Auguste lectorat, je te présente le manuscrit de Port d’Âmes :
Yep, 500 pages passées à la déchiqueteuse, ça prend un poil plus de place que sous forme plane (mais ça paraît étonnamment moins lourd).
Je détruis systématiquement mes propres versions annotées à fins de correction de mes propres manuscrits (mais pas celles annotées par les beta-lecteurs, qui rassemblent leurs impressions de lecture, ce qui est précieux à conserver, et aussi par respect pour leur travail). Le livre est sorti, fini, il représente un moment dans le temps et un projet achevé. J’aime couper cet ultime pont avec le récit qui se trouve en librairie ; il est à présent dans la nature, et vit sa vie dans l’esprit de ses lecteurs. Pour moi, il est temps d’avancer, de passer à autre chose, de prolonger éventuellement l’univers dont il est question – mais cette histoire, placée sur le papier, lancée un peu comme une bouteille à la mer, a été fixée, comme une photographie. Il y a, dans ma tête comme sur un cliché, un avant et un après ; mais ceux-là, par définition, restent changeants, en flux, tant qu’ils n’auront pas été fixés à leur tour – et il n’y a généralement pas de raison de le faire ; l’histoire intéressante n’était pas là.
C’est tout l’inverse d’une destruction, contrairement aux apparences. C’est la reconnaissance qu’un livre est terminé, que j’ai fait tout ce que j’avais à, ou pouvais, faire dessus. Il existe et est diffusé. Il est temps d’en accompagner la vie, comme des autres et, dans le laboratoire, d’envisager de nouvelles choses. N’est pas mort ce qui à jamais est publié, et au long des rentrées littéraires étranges, même la mort peut mourir. Tout ça tout ça.
C’est ballot, en France, on est leader dans la recherche sur la créativité par étude des brouillons. Les scientifiques ne te disent pas merci.
« Wattpad aime ça ».
Mes brouillons n’appartiennent qu’à moi. 🙂 Je suis ravi de parler de mon processus et d’ouvrir une partie de mes notes dans le cadre de la recherche, mais la réalisation à proprement parler est personnelle. (Ce n’est pas comme si je ne partageais rien sur le sujet 🙂 )
Question gratuite : et si un jour tu changeais d’avis ?
(bon, perso je m’en branle royal, hein, mais c’est pour la beauté du débat)
Cela revient à te dire « avec l’expérience que j’ai, je n’aurai peut être plus écrit cela de cette manière ». Pour moi, cela n’a pas de sens. Un livre est achevé, tel qu’il est, avec le meilleur effort qu’on y a investi. Nous ne sommes que des successions d’instants, dont l’accumulation nous enseigne à rendre meilleur juste celui qui vient.
Nan, mais je voulais dire : « si un jour tu changes d’avis et que tu te dis que, pour les chercheurs, tout ça, ça aurait été bien qu’ils puissent accéder à toutes les étapes intermédiaires, pour mieux comprendre comment se construit un texte ».
Tout le travail accompli pour produire un livre, tu peux le contempler selon plein de facettes. Toi maintenant, toi dans le futur, ou d’autres gens dans le futur (non plus pour comprendre le livre, mais pour comprendre le process).
Ah! Je préfère qu’on me pose la question plutôt qu’on tire dfes conclusions erronées de mon matériel.
Mais un jour, tu seras mort. (ma tata était vachement contente de pouvoir lire les manuscrits de Zola, parce qu’elle pouvait pas lui poser de questions)
Faudra embaucher des spirites.
Plus sérieusement, c’est pas comme s’il n’y avait pas depuis bientôt sept ans une archive quasi-quotidienne de machins à disposition du monde qui permettront de tirer toutes les conclusions qu’on veut.
Mais les amis, vous me flattez à imaginer que j’aie une postérité, vraiment, ça fait plasiir. 🙂
Ça peut être utile quand on réédite un ancien texte. Comme je conserve les différentes versions de mes manus, ça permet de comprendre pourquoi on a fait certains choix, voire reprendre une version antérieure d’un passage parce qu’on sait comment l’intégrer.
Une fois un bouquin publié, je n’y reviens pas hormis coquilles. Pour les univers et les pistes laissées ouvertes, j’ai des notes complètes ^^
Si tu dois republier un texte paru 10 ans plus tôt, crois-moi, les notes ne suffisent pas toujours pour retrouver l’intention d’une phrase.
Quand je republie un texte paru dix ans plus tôt, je n’y change rien.
Et quand je retravaille de vieux textes, je me les réapproprie avec mes intentions de maintenant. Si je ne pige plus ce que je comptais faire, je doute qu’un autre en sera capable 🙂 Mais chacun ses méthodes, hein!
C’est pas une question de méthodes, c’est des points de vue différents et tout aussi valables.
Quand j’ai republié Structura (mais ça vaut pour Synesthésie), c’est toujours un mélange entre les intentions de l’époque, et ce que j’ai envie de faire à l’instant. C’est pour ça que j’ai besoin d’avoir l’historique du processus, pour être juste avec le texte quand il est sorti, et mettre à jour ce qui a besoin de l’être.
Ne plus piger ce que je comptais faire, ça arrive très souvent, parce qu’il y a beaucoup de processus inconscients. En fait, retravailler un texte ancien, ça exige la même démarche que pour la traduction, on doit vraiment comprendre ce qu’on a écrit, alors que quand c’est la première publication, ce n’est pas obligatoire.
Ca peut durer longtemps, vous n’avez pas le même point de vue, ni le même fonctionnement – même si c’est déjà plus agréable de voir poindre la description d’une vérité personnelle à la place de « la Vérité ».
On peut envisager un texte comme une sculpture figée, l’incarnation d’une pensée à un instant défini (ce que dit/vit/pense Lionel) ou l’envisager comme une peinture dont les motifs et les couleurs sont à rénover avec des pigments neufs selon son goût actuel. Que chacun fasse bien comme il le veut, ça reste son travail et sa décision. Après pécuniairement, l’avantage du deuxième est que tu peux faire acheter plusieurs fois le même texte, mais… non même pas, parce que si le texte a changé, ce n’est plus le même texte ! dira -avec justesse- le peintre rénovateur au sculpteur. Qui lui…
Questions de points de vue. Pas un bon ni un mauvais, des vérités intimes et personnelles. Des recettes, pas la Recette.
Yep! 🙂 Merci Nicolas.
Nan, continuez de vous battre ! J’ai lancé ce débat, j’en veux pour mon argent, et j’ai acheté une casquette chelou comme ont les bookmakers pour tenir les paris !
Oh on se bat pas là 🙂
No fight. No truth. Only…
C’est pour faire disparaître les preuves. Les annotations sont faites au sang de vierges.
Tout ça n’est guère écologique 🙂
Justement, ça va direct au recyclage à Rennes. 🙂
Le mieux, c’est de ne pas imprimer 🙂
C’est quand même plus chiant de lire et d’annoter sur écran.
Tout paperless que je sois au quotidien, j’ai besoin d’une lecture (unique) sur papier et d’annoter pour corriger.
Enfin bon, écrire c’est pas écologique. Le papier des bouquins… même en numérique, internet ça utilise de l’énergie et pollue.
Y a pas de écologique ou pas, c’est que des degrés. A chacun d’établir sa conduite selon ses convictions et principes.
Si on veut jouer au manichéisme, le vrai « mieux » écologique serait de se suicider.
Pas vraiment, un individu vivant fait vivre des tas de micro-organismes, bien plus que s’il est mort.
Va dire ça aux ours polaires ^^.
Bon après si on considère que le point de vue principal à considérer est celui des micro-organismes, c’est valable. Question de point de vue. Comme d’hab.
Dire que ma déchiqueteuse rend l’âme au bout de dix pages =’)
J’ai du matos heavy-duty 😉
Faut dire, avec des cristaux-vapeur, ça va toute de suite mieux…
Les boutiques d’arts décoratifs impériales, c’est quelque chose! 😉
Et dire qu’il omet de nous préciser qu’il en fait un feu de joie et danse autour nu enroulé dans du jambon. ..
Pour se retrouver avec du jambon plein de poils ? Berk.
Depuis qu’il n’a plus de cheveux il il a perdu bcp de poils :p
Et le papier sera recyclé avec en lui la mémoire du livre !