J’ai été surpris lors de mon dernier passage mensuel sur Twitter de voir que mes derniers tweets dataient du premier semestre 2020 ; sans même compter la curieuse distorsion du temps liée à la situation actuelle tout ça vous voyez quoi hein, cela fait pour moi bien plus longtemps que je me suis libéré mentalement de cette pression.
Après avoir passé mon compte en privé depuis l’été dernier, la suite logique consistait à le supprimer pour de bon, et j’ai quand même hésité un moment, mais à chaque fois que je passe rapidement dessus en me demandant si, quand même, je ne ferais pas un peu mon luddite, je vis la même expérience que jadis sur Facebook. Tout le monde est malheureux, en colère, et se saute à la gorge sans nuance aucune, quelle que soit la gravité du sujet. (Il est pertinent de se sauter à la gorge pour un sujet grave, mais pour quelque chose de secondaire, franchement ? Ah oui, mais qui décide de ce qui est secondaire ? TOI PEUT-ÊTRE ? ESPÈCE DE TOTALITAIRE QUI NE RESPECTE RIEN, etc., et c’est ainsi que ça commence.) Je vois même des gens profondément conscients du mécanisme et qui prennent toujours soin de désamorcer les conflits se laisser progressivement ronger par la toxicité ambiante, et ça me fait de la peine.
Encore une fois, je vous remercie, vous qui fûtes des oasis de fun et de lumière dans ce tunnel de misère. Je ne jette pas la pierre avec l’eau de la cruche : il y a eu moult moments drôles et émouvants. Mais, de façon générale, mon cerveau n’a pas besoin de s’ouvrir une lance à eau putride plusieurs fois par jour tandis que les pensées les plus secrètes et les moins reluisantes, que l’on réfléchirait probablement à taire dans la vie réelle ou même dans une correspondance plus inscrite dans le temps, se trouvent déversées sans filtre dans mon espace personnel. (Cela pèse réellement sur ma santé mentale.)
Donc, the witch is dead, et je n’ai à présent plus aucun compte social.
Est-ce à dire que je n’ai plus aucune activité sociale en ligne ? À ma grande surprise, non. En fait, j’ai retrouvé un plaisir sincère à l’interaction en ligne dans le modèle appelé de ses vœux par Jaron Lanier : des communautés plus réduites en taille et liées par a) une thématique claire, b) la possibilité d’un relatif anonymat et c) une modération claire et forte. (On en avait parlé ici.) Ce contrat clair, qui s’inscrit également davantage dans une certaine temporalité, promeut la réflexion et l’investissement personnel, au lieu de lâcher son tweet rageur comme on crache dans la rue. De quoi s’agit-il ?
Des forums à l’ancienne et des micro-communautés notamment portées par Discord, qui est pour moi le véritable héritier du forum à l’ancienne. Le succès croissant de ces modèles (notamment de Discord, que Microsoft a récemment voulu racheter pour 10 milliards, avant que l’équipe de Discord ne rompe les négociations, ce qui m’amuse énormément), la communauté extrêmement active autour de Discourse (système de forums phare… en 2021) montrent que l’avenir est peut-être au passé ; qu’une vaste catégorie de la population a soif de l’aspect social que les prétendus réseaux “sociaux” ont complètement laissé sur le bord de la route en chassant la croissance et la collecte (criminelle) de données. Un bref sondage au doigt mouillé m’a montré qu’une proportion non négligeable d’utilisateurs de ces plate-formes n’a pas, ou plus, de comptes sociaux classiques (Facebook / Twitter). Et je pense que cette diversification ne fera que s’accroître.
Bref. Je reste ici, comme depuis quinze ans, à te causer à toi, auguste lectorat, avec sérénité et dans des développements que 280 caractères interdisent, et je laisse les empoignades avec les randoms d’Internet à qui a l’estomac pour ça. Je ne l’ai pas. Et surtout, j’ai des trucs plus importants à faire.
Que Discord ait refusé de se vendre, ça me rappelle que Whatsapp avait refusé de se vendre pour x md$ à Google avant de se vendre pour x+y md$ à Facebook, la même année, quelques mois plus tard.
Je pense que Discord est plus une modernisation d’IRC que d’un forum (où il est plus facile de retrouver les infos).
En plus, le côté propriétaire de Discord est gênant, mais pas moins que celui de FB ou TW 😉
Félin perché.
Très juste, le fonctionnement est plus proche d’IRC. Je pensais la chose au sens de l’aspect communautaire qui se trouve dans la ligne des forums, avec un côté un peu moins transitoire qu’IRC.
Mais dans l’absolu, surtout, je crois que l’intéressant, c’est justement cet aspect communautaire, qui par définition est absent des réseaux généralistes, avec les problèmes que ça génère quand il faut monétiser tout ça.
En patreonisant Catherynne Valente, tu as accès à son serveur discord perso. J’avoue que je n’ai pas encore pris le temps d’entrer dedans mais il y a un vrai sens de la communauté. Ça me rappelle le usenet group alt.callahans.saloon (oui, je suis vieux
En revanche je me suis pris à être très maniaque sur les follows Twitter et j’ai un stream plutôt poétique. Mais il faut muter à tour de bras
J’ai vaguement envisagé l’année dernière de mettre le doigt dans Discourse / Discord pour proposer un point d’eau, mais il faut une équipe de modération…