Je me rappelle la délicieuse définition de CRIMP – « trouble d’achat compulsif-réactif de logiciels de gestion de l’information » : la promesse du « second cerveau » cher à Tiago Forte et de l’application tout-en-un qui libérera ta pensée, ta créativité, te permettra de faire ton meilleur travail sans jamais rien oublier, et dont Evernote était indiscutablement le pionnier (après s’être égaré). Les apps de gestion de notes et de Zettelkasten fleurissent dans tous les sens, à une époque c’était un nouveau projet littéralement tous les mois, au point qu’une excellent âme a (dû) fondé(r) le génial site Noteapps.info, qui compare toutes les fonctionnalités des apps de gestion de la connaissance pour te permettre de trouver la tienne.
Et j’agonise, auguste lectorat, depuis plusieurs années, parce qu’en gros, il y a l’app que je sais devoir utiliser. L’app je recommande à tout le monde, la plus puissante, la mieux pensée, la plus complète, qui est Obsidian.
Et il y a l’app que j’ai envie d’utiliser, native sur Mac et iOS, élégante, rapide, simple, qui est Bear.
Obsidian est indubitablement l’app à adopter pour découvrir la joie des notes liées, tremper l’orteil dans le grand bain du Zettelkasten, en raison de sa forme ouverte, de sa synchro chiffrée de bout en bout, de sa concentration obsessionnelle sur l’expérience utilisateur malgré sa présence sur toutes les plate-formes, de son milliard de plugins qui permettent de le transformer en à peu près n’importe quoi.
Et Bear est exactement l’inverse : une app avec une opinion très précise de ce qu’elle doit être, un ensemble de fonctionnalités résolument minimal (sans être simpliste, on y trouve tout ce qu’on est en droit d’attendre en 2024 comme les liens entre notes, les backlinks), on ne peut pas passer cent ans à la personnaliser dans les moindres détails : un thème, quelques options de texte, zou.
Chaque fois que je veux aborder un truc complexe, mon cerveau veut prendre Obsidian. Chaque fois que je pense à la perfection de mon système de notes idéal, rassemblant création, encyclopédie de mes univers, journal personnel, notes fonctionnelles, je vois les possibilités sans fin d’Obsidian, je place les briques, je commence à m’en servir, et tout tombe en place à merveille, génial, incroyable, quand soudain, une mise à jour, et
Et… raaaaaah. J’ai pas que ça à foutre à debug du Dataview et du Templater, je suis censé écrire des trucs et des machins, pas me mettre la tronche dans les tokens de Moment.js juste pour que les liens datés de mon journal fonctionnent toujours après la mise à jour douze point huit bêta quatre.
… et en même temps, personne ne m’y oblige, hein ? Personne ne m’oblige à installer 166 plugins (je ne plaisante même pas). Mais si ça n’est pas pour employer toute la puissance de l’app, à quoi bon m’accommoder de ses légers manquements comme le fait que l’app ne soit pas native malgré ses meilleurs efforts, ce qui rend toute intégration avec les outils système Apple incroyablement compliquée ? Si c’est pour m’en servir au final comme un éditeur Markdown évolué, est-ce que je ne ferais pas mieux d’utiliser un éditeur Markdown simple comme…
Bear ?
Je voudrais géolocaliser mon journal avec précision pour voir mes entrées sur une carte, mais est-ce qu’un simple tag Journal/Où/Australie/Melbourne
ne fait pas le café ? J’aimerais pouvoir baptiser mes notes de plusieurs façons avec des alias de manière à pouvoir me référer indifféremment à Mériane
ou à la Messagère du Ciel
pour désigner la même personne et que mes notes repèrent les mentions non liées dans leurs backlinks, mais est-ce qu’on ne s’en fout pas au final ? Est-ce que ça m’aide à mieux créer ?
Est-ce qu’au quotidien, ce qui n’importe pas, c’est d’avoir immédiatement un endroit où écrire, puis classer vite fait l’idée pour pouvoir la retrouver plus tard et passer à autre chose ?
C’était ce que j’aimais tant avec Evernote : capturer n’importe quoi, organiser à la volée, boum, fini. J’avais un super système et j’en reste nostalgique neuf ans plus tard ; mais en 2024, il me semble totalement impensable d’utiliser pour quelque chose d’aussi personnel et précieux que ses pensées intimes un système qui ne soit pas chiffré de bout en bout1.
Obsidian est à présent une app bien installée et, passée la frénésie initiale de la transformer en tout et n’importe quoi (gestion de de notes mais aussi de tâches, de listes de lecture, de films à voir, lecteur de podcast et même client mail – ?!?), la sagesse populaire commence à dire : on en revient, on commence à voir ce dont l’on a vraiment besoin, et l’on simplifie son app de notes pour n’en conserver que les fonctionnalités vraiment importantes. Je pense toujours qu’il faut découvrir cet univers avec Obsidian, pour en mesurer les possibilités, les tester, pour voir tout ce qu’elles ouvrent, avant de ramener son approche à quelque chose de personnalisé car pensé. Et puis Obsidian fonctionne sur à peu près tout.
Je crois que je vais un cran plus loin en appréciant la simplicité de Bear, vers laquelle je reviens toujours graviter malgré moi, à présent que j’ai fait mon deuil de toutes ces fonctionnalités incroyables mais… qui reposent sur des plugins qui peuvent casser n’importe quand. Et là, forcément, cela m’évoque un mème célèbre…
… mais je ne vois pas utiliser Notes, parce qu’il n’y a pas de tags hiérarchiques…
Ah, une seconde…
Bon, OK, mais il n’y a pas non plus de backlinks dans Apple Notes, et ça…
… aaaah merde.
Okay, mais il n’y a pas de notes de bas de page, pas de syntax highlighting pour le code, hein ? (Hein ?)
Ouf.
- Bear ne l’est pas, mais il utilise iCloud, auquel je fais presque autant confiance. ↩
J’ai découvert Obsidian récemment grâce à toi, et au-dela de l’incroyable variété des fonctions et modules, je crois que l’argument que je retiens en premier est celui-ci : format ouvert, fichier markdown et arbo directement sur le disque.
J’adore la finition de Bear. Il y a un plaisir à l’utilisation que seules les app natives savent provoquer. Mais… au prix d’une (relative) perte de contrôle sur le contenu.
Alors oui les temps changent et vouloir absolument, contre vents et marrées, maintenir une sorte de « pureté » de cette approche de l’informatique (self hosted / formats ouverts / autonomie / interroperabilité : ajouter puis rayer les mentions inutiles) peut sembler un peu désuet…
Et pourtant, en témoigne les nombreuses créations/disparitions de plateformes diverses et variées, il me semble important de vouloir garder la main.
Bon, je suis aussi bien conscient d’être dans une position privilégiée : je peux et sais m’adapter et manipuler ces outils au sens large (et j’aime ça ! Mais monsieur Michu ?) et je ne suis pas contraint par le temps, dans le sens où construire/defaire/refaire tout ça reste un hobby et que ma productivité n’en dépend pas.
Entre parenthèse, l’exemple des modules qui cassent (166 ?!) motive cette règle qui me semble de plus en plus importante : la robustesse d’un système tient à la simplicité de son design, pas au nombre de ses fonctions.
Je suis ravi que tu sois heureux d’Obsidian, et je suis entièrement d’accord avec toi sur le fait de garder la main. Mais : Bear fait tout ce qu’il peut pour maintenir ça (il est très facile d’exporter ses notes en Markdown avec attachements, et de le réimporter ailleurs, genre… dans Obsidian 😆). Panda est aussi en développement de la part des mêmes : Bear mais avec une arborescence de fichier ouverte sur le disque (comme Obsidian).
Je cherche la petite bête avec 166 plugins, bien sûr (même si environ 1/3 n’est pas activée, c’est juste pour me noter de les étudier). Mais en fait, je constate que je l’ai personnalisé aux petits oignons, et la moindre mise à jour peut casser mon CSS et/ou des plugins sur lesquels je compte (Custom File Explorer Sorting et File Explorer Note Count, par exemple). Du coup, c’est toute la question : si au final je laisse tomber ces outils parce que ça demande trop de maintenance, la logique ne dicte-t-elle pas d’utiliser une app qui offre quasiment la même chose et n’en demande aucune ?
J’ai probablement aussi ce problème parce que je sais ce qu’il est possible et que donc je veux le faire. Quelqu’un de normal utilisera Obsidian avec joie sans personnaliser sa typographie dans les moindres détails. Et, bien sûr, l’app est dispo sous Windows et Android.
Ah, tu m’apprends un truc pour Panda, je vais suivre ça 🔭
J’avoue que la simplicité et le design de l’app associée à une arbo totalement ouverte (et donc éditable de l’extérieur si je synchronise avec un NAS par exemple), ça allume quelques voyants dans mon cerveau.
Pour le moment j’explore Obsidian et j’ai un abo à Bear qui se termine dans 9 mois : ça me laisse le temps de faire le tour des possibilités. J’essaye de m’en tenir à une dizaine de plugin, ce qui limite la casse.
Tu nous diras vers quoi penche la balance pour toi quand ce sera tranché. À moins que, finalement, une solution de cohabitation des deux systèmes soit intéressante ? Pas forcément au point de conserver 2 abonnements de synchronisation, mais… qui sait ?
Une chose est sûre, je veux un seul système. J’ai pratiqué l’intérêt de tout « cross polliniser » avec toutes les notes au même endroit (faire évoluer, par exemple, une observation informelle du journal vers un concept utile au quotidien).
(La « biblio » et les sources, c’est autre chose ; ça fait un moment que pour ça, j’ai jeté mon dévolu sur DEVONthink + Readwise).
Je crois vraiment que je vais finir sur Bear, honnêtement. Oui, ça n’est pas aussi puissant qu’à peu près tout le reste, mais cette simplicité m’oblige à me concentrer sur le contenu, et c’est bienvenue pour mon OCD.
(Enfin, je dis ça, et trois mois plus tard, je bascule à nouveau…)
Yep, je dirai si je suis établi sur le même outil plus d’un trimestre 😆