à des jolis moments :
http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/jean_richepin/les_oiseaux_de_passage.html)
Ps. « Être moral, c’est s’occuper de sa propre moralité. Être moraliste, c’est s’occuper de la moralité des autres. » de Caza est une merveille de condensé.
Merci pour le poème de Richepin. Magnifique. 😀
« Ils sont maigres, meurtris, las, harassés. Qu’importe !
Là-haut chante pour eux un mystère profond.
A l’haleine du vent inconnu qui les porte
Ils ont ouvert sans peur leurs deux ailes. Ils vont. »
et hop, pour la peine http://www.youtube.com/watch?v=wRdXZRZ5lkE
C’est une de mes chansons cultes.
J’ajouterai que les grandes avancées sociales n’ont jamais été un consensus. Et que parfois elles se sont produites avant que l’ensemble de la société ne soit prête à les recevoir comme pour la peine de mort (même si au point où l’on en est…) On parle toujours du Gorille mais « Le verger du Roi Louis » vaut son pesant de conviction :
Poème de Théodore de Blainville. Le texte est splendide et Brassens l’assène… Ca me file des frissons…
Autant je suis d’accord avec ta position et les points de la check list, autant je refuse de railler les opposants, aussi désagréables soient-ils à mes oreilles.
Des formules comme « débarqués du moyen-âge » ou les termes d’énergumènes me semblent propres à occulter le fond de leur discours pour stigmatiser les personnes. Sachant qu’ils sont déjà dans une posture de rejet violent, cela ne peut qu’attiser leurs peurs et les transformer en haine (si ce n’est déjà fait).
Quant au fond du discours je pense qu’il est inquiétant : il s’agit ni plus ni moins que de se sentir légitimé à hurler sa détestation, non d’idées mais de personnes (les homos, le gouvernement, les dépravés de tous poils). Ce qui m’intéresse là-dedans, c’est ce processus de légitimation qui a transformé des positions radicales réservées aux cercles privés en déclarations qu’il est de bon ton d’assumer publiquement. Qu s’est-il passé dans notre société, quelles sont les nouvelles menaces perçues, pour qu’on prenne le risque – j’y vois parfois un certain courage – de se radicaliser ainsi.
Bah vi.
Le problème de ce genre de rhétorique est qu’elle légitime TOUT.
Je n’ai jamais prôné le sempiternel « Tolérons l’intolérance » qui est un piège sans cesse renouvelé (et non, je ne gagnerai pas de point Godwin).
J’ai du mal à comprendre ce « légitime TOUT » (à moins que ce soit l’argument de la pente glissante).
Je ne dis pas qu’il faut tolérer, juste qu’insulter ne sert à rien. Et que l’explication « ils vivent au moyen-âge » m’empêche de comprendre pourquoi ils pensent et s’expriment ainsi. Une fois que j’aurai compris, je pourrai me positionner et agir.
« Ils vivent au moyen-âge » me parait beaucoup moins insultant que la plupart des textes sur les banderoles et les slogans lus/ entendus lors de cette manifestation. Il est vrai que une partie non évaluable des membres de la manifestation avait sûrement des motifs louables. Mais on ne « traîne » pas impunément avec n’importe qui et l’ignorance à ce point 1° n’excuse pas tout 2° n’est pas excusable en soi.
En revanche, l’excès et l’insulte qu’on leur reproche excuserait les nôtres ?
Nous ne parlons pas de la même chose. Sans angélisme, j’ai besoin de comprendre s’ils ont peur et de quoi, afin de lutter efficacement contre de tels excès. Et pas de leur renvoyer la balle, sinon la partie va être longue.
Mais je ne critiquais pas leurs insultes. Je relativisais le caractère insultant que tu donnais à « Ils vivent au moyen-âge ». Et là une fois encore -et contrairement à ce que tu disais : tu tolères plus d’un coté que de l’autre.Il y a toujours eu des gens pour avoir peur : de l’inconnu, qu’on touche à leurs biens, des malades, des paranos. Je peux comprendre des choses de leur part, mais manifester pour des thèmes du genre « Pas de petits garçons habillés en rose », et je parodie à peine, manifester contre les libertés inoffensives des autres parce qu’elles bousculent leurs conceptions :non.
Et à partir de ce « non », on fait quoi ?
Tu veux une baguette magique ?
Il n’existe pas des tonnes de solutions à ce genre de souci : la violence ou l’éducation.
Mettons temporairement la première de coté,mais elle peut être un ultime recours.
Pour la seconde le débat est complexe car il faut lutter contre un abrutissement parfaitement orchestré d’une part et des difficultés de l’apprentissage d’autre part. D’où l’importance d’un tissu associatif important (sans intérêt pour nos bouffeurs de pognon-maintenant-tout-de-suite) et puis les livres, même (surtout) populaires d’où le message ne doit pas disparaître.
Il n’y a pas de responsable désigné à cette tâche (il y en a à la situation présente). Notre responsabilité est collective. N’acceptons rien de « ces gens » mais faisons l’effort de tenter de convaincre. Si chacun d’entre nous fait réfléchir (pas endoctriner) deux à trois autres…
Et ce n’est pas de l’utopie, ça marche, mais tellement nombreux ceux qui se réfugient derrière « ça ne sert à rien » et retourne grogner solitaire (ou avec d’autres « solitaires ») dans leur jardin.
On est donc d’accord. Et pour moi, comme pour toi on dirait, tenter de convaincre et faire réfléchir ne peut pas passer par la stigmatisation outrancière ou l’insulte.
Ah mais je ne parlais plus d’ « eux » dont les têtes « pensantes » sont au mieux irrécupérables. J’essayais de trouver comment éviter que la masse moyen-âgeuse s’alourdisse ! Donc, non malheureusement nous ne sommes pas d’accord – même si nous avons un fond commun.
Surtout lorsque je pense que certains d’entre eux qui ne veulent pas que leurs petits garçons mettent du rose sont à l’origine de ça ! 😉
Il me semble qu’on a aussi le droit de répondre à l’agression caractérisée par l’agression. Mais il n’est pas besoin d’aller bien loin. Logique et raisonnement sont souvent d’une terrible – et tragique – violence pour un cerveau obscurantiste.
Et sinon, je ne m’excuserai pas de traiter d’arriérés des discours qui le sont car datés d’un autre siècle, ni d’énergumènes ceux qui remuent le vent dans la plus parfaite contradiction des morales dont ils se réclament.
OK, nous ne sommes pas d’accord. Heureusement Lionel, je ne me serais pas permis de te demander de t’excuser en aucune façon. Je parlais plutôt d’efficacité.
Honnêtement, je me pose aussi la question. Pour l’instant, j’en suis à me dire qu’il faut des évangélistes et des bouledogues. Je suis clairement plus un bouledogue. Mais ce n’est pas une réponse qui me satisfait pleinement.
Et peut être une recrudescence de hussards noirs et pas seulement à l’EN, pour ramener les questions religieuses dans la sphère privée ou appliquer les lois existantes (homos dehors and co, comme le révisionnisme c’est sanctionnable) . Je ne suis pas un guerrier offensif mais je suis un gardien, pas d’agressivité mais je peux être tenace.
ps. je précise quand même que c’était à peine une boutade, mon premier poste : le Moyen-Age comme âge obscur est une vision grandement construite et erronée. « Arriérés » et « discours d’un autre siècle » je préfère. (T’as le droit de dire que je chipote)
Moi, j’estime qu’à force d’entendre des conneries on a BESOIN de dire que ce sont des conneries et que donc on le fait, par sauvegarde personnelle. Tendre l’autre joue hinhin
perso, ces temps ci je me trouve assez d’accord avec Laurent; Parce que je suis, fondamentalement, pour la liberté – de s’aimer, de faire ce qu’on veut de son corps, etc. Que ça me parait une évidence qu’il est à peine besoin d’évoquer. Mais que derrière les manifestants anti IVG ou anti mariage Gay, il n’y a pas que des gens qui ont peur de se remettre en question (péché difficile à pardonner). Il y a aussi des gens sincères – en désaccord avec moi, oui, mais sincères dans leur croyance, dans leur réflexion, ou dans leur foi.
Et je ne parle pas seulement des cathos, hein.
Et insulter des gens sincères, ça ne peut que les braquer… il faut s’appliquer aussi à soi-même les points 2 et 3.