De vieux démons
Pour fêter la fin d’un livre, il arrive que je m’offre un péché mignon. En effet, c’est en général une période assez tendue, ce qui pousse mécaniquement l’esprit vers des échappatoires : mille autres projets semblent subitement indispensables plutôt que d’affronter la difficulté de celui en cours. Je me tiens néanmoins la dragée haute, avec une promesse cependant : si ces projets semblent toujours aussi indispensables à la fin du livre en cours, alors je me les offre en récompense une fois le livre fini.
Sauf que celui-là me colle à l’esprit depuis des années. Autrefois, quand le monde était jeune (encore au XXe siècle), parallèlement à écrire, à commencer à ordonner des briques d’univers, je tripatouillais des potentiomètres et des enveloppes de filtre en rêvant de posséder des trucs comme ça :
(C’est donc un ARP 2600, synthétiseur mythique des années 70-80 qui s’échange aujourd’hui sur le marché de l’occasion aux alentours de 7500 €…)
J’ai eu quelques synthés, j’ai même joué dans quelques groupes dans mes années étudiantes, mais sans grande compétence : globalement, je joue mal de tout (je manque de patience, et donc de pratique). Par contre, façonner du son et jeter quelque part ces centaines de lignes mélodiques qui viennent régulièrement me hanter l’esprit a toujours été une envie de longue date, sur laquelle j’avais plus ou moins fait une croix en raison du casse-tête décourageant qu’était la technique du home studio (câbler un studio avec des synthés et des expandeurs en audio et en MIDI, réussir à configurer et piloter tout ça pouvait prendre des heures à la moindre session de travail).
Avance rapide sur quinze ans : l’informatique a tellement progressé qu’aujourd’hui, on peut avoir l’équivalent de dizaines de milliers d’euros de sons et de matériel physique émulés dans un simple ordinateur à travers un studio numérique type Ableton Live.
Donc voilà :
Cette portion de l’espace de mon bureau est mieux occupée ainsi qu’à servir de vide-poche monumental où la stratification géologique peut parfois remonter à cinq ans d’archives. J’ai à peine reçu les joujoux (qui coûtent une fraction d’un vrai synthétiseur physique) et commencé à reprendre contact avec ces bons vieux LFO, enveloppes ADSR et arpégiateurs, mais une chose est sûre, je m’éclate. Toutes les barrières technologiques qui me décourageaient il y a quinze ans sont tombées entre temps et on ne passe plus sa vie à se battre contre les machines, mais à s’en servir.
Je n’ai strictement aucune idée de ma compétence générale dans ce domaine, et si mes petits pouic pouic buzz buzz ne sortent jamais de mon disque dur, ce n’est pas un problème. La création a pour première vocation celle de nourrir l’âme de son créateur, et c’est bien le rôle que j’entends lui faire jouer.