Tigre et Dragon 2 : reprise de voler
Oh, une chronique de film, ça faisait longtemps1.
Or doncques, la nouvelle ait gentiment fait frémir le monde du film de sabre : la suite du succès planétaire Tigre et Dragon allait être produite par Netflix et sortir exclusivement sur la plate-forme de diffusion en ligne de l’Américain. C’est chose faite depuis vendredi, et alors : ça vaut le coup ?
Longtemps après les événements du premier film, Shu Lien (jouée par Michelle Yeoh, l’héroïne du premier volet) se rend à la maison Té pour les funérailles de son patriarche. Or, la maison est dépositaire de la légendaire épée Destinée, que veut s’approprier le maître maléfique de clan du Lotus de l’Ouest, Hades Dai. La défense s’organise…
… et je peux m’arrêter là pour le pitch, en fait. Méchant très méchant (il s’appelle Hades, c’est donc écrit dessus, et en plus il est chauve) veut l’Arme Ultime, et faut pas. Wala. Même si ce qui prime dans le film de sabre moderne, c’est l’esthétique, les chorégraphies, on peut regretter un peu la minceur de l’argument ; néanmoins, on joue rapidement le jeu, car ce second volet assure un quasi sans faute sur le plan graphique. Si le premier Tigre et Dragon avait pour ainsi dire apporté l’esthétique du film de sabre au grand public occidental, ce second volet la pousse plus loin (mais c’est nécessaire, car 16 ans ont passé) et offre de très jolies trouvailles, comme un affrontement au milieu de porcelaines qui doit se dérouler dans le silence au risque de réveiller la maisonnée ou un superbe duel nocturne sur un lac gelé. On se situe dans l’excellente moyenne de ce qu’on est en droit d’attendre en 2016 au niveau de la créativité et des moyens.
Viennent même se greffer par-dessus un personnage aux allégeances ambiguës, le retour d’un autre qui incarne un passé révolu, un quatuor de personnages secondaires avec des personnalités attachantes (presque davantage que leurs styles de combat ; on en vient à regretter qu’ils soient finalement si secondaires) et quelques dilemmes moraux qui cherchent à donner une épaisseur au scénario (sans toutefois y parvenir totalement). Michelle Yeoh et Donnie Yen sont égaux à eux-mêmes – convaincants – et on retrouve avec grand plaisir cette Chine mythique et romancée. Même si l’on voit venir les revirements bien à l’avance, le plaisir est au rendez-vous simplement parce que le film capitalise entièrement sur son action – et avec succès.
Ce Tigre et Dragon 2 sait donc ce qu’il est – un film de sabre – l’assume totalement, reste dans les codes, et remplit le contrat. Bien sûr, il ne provoquera pas le même choc qu’à la sortie de son ancêtre – le film de sabre a été découvert depuis longtemps dans nos contrées, Hollywood en a partiellement assimilé l’esthétique – et son relatif manque d’ambition scénaristique le prive d’un souffle épique qui l’aurait hissé à la hauteur du génie visuel et poétique d’un Hero où la simplicité narrative tenait rôle d’épure. Ce n’est donc pas un chef-d’oeuvre, mais une suite qui ne fait pas honte à son ancêtre, et se montre donc entièrement recommandable.
- Ce n’est pas une faute dans le titre de l’article mais une blague, hein… ↩