L’IA me pète les genoux, l’IA me sort par mes yeux, l’IA et ses petites baguettes magiques de merde qui ont fleuri dans tous mes outils me donnent envie d’aller acheter une machine à écrire de vingt-cinq kilos pour défoncer un rack de serveur avec, bref, je ne suis point enthousiasmé par ce prétendu outil en quête d’un modèle économique et fondé sur le plus grand pillage d’œuvres de l’esprit de l’histoire humaine et qui démontre régulièrement qu’il est plus con qu’une chaise à trois pieds –
L’IA ne crée pas, ça commence à se savoir, elle ne fait que remixer ce dont on l’a nourrie et ce, de façon globalement peu adroite, en plus, et y a forcément des crétins pour crier au miracle, comme des spectateurs revenant d’un événement de David Copperfield fermement convaincus que la lévitation existe :
RENDEZ-VOUS COMPTE CETTE PHOTOCOPIEUSE ÉCRIT DU DOSTOÏEVSKI C’EST UN MIRACLE
Hélas, le monde étant ce qu’il est, pour des textes simples, des brochures publicitaires, des musiques d’illustration, l’IA est déjà en train de mettre des pelletées de gens sur la paille (MAIS LE PROGRÈS ! nous clame-t-on). Mécaniquement, ça percole aussi dans l’art au sens large (on a parlé des techbros de Spines), mais j’ai un rêve – probablement un peu idéaliste, mais c’est un rêve, alors c’est fait pour :
Nous baignons déjà dans une soupe artistique tiédasse où plus le risque est important, plus la sécurité prime, en témoignent les blockbusters Marvel sortis à la chaîne, la lassitude du public envers les formules-qui-marchent, la nouvelle trilogie Star Wars bancale, etc. Une fois de temps en temps sortent cependant des projets risqués qui bluffent tout le monde : Outer Wilds, Twin Peaks, Messe pour le Temps Présent, Severance, The Fountain, de vrais projets d’artistes (avec les parcours épineux qui les accompagnent souvent, malheureusement), qui pètent tout et inspirent toute une sphère.
Or l’IA ne créera jamais quelque chose de totalement novateur, c’est tout le contraire, elle va donc renforcer l’aspect soupe tiédasse dont nous avons déjà… euh… soupé. Mon rêve, ma croyance, mon fils, ma bat… euh… c’est que cette situation développe une appétence renouvelée pour les projets d’artistes, les approches folles, novatrices, les vrais risques qui disent quelque chose, d’autant plus en réaction vis-à-vis de l’immense photocopieuse qu’est l’IA où tout est plus ou moins pareil et mécaniquement réchauffé. On voudra de l’humain, qui saigne, qui met son cœur sur la table, qui te prend le visage entre les mains, te plante les yeux au fond de l’âme et te dit : « tiens, putain, de la vie brute dans ta gueule ».
Soyons grand·es, beaux et belles, fantastiques – fous. Je veux dire, ça a bien marché pour Boris Vian.
Ouais, je rêve. Je sais. Mais une part de moi y croit quand même. C’est parce que je garde une foi déprimante envers notre espèce. Sinon, je ne ferais pas des articles avec des gros mots.
Pas si tiède que ça. Une tiédeur[^0] plutôt musclée. L’IA t’impose une vision très mâle, hétéro, blanche, états-unienne, au point que des gens [^1] se plaignent, par exemple, que ChatGPT « réécrive » un article, pourtant écrit en parfait indian-english, en american-english.
Sans transition, j’ai vu combien tu as dansé la danse du ventre[^3] avec Meta pour, enfin, le quitter. Pire qu’arrêter de fumer. C’est addictif, ces trucs là, ils font tout pour.
[0] putain de langue française alakon, tiède est grave et tiédeur aigüe !
[1] de mémoire, dans le Guardian
[2] ben non, y’a pas de note 2
[3] image métaphorique améliorable
Utiliser l’IA pour faire de « l’art » ou écrire un article de presse, c’est d’une paresse intellectuelle sans nom. En revanche, je ne te cache pas que ChatGPT me fait gagner un temps fou quand il s’agit de créer de toutes pièces un exercice de grammaire ou de chercher des idées d’activités. Évidemment que l’outil est con, puisque comme tu l’as souligné il ne pense pas. Pour obtenir un résultat pertinent, il faut une consigne qui le soit aussi, et qui soit la plus précise possible. Et dans ces cas-là, oui, je trouve le résultat bluffant.
Vous avez vu les dernières vidéos générés par Google (flow/Véo3) ? Un réalisme parfait à glacer le sang. Là j’ai vu une fausse vidéo d’interview dans un salon de l’automobile, tout était faux, les voix, les gens, les lieux… même les mouvements de la foule et des gens qui répondent étaient top… c’est juste mort pour les deepfakes, plus moyen de différencier le vrai du faux. La cuillère existe-t-elle encore ?
J’espère vraiment, comme tu dis, qu’il y ait un sursaut en opposition à ce bordel, un mouvement vers plus d’art, d’humanité, de cœur… Peut-être va-t-on voir aussi un sursaut vers plus de contact humain IRL, plus de festival et de rencontres en dehors des réseaux.
Pour l’instant c’est juste flippant de fou.