Worldcon 2014 Londres : jours 2, 3, 4

Le week-end se termine déjà, auguste lectorat, et quand tu liras ces mots, je serai déjà en train de me préparer à retraverser la Manche. Je risquerais grandement les redites par rapport à vendredi, aussi n’entrerai-je pas dans le détail ; il me suffira de dire pêle-mêle…

… qu’il existe un genre littéraire appelé lablit, où la découverte scientifique et la vie des chercheurs forment le coeur de l’intrigue ; au même titre qu’il existe des romans sur le milieu médical, ou les avocats.

… qu’on peut steampunker l’objet de son choix lors d’ateliers plutôt réservés aux enfants. Mais que les adultes sont admis. Et je ne l’ai appris qu’après coup.

… qu’une Worldcon, c’est un bon endroit pour discuter tranquillement avec les camarades de France. Parce que se voir en France, c’est trop facile.

… et c’est aussi celle de discuter avec tous les camarades d’ailleurs. Parce que se voir en France, c’est trop difficile.

… “Il me semble que faire appel à une catastrophe [dans les récits scientifiques] est trop facile. C’est comme un roman policier dont on ignore le meurtrier à la fin.” – Gregory Benford.

… que la Worldcon, c’est probablement le seul endroit où l’on peut entendre à la fois parler de littérature, et aussi de jeu vidéo sous l’aspect technique de la création et du financement, de musique de jeu comme une vraie forme artistique, de synthèse sonore et de musique électronique sous l’angle des liens avec la SF, des thèmes philosophiques et environnementaux abordés dans les anime de robots géants, de littératures de l’imaginaire arabes, et j’en passe beaucoup, beaucoup beaucoup.

… je proposerai dans quelques jours quelques idées sur notre débat de vendredi concernant la traduction de l’imaginaire étranger vers l’anglais.

Quelques photos (pourries, prises au portable) valent mieux qu’un long discours !

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2014-08-18T01:19:37+02:00lundi 18 août 2014|Carnets de voyage|13 Commentaires

Worldcon 2014 Londres : jour 1

Bon ! Tu te rappelles, auguste lectorat, que les chroniques d’événements ne sont pas mon truc ? Hein ?

Cela étant dit, je m’y risque quand même. Je l’avais fait en 2009 pour celle de Montréal, et une convention mondiale, c’est un événement très particulier.

Une Worldcon est avant tout une institution de longue date (c’est la 72ème cette année) qui porte en elle toute l’histoire du genre – presque un siècle d’imaginaire. Les géants d’hier (et d’aujourd’hui) ont participé aux Worldcons, les Asimov, Vance, Sturgeon, et c’est peut-être l’impression la plus marquante que l’on a quand on y met les pieds : un mélange de révérence pour l’imaginaire, la conscience étrangement aiguë – plus qu’ailleurs – de poursuivre humblement une longue chaîne d’histoire, et la célébration la plus joyeuse et la plus geek qu’on puisse imaginer sur le sujet. Une Worldcon, c’est une célébration et une déclaration d’amour au genre, dans toute son identité, du merchandising le plus kitsch aux livres les plus beaux, des T-shirts les plus surréalistes aux cosplays les plus réussis, c’est l’endroit où l’on peut comparer la puissance de feu d’un destroyer stellaire à celle de l’Enterprise avec le plus grand sérieux, où l’on trouve des sujets de débats archi-pointus qui feraient frémir d’angoisse tout organisateur de festival normalement constitué, c’est le “peuple de la SF” – pour reprendre l’expression de notre regretté camarade Roland C.  Wagner – dans tout ce qu’il a de barbes mal taillées et de robes à dentelles, de rêve et de réflexion, d’improbable, de touchant et de beau.

Là, c'est la queue pour retirer son accréditation. Si mon réveil avait sonné à l'heure, je n'aurais peut-etre pas du attendre une heure.

Là, c’est la queue pour retirer son accréditation. Si mon réveil avait sonné comme prévu, je n’aurais peut-être pas dû attendre une heure.

Car une Worldcon ne fonctionne pas sur le principe d’un festival classique tels qu’on les connaît en France : fondée principalement sur les inscriptions à l’avance, par définition, elle n’attire que les vrais fans d’imaginaire et ne s’adresse qu’à eux. Ce qui permet des débats et des activités qui font rêver tout passionné : des tables rondes pointues sur les langages fictifs ou le réalisme des armes médiévales ; des séries de conférences sur la biologie spéculative ; la place du jeu vidéo dans l’imaginaire ; des activités pour les enfants qui apprennent à construire un TARDIS. Le programme est bourré au dernier degré : à chaque heure, il se passe bien une quinzaine de choses en parallèle, mais c’est suffisamment bien conçu pour ne pas se marcher sur les pieds.

Le "fan village" et au-dessus, les boutiques.

Le “fan village” et au-dessus, les boutiques.

Une Worldcon a ses traditions, ses usages, qu’on découvre peu à peu ; celle de Montréal m’y avait déjà un peu formé. Le “fan village” présente quantité d’activités associatives, en particulier les villes candidates pour les années à venir – principalement Américaines, mais il y a Helsinki avec une forte proposition en 2017, Dublin en 2019, la Nouvelle-Zélande en 2020 et même Paris en 2023. Au-dessus, les boutiques et stands d’éditeurs donnent envie d’hypothéquer sa maison et son chien pour acheter bijoux artisanaux, T-shirts improbables ou bien belles éditions de classiques.

Les boutiques, temple de la tentation.

Les boutiques, temple de la tentation.

Evidemment, on n’est pas là que pour donner des sous à la filière, il y aussi quantité de choses à voir et pour ma part, cette année, j’ai décidé de m’octroyer un luxe particulier : clairement, je fais mon gros touriste. Je vais voir des trucs improbables, ou que j’ai toujours voulu approfondir sans m’en donner le temps. Bien sûr, cela entraîne des échecs rigolos comme cette discussion que je pensais prévue autour de l’imaginaire comme aide au développement personnel (j’espérais entendre des histoires de thérapie réussies, pour fourbir mes armes contre ceux qui dénigrent la littérature de genre) et était en réalité une session d’anecdotes échangées avec la salle sur le fandom de l’imaginaire comme aide au développement personnel (sujet intéressant aussi, mais pas du tout ce que je venais voir – ça m’apprendra à lire trop vite). Une session sur les réfugiés en SF et dans le monde réel a fait progresser mes réflexions sur le sujet (difficile d’écrire sur des guerres, même fictives, sans y songer beaucoup). Egalement des échanges sur le sujet du langage, de la cryptozoologie, de la biologie fictive…

Zoologie spéculative

En débattant de zoologie spéculative.

Et bien sûr, il y a le plaisir de retrouver les amis de la délégation française (un record, 200 personnes cette année !) : blogueurs, éditeurs, camarades traducteurs et auteurs, attrapés au vol, comme toujours. Au total, j’ai entendu le chiffre de 6000 inscrits à LonCon – une grande fraternité de l’imaginaire où G.R.R. Martin paye son badge comme son lecteur dévoué, tous rassemblés avec le même bagage culturel, la même passion, où l’on peut, à l’échelle de l’échantillon mondial ainsi représenté, rêver collectivement à d’autres mondes de magie, de technologie ou d’inexplicable, avec ce mélange de profond sérieux et de jeu débridé que seul l’imaginaire propose.

(Pour mémoire, je suis ce soir en débat à la Worldcon à 20h sur le thème de la traduction de l’imaginaire étranger en anglais, ses défis, sa réalisation et ses obstacles. Venez nombreux, que l’on montre au monde que nos voix comptent aussi !)

2014-08-18T01:09:00+02:00vendredi 15 août 2014|Carnets de voyage|6 Commentaires

La photo de la semaine (dernière) : les vitraux jaunes de la Sagrada Familia

Le week-end dernier, j’étais à Barcelone. Je tombe rarement amoureux des bâtiments, et encore moins des églises, mais la Sagrada Familia, la basilique chef-d’oeuvre d’Antoni Gaudi, entamée il y a près d’un siècle et inachevée encore à l’heure actuelle, est renversante de complexité, de détail, d’unicité dans le monde. Rien ne ressemble à l’architecture de Gaudi, qui jouait déjà avec les formes de la nature, les courbes, les rondeurs bien avant notre époque et, pour prendre une référence connue des fans de SF, les travaux de Schuiten sur les villes – arbres. Les bâtiments de Gaudi sont tellement étranges, différents de ce que l’on connaît, qu’il y a quelque chose d’uncanny, d’Unheimliche, d’une inquiétante étrangeté presque lovecraftienne dans leurs perspectives volontairement faussées, leur imitation forcément imparfaite de formes organiques. J’y trouve quelque chose de fascinant, qu’on n’imagine pas forcément conçu pour la vie humaine quotidienne mais pour l’admiration et la visite seule. Quand on pense en plus que Gaudi a conçu tous ses bâtiments à une époque où l’on travaillait au mieux avec une règle à calcul, où la modélisation et l’informatique n’étaient même pas des rêves lointains, l’appellation de génie n’est clairement pas usurpée.

J’ai quantités de photos de la Sagrada Familia, et l’édifice est tellement unique qu’elles sont presque toutes réussies. Il n’est pas difficile de réussir une photo là-bas : presque tous les angles apportent quelque chose.

Sagrada Familia interior, yellow stained glass

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2014-05-28T18:16:59+02:00mardi 20 mai 2014|Carnets de voyage, Photo|6 Commentaires

La photo de la semaine : chute d’eau sur l’île de Mull

J’avais fait un bref stage de photographie de paysage en 2012 sur l’île de Mull, pendant mon volontariat là-bas. Et j’en avais retiré une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne : le stage ne m’avait pas appris énormément de choses (cela signifiait que j’étais moins ignare que je ne le pensais). La mauvaise : le stage ne m’avait pas appris énormément de choses (cela signifiait que pour progresser, je devrais dorénavant ramer et commettre tout plein d’erreurs tout seul – et je n’ai pas fini… !).

Mull waterfall

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2014-05-28T18:16:59+02:00jeudi 1 mai 2014|Carnets de voyage, Photo|Commentaires fermés sur La photo de la semaine : chute d’eau sur l’île de Mull

Les cadenas de l’amour et de la séparation

Nouvelle mode, sur les grilles du pont des Arts à Paris et autres, les couples attachent des cadenas en symbole de leur amour et jettent la clé dans la Seine. Ce qui pose quantité de problèmes structurels (les rambardes alourdies risquent l’effondrement) et environnementaux (métaux dans le fleuve). Indépendamment de la symbolique du geste répété des milliers de fois et dont l’unicité et l’originalité se trouvent donc raisonnablement mises en doute, pour ma part, cette étrange prolifération presque corallienne me rappelle autre chose, vu ailleurs, et qui donne au symbole un goût amer.

La division entre Corée du Nord et du Sud a eu lieu à l’issue de la Seconde guerre mondiale. Nous connaissons le Nord – et son régime totalitaire – et le Sud, avec son développement technologique fascinant. On se doute moins que les tensions entre les deux pays font partie du quotidien ; en 1996, un sous-marin nord-coréen a par exemple débarqué un commando sur les côtes du sud, un événement qui a donné lieu à une chasse à l’homme de 49 jours. J’en avais parlé ici.

En conséquence de quoi, des kilomètres de côtes du sud sont grillagées, et surveillées par des postes de garde régulièrement espacés. On s’approche sans problème, le danger venant du large et non de l’intérieur. Et l’on remarque bien vite, sur les grilles, des cadenas espacés, ici et là, souvent colorés, représentant des petits animaux mignons populaires en Asie, avec des coeurs, des mentions “I miss you », etc.

Mais cette gaieté cache quelque chose.

“Ce sont les descendants de familles séparées par la guerre qui viennent ici accrocher ces cadenas, m’explique CSN, mon guide et ami. Ils les posent pour se rappeler les leurs, pour ne pas abandonner l’espoir d’être réunis avec leurs frères, oncles, cousins restés de l’autre côté de la DMZ.”

C’est donc pour cela qu’il y en a peu, et c’est pour cela qu’ils viennent les accrocher devant la mer ; parce que les leurs, s’ils leur sont rendus, viendront probablement de là ; que l’horizon libre permet d’espérer.

Je n’ai certainement pas à dire quoi faire à qui. Je n’ai jamais tellement aimé faire comme tout le monde, en plus, alors ajouter un bout de ferraille sur des milliers d’autres identiques… Ce qui est sûr, c’est qu’après avoir vu ça, par égards pour ces gens séparés depuis bientôt 70 ans, qui ignorent même si les leurs sont encore en vie, je ne pourrais pas me prêter à ce jeu-là. Je me sentirais très myope et très vain.

2014-04-07T12:16:52+02:00mercredi 9 avril 2014|Carnets de voyage|20 Commentaires

La photo de la semaine : feu de camp Maori

Pris au village du Mitai. Une soirée en compagnie de Maori, très instructive, impressionnante et amusante, permettant de découvrir leur culture ainsi que leur mode de vie traditionnel… et moderne. Le haka (qui n’est pas qu’une danse de guerre) est particulièrement impressionnant quand on se trouve en face. Il est intéressant de noter que la culture maori, contrairement à bien des modes de vie de peuples premiers qui sont considérés comme perdus ou anciens, reste bel et bien vivante et vivace. Bien sûr, elle s’est transformée au contact du monde moderne, mais visiter un site maori ne consiste pas forcément à visiter des vestiges ; sur le lac Taupo, par exemple, on trouve d’impressionnantes sculptures de faces rocheuses qui remontent aux années 1980 et qui sont considérées tout aussi authentiques qu’une pirogue séculaire.

2014-05-28T18:16:59+02:00vendredi 4 avril 2014|Carnets de voyage, Photo|2 Commentaires

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