300 000 signes dégraissés de La Succession des Âges
De deux choses l’une : soit ce marqueur est la preuve que, ma foi, j’ai parcouru un mètre ou deux en une quinzaine d’années, soit c’est le début de la fin et il faut que j’arrête tout.
Le manuscrit de La Succession des Âges vient de franchir une étape importante dans mon retravail : j’ai dégraissé 300 000 signes espaces comprises sur 1, 5 millions en correction personnelle, soit l’équivalent… de la masse complète de mon premier roman, La Volonté du Dragon.
Comme on dit en anglais, sobering thought (pensée qui rend sobre ? l’état de base de l’anglophone étant donc l’ivresse ? de l’existence ? c’est beau). Plus sobering encore, c’est un tout petit peu moins que la moitié du volume déjà écrit (3,2 millions) et un gros tiers du volume restant à écrire (environ 800 000 signes). On avance, mais on n’est pas encore arrivé.
Ai-je fait des coupes drastiques pour en arriver là ? Fichtre, même pas. Du tout. Au contraire : j’ai rajouté deux scènes entièrement nouvelles par rapport au premier jet (dont une assez grosse), et je suis quand même largement en-deçà du volume d’origine.
L’écriture implique toujours un minimum d' »échafaudages de construction » – ces moments où tu cernes un peu toi-même les détails d’une scène, l’état d’esprit des personnages, son organisation, malgré la meilleure clarté d’esprit possible : tu racontes, mais tu découvres aussi forcément un peu. Dans un roman choral, le phénomène est multiplié par le nombre de points de vue ; dans un monstre du type de La Succession des Âges, il y a énormément de choses à suivre ; et en plus, c’est une conclusion de saga, dictant de ficeler définitivement un bon paquet d’éléments. Au final, ces échafaudages n’ont pas plus leur place dans le produit fini qu’on ne s’attend à voir les échafaudages devant un monument dévoilé un public : ça vire. Et ça vire, en large partie, dans le tissu même de la narration – je n’ai rien coupé en termes de structure, seulement dynamisé un grand coup l’ensemble en virant le gras, en ébarbant des détours narratifs sans importance, en simplifiant un certain nombre de fils ou considérations tertiaires (il y a déjà bien assez de trucs à suivre comme ça), en réécrivant plus ou moins, donc. C’est un exemple typique où l’écriture et la réflexion prolongée conduisent en définitive à faire moins, parce qu’après être parti un peu dans tous les sens, on cerne ce que l’histoire veut être, et on ne garde que ça (plus ou un deux jolis détours quand même, parce qu’on n’est pas des brutes). Certaines scènes ont perdu 20, 30, 50% de leur masse en pure élégance. Et c’est BIEN.
Le rythme va ralentir un peu pendant mon séjour en France, forcément (hé ! on se voit à Grésimaginaire ce week-end, hein), mais j’ai le plus gros Acte du livre avec moi qui doit dégraisser d’autant plus.
Onwards.