Approchez, approchez ! Petits et grands, venez, approchez et contemplez le cirque tragicomique d’une vie d’accumulation en partie due à un trouble obsessionnel compulsif ! Cela, et aussi le fait que, toute ma vie, j’ai eu la possibilité de déménager soit dans un logement plus grand, soit avec une plus grande cave, me permettant de conserver perpétuellement des cartons dont le contenu m’était devenu aussi mystérieux que l’inconscient d’un des premiers patients de Sigmund Freud.
Bref : j’ai déménagé au bout du monde. Et chaque mètre cube coûtant là en revanche une tranche de rein, il m’a fallu opérer un tri drastique, l’occasion également de retrouver quelques merveilles crues oubliées, de la documentation et du matériel accumulés en des époques aux mœurs différentes, et même, quelques fragments de passé étrangement prescients.
Approchez, approchez, et entrez dans un voyage dans le temps personnel et vain ! Mais précieux, car c’est le mien !
La technologie, c’est plus ce que c’était (ou bien si ?)
Regardez ! Regardez comme on se guidait et s’orientait en cet âge de pierre où l’on utilisait encore du papier pour, par exemple, rédiger sa liste de courses – comme des animaux ! Et regardez, y a des prix en francs !
Le plus étrange est que Momox m’a proposé de les racheter 1€ pièce. Il doit exister une secte collectionneuse de vieilles cartes, à la recherche du DaVinci code dans les souterrains du port des Minimes.
Mais, fantastique, ces plans recèlent également d’absolues splendeurs promouvant la technologie du futur : le téléphone en mobilité, grâce à ce fleuron qu’est… la cabine ! Avec des télécartes !
Internet étant d’ailleurs la technologie en plein essor du moment, à laquelle on peut accéder à la vitesse étourdissante de sa ligne téléphonique grâce à un modem qui, comble du raffinement, fait aussi Minitel ! Le meilleur des mondes ! Extraordinaire : ordinateur éteint, recevez et stockez vos fax ! Inclut la version complète de Netscape Navigator 3 ! Je suis étourdi.
Mais qu’allait-on bien pouvoir faire avec tout ça ? Il fallait bien de l’espace pour stocker les données récupérées à très haute vitesse sur les autoroutes de l’information. Heureusement, tout pouvait être réglé avec l’essor des disques durs externes. 20 gigaoctets ! Oh là là, avec tout ça, je pouvais bien stocker l’intégralité de ma musique la graver en mp3 à destination de mon baladeur CD.
(J’ai la tête qui tourne en considérant que ma GoPro stocke aujourd’hui cinquante fois d’espace sur une carte SD plus petite que l’ongle de mon petit doigt.)
C’est marrant (ou pas) de voir qu’en 2004, au-delà de cette nouveauté brûlante qu’est Windows XP, on testait déjà des systèmes de visioconférence. En grand écran s’il vous plaît.
Bon, on arrête les conneries.
Parce que j’ai quand même du vrai joli vintage d’origine. Non mais.
Heureusement, à l’époque, je savais tout de l’avenir. Ou pas. Le bouquin a accumulé les années tandis que je remettais perpétuellement sa lecture.
Oups.
Bizarrement, celui-là, Momox n’en a pas voulu.
Le grand carousel de mon passé chevelu
Ah, mais, auguste lectorat ! Chers grands et petits visiteurs ! Le cirque n’est pas complet tant que je ne vous ouvre pas, dans toute sa touchante vulnérabilité, l’amusement de mon propre vintage, que nous ne soufflons pas ensemble la poussière d’une vie stockée à la cave dans les diverses ramifications qu’elle a pu prendre pour terminer en méandres tantôt vivaces, tantôt asséchés.
Amusons-nous déjà que quarante ans plus tard, on puisse retrouver ceci :
QUARANTE ANS BORDEL
Alors hein, avec vos carnets de correspondance digitaux, là, je me MARRE, vous ne pourrez jamais retrouver vos PDF à la cave AHAHAH
Bon heu, bref
Je sais évidemment que j’avais toujours voulu être biologiste marin, je blague régulièrement que je voulais être commandant Cousteau mais que la place était déjà prise, en revanche, visiblement, j’avais vraiment écrit à la fondation dans un probable moment de désenchantement quant à une future orientation professionnelle, et figurez-vous que ces gens répondaient vraiment, avec de la vraie doc attachée, et que là quand même, c’est limite une mission de salut public.
Je vous dirais que retrouver ça m’a ému un brin. Y figurait le centre de recherches de La Rochelle où, sept ans plus tard (en 2000), je me retrouvais en stage de fin d’études.
Reprenons. Plus tard, j’étais donc en prépa maths sup bio, et comme un livre c’est sacré et que ça ne se jette pas, ça se vend ou se donne, on se trouve bien emmerdé quant on est écrivain professionnel et qu’on retrouve à sa cave ce genre de chose :
Nan parce que j’ai bien regardé, ça n’a rien d’un traité sur la typographie, hein, c’est plein de symboles cabalistiques que j’ai compris jadis mais qui aujourd’hui ne m’évoquent que le Necronomicon, donc dans le doute, j’ai préféré remiser ça avec mes ouvrages sur les espaces non-euclidiens (vous l’avez ? Subtil. Je suis fier.)
Il y a aussi des trucs qui énervent et consternent. Dans ma documentation papier de l’époque (assez conséquente – bon dieu, que l’invention du PDF a été une bénédiction pour les forêts), j’ai retrouvé des machins du genre :
Il en faut encore, vingt ans plus tard, pour contester et chouiner, alors que CNN, donc un média fort obscur, disait déjà que le changement climatique était « évident ». Qui aurait pu croire le débat scellé à l’époque, hein ?
Dans les mêmes eaux, visiblement, mes copies de français de prépa avaient déjà tracé ma future carrière d’écrivain. Si La Succession des Âges est à la bourre, ne cherchez plus, ma prof de français m’avait déjà cerné en 1998 :
Vous remarquerez l’exercice de haut vol qui consiste à pouvoir diluer un résumé. Et ça, c’est la marque des plus grands, parfaitement.
Mais heureusement, j’allais devenir étudiant ensuite, et WAOUH J’AI CARRÉMENT VINGT ANS, roulement de tambour chers petits et grands, préparez-vous à la tronche correspondante, on ne rigole pas, ou du moins pas assez fort pour que je vous entende depuis l’Australie :
Le joyau de l’exposition
Chers amis ! Petits et grands ! Il est temps pour moi à présent de vous révéler le joyau de cette exposition, la splendeur suprême qui, lors de ma redécouverte, m’a plongé dans un ahurissement si abyssal qu’il m’a fallu l’évacuer d’un rire si vaste que ma voisine a tapé sur son plafond avec un manche à balai.
Mes amis ! Replacez-vous il y a trente ans, dans un contexte innocent, bien avant la démocratisation d’Internet et l’inévitable explosion de mauvais esprit, de débauche (et carrément de criminalité) qu’il a charrié dans son sillage. Fut un temps, mes amis, où pour le grand public, les mots s’employaient juste à leur premier degré, sans sous-entendu gras ni arrière-pensée choquée !
C’est de ce temps-là que je vous parle ; un temps où, lors de mon adolescence, je fus très engagé pour la cause animale et notamment contre l’expérimentation en laboratoire et la vivisection ; j’ai redécouvert que j’étais membre d’une association militante à ce sujet pendant deux-trois ans. Association qui, donc défendait et aimait les animaux, c’était la plus stricte vérité d’un point de vue, disons… étymologique.
Association qui publiait régulièrement son journal, dont le titre…
euh…
eh bien…
… disons qu’on ne choisirait plus le même aujourd’hui, hein ?
Je vous le donne en mille.
Je ne m’en remettrai jamais.
(Ah mais c’est l’ex-« jeunesse zoophile » ! Donc tout va bien !)
Au secours.
(Pour la petite histoire, une recherche rapide montre que ladite association a cessé ses activités en 1998 après vingt ans d’exercice !)
J’ai tellement ri grâce à cet article, quels trésors !! merci de partager tout ça ce sont des souvenirs inestimables, et je suis heureux d’avoir grandi avant internet, il y a plein de choses similaires chez mes parents, et beaucoup de mauvais goût d’ailleurs 😀
Avec plaisir, I aim to please! 😄 Content que ça t’ait amusé.
Quand on voit le retour en force de la coupe mulet (mais pourquoi ?), on se dit que le mauvais goût redevient toujours par une alchimie extrême le bon, si on attend suffisamment… Un truc à voir avec le cadavre de son meilleur ennemi qu’on voit défiler devant soi si on attend assez longtemps au même endroit, ou quelque chose du genre 😆
L’Action Zoophile, je ne m’en remets pas, c’est beaucoup trop drôle !
Ta cave c’est un peu comme chez Lovecraft, des trucs chelous attendent en rêvant…et puis il y a des photos…indicibles dirons-nous.
(Sache que je ne juge pas, j’en ai à moi qui sont pire, et quand je dis pire c’est au point que même Lovecraft serait devenu fou en les voyants tellement ça dépasse l’imaginable).
Bref, un article très sympa 😉
Bon
Pour te faire pardonner de la poupée vaudou un de ces jours faut que tu me montres tes propres photos indicibles !
N’est pas mort ce qui a jamais dort
Et au long des siècles peut mourir même la… honte. 😁
Tu n’as pas conscience du risque que tu prends. Mais ok, je mets ça de côté dans un coffre en plomb et je te montrerai…😂
OMG mais ce fou rire en te lisant ! Et c’est photo de ta carte étudiante: FUCKING EPIC!
Bon déballage d’ici quelques semaines ^^
La moitié des gens qui m’ont vu avec cette tronche sont morts. De chagrin.
Merci pour le déballage, ça va être coton 😅
Arf, la carte ENSAR ! Tous ces cheveux… Merci pour la tranche de rire !
J’en profite pour faire le vautour, si tu as encore la guerre du paf, dis moi ton prix ! 🤣
Tu sais que je prends soin de vous 😁
La guerre du paf, je ne vois pas ? Envoie-moi un mail (via contact si besoin) pour qu’on discute 😉
Merci pour le fou rire du matin 😂
Aha avec joie 😁
Merci pour le partage d’hilarité. Qui sait, si les jeunes étaient restés des activistes zoophiles, le monde n’en serait peut-être pas là aujourd’hui. Ou pas, euh je m’égare XD
Je dois avoir quelques années de moins que toi, mais ma cave était assez semblable, avant que je sacrifie mes précieuses et obsolètes archives numériques (j’ai tout de même copié mes vieilles disquettes sur une clé USB, après conversion des fichiers .wps en .docx) pour m’installer en Guyane.
Au fait, je te préviens déjà, des fois que tu sois plein d’espoirs minimalistiques : même au milieu de la forêt vierge, où on est sensé ne pas avoir de cave, le phénomène d’accumulation est toujours présent et actif. On part innocemment s’installer sous un maripa, et puis on se retrouve au bout d’un an à faire 40 allez-retours en Saxo pour déménager dans une chambre en ville à l’abri de la saison des pluies.
Pour la lettre de l’Equipe Cousteau, ils devaient avoir un service comm’ déjà très novateur pour envoyer des messages subliminaux aux jeunes gens passionnés : j’ai un cousin, aujourd’hui biologiste spécialiste des coraux à Tübingen, qui a suivi la même vocation que toi et doit avoir la même missive dans sa cave (Je ne vais pas donner son nom ici mais si jamais, dans un colloque, tu croises un biologiste de Tübingen, conseiller scientifique pour une association internationale de plongée, demande lui s’il a une cousine à Marseille. Comme on ne sais jamais comment entamer la conversation, voilà un sujet de discussion original, ou bien carrément gênant, mais comme il ne parle qu’allemand et anglais, ça va aller si tu lui parles ensuite en français de ta cave).
Bonne installation – et bon amusement/courage pour les démarches administratives hors UE (Belgique – DOM c’était déjà drôle, alors l’Australie, ça doit être encore plus chouette XD).
Merci beaucoup Ingrid pour le partage d’expérience (et désolé pour le retard à l’allumage – je rentre tout juste et viens métaphoriquement de « rouvrir » le « bureau »)
Je demanderai surtout à ton cousin s’il a une cousine à Plan-de-Cuques. Ça promet de briser la glace encore plus vite. Je suis sûr. (surtout prononcé en anglais)
J’ai heureusement un vaste bureau chez nous, mais je vais quand même devoir prêter attention à l’accumulation, c’est sûr ! Pour le déménagement, la distance ne rend pas les choses beaucoup plus complexes (juste plus chères), en revanche, il faut être très attentif à ce que l’on emporte ici, car les règles de douane sont très strictes (pour des raisons légitimes de biosécurité).