Creating Flow with OmniFocus : le seul autre manuel de productivité nécessaire

La productivité, le lifehacking, c’est mon dada, mon plaisir coupable. Je suis toujours convaincu qu’il existe de meilleures manières de travailler, plus efficaces et plus agréables, et que les outils modernes permettent de supprimer au maximum les obstacles à la créativité, en donnant – faute d’interfaces neuronales, peut-être un jour – à l’esprit le moyen le plus direct d’exprimer ce qu’il a en tête. Je pourrais en parler à longueur d’articles ici, mais je sais bien que ça n’intéresse qu’une partie de toi, auguste lectorat, et je ne veux pas me transformer en consultant productivité à 100%. Ce n’est pas plus mal, cela me force à mûrir au maximum les notions et les flux de travail avant d’en parler.

Et donc, aujourd’hui, je veux te parler de l’autre livre qui m’a fait voir la lumière en terme d’organisation et de travail, Creating Flow with OmniFocus. Ne fuis pas, ce n’est pas parce que tu n’utilises pas OmniFocus que tu ne peux rien en retirer – même si, forcément, cela aide pour l’implémentation. Mais je dirai, sans hésiter, que CFwOF est le seul autre livre, à part Getting Things Done (rien que ça) qui a eu un tel impact sur ma façon de m’organiser pour arriver à jongler avec toutes mes casquettes.

CFwOF est rédigé par Kourosh Dini, psychiatre et musicien, qui s’est fait une spécialité d’étudier les mécanismes de la créativité sous l’angle pratique. Très influencé par le zen, il aspire, notamment à travers cet ouvrage, à étudier puis supprimer au maximum les barrières à l’état de flow – cet état de créativité maximal où le temps passe sans qu’on s’en aperçoive, où l’on avance semble-t-il sans effort, où le défi est merveilleusement accordé à la réalisation. Et pour cela, il s’appuie sur OmniFocus, qu’il définit comme le meilleur gestionnaire de productivité personnel – et je suis d’accord.

CFwOF peut se lire comme un manuel pour OmniFocus, un didacticiel qui part des bases les plus élémentaires pour aborder les fonctions les plus pointues qu’offre le logiciel dans ses recoins les plus cachés (subtilités sur les perspectives, automatisation, liens internes, etc.). Rien qu’à travers cela, il serait déjà très intéressant, car OmniFocus offre une quantité ahurissante de subtilités qui en font véritablement le Photoshop de la productivité, mais les cache à l’utilisateur débutant pour ne les révéler que si on les lui demande – un peu à la manière de Scrivener. Mais – et c’est là que le livre a été, pour moi, une révélation – Dini partage ses années d’expérience avec le logiciel et entre dans le plus grand détail dans son flux de travail, proposant des dizaines d’utilisations intelligentes et passionnantes du logiciel, le tout en situation.

Car, ainsi qu’on l’a vu en parlant d’OmniFocus, savoir utiliser son outil de gestion de projet n’est que la moitié du travail. L’autre moitié consiste à réfléchir à sa façon de travailler, à la cerner, puis à réussir à l’implémenter dans l’outil qu’on s’est choisi. Et c’est là que le livre s’avère une véritable bible pour le fidèle de GTD qui veut se construire un vrai système englobant sa vie entière. Débordant régulièrement sur des notions de psychologie, Dini explique pas à pas ses choix et ses propositions d’usage, jusqu’aux plus avancées, le faisant même fonctionner dans les derniers chapitres en coordination des outils comme TextExpander et Keyboard Maestro. Le livre est très, très abondamment illustré (il dépasse les mille pages) et accompagne l’utilisateur dans la structuration de ses espaces de travail jusqu’à atteindre le moment béni où son système commence à travailler pour lui au lieu de l’inverse.

© Kourosh Dini

Je crois avoir relu et fouillé Creating Flow with OmniFocus davantage encore que Getting Things Done, car c’est un livre pratique avant tout. En implémentant certaines de ses suggestions, en utilisant intelligemment les forces d’OmniFocus, j’ai clairement débloqué certaines zones de ma vie qui, avant, me causaient du stress.

Quelques exemples, parce que je sens bien que ça tourne à l’argumentaire commercial :

Terre et Mer. Parmi les usages avancés d’OmniFocus, Dini propose de réaliser un projet intitulé “Land & Sea” qui vise à inventorier, avec davantage de hauteur, tous les projets en cours, et de les placer dans des “canaux de travail” à répartir dans la journée. Ainsi, au lieu de se trouver noyé sous des dizaines, voire des centaines de tâches dépareillées, Terre et Mer permet de rassembler les projets globaux et d’articuler des espaces de travail dédiés, tout en acceptant – et c’est là que c’est beau – qu’il n’est pas nécessaire de tout toucher un jour donné ; il suffit d’y revenir régulièrement. Par exemple, mon Terre et Mer personnel contient seulement deux canaux ; l’un ne contient qu’un seul projet, mes corrections de Le Verrou du Fleuve – car c’est l’urgence du moment, et j’y travaille chaque jour –, l’autre contient en rotation : m’occuper du blog, gérer mes courriels, préparer mes prochaines masterclasses, produire Procrastination, etc. Des choses que je n’ai pas besoin de voir chaque jour, et je tourne au fil de la semaine et du besoin. Pour en savoir davantage sur cette idée, Dini développe sur son blog.

Passe et Classe. Vous voyez ces petites tâches administratives qui vous occupent l’esprit mais qu’il faut bien faire, comme préparer une courte lettre aux impôts, racheter des timbres, envoyer un mail urgent, imprimer un rapport pour un collègue ? Les mettre dans un gestionnaire de tâches aide déjà à se débarrasser la tête, mais ce qui devient agaçant, c’est qu’elles se retrouvent au même niveau que “écrire roman” et “nourrir blog” quand ce sont de petites choses. Or, quand j’ai du temps devant moi, je veux voir mes gros projets, pas “acheter timbres”, qui m’accapare et me pollue. Eh bien, pourquoi ne pas basculer toutes ces tâches simples dans un seul contexte – “File & Flow” en anglais – et se noter simplement de le visiter tous les jours, et de voir ce qu’il est possible de faire, par exemple en fin de journée, quand le cerveau commence à couler par les oreilles ? Savoir qu’on verra chaque jour cet ensemble de tâches… et qu’on pourra choisir de l’envoyer balader si on le souhaite procure une grande sérénité.

De riches idées de ce genre, couplées à leur implémentation dans OmniFocus, il y en a donc des dizaines dans Creating Flow with OmniFocus. Ce sont à la fois des astuces futées qui s’ancrent dans la psychologie et des systèmes pour assurer, conformément à la promesse du logiciel, que l’utilisateur ne voie jamais sous les yeux que les tâches qu’il souhaite à un moment donné. Dini aborde toutes les embûches classiques de la vie moderne, notamment la gestion des communications et tout particulièrement des mails… Un sujet qui me tient à cœur car je rame toujours à rester à jour, même si, depuis mon application de GTD et mon passage dans l’écosystème Apple, je n’ai plus, à un moment donné, qu’une dizaine de courriers en souffrance (qui datent parfois, hélas, mais ce n’est rien en comparaison de la centaine que j’avais régulièrement voilà quelques années). L’ouvrage guide cette fameuse réflexion à laquelle OmniFocus présente l’utilisateur sans crier gare, le confrontant à l’angoisse existentielle de se dire : que veux-je faire exactement, et comment ?

À titre d’exemple – et pour bien montrer que j’applique ce que je prêche –, sur la droite se trouvent mes perspectives telles que conçues après ces lectures assidues de CFwOF, et qui m’aident à guider ma vie au quotidien (entre parenthèses, les noms d’origine de l’ouvrage, parfois poétiques, mais que j’ai traduites, parce qu’on ne se refait pas) :

  • Focus (Dashboard) : le tableau de bord central d’où je lance tout. C’est ma perspective de pilotage (synchronisée avec mon Apple Watch) où figure tout ce que je dois faire un jour donné, ainsi que les échéances proches. Idéalement, je dois pouvoir réduire le nombre de tâches à zéro chaque soir. Pas toujours facile ou faisable, mais j’en approche assez souvent.
  • Rester à flot (Treading water) : une perspective de sécurité pour m’assurer que je n’ai pas laissé passer des tâches que j’aurais aimé voir mais que j’ai pu louper parce que, pour une raison ou une autre (genre, parce que c’est le week-end !) je n’ai pas assidûment consulté OmniFocus pendant quelque temps.
  • Vite fait : des tâches à la durée inférieure à 15′, pour ne pas gâcher les petites fenêtres de temps qui apparaissent parfois entre deux portes ou rendez-vous, ou parce que l’on a fini son travail un peu plus tôt et que l’on veut rentabiliser le temps qui reste avant de passer à autre chose.
  • On retrouve également Terre et Mer (Land & Sea), Passe et Classe (File & Flow), et quelques perspectives personnalisées comme la planification du blog, mon projet personnel de revue hebdomadaire, j’en ai une plus bas pour la production de Procrastination, etc.

CFwOF est un ouvrage assurément spécialisé, qui intéressera avant tout celles et ceux qui ont déjà un bon pied dans la méthode GTD, qui en ont assimilé les principes de base et se heurtent à présent à l’implémentation de leurs envies dans un système intégré. Je n’hésite pas à considérer le livre de Dini comme un “GTD advanced“, qui met l’accent sur la libération de l’esprit pour les tâches créatives – un sujet qui touche forcément, mais qui concerne tous les knowledge workers. Bien sûr, cela aide d’utiliser OmniFocus, mais si vous êtes dans l’écosystème Apple, ce livre peut totalement justifier de basculer vers cet outil, car il vous montrera – comme aucun autre – comment en tirer le maximum, et pourquoi il demeure bel et bien le meilleur.

Et si vous n’êtes pas sous OmniFocus ni Apple… ça vous montrera tout ce que vous pourriez faire du côté en aluminium brossé de la force… et vous donnera envie. (Viendez. On fait tellement plus de trucs.)

L’ouvrage n’est disponible qu’en anglais et est diffusé de manière indépendante par Kourosh Dini à cette adresse (lien affilié, en savoir plus).

De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci ! 

2019-11-14T00:24:21+01:00jeudi 28 septembre 2017|Lifehacking|Commentaires fermés sur Creating Flow with OmniFocus : le seul autre manuel de productivité nécessaire

Le modèle GTD s’applique-t-il à l’écriture ?

Houlà le titre de geek, de lifehacker davantage habitué à boire du jus macrobiotique dans l’open space de San Francisco en brainstormant le prochain brunch participatif qu’à celui d’écrivain qui sent le whisky et la date d’échéance dépassée.

Dans le mondialement connu Getting Things Done, David Allen martèle (lourdement pour certains) à quel point le modèle GTD est universel ; combien ses cinq phases de travail s’appliquent à n’importe quelle entreprise humaine. J’en témoigne depuis un an et demi de pratique scrupuleuse, pour du travail à courte échéance et/ou facilement décomposable en étapes simples (gérer ses impôts, ne pas oublier d’arroser les plantes, organiser un voyage, produire un podcast), ça marche parfaitement. Mais quid d’un travail créatif où, par nature, on ignore dans le détail la nature du résultat final puisque, par définition, la création consiste à défricher ce qui n’existe pas encore ? Peut-on appliquer réellement GTD à l’écriture d’un bouquin, d’une manière instructive et qui fournisse des réflexes intelligents, qui aille au-delà d’une liste de choses à faire du genre :

  • Écrire chapitre 1
  • ? ? ?
  • Profit

J’étais circonspect, mais à mesure que GTD devient une seconde nature dans ma façon de travailler (Allen annonce qu’il faut en moyenne deux ans pour que GTD devienne une seconde nature et qu’on en tire les bénéfices), je commence à distinguer ces phases également dans mon travail de création et d’écriture. C’est peut-être un biais cognitif : j’applique GTD dans beaucoup de zones de ma vie, donc forcément, ça déborde sur les autres. Mais ce qui compte, c’est : est-ce instructif, constructif, et cela donne-t-il de la hauteur et du recul sur son travail ? Cela permet-il de l’analyser sous un autre éclairage, et peut-être d’identifier les blocages et problèmes plus vite de manière à les résoudre ? La réponse étant oui, je partage mes réflexions à ce stade des choses sur la question, et chacun en fait bien ce qu’il veut, hein.

Rapidement : la méthode GTD s’articule (du moins au niveau de l’action quotidienne) selon cinq phases1 : collecter, clarifier, organiser, agir et revoir. Ex : je reçois un avis d’impôt dans ma boîte aux lettres (collecter) ; je l’ouvre et constate que je dois payer un tiers dans un mois, mais je n’ai pas les fonds tout de suite, or j’attends une rentrée d’argent. Conclusion : il faudra que je paie quand j’aurai les fonds (clarification et choix de la prochaine action). Je place un rappel approprié dans mon agenda (organiser). Le jour venu, je vérifie que j’ai les fonds et paie (agir). Chaque semaine, je consulte mes comptes pour m’assurer que ma situation financière ne part pas en sucette (revoir).

Par Psychoslave, CC-By-SA. C’est beau comme un arbre séphirotique. 

Je découvre que ces cinq étapes peuvent s’appliquer à l’écriture ou à la création, à toutes les échelles et à tous les moments du processus. Je pense qu’elles fonctionnent aussi selon que l’on est structurel ou scriptural ; les phases ne se déroulent simplement pas de la même manière. Elles ne se déroulent pas nécessairement consciemment non plus ; certains auteurs n’aiment pas malaxer résolument la matière (Mélanie Fazi l’évoque dans Procrastination) quand d’autres s’y astreignent car ils ont peur d’être improductifs (comme ton serviteur, auguste lectorat). Où vous vous placez sur le spectre, c’est à vous de voir.

1. Collecter

C’est assez évident : c’est l’étape fondamentale de tout travail créatif. Les idées viennent rarement entièrement formées, elles se présentent plutôt sous la forme d’impulsions évanescentes, d’images, de lignes de dialogue ou de description. La première étape consiste donc à pouvoir collecter toutes les idées qui se présentent, sans les juger, où qu’elles viennent, et sans jamais croire qu’on s’en rappellera et qu’il est inutile de prendre quelques secondes pour les écrire. L’expérience prouve qu’on les oublie toujours. Alors certes, peut-être ne valaient-elles pas la peine d’être consignées ; mais il est impossible d’en juger sans une bonne habitude de capture systématique qui permet au cerveau de se détendre, de fournir les idées qu’il souhaite, sans jugement.

De la construction d’un récit entier à celle d’une scène ou même de quelques paragraphe épineux, l’habitude de collecte permet parfois de débloquer l’angoisse de la page blanche. Une des causes principales de la procrastination est le manque de définition de la tâche à accomplir. Par essence, la création traite de la définition de quelque chose qui n’existe pas au préalable, ce qui la rend tout spécialement sujette à l’angoisse et aux stratégies d’évitement. Un réflexe salutaire dans ces conditions consiste à commencer par collecter les impulsions, images, envies, passages, le tout sans jugement ni crainte ; on commence par l’inventaire de ce que l’on a et l’on fait le tri ensuite. Ce relève de la phase suivante…

Non, pas ça.

2. Clarifier

Maintenant que j’ai tout ça : qu’est-ce qui a du sens ? Qu’est-ce qui me plaît vraiment, qu’est-ce qui me semble prometteur, qu’est-ce que j’ai envie de creuser ? Cette idée me conduit-elle quelque part ? S’inscrit-elle dans mon projet ? Et c’est quoi, mon projet, d’ailleurs ?

Toutes ces questions relèvent de la découverte active et/ou inconsciente des intentions réelles du projet et de la façon de les servir. À présent que l’on dispose de toutes ces idées, de tout ce matériau brut, on l’observe d’un regard critique, on le teste, on le pousse dans ses retranchements, on découvre des zones d’ombre qu’il faudra explorer. En un mot, il commence à se dégager des directions à creuser, il commence à se dégager de l’action (c’est pour cela que je fais toujours la fine bouche sur la notion d’inspiration – laquelle est toujours pour moi une démarche volontaire, peut-être entrecoupée de temps de repos et d’incubation, mais qui s’enracine dans une poursuite active).

Je réfléchis à un roman : mon envie de récit spatial est-elle compatible avec ce qu’on sait de la science ? Oui, non, je ne sais pas (j’ai donc besoin de recherches complémentaires) ? Non : est-ce que je décide de m’en moquer et de faire quand même ? De trouver une façon de truander avec un artifice narratif amusant ? Quel est-il ? Que signifie amusant pour moi ? La phase de clarification est la phase des questions utiles, et la phase où elles peuvent se multiplier sans fin – il faut savoir se recentrer sur les plus importantes.

3. Organiser

Organiser est le frère siamois d’éclaircir dans la méthode GTD : face à un nouvel élément, se poser la question “qu’est-ce que c’est ?” (soit, dans le cadre de l’écriture : “qu’est-ce que ça signifie ?”) entraîne nécessairement la question “comment (où) cela s’inscrit-il dans mon projet ?” Ce qui peut entraîner davantage de questions à clarifier, de nouveaux éléments inattendus, le tout dans un mouvement constant et des allers-retours perpétuels entre les trois premières phases du flux de travail. Cela me semble éminemment normal, tandis que l’on cherche à éclaircir un terrain, qu’on le définisse en même temps qu’on s’y aventure. Les bons outils et la bonne méthode de travail me semblent, je crois, laisser une totale liberté à l’esprit et, surtout, à l’envie et au plaisir dans cette étape. La clarification contient nécessairement une composante de jugement (“Qu’est-ce que cela signifie ?” “Ça ne colle pas, en fait”)  mais je crois qu’elle n’est productive que quand elle reste reliée (intellectuellement) à la phase suivante, qui est le but réel de tout ce processus :

4. Agir

Agir, évidemment, ici, c’est écrire. C’est avoir suffisamment défini (consciemment ou non, a priori ou non) l’intention, le cadre, l’énergie même du récit pour, au bout du compte, l’écrire sur la page. Tout ce qui précède – collecter, clarifier, organiser – ne vise qu’à une seule chose : mettre des mots sur la page jusqu’à parvenir à la fin du projet. Tout, en définitive, est subordonné à l’écriture (sauf si votre but consiste à créer un univers pour le pur amusement, mais dans ce cas, on est dans une optique différente – et finalement, le tout devient tautologique, s’il s’agit d’écrire, le but est d’écrire, duh). Plus subtilement, l’action peut consister aussi à se documenter sur un pan important du contexte du récit, mais cela s’inscrit toujours dans un but précis – produire un récit au final.

Une des façons les plus simples pour éviter la procrastination subtile que représentent les recherches qui ne se terminent jamais, la construction de monde interminable, consiste à toujours se dire : cela m’aide-t-il à écrire ? Cela me permet-il de construire le livre à venir ou même les quelques pages à venir immédiatement ? Il est parfois difficile de répondre à cette question, on a parfois la sensation qu’il faut maîtriser un sujet bien mieux que nécessaire pour produire un récit convaincant, et les angoisses inconscientes peuvent produire toutes sortes de stratégies raffinées d’évitement, mais il ne faut jamais perdre de vue qu’au bout du compte, l’important, c’est d’avoir mis des mots sur la page (si possible pertinents, mais au pire, des mots mauvais valent toujours mieux que pas de mots du tout).

5. Revoir

On serait tenté d’équivaloir la revue hebdomadaire, l’étape de révision de l’acquis et des projets en cours, avec celle de la correction, mais je pense ici que c’est trompeur. Revoir peut impliquer des phases de correction, mais corriger est, en un sens, une forme d’action. Corriger un roman, c’est réécrire, c’est donc une phase d’écriture, quoique de nature différente. Revoir, ici, cela me semble plus subtilement conserver le lien avec son récit, avec son monde imaginaire, à tous les échelons du processus créatif. C’est s’y (re)plonger avec aisance au moment de l’écriture (la raison pour laquelle je recommande de toucher son manuscrit tous les jours) mais c’est aussi s’assurer que l’on reste sur la bonne trajectoire (celle du plaisir, celle du sens, celle de la productivité, celle de la vraisemblance, tout cela ou rien à la fois, cela dépend des intentions de chaque auteur, de chaque projet, et cela peut entraîner un processus introspectif très profond tandis que l’on médite ses raisons d’écrire, de produire, voire d’être au monde). C’est lire quelques pages pour se remettre dans le bain avant une séance d’écriture, ou bien considérer l’ensemble une fois terminé et juger si cela correspond aux intentions et, le cas échéant, ce qu’il faut faire pour y remédier.

C’est là, je pense, qu’intervient l’autre forme de procrastination bien connue des auteurs – le doute de soi. L’impression que ce qu’on fait est complètement pourri, qu’on devrait plutôt élever des vers à soie à Genève, etc. S’il faut savoir repérer une mauvaise direction prise par un manuscrit, réfléchir au malaise que l’on ressent et éventuellement se poser la question de l’origine de ce malaise (collecter, clarifier, pour organiser et peut-être agir ?), presque tous les auteurs du monde – dont ton serviteur, auguste lectorat – recommandent d’avancer, de faire taire l’éditeur interne qui répète qu’on écrit de la merde à chaque mot pour écrire, sacredieu, et mettre l’histoire sur le papier jusqu’à sa conclusion. Terry Pratchett disait que le premier jet ne servait qu’à s’expliquer l’histoire, je pense qu’il a éminemment raison. Créer, c’est expérimenter, et expérimenter, c’est accepter de pouvoir se tromper pour se donner la liberté d’être bon. Malheureusement, l’un ne va pas sans l’autre.

Attention donc à la phase de révision, de mise en perspective, qui peut devenir au bout du compte contre-productive. Incapable d’écrire une ligne parce qu’une petite voix vous murmure que ce sera forcément mauvais ? Vous souffrez d’un excès de phase 5 (ça fait très diagnostic médical ; prenez de l’eau ferrugineuse et vous améliorerez votre quota d’écriture de 3 signes par jour !). Il s’agit de rééquilibrer la méthode de travail en faveur de la phase 4. Et pour cela, peut-être faut-il remonter davantage en amont : peut-être faut-il collecter davantage (se documenter ?), clarifier (que veux-je faire ?), organiser (le fais-je d’une manière qui m’agrée ?)

Structure et relâchement

On peut arguer que GTD, c’est comme Carlos Castaneda. C’est pas vrai, mais ça fait réfléchir, et c’est bien ce qui compte. Si j’en crois les podcasts et ouvrages complémentaires que je lis pour me détendre (parce que j’ai pas de vie), je suis à peu près ceinture marron de GTD ; je constate simplement que, depuis un an et demi de travail sur ces aspects, à cerner ma méthode de travail, mon ressenti, à clarifier mes intentions, je suis globalement plus détendu et j’ai survécu à des difficultés cette année qui m’auraient probablement cassé les jambes sans GTD pour m’appuyer, me rattraper et me fournir, au moins, une poignée de questions fondamentales pour me remettre en selle au plus vite. Allen promet au praticien d’avoir “l’esprit comme l’eau” (rien à voir avec la petite ni avec l’eau vive) : une métaphore inspirée des arts martiaux qui symbolise une réaction appropriée et parfaitement proportionnée à la moindre perturbation. Créer, c’est générer une perturbation constante dans le réel car il s’agit d’ériger ce qui n’existe pas. En fournissant des réflexes mentaux simples, GTD permet peut-être au créateur de conserver le cap au long cours sur ses objectifs, de lui fournir une sorte de paix sur les fronts qui lui accaparent l’esprit, bref, de le fortifier et de stimuler sa réflexion sur ce dont il a besoin – ce qui est, me semble-t-il, la base du travail.

  1. Ayant lu les livres en anglais, j’emploie des traductions personnelles – ce n’est peut-être pas la terminologie officielle, mais vous êtes suprêmement intelligent.e comme vous lisez ce blog, et vous saurez donc remettre les cases à l’heure.
2019-06-04T20:33:54+02:00jeudi 7 septembre 2017|Best Of, Technique d'écriture|3 Commentaires

La boîte à outils de l’écrivain : OmniFocus, la meilleure solution de gestion de tâches et projets

Auguste lectorat, j’ai voyagé loin, lu beaucoup, j’ai plongé dans les abysses du désœuvrement et tenté par mille moyens de créer de l’ordre à partir du chaos. Persuadé qu’il existait de meilleures manières de travailler que les miennes, j’ai beaucoup échoué, jusqu’à, la tête baissée en signe de contrition, suivre à la lettre les commandements de David Allen et voir la lumière. J’ai dénudé ma vie même devant les mânes de Google et d’Apple, portant la marque d’un fichage irréversible à la NSA. De retour de ce voyage dans l’au-delà du trouble obsessionnel compulsif, je peux te l’annoncer, auguste lectorat, j’ai cerné l’outil idéal pour la gestion personnelle de la productivité.

Et, comme beaucoup, je vais te répondre : OmniFocus.

Mais pas aveuglément.

Mille outils estampillés “GTD”

Si l’on cherche les outils de “to do list”, “productivité”, “gestion de projets” ou “GTD” dans n’importe quel magasin logiciel, on tombe sur une véritable galaxie d’outils qui se prétendent tous magiques, qui te promettent de récupérer 4h de travail dans la journée, qui te rendront CEO du monde et te laisseront encore assez de temps pour apprendre trois langues étrangères en une semaine. Et il faut dire la vérité, si l’on se penche sur des outils plutôt matures, la plupart se valent. Ils ont tous le minimum requis : des outils de capture plutôt pas trop mal fichus, une hiérarchie de projets et de tâches, des mots-clés pour différencier les contextes (je te renvoie à nos discussions sur GTD, auguste lectorat, si tu découvres ces notions). Chacun a son propre paradigme un peu différent du voisin, sa propre interface graphique, son adhésion plus ou moins stricte aux saints préceptes de GTD, qui peuvent séduire un utilisateur donné.

Pour ma part, au fil des cinq dernières années, j’ai essayé sérieusement à peu près tous les ténors du genre : Remember The Milk, Todoist, Nirvana, Zendone, 2Do, FacileThings, Things, The Hit List, Doit.im, et j’en oublie. Je me suis éloigné d’OmniFocus pendant un temps, mais j’ai fini par y revenir pour de bon durablement, et par cesser ma quête incessante de l’outil de productivité idéal : c’est lui, et quand il m’y manque quelque chose, c’est probablement moi qui ne me suis pas posé les bonnes questions.

Mais je mets la charrue avant les bœufs.

Pourquoi OmniFocus

Alors, déjà, oui, disons-le tout de suite, OmniFocus n’existe que chez Apple (pour les utilisateurs Android, on lui préférera 2Do, à qui une grande part de cet article peut s’appliquer, mais en “un peu moins bien”). Mais il fait partie de cette vingtaine d’applications qui rend la vie incomparablement différente du côté aluminium brossé de la force à ce qu’on trouve ailleurs.

En surface, OmniFocus est extrêmement simple, presque décevant, même. Une liste de tâches, des projets hiérarchiques, une interface sobre à la limite de l’austère, un contexte par tâche, et un prix qui fait frémir par rapport aux usages habituels en la matière. Plus un achat intégré “pro”, assez coûteux aussi, qui débloque un certain nombre de fonctionnalités qui, à l’usage, sont indispensables…

Cliquez pour agrandir

Qu’est-ce qui rend donc OmniFocus différent de la concurrence, alors ?

Le diable est dans les détails. Si le but d’un système de productivité personnel est de fournir à la fois une vision panoramique des tâches et de soutenir le travail sans obstruction, alors OmniFocus est le plus abouti de tous. Le moindre champ, le moindre bouton, tout est conçu pour que l’utilisateur passe, en fait, le moins de temps possible dans l’application pour se concentrer sur ce qu’il fait. OmniFocus est puissamment intégré au système et incroyablement extensible, ce qui signifie que 75% de sa puissance est “cachée” à l’utilisateur lambda qui n’en a pas besoin. Ce n’est pas un hasard si aucune autre application de gestion personnelle n’a généré autant de livres, essais, manuels, séminaires, cours en ligne : OmniFocus est, à bien des titres, le Photoshop de la productivité. Oui, n’importe qui peut tirer de Photoshop un vague dessin mal foutu, mais si c’est pour l’utiliser comme Paint, quel intérêt ?

OmniFocus nécessite un investissement de l’utilisateur, non seulement pour s’en servir à pleine puissance, mais surtout – et c’est la raison pour laquelle, à mon sens, il peut être difficile d’approche – de sa part, pour réfléchir à la manière dont il travaille et ce dont il a besoin. OmniFocus peut devenir à peu près n’importe quoi et s’adapter aux besoins d’un PDG de multinationale comme à ceux d’un créateur indépendant jonglant constamment avec dix projets en parallèle (coucou salut).

Le coup de génie d’OmniFocus est de fournir à l’utilisateur seulement les tâches qu’il a besoin de voir dans un moment ou un contexte donné. À l’aide d’une fonctionnalité “pro” (mais indispensable à mon avis), les Perspectives, OmniFocus propose à l’utilisateur de filtrer ses tâches de manière extrêmement fine selon une dizaine de critères, comme la date limite, le contexte, la date de début d’une tâche, la durée…

Cliquez pour agrandir

… et cache le reste. Ce qui assure que, des 200 tâches en souffrance, on n’en voie que les 5 réalisables dans l’instant donné. (C’est en cela que l’utilisateur doit réfléchir à son mode de travail : il lui faut construire les perspectives correspondant à sa vie et son usage.)

Quelques exemples personnels vécus :

  • Mon travail s’articule beaucoup autour de longues plages horaires ininterrompues pour l’écriture. Mais je m’arrête toujours 15 à 30 minutes avant de faire une pause déjeuner, de partir en rendez-vous, etc. de manière à m’assurer de bien “sortir” mentalement de l’histoire et, le cas échéant, de me noter de côté d’éventuelles idées pour la suite qui viennent parfois après avoir cessé d’écrire (comme si le cerveau avait du mal à freiner). En attendant, que faire de ces 15 à 30 minutes ? J’ai une perspective me proposant uniquement les tâches de cette durée ou inférieures, ce qui me permet de tirer avantage de cette petite fenêtre de temps au lieu de la gâcher à glander sur Facebook ou de rafraîchir mon courriel. Un colis à envoyer, un formulaire à remplir, tout cela m’attend sagement pour ces petites fenêtres où cela a du sens.
  • Je suis dans une salle d’attente ou sur un quai attendant un train qui partira sous peu. Chargé de bagages, je n’ai que mon iPhone à portée de main et pas envie de déballer plus gros. Un simple clic sur le contexte “iPhone” ou, à défaut “Internet” d’OmniFocus me donne toutes les tâches disponibles sur mon téléphone et que je peux exécuter facilement (une réponse rapide à un mail, une lecture rapide, la recherche d’une information simple…)

Les Perspectives sont ce qui rend OmniFocus quasiment impossible à mettre en défaut. Même avec 500 projets, il est toujours possible de les filtrer intelligemment – à condition que l’utilisateur ait fait ce travail de réflexion en amont, bien sûr. Quelle que soit la quantité de choses à faire, le nombre de responsabilités, OmniFocus peut s’adapter finement et facilement, quand les autres applications, quand elles le font, ne sont pas aussi pointues, subtiles, et malléables. J’ai appris en début d’année une leçon ironique en voulant remplacer OmniFocus par 2Do, le croyant plus puissant à tort : je n’avais pas encore passé suffisamment de temps et d’énergie à m’approprier le premier, après un an d’usage pourtant quotidien. Si je crois qu’OmniFocus ne sait pas faire quelque chose, en général, c’est faux – c’est moi qui ne sais pas comment m’en servir.

Ce qui sépare OmniFocus de la concurrence

Donc, certaines de ces fonctionnalités existent dans certaines applications concurrentes, oui. Mais, comme dit précédemment, aucune n’a l’élégance et le degré de finition d’OmniFocus. Pour les utilisateurs à la recherche d’une réelle puissance, l’application offre en plus quantité de fonctionnalités (très) avancées qui la rendent définitivement incomparable avec la concurrence.

Cliquez pour agrandir

Révision. OmniFocus est l’une des seules applications à consacrer un volet entier à la revue hebdomadaire (weekly review) qui forme la clé de voûte de GTD. Chaque projet présente un intervalle de révision paramétrable (de la journée à l’année) et l’utilisateur est fortement invité à les passer en revue à échéance. On peut bien sûr le faire à la main, mais c’est très pratique de pouvoir repousser la revue même d’un projet dont on sait qu’on ne peut agir dessus pendant des mois (est-il bien utile de voir chaque semaine de l’été, de l’automne et de l’hiver le projet repoussé au printemps prochain intitulé “Faire ma déclaration d’impôts” ?)

Liens internes. Tout dans OmniFocus peut être référencé avec un lien : un projet, une perspective. Cela permet de construire des tableaux de bord complexes où des tâches de niveau supérieur peuvent lier à des projets individuels, des perspectives, etc. Par exemple, une perspective “Communications” peut récapituler l’ensemble des mails à rédiger, et une liste de tâches quotidienne peut inclure un lien vers cette perspective sous le titre générique “Écrire mes mails”, ce qui allège et simplifie le coup d’œil des tâches de la journée1.

Intégration. Corollaire, OmniFocus parle à à peu près toutes les applications importantes à travers des liens d’application à application. Pour faire clair, un exemple : je reçois un mail nécessitant une réflexion et une réponse longue. Grâce à Airmail, je lie le message à une nouvelle tâche dans OmniFocus décrivant ce qu’il me faut faire sur ce message. Je peux maintenant archiver le message hors de ma boîte de réception (réduisant le stress de voir à chaque fois la même chose à chaque vérification de mon courrier), sachant que la tâche a été identifiée et que j’y reviendrai quand le moment sera venu : ma tâche OmniFocus contient un lien retour vers le message dont il est question, me permettant de poursuivre la conversation.

Automatisation. C’est la version avancée des deux points qui précèdent : OmniFocus est presque entièrement scriptable, ce qui permet de créer des modèles de projets. Exemple : la production d’un épisode de Procrastination nécessite plus ou moins toujours les mêmes étapes (production sonore, rédaction des notes, soumission à mes camarades pour validation, etc.) D’un clic sur un modèle réalisé dans Editorial sur mon iPad, j’ai un nouveau projet tout neuf contenant les dates-butoir adaptées en fonction de la date de publication de l’épisode en question.

Apple Watch. J’ai une Apple Watch depuis six mois (ça aussi, j’en reparlerai) et l’application OmniFocus pour l’appareil est simplement parfaite, pourvu, là encore, qu’on prenne le temps de réfléchir à ses besoins. C’est, très sérieusement, la meilleure intégration que j’aie vu d’une liste de tâches à ce petit bidule. J’ai mes tâches en permanence accessible à mon poignet, tout particulièrement intéressant quand je suis en vadrouille, sans avoir envie de sortir mon iPhone.

Omniprésence. OmniFocus utilise une solution de synchronisation maison, gratuite, qui est incroyablement rapide et fiable – même avec mes 200 projets, je n’attends jamais plus de quelques secondes la mise à jour de ma base sur un appareil que je n’ai pas utilisé depuis longtemps. L’application est disponible sur Mac, iPhone, iPad et Watch, avec, notamment, une quasi-parité de fonctionnalités entre Mac et iOS (et les développeurs ont promis d’accentuer encore la similitude en 2017), ce qu’il faut signaler.

OmniFocus a toutefois trois défauts (à vous de voir si c’est important)

Maintenant, l’honnêteté me dicte de te prévenir, auguste lectorat, utilisateur putatif, que l’application a trois réels défauts dont il faut tenir compte (mais l’un d’eux promet de disparaître en 2017).

Le premier, et pas des moindres, a déjà été évoqué : OmniFocus, c’est Photoshop. Au-delà de la marche d’apprentissage et de l’austérité de l’application, elle place très clairement l’utilisateur dans une situation potentiellement anxiogène qui est de devoir affronter non seulement l’intégralité de ses engagements, mais de réfléchir à la manière dont il travaille réellement et même à la façon dont il vit. Ce qui pousse à un certain nombre de questions pas toujours confortables (mais salutaires, je pense) sur l’existence – c’est un des effets promis par David Allen dans GTD, d’ailleurs. Gérer une vie relativement simple avec OmniFocus est extrêmement facile ; gérer une vie compliquée n’est pas beaucoup plus dur – ce qui le sera, ce sera d’affronter la réalité de cette vie et ce qu’elle implique quand l’outil, neutre, aura fourni à l’utilisateur une vision panoramique de sa propre folie…

Pas de collaboration. OmniFocus ne propose rien pour ça, point. C’est un outil personnel. Pour de la gestion d’équipe, il faut aller voir ailleurs des outils comme Asana.

Contextes uniques (mais ça va changer). Une tâche ne peut avoir qu’un seul contexte, ce qui devient un peu agaçant dans notre époque où les outils de travail sont quasiment omniprésents. Les utilisateurs réclament depuis des années un système de mots-clés plutôt que de contextes uniques (ce dernier parti-pris adhérant au canon de GTD), et les développeurs ont promis que cela venait enfin cette année.

OmniFocus est bon pour la santé

Ouais, bon, j’abuse un peu. Mais pas tant que ça. Comme dit plus haut, OmniFocus est une malédiction et une bénédiction à la fois : il donne à l’utilisateur, vraiment, toutes les armes pour gérer ce à quoi il tient au quotidien comme à long terme. Ce qui peut le plonger, pas si étrangement que ça, dans des abîmes de perplexité, d’introspection, de questionnements sur ses envies, ses désirs, à un point qui peut friser le métaphysique. Mais après tout, ne vaut-il pas mieux se poser toutes ces questions plus tôt que plus tard ? GTD a fait clairement évoluer ma vie de manière très intéressante, m’a rendu moins stressé, plus productif et plus réfléchi ; OmniFocus s’est révélé le compagnon idéal. C’est un peu le Scrivener de la productivité (et si tu suis cet endroit depuis un moment, auguste lectorat, tu sais combien c’est pour moi un compliment). Il fait assurément partie des composants qui me tiendront fermement ancré dans l’écosystème Apple et sans qui je ne m’imagine plus travailler.

Pour l’approcher correctement et accompagner ce questionnement, bien des auteurs ont écrit bien des livres, mais je ne recommanderai qu’un (dont je reparlerai), Kourosh Dini avec Creating Flow with OmniFocus, qui joue à la fois le rôle de didacticiel, référence et réflexion sur le travail et la création autour d’OmniFocus.

Dans l’intervalle, pour acquérir OmniFocus, rendez-vous ici pour la version iOS, et là pour la version MacDe manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci !

(Et si vous avez des questions, n’hésitez pas, comme d’habitude, les commentaires sont ouverts pendant quinze jours.)

  1. Un certain nombre d’idées présentées dans cet article sont inspirées ou prises dans l’excellent ouvrage de Kourosh Dini, Creating Flow with OmniFocus (lien affilié), dont je parle en détail ici.
2019-06-04T20:32:14+02:00mardi 30 mai 2017|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur La boîte à outils de l’écrivain : OmniFocus, la meilleure solution de gestion de tâches et projets

La boîte à outils de l’écrivain : Getting Things Done (s’organiser pour réussir)

Ça va commence à se voir, que ma petite (et bénigne) obsession est la productivité : il y a eu l’été de la productivité en ces lieux en 2013, j’ai parlé de Getting Things Done de loin en loin, je bassine tout mon entourage avec, bref, il est temps d’admettre que a) je suis un pratiquant régulier de la méthode et b) elle a sa place dans la boîte à outils de l’écrivain.

Pour une définition détaillée de ce qu’est GTD, je t’invite, auguste lectorat, à te référer aux liens ci-dessus, mais, en résumé :

La promesse de GTD

Getting Things Done est probablement la méthode de productivité la plus simple et la plus connue. Le livre originel (mis à jour en 2015) est un best-seller interplanétaire, qui a généré des kilotonnes de séminaires, d’ouvrages, de sites web. La méthode GTD ne promet pas tant de rendre son lecteur plus productif (même si cela fait partie du jeu) mais de le rendre plus détendu dans l’exécution, ce qui a souvent pour effet secondaire de le rendre plus efficace – mais le but avoué consiste plutôt à travailler, idéalement, plus intelligemment et moins. (Je me débrouille assez bien sur le premier, pas du tout sur le second.)

GTD accomplit cela à travers une méthode systématique et simple qui s’appuie sur les points communs à toute tâche relative à l’expérience humaine. (Rien que ça.) En résumant beaucoup, il s’agit de :

  • Rassembler les informations, idées et entrées provenant du monde ;
  • De les clarifier, c’est-à-dire de déterminer ce dont il s’agit : une idée à laisser mijoter ? Un projet à lancer ?
  • De les organiser dans un système digne de confiance (Moleskine taché de café ou application de bureau puissante) ;
  • De passer celui-ci en revue régulièrement pour s’assurer de conserver un tableau global et à jour ;
  • Pour agir.

Cela peut sembler très théorique, mais le livre fournit quantité de conseils pratiques et d’astuces pour la mise en place d’une telle organisation. GTD s’apparente pour moi à un cours d’autodéfense mentale face à l’agitation du quotidien et à la quantité oppressante d’engagements que nous sommes amenés à prendre, en inculquant des réflexes intellectuels fondamentaux pour traiter les imprévus et rediriger l’énergie vers une réaction adaptée (au lieu de courir dans tous les sens comme une poule sans tête).

En quoi GTD aide l’écrivain

Pourquoi GTD se trouve-t-il dans la boîte à outils de l’écrivain ? Qu’est-ce qu’un auteur peut tirer de ce bouquin qui se propose – rien de moins – que de structurer ta vie ?

GTD aide l’auteur à organiser ses projets et à définir ses priorités. En soi, ce serait déjà beaucoup, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Comme dit plus haut, GTD aide ainsi à libérer l’espace mental critique à la création. Il s’agit de clarifier les pensées, l’esprit, d’écarter tout ce qui peut parasiter la réflexion, afin de débarrasser, en un sens, l’espace intérieur pour arriver à produire calmement. En éduquant à la construction d’un système digne de confiance où se trouvent remisées toutes les “boucles ouvertes”, toutes les tâches non accomplies, engagements, promesses faites, GTD tranquillise : il n’est plus question de se dire “je voudrais écrire mais il faudra que je sorte les poubelles” mais de remiser clairement le fait de devoir sortir les poubelles dans un lieu qui sera consulté au moment opportun, évacuant toutes ces tensions conscientes et inconscientes.

Contrairement à la plupart des discours, GTD part de la base pour élever la réflexion. La plupart des méthodes de productivité ou même de développement personnel partent de la vision de long terme : que veux-tu faire ? Où veux-tu aller ? GTD fait exactement l’inverse en enseignant d’abord à gérer le quotidien, les petites choses, en postulant qu’y parvenir permet d’élever la vision peu à peu vers les buts, et qu’il ne sert à rien de se fixer d’ambitieux objectifs pour l’année prochaine si c’est déjà la panique pour acheter du pain ce soir. Il me semble que cette approche est extrêmement féconde dans la création, puisqu’elle libère, là encore, les accaparements immédiats pour dégager de l’air dans le crâne.

GTD débloque la création en transformant l’angoisse en action. David Allen, l’auteur de GTD, dit “ceux qui pratiquent GTD n’ont plus de problèmes, ils n’ont que des projets” – ce que je trouve assez juste. Une pratique régulière de GTD ancre des questions fondamentales qui ont trait à la pleine conscience : que fais-je ? Pourquoi ? Quel est le but visé ? Quelle est ma prochaine action ? Cela ne résout pas d’emblée l’angoisse de la page blanche (nous avons un épisode de Procrastination qui arrive sur le sujet, d’ailleurs) mais cela permet en tout cas à l’auteur en panne de se réapproprier son blocage et son problème. De quoi ai-je besoin pour écrire ? Pourquoi n’arrivé-je pas à avancer ? De quoi ai-je besoin ? Comment agir ?

Conseils fondamentaux pour adopter GTD

J’ai tenté à peu près trois fois de me mettre à GTD sérieusement et ça n’est qu’à la troisième que j’ai vraiment tenu rigoureusement (et tiens toujours). Il est très facile de décrocher de la pratique du système – ce qui interroge : un système si difficile à adopter en apparence est-il bien pertinent ? Je t’invite, auguste lectorat, à lire les six erreurs idiotes à ne pas commettre pour adopter GTD, mais par-dessus tout, l’expérience prouve que le décrochage est causé par une réticence à adopter le système dans son ensemble et à le personnaliser a priori. Sauf que tout dans GTD est à la fois nécessaire et suffisant, du moins en première approche, et qu’on l’adopte donc en entier, ou pas du tout.

Notamment, la clé de voûte est la revue hebdomadaire (weekly review) qui doit, oui, occuper deux heures par semaine. Deux heures par semaine exigées ! Folie et déraison ! Sauf que non. Ces deux heures sont les heures à la fois les plus productives et les plus reposantes que vous vivrez dans une semaine de travail. Cette exigence en apparence insensée permet de refaire le point sur les jours passés et de redéfinir les priorités et le travail à accomplir pour la semaine à venir… Ce qui permet de rouler en pilotage automatique le reste du temps. Et cette tranquillité d’esprit est justement le but visé par la méthode.

Je n’hésite pas à dire que GTD a changé ma vie, pas forcément en me rendant plus productif (ça, c’est surtout mon Mac qui m’y aide) mais en m’aidant à mettre un ordre profond dans ma vie et mes priorités en m’exposant exactement ce que je fais et ne fais pas à un moment donné. Il reste toujours des choses sur lesquelles je tarde, je demeure parfois sujet à la procrastination, GTD n’est pas magique. Mais j’ai, au bout de plus d’un an de pratique ininterrompue, acquis une clarté de vision sur mon travail, son volume réel (indice : trop important) et repris un contrôle globalement supérieur au travailleur moyen sur mes activités.

Ce n’est évidemment pas parfait, mais c’est un apprentissage constant, et j’ai hâte de voir où GTD m’aura amené dans un an.

De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci ! 

2019-06-04T20:30:59+02:00jeudi 30 mars 2017|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur La boîte à outils de l’écrivain : Getting Things Done (s’organiser pour réussir)

Apple, six mois plus tard

goinfre_for_a__productive_day_of__writing___brainstorming_for_the_new_series-__amwriting__fantasyOu presque. En avril, je faisais un coming-out entamé secrètement un peu plus tôt, après vingt-cinq ans de travail et d’optimisation sous Windows allant jusqu’à l’adoption de la tablette Surface : je retournais chez Apple. Après avoir mis le petit doigt dans l’engrenage, j’ai recyclé tout mon vieux matériel informatique, téléphones etc. et suis passé entièrement sous Mac et iOS (iPhone, iPad). C’est une discussion qui apparaît parfois au détour d’un salon, donc, six mois plus tard : que donne la transition ?

Je ne reviendrais pour rien au monde en arrière. 

J’ai encore un unique PC Windows à la maison (une machine de jeu vieillissante) et la prendre en main me provoque à chaque fois des bouffées d’hostilité. Cette interface atroce, mal pensée, hideuse, qui plante une fois par semaine sans raison, me paraît sortir tout droit des années 80. Sérieusement : j’éprouve le même fossé entre Windows 10 et mon Mac qu’entre Windows et le DOS.

Pourquoi, me diras-tu, auguste lectorat ? Après tout, les Mac c’est cher, après tout, Apple fait une marge de dingue, après tout, Apple c’est verrouillé. Je le sais, j’ai tenu moi-même ces arguments.

Eh bien, c’est peut-être idiot, mais travailler sur un Mac est à la fois productif et extrêmement agréable. C’est bien simple : en prenant en main mon iMac, je me suis aperçu que je pouvais prendre un plaisir sincère à travailler sur un outil informatique, quand je me “contentais” de travailler depuis vingt-cinq ans sous Windows. Et mine de rien, la plupart d’entre nous passent à présent 80% de leur temps de travail devant des écrans (encore plus vrai pour les indépendants) : ce facteur n’est clairement pas à négliger. Les écrans Retina (tout en n’étant qu’une appellation commerciale, je sais) sont d’une précision ahurissante qui donne aux caractères une réelle finesse et une lisibilité incomparable. Même l’Arial est beau avec, c’est dire. (Après, c’est peut-être le cas sur tous les écrans haute résolution, mais je n’ai pas eu la même expérience sur la Surface Pro par rapport à l’iPad, par exemple.)

https://www.instagram.com/p/BLIlxeMB6jp/

Mais surtout, comme le dit l’adage, sans maîtrise, la puissance n’est rien. Que m’importe une machine prodigieusement puissante si le système d’exploitation rame à s’en servir et s’il faut un refroidissement de centrale nucléaire pour le faire tourner sans risque ? J’ai un Macbook Air tout pourri (vraiment, 4 Go de RAM, c’est la misère de nos jours) qui fait pourtant tourner sans sourciller une machine virtuelle Windows avec des dictionnaires à côté des applications Mac habituelles. Mon iMac rigole quand je lance Ableton Live avec synthés virtuels lourds et instances multiples de Kontakt.

La seule fois où j’ai réussi à approcher du plantage, c’est quand j’ai voulu mettre la machine en veille alors qu’il ne restait plus de place sur le disque système. Quand Windows aurait gelé voir craché un écran bleu, le Mac a figé les applications, mais m’a conservé parfaitement la main sur le système, me laissant libre de quitter de force ce que je souhaitais, et de redémarrer proprement. Ma machine virtuelle Windows se met à jour à chaque démarrage ou presque. Le Mac, jamais, et, le cas échéant, il me demande poliment mon avis, sans jamais rien m’imposer.

Je reste pantois de jour en jour devant la quantité d’optimisations et de raccourcis qu’on mettre en place sous un Mac. On reproche à Apple ses systèmes fermés, mais, dans la pratique, c’est tout le contraire. MacOS et iOS se scriptent aujourd’hui avec une profondeur et une puissance que je n’imaginais possible que sous Linux (et avec une bonne maîtrise de la ligne de commande1). J’ai personnalisé mes outils d’une façon que je n’imaginais même pas possible de nos jours. D’un ensemble de raccourcis clavier, je lance en une fraction de seconde des opérations qui m’auraient nécessité une dizaine de clics de souris sous Windows ; et bien d’autres choses se font toutes seules, juste parce que j’ai pris le temps de les configurer (et de me renseigner, aussi).

Hazel surveille mes dossiers et automatise tout un tas d’actions répétitives. Par exemple : je reçois un justificatif SNCF à me faire rembourser. Il me suffit de le télécharger : Hazel entre alors dans le fichier PDF, reconnaît le trajet et la somme, me lance l’impression et me renomme ensuite le fichier classé dans un dossier à date. Sans intervention de ma part. 

Alfred lance mes applications, recherches Google, sert de calculette, va fouiller mes sites web favoris (dictionnaires en ligne, etc.), conserve l’historique de mon presse-papiers et effectue même mes opérations système (mise en veille, etc.) sans que j’aie besoin de toucher la souris.

Deux minutes passées à construire la requête pour une opération que j'effectue 50 fois par jour.

Deux minutes passées à construire la requête pour une opération que j’effectue 50 fois par jour. (Pas précisément sur ce mot-là, hein.)

BetterTouchTool me permet de programmer sur ma souris des dizaines de gestes tactiles qui en rendent l’utilisation plus rapide que jamais.

Keyboard Maestro automatise tout et même le reste : si on peut interagir avec le système, Keyboard Maestro s’en souvient et le refait à la place de l’utilisateur.

TextExpander (Mac, iOS) a augmenté de moitié ma vitesse de frappe et éliminé les casse-têtes relatifs aux liens, messages, noms qu’il me faut taper régulièrement (à commencer par mes propres titres, et quand on a eu la bonne idée d’intituler une nouvelle « Faisabilité et intérêt zootechniques de la métamorphose de masse », je vous jure que ce n’est pas du luxe).

Omnifocus (Mac, iOS) est la Rolls des applications de productivité, avec laquelle personne ne peut rivaliser. C’est la solution GTD ultime (et je les ai à peu près toutes testées).

Airmail (Mac, iOS) (en conjonction avec Omnifocus) m’a permis, pour la première fois de ma vie, d’être durablement à jour sur ma correspondance.

Scrivener a été conçu sous Mac et comporte des dizaines de raffinements sous cette plate-forme.

DEVONthink a éjecté bien fort Evernote et OneNote et leurs modèles commerciaux douteux.

Autant d’applications qui sont devenues littéralement indispensables à mon travail aujourd’hui, et qui ont surtout augmenté de moitié ma productivité globale en retirant simplement les petites frictions que Microsoft nous a éduqués, depuis Windows 95, à considérer comme normales au quotidien. Je pourrais encore parler du clavier Mac dix fois plus rationnel concernant les caractères spéciaux comme les majuscules accentuées, de la continuité entre appareils, Mac / iPad / iPhone, et de leur synchronisation, de la tranquillité d’esprit que m’offre Time Machine (finies les réinstallations du système et les personnalisations perdues), de l’ubiquité de Photos…

Alors oui, c’est cher. Oui, Apple fait de la marge, mais peut-on discuter de la correction des pratiques commerciales un instant ? Entre une entreprise qui me force la main pour adopter ses changements (Windows 10 qui s’installe presque de lui-même, par exemple), qui surveille mes données sur son cloud, qui s’en sert pour construire un profil commercial et me placer des publicités – Microsoft – et une autre qui réaffirme régulièrement son attachement à la vie privée de ses utilisateurs au point d’en faire un argument de vente2, et qui se concentre sur l’expérience utilisateur au lieu de son profilage – Apple – mon choix est fait. Il faut bien que l’argent vienne de quelque part : l’adage moderne dit “si c’est gratuit, c’est vous le produit“. Avec Apple, je sais ce que je paie : la recherche et développement, l’expérience utilisateur, la tranquillité d’esprit, la productivité, la vie privée (et, okay, le cours d’action de l’entreprise, mais coucou, c’est le monde dans lequel nous vivons – croyez-vous que Microsoft vous offre Windows 10 par bonté d’âme ?).

L’équation est simple, je suis prêt à payer 30% de plus pour 50% de productivité en plus et 100% de crises de nerfs en moins.

On peut, aussi et bien sûr, vivre totalement dans le monde libre avec Linux, LibreOffice etc. Mais le monde du libre conserve, quoi qu’on en dise, quantité de ces petites aspérités qui impliquent de vouloir / savoir mettre les mains dans cambouis. Pour ma part, je préfère mettre les mains dans le cambouis pour automatiser des tâches supplémentaires, que pour obtenir de la machine qu’elle fasse la base que je lui demande : fonctionner vite et proprement avec les applications nécessaires à mon travail (et la MAO sérieuse sous Linux, on oublie).

Je l’ai dit et je l’affirme plus fermement encore après six mois : travailler vingt-cinq ans sous Windows a probablement représenté pour moi une perte sèche de temps. J’ai lancé la boîte à outils de l’écrivain alors que j’étais sous mon ancien système et, pour cette raison, quelques applications sont encore multi plate-formes, mais je t’annonce, auguste lectorat, que je suis navré : ayant pris l’engagement de ne recommander que des outils que j’utilise au quotidien, les applications risquent de dévier fortement vers les sphères Mac et iOS.

Mais si tu travailles en indépendant, sérieusement, arrête de te tirer une balle dans le pied comme je l’ai fait pendant vingt-cinq ans. Mets tes préjugés de côté. Tente réellement et honnêtement, et fais l’effort d’apprendre comment cela fonctionne de l’autre côté de la barrière. Tu vas voir que tu peux travailler comme tu ne l’as jamais fait. Et c’est un anti-Apple de longue date qui te dit ça. Come to the d… erm, to the brushed aluminium side.

  1. Sachant que macOS est un Unix à la base, ceci explique quand même cela.
  2. Apple a d’ailleurs annoncé le démantèlement de sa régie publicitaire, iAd
2016-10-04T15:35:44+02:00jeudi 6 octobre 2016|Humeurs aqueuses|14 Commentaires

GTO (Getting Things in Order)

Aucun lien avec le manga du même titre. Juste pour partager un petit bout d’organisation que je me suis installé il y a plusieurs mois et dont, avec le recul, je suis assez satisfait : en début d’année, je m’étais fixé comme objectif de respecter à la lettre la méthode GTD, ne serait-ce que pour la tester en détail et regarder ce qui me convient ou non. D’ici la fin 2016, j’aurai un retour d’expérience à proposer, avec un détail des outils, mais, pour l’heure, le système qui semble le plus facultatif et le plus lourdingue à installer est aussi l’un de ceux qui s’avère le plus amusant à employer et qui offre le meilleur rapport temps passé / utilité : l’échéancier, ou tickler file. 

tickler-file

Le principe est tout bête : 43 dossiers, 12 pour les mois, 31 pour les jours. Le dossier le plus proche de soi correspond à la date du jour, et ainsi de suite jusqu’à la fin du mois, puis les mois eux-mêmes suivent. Chaque matin, on ouvre la chemise du jour et l’on traite ce qui s’y trouve. C’est un ingénieux système de “remise à plus tard” absolument sûr, tant que l’on prend l’habitude de le consulter chaque matin (et de prendre de l’avance en cas d’absence). Reçu des billets de train pour un trajet qui aura lieu dans deux mois ? Il suffit de les mettre dans la chemise correspondant à deux mois plus tard. Pas certain d’être disponible pour un événement, mais besoin d’un rappel pour vérifier un peu plus tard ? Un post-it déposé dans quinze jours permet de s’en libérer l’esprit, tout ayant l’assurance d’y revenir. J’ai passé trois heures à étiqueter tout ce machin et j’avoue qu’avec la disparition progressive du papier, il ne sert pas quotidiennement, mais il me rend régulièrement de fiers services : c’est le système le plus pratique pour se débarrasser d’un document jusqu’au moment où l’on en aura besoin.

2016-08-23T17:25:16+02:00mercredi 24 août 2016|Lifehacking|Commentaires fermés sur GTO (Getting Things in Order)

Pour avancer simplement sur son écriture

Ha, ha. Business. (Source)
Ha, ha. Business. (Source)

Un des commentaires les plus courants qu’on entend sur l’écriture, c’est : “J’aimerais bien, mais je n’ai pas le temps.”

Cela ne sous-entend pas forcément qu’il faut plus de temps, mais, en général, cela cache le problème suivant : j’aimerais des plages de temps plus longues – pour me plonger dans mon histoire, pour éventuellement me remettre en route après un long arrêt, et, évidemment, pour combattre la procrastination.

L’écriture, probablement plus que toute autre pratique artistique, est un travail de longue haleine, avec une visibilité sur les résultats quasi inexistante. Consommer un texte prend du temps : chaque phrase se lit une à une, chaque paragraphe contribue à former dans l’esprit davantage de sens, de mise en scène, d’action. Par comparaison, la musique est presque immédiate – une phrase musicale, une atmosphère s’assimilent en quelques secondes – et l’image pour ainsi dire instantanée.

Par conséquent, la récompense que l’on peut espérer de la création – c’est-à-dire, voir une partie au moins de son travail accompli – est très faible, là où le musicien entend rapidement si ce qu’il compose sonne, où le peintre voit tout de suite si son œuvre prend un chemin intéressant. On peut écrire un long moment sans tâter de résultat – il manque un retour, ou une boucle de rétrocontrôle positive, si l’on veut lorgner vers les neurosciences. C’est potentiellement décourageant ; c’est pourquoi tant de manuels et d’auteurs (dont ton serviteur, auguste lectorat) insistent sur la notion de discipline.

Je me faisais la réflexion, en composant la bande-originale de Psycho Starship Ramage, que je rencontrais moins de difficultés à me mettre dans l’état d’esprit conduisant à créer, à atteindre l’état mystique de flow. Pourtant, c’est un travail tout aussi complexe, ardu. Pour quelle raison la barrière paraît-elle moins haute ? Parce que la musique envoie un retour bien plus immédiat à son créateur : cela sonne, ou pas. C’est efficace, ou pas. Il faut tel effet en plus. Il faut altérer les basses. Il faut un renversement d’accords à tel endroit. Il faut une nouvelle ligne mélodique. Etc. La liste de choses à faire s’allonge sans cesse, une foule de petits problèmes à fouiller, triturer, que l’esprit a envie de résoudre.

Le lien avec l’écriture ? Hé, on peut hacker la discipline.

On conseille fréquemment, en productivité, de diviser une grande tâche ou un vaste projet en étapes élémentaires de moindre envergure afin de faciliter le progrès. Genre : au lieu de se dire “je dois lire ce livre”, faire une liste comme suit : “Lire le chapitre 1.” “Lire le chapitre 2.” “Lire le chapitre 3.” etc.

Ça paraît débile. Ça l’est peut-être, même si l’expérience (et les neurosciences) tend à montrer qu’une tâche qu’on peut finir en un laps de temps modéré rebute moins l’esprit qu’une masse mal définie sur une liste. 

Pour quelle raison la majorité des auteurs tendent-ils à se précipiter pour laver la pelouse / étendre le chien / tondre le linge plutôt qu’à faire leurs pages ? Parce que ces tâches sont immédiatement accessibles et clairement délimitées avec un résultat très clair et identifiable : la pelouse brille, le chien est allongé, le linge est imberbe. Alors qu’écrire… Quand des pages sont-elles bonnes ? À quel point un personnage est-il suffisamment défini ? Quand sait-on qu’on est prêt à écrire ?

“Réfléchir à mon super roman” n’est pas une tâche clairement délimitée. “Composer une super ouverture” ne l’est pas non plus, mais le retour, le feedback sonore est immédiat, ce qui identifie mieux le point de départ, et soulève une foule de problèmes à résoudre ; la boucle de rétrocontrôle positif, ce feedback si difficile à obtenir en cours d’écriture, font avancer le projet.

Pour faire avancer un projet d’écriture qui rame, ou tout simplement pour se donner de l’allant, je crois qu’il suffit de se donner des problèmes à résoudre, tout particulièrement en phase de recherche et de construction. Plutôt que “réfléchir à mon intrigue”, se prévoir de “réfléchir à mon héros” ; plutôt que “réfléchir à mon héros”, se prévoir “décrire mon héros”, “prévoir les qualités et défauts de mon héros”, “réfléchir au passé de mon héros” ; plutôt que “réfléchir au passé de mon héros”, se prévoir “quelle est la famille de mon héros ?”, “d’où lui vient sa cicatrice cool au menton ?”, “pourquoi a-t-il peur des iguanes ?”

N’importe quoi pour arriver à des tâches clairement définies et immédiatement accessibles, autant que décoller les bibelots et épousseter la moquette. L’esprit est naturellement attiré par des problèmes clairs qu’il peut résoudre. À chaque fin de session d’écriture, on tirera probablement profit de se choisir une nouvelle sélection de petits problèmes à résoudre la fois d’après. Cela réduit grandement la barrière d’entrée au travail d’écriture, et donc, la procrastination.

2019-06-07T22:48:03+02:00mardi 3 mai 2016|Best Of, Lifehacking, Technique d'écriture|13 Commentaires

La boîte à outils de l’écrivain (mais pas que) : dompter son courrier électronique, les techniques (1/2)

help-emailBon. Très franchement, auguste lectorat, je ne pensais pas un jour me retrouver à proposer un article se proposant de donner un petit coup de main pour l’organisation du courrier électronique, parce que c’est, pour tout dire, un peu risible. Je suis en effet sujet depuis des années à une sorte de syndrome de Sisyphe – une boîte de réception qui se remplit sans cesse et ne se vide jamais, avec des retards parfois surréalistes (terme châtié pour dire : honteux) dans la correspondance. Je ne me plains pas, après tout, c’est le signe qu’on juge potentiellement sympa de m’envoyer des trucs, et que, même après ces années, on ne m’en veut pas (trop) de ma lenteur.

Mais je n’ai pas la fatuité de me croire seul sujet à ce mal qui est pour ainsi dire le nôtre à tous ; l’expression “email overload” (surcharge de courriels) génère quelque 120 000 résultats à l’heure où j’écris et des flopées de logiciels, livres, cours se targuent tous de vous aider à régler ce problème pour seulement 99,99 hors taxes. Une statistique récente annonce que l’Américain moyen passe 6,3 heures (6,3 heures, fichtrefoutre !) par jour dans sa boîte de réception. Remplacez “boîte de réception” par “au téléphone” : y aurait pas comme un truc qui coince ?

Que peut-on donc faire ? 

Je n’ai pas de réponse mais je lutte contre le problème depuis à peu près quinze ans et j’ai développé une sorte de système dont la qualification scientifique est “pas trop dégueu” – j’ai à présent rarement plus de trente mails dans ma boîte, et ce de façon stable. Je vois chez d’autres proches et amis 150, 500, voire plusieurs milliers… Et ces mêmes proches et amis, voyant mon fonctionnement, m’ont exhorté à rédiger cet article : “je voudrais lire ça !”. Tout ce long caveau pour dire : non, je ne suis pas parfait dans le traitement de mon courriel (mais qui l’est ?), cela dit, j’ai peut-être un ou deux trucs que je peux partager, et que voici. En toute humilité. Sans garantie de succès.

Bon.

De mon humble expérience, contrôler son courrier électronique relève de deux pans :

  • Les bonnes techniques
  • Les bons outils.

Aujourd’hui, nous parlerons de techniques. Lundi, j’aurai deux outils complémentaires à proposer.

Email-fu : quelques pistes pour des techniques

drowned-in-mailJe suis passé proche du burn-out fin 2014. Ce jour-là, j’ai pris une résolution : me déconnecter totalement pendant deux semaines, laisser les courriels tomber dans les abysses et ne les reprendre qu’à la rentrée. Cela m’a fait un bien fou, d’une part au moral, mais surtout, je me suis rendu compte d’une évidence : mon travail ne s’était pas écroulé bien que je n’aie pas consulté frénétiquement ma boîte de réception. Il en est venu une autre évidence encore plus… évidente, et qui, je gage, s’applique à 80% d’entre nous (ceux qui ne travaillent pas dans le support technique, en gros) :

Notre travail ne consiste pas à répondre à des courriers électroniques

Une grande part de la communication professionnelle passe par le courriel, oui, et il ne faut pas le laisser à la dérive, bien sûr, mais, dans une large mesure, répondre au courriel ne relève pas du travail de production. Soit, selon votre métier : écrire, composer, boucler un bilan, rédiger une proposition commerciale, rédiger un article scientifique, conduire une expérience, appeler un client, corriger des copies, moderniser un cours, etc. Dans le cadre professionnel, le courriel relève de la logistique et de l’organisation. Dans le cadre personnel, il relève de la correspondance

Lui donner davantage d’importance ouvre une porte dangereuse. Le courriel est un jeu immédiatement gratifiant : j’ai traité ce message, j’ai répondu, un de moins sur une liste immédiatement visible. J’ai donc la sensation d’être productif, de m’affairer – mais je ne le suis pas, c’est la brutale vérité ; je le serais si je produisais au lieu d’organiser. Bien entendu, il faut organiser son travail, mais si l’on reprend la statistique énoncée plus haut, doit-on réellement passer 6 heures sur 8 d’une journée de travail standard en organisation ? Ce serait plutôt l’inverse.

D’où la première technique : encadrer le courriel dans des plages horaires déterminées et claires. Il n’y a que 24 heures dans une journée et un nombre fini de choses faisables. Pour ma part, j’ai relégué le principal de cette activité à une demi-journée dans la semaine, et je m’affaire à ramener mon délai de réponse standard pour la correspondance à “quelques semaines” (au lieu, parfois, de “quelques mois”). Le reste du temps, se contraindre à un nombre de consultations raisonnable dans la journée (j’en suis à deux ou trois, et c’est une sacrée victoire sur moi-même, je peux vous dire).

La boîte de réception n’est pas un dossier d’archive

Mon humble expérience – et largement partagée, à ce que j’en sais – m’a également fait tomber dans un piège classique : laisser les messages dans la boîte de réception quand il faut en faire quelque chose. Voire, les y laisser pour ne pas les oublier. Voire, les y laisser parce que je ne sais pas quoi en faire / ne veux pas décider quoi en faire. Ils pourrissent là, une sensation de culpabilité croissante m’habite chaque fois que je les vois, je ne veux plus les ouvrir, mais je ne veux pas les jeter non plus – car ils sont utiles. Je n’ai juste pas clarifié en quoi. Du coup, je fredonne LALALALALA en regardant plutôt les nouveaux messages tout neufs qui viennent d’arriver avec plein de choses nouvelles dedans, comme un singe appuyant sur la pédale dispensant des récompenses. Je n’ose pas faire défiler ma boîte de peur de ce qui va m’exploser au visage. Honnêtement, je ne suis pas le seul, hein ? (Enfin, étais – comme je le disais plus haut, je n’ai plus qu’une trentaine de messages en souffrance de façon régulière.)

Maintenant, analogie largement répandue chez les auteurs de méthodes de productivité outre-Atlantique. Combien d’entre nous laissent leurs factures d’électricité impayées dans notre boîte aux lettres physique afin de “penser à les régler” ? Absurde, hein ? C’est pourtant ce que nous faisons avec nos courriers électroniques.

Bien des auteurs militent pour le principe du “touch it once” (n’y toucher qu’une fois). Cela ne veut pas dire qu’il faut répondre à chaque message immédiatement dès réception ; mais décider ce qu’est ce message dès ouverture, le diriger aussitôt vers un système fiable, et l’y parquer, avec les actions attenantes si nécessaire. Pour cela, la méthode Getting Things Done offre une aide précieuse. Ce message :

  • N’apporte-t-il rien ? L’effacer.
  • Peut-il être traité en moins de deux minutes ? Le faire tout de suite.
  • Contient-il des informations utiles pour référence ultérieure ? L’archiver.
  • Nécessite-t-il une action en retour ? La noter dans un système fiable et archiver.

Donc, seconde technique : se contraindre dès l’ouverture d’un message à décider clairement ce qu’il nécessite comme action à suivre. Archiver ces actions en sécurité. S’assurer d’y revenir. Et passer à autre chose.

Et maintenant ?

Quels sont les outils qui peuvent nous aider rapidement et facilement à étayer ce flux de travail ? La suite lundi.

2016-04-05T18:59:37+02:00jeudi 7 avril 2016|Lifehacking, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur La boîte à outils de l’écrivain (mais pas que) : dompter son courrier électronique, les techniques (1/2)

GTD : j’ai vu la lumière (six erreurs idiotes à ne pas commettre)

gtd-fr-2015

Bon, il a déjà été question plusieurs fois de la méthode Getting Things Done – “S’organiser pour réussir” – en ces lieux de perdition, notamment pour le petit tour d’horizon sur la productivité de l’été 2013 et le court article sur la version 2015 du livre. Comme tous les aficionados des méthodes de productivité sans effort, j’ai tenté plusieurs fois d’installer un système GTD propre, d’observer son fonctionnement, pour tomber du train en marche à l’issue d’une durée plus ou moins variable, mais tenant chaque fois plus longtemps, et apprenant de ces échecs. Avec quantité de casquettes – écriture (plusieurs projets en cours), traduction (plus cours à la fac), conférences et ateliers, musique (ce qui entraîne une certaine maintenance), sans parler des aspects personnels – les chances d’oublier quelque chose augmentent exponentiellement et le besoin de rigueur se fait d’autant plus sentir.

Aujourd’hui, en vérité je te le dis, auguste lectorat, David Allen est descendu de son podcast éthéré pour me parler en vision chamanique, et j’ai vu Sa lumière.

J’ai compris1. J’ai installé un vrai système GTD comme il faut et je commence à en ressentir les effets comme jamais auparavant. Et je vais te parler, auguste lectorat, de ce qu’il faut faire, et ne pas faire, pour que ça marche, et enfin éviter de tomber du train. Si tu demandes de quoi je fichtreparle, l’article d’origine sur GTD se trouve ici. (C’est, en gros, la méthode de travail et d’organisation personnelle la plus universelle et la plus efficace, qui génère une sorte de culte outre-Atlantique.)

L’erreur principale, que tout le monde commet, consiste en général à croire que GTD se personnalise tout de suite. Qu’on peut en enlever ou en altérer des morceaux dès le début parce que certains volets semblent contre-intuitifs (“Quoi ? Une weekly review de deux heures ? J’ai autre chose à faire !”), stressants (“Mon dieu, inventorier tous mes engagements ?”) ou inutiles (“T’es mignon avec la recommandation d’acheter une étiqueteuse, mais un bic et des vieilles étiquettes jaunies feront l’affaire”).

Sauf que non. Tout, dans GTD, est à la fois nécessaire et suffisant. À la relecture du livre pour la troisième ou quatrième fois depuis quinze ans, pour avoir tenté plusieurs fois d’en tirer les bénéfices, je me rends compte combien David Allen a mûri sa réflexion et n’a rien incorporé dans son livre qui soit superflu. GTD fonctionne comme un tout, c’est ce qui le rend difficile à adopter, mais c’est aussi ce qui le rend particulièrement efficace et cohérent une fois le pas franchi. Mais on ne peut se passer de rien. Voici, auguste lectorat, les erreurs que j’ai testées et désapprouvées :

Ne pas se procurer un panier d’entrants (“in-basket“). Sous prétexte qu’on est “tout numérique”, on s’imagine pouvoir se passer de cette directive. Sauf que nul n’est encore tout numérique – on continue à recevoir du courrier papier, des colis, des tickets de carte bleue et des cartes de visite. Parquer ces informations dans un espace physique réservé à cet effet, où l’on sait qu’elles sont destinées à être traitées, procure une sérénité absolue, et c’est pourtant tout bête.

Ne pas inventorier tous les engagements en cours. En général, on l’évite parce que c’est anxiogène ; nous avons tous quantité d’engagements, dont une bonne partie est informe, ou non reconnue, ou non acceptée. Se forcer à les regarder en face, à décider qu’il faut faire quelque chose à leur sujet (ou laisser tomber) met à jour quantité de stress qu’on refuse d’affronter – la poussière sous le tapis est inoffensive, n’est-ce pas ? Faux. Ces engagements informes pèsent sur la psyché et, en plus, on tend à les ignorer dans l’estimation de la charge de travail, ce qui peut générer davantage de stress encore quand des obligations surgissent. Au minimum dans le domaine professionnel et pour toutes les obligations envers autrui, cet inventaire est capital.

Ne pas consacrer deux heures à sa récapitulation hebdomadaire (“weekly review »). On ne le dira jamais assez, la weekly review est un pilier fondamental de GTD, mais en plus, il faut la faire en profondeur. Deux heures paraissent interminables (“Je n’ai pas deux heures à y consacrer : j’y passerai déjà dix minutes et ce sera bien”) et perdues, mais c’est, absolument, tout le contraire. La weekly review m’a littéralement gonflé à chaque fois que j’ai tenté un processus GTD, jusqu’à tenter de le suivre à la lettre, et c’est là que son importance m’est apparue. Aujourd’hui, franchement, deux heures me semblent presque trop courtes pour le faire bien. Ces deux heures sont un investissement – réfléchir à son fonctionnement et à ses priorités pour la semaine à venir autorise à fonctionner en pilote semi-automatique, même quand on a peu d’énergie. On les récupère au double, voire au triple, par la paix mentale qu’elle procure ensuite.

Ne pas être un ayatollah du processus GTD. “Ouais, GTD c’est cool, mais franchement, c’est rigide.” Sauf qu’Allen le répète, quoique un peu trop discrètement : cette rigueur, cette assurance que les détails du quotidien sont gérés de façon systématique libèrent l’esprit pour une pensée de plus haut vol – générer des idées – et c’est absolument critique dans le cas d’un auteur ou d’un créateur de manière générale. Ce qui conduit à l’écueil suivant :

Croire que GTD vise à gagner du temps. Le mot productivité évoque souvent une vision tayloriste du travail, où il s’agit de produire davantage, plus vite. C’est la face émergée de l’iceberg : oui, GTD clarifie le travail et aide à mieux rentabiliser le temps (en fournissant à l’avance une liste de tâches possibles dans certaines circonstances limitées, par exemple), mais ce n’est pas là que réside son intérêt. Dans un de ses podcasts (car je suis converti au point d’écouter les podcasts, oui, j’en suis à ce stade de la religion), Allen explique que GTD ne vise pas à donner du temps en plus mais de l’espace mental. C’est-à-dire débarrasser l’esprit de toutes les tâches de gestion du quotidien et de rappels qu’il fait de toute façon très mal pour lui confier du mieux possible les tâches qu’il fait bien : réfléchir et créer – qu’il s’agisse d’un plan de roman ou d’une proposition industrielle. GTD ne rend pas tellement plus productif parce qu’il rend plus efficace – il rend plus productif parce qu’il libère l’esprit, et donc rend plus efficace.

Un seul amendement possible à mon sens consiste à collecter d’un seul coup tout ce qui traîne dès l’implémentation. Pour beaucoup – dont moi – c’est trop. Ma vie, mon appartement sont littéralement des in-baskets. Dans ce cas, je crois qu’on peut récupérer tout ce qui est en souffrance, mais n’est pas urgent, au fur et à mesure. Par défaut, tout ce qui a été repoussé sine die peut attendre encore. Là où il faut faire attention, c’est bien collecter ce qui est en cours, urgent ou limité dans le temps. Une fois qu’on a appris à gérer cela, on peut se rajouter de la complexité en ajoutant, en plus, les pièces qu’on a laissé traîner depuis parfois des années.

J’en suis là de mon parcours. Mais, depuis que je l’ai vraiment implémenté, et que je continue à raffiner mon implémentation, je commence à sentir cet “espace mental” promis – il y avait longtemps que je n’avais bouillonné d’idées à ce point, honnêtement – et surtout, je mesure combien il est indispensable de systématiser le travail au quotidien, pour cesser de penser à ce que l’on doit faire, pour penser, simplement à ce que l’on fait.

  1.  Jusqu’à ma prochaine chute du train, à vrai dire, mais, pour l’instant, je crois bien que c’est la bonne.
2019-08-28T21:28:48+02:00lundi 29 février 2016|Best Of, Technique d'écriture|3 Commentaires

Getting Things Done, version 2015 : ça vaut le coup ?

Je... Wow. (effectivement)
Je… Wow. (effectivement)

Toujours à la recherche de la solution ultime de productivité moderne du XXIe siècle et prêt à tester toutes les expérimentations de lifehacking et les applications qui me passent sous le nez (la série “Productivété” de l’été de 2013 restant encore pas mal d’actualité), j’ai levé l’oreille tel le labrador en apprenant que la baïbeulle de la productivité personnelle, Getting Things Done (S’organiser pour réussir), ressortait dans une version mise à jour pour l’année 2015 adaptée à l’ère digitale numérique nuage objets connectés. Cédant à ma compulsionnite aiguë, je me suis jeté dessus car – ça tombe bien – je compte / dois / veux réorganiser un peu tout mon système personnel à l’occasion de cette nouvelle année.

Alors, cette version 2015 : vaut-elle l’achat pour qui possède la version d’origine 2002, pour le vieux briscard qui a déjà loupé quinze fois ses weekly reviews et se jure que la prochaine fois, il sera rigoureux ?

Honnêtement : non. Tout le barouf autour de cette ressortie d’un (certes) classique est un peu surfait, et la promesse d’une mise à jour adaptée aux outils modernes un peu abusive. Les modifications sont subtiles, ici et là, et correspondent davantage à un “lifting” qu’à une réelle transformation en profondeur (même si son auteur prétend avoir grandement réécrit le manuel). Mais c’est à porter au crédit de la méthodologie de Getting Things Done, qui s’est toujours voulue indépendante des outils, et qui reste valide malgré les années. Cette nouvelle mouture bénéficie du recul de son auteur, certes, et quelques commentaires plus orientés sur le numérique sont bienvenus, mais on peut regretter leur trop grande discrétion. On verrait en fait plutôt dans cette mouture l’influence de Making it all Work, l’essai sorti en 2009 qui répondait en filigrane aux critiques adressées à Getting Things Done et qui proposait de prendre un peu de hauteur sur le système.

Certes, GTD 2015 propose deux chapitres supplémentaires entièrement nouveaux, un sur les “preuves” apportées entre temps par les sciences de la cognition sur le bien-fondé de la méthode et un sur l’apprentissage progressif de celle-ci (laquelle implique un changement d’envergure qui peut impressionner ou inquiéter de prime abord), mais ils ne valent pas à eux seuls l’achat de cette nouvelle version, surtout si l’on a déjà expérimenté copieusement avec la méthode et rencontré ses propres difficultés dans son implémentation au quotidien.

En revanche, le novice aura bien évidemment grandement intérêt à privilégier la version 2015 à la première mouture, même s’il la trouve à un prix réduit. Sinon, l’habitué fera mieux d’investir plutôt dans Making it all Work, qui lui offrira davantage de pistes de réflexion. Voire de ne rien dépenser du tout et de se relire GTD en profondeur avec le recul – lequel reste, plus que jamais, l’un des meilleurs manuels de survie pour nos vies de dingues modernes.

2019-08-28T21:29:00+02:00mercredi 13 janvier 2016|Best Of, Technique d'écriture|6 Commentaires

Titre

Aller en haut