Le time-blocking, ou comment j’ai rendu de la sérénité à ma vie un peu dingue

Tout le monde le fait, Oprah Winfrey, David Allen, Steve Jobs, ta mère, mais pas toi ni moi. De quoi je cause ? Non, pas lever le soir en boîte, et encore, pour les trois premiers j’en suis pas sûr, et là, je parle pas de lever en boîte, mais de la pratique que la Terre entière des winners observe et promeut, sauf, pour des raisons qui m’échappent encore, moi jusqu’à il y a quelques mois, et sérieux, j’aurais dû commencer bien avant, comme passer sous Mac, bref, I give you :

Le time blocking. Ou l’hyperscheduling. Ou juste, vivre sa vie avec son calendrier.

Acte I. Le problème : ta vie est dingue (et tu la trouves donc un peu pourrie, ou du moins stressante). Tu as mille choses à faire, à te rappeler, et idéalement tu voudrais aussi pouvoir écrire, mais t’as pas rangé le carton de pizza de l’autre soir et tes potes viennent à la maison demain, et puis Zelda : Breath of the Wild t’appelle, mais si tu joues, tu vas te sentir coupable, et tu ne vas pas en profiter, mais bordel, t’as vraiment besoin d’une pause d’une heure, là, et les phrases de ce blog deviennent longues, c’est moi ou bien ? Conséquence : tu restes dans l’entre deux eaux de l’inaction coupable, id est : tu te réfugies sur YouTube / Facebook sans profiter de rien, bientôt il est 23h, tu as l’impression d’avoir perdu ton temps et vendu ton cerveau à Mark Zuckerberg, tu n’as été ni reposé ni productif, et le cycle recommence demain, en pire (parce que tu avais vraiment besoin d’une pause).

Acte II. L’action : Bordel ! te dis-tu. Ou fichtre, parce que ta maman t’a appris à être poli, y compris dans ta tête. « Je ne vais point me laisser faire ainsi, tudieu ; je découvre le lifehacking, Getting Things Done, j’entame un vrai régime de productivité. » Et ça marche : tu mets de l’ordre dans tes intrants, tu tombes 3-4 fois du wagon GTD, mais ça avance, et tu récupères bel et bien du temps, de l’ordre, et tu es content.

Acte III. On recommence en pire : … sauf que cet ordre ne te dit pas véritablement quoi faire à chaque instant, surtout si tu as des projets de long terme (écrire un bouquin, ou douze, et terminer Breath of the Wild, et continuer quelque part à gagner ta vie si tu ne la passes pas à écrire – pas forcément le meilleur plan pour la gagner d’ailleurs, bref). Je fais quoi, maintenant ? Je ne peux pas passer ma vie à bosser, j’ai besoin de souffler. Ou bien : on me propose des tas de trucs d’enfer, je ne peux pas dire oui à tout – mais je dis oui à quoi ? Ce serait super s’il y avait une technique toute conne que la Terre entière emploierait déjà pour répondre à cette question, genre Oprah Winfrey, David Allen, Steve Jobs et ma mère, mais en fait eux c’est probablement pas vrai, c’était juste pour l’introduction putassière de l’article.

La réponse et la technique – le time-blocking –, c’est, en fait, super simple. (C’est même « tout con ».) Le temps est une ressource finie. Tu veux faire un truc ? Tu le mets sur ton calendrier. Et tu t’y tiens.

Point barre.

C’est donc bel et bien tout con, mais j’ai essayé plusieurs fois de le faire, et à chaque fois, j’ai dérivé. C’est seulement en suivant les conseils de David « MacSparky » Sparks (développés sur trois articles : 1, the experiment ; 2, the mechanics ; 3, the feedback) que j’ai réussi à prendre cette habitude et à la faire fonctionner pour moi, et à en retirer des bénéfices prodigieux. Ce qui m’a manqué était une combinaison de plusieurs choses :

Ma recette à moi de mon succès là-dedans

La détermination à faire fonctionner ce système. Sparks recommande de s’offrir un journal de bord et de noter le plan de la journée. Ça a l’air de rien, mais c’est capital à mon sens. Je planifie ma journée dans Fantastical (c’est facile de bouger des blocs de temps – Mac, iOS) mais une fois satisfait, je recopie tout à la main dans un gros cahier de bord Moleskine. Cet acte revient à « sceller » ce contrat avec moi-même. Et si je ne le tiens pas, je suis une grosse merde. Cela entraîne une autre conséquence fondamentale pour faire marcher ce système… être réaliste sur le temps à sa disposition. Sinon, déprime.

Planifier tout ce qui compte. Évidemment, la technique intéressera prioritairement les indépendants qui sont maîtres de leur temps (et donc de leur procrastination, de leur désœuvrement et de leurs névroses, hein) mais elle permet aussi de protéger le temps hors horaires de bureau. Donc : de réserver du temps pour écrire, ou… de réserver du temps pour faire ses impôts, son ménage, ou jouer à Breath of the Wild. Il y a deux avantages à réserver un créneau horaire : cela le protège (quand ce qu’on veut faire est important) et cela le borne (quand on doit faire ses impôts). On retrouve les mêmes avantages qu’avec la méthode Pomodoro : on découpe en tranches digestes un projet trop vaste et/ou trop barbant.

Ne pas planifier trois ans à l’avance. La vie, c’est l’impermanence. Les situations changent. Des urgences se produisent. Avoir des objectifs pour le lendemain, les prévoir – et se plonger dedans, c’est bien. Décider ce qu’on va faire vendredi prochain quand on est lundi me parait irréaliste. Le plan doit certainement être révisé du jour pour le lendemain, au minimum. D’où l’intérêt de recopier le planning décidé pour le graver dans le marbre (ou, du moins, la boue un peu sèche).

Accepter une certaine flexibilité. Voir point précédent. Si votre fils/fille s’est ouvert le crâne à son jardin d’enfant ninja, a) allez le chercher, ne venez pas râler parce que je vous ai dit de respecter le planning décidé, les urgences se produisent et b) votre vie a l’air trop cool, je peux devenir ninja moi aussi ? Par contre, ne pas écrire parce qu’un nouvel épisode d’Iron Fist est sorti ne constitue pas une raison valable (d’aucuns me murmurent qu’un nouvel épisode d’Iron Fist ne représente aucunement une raison valable de quoi que ce soit dans aucun univers connu – alors que bon, je trouve ça pas plus mal foutu que le reste des séries Marvel Netflix, en fait, Jessica Jones mis à part, qui est vraiment bien, enfin bref).

Ne pas « micro-manager » non plus. Sparks recommande de ne pas réserver de créneau en-desous d’une heure, je pense qu’il a raison. Plus court, ça devient difficile à respecter et à maintenir. Vous avez besoin de faire plein de petites choses qui durent toutes dix minutes ? Réservez un créneau d’une heure appelé « plein de petites choses qui durent toutes dix minutes ». Reprenant l’idée de Sparks, j’ai un créneau appelé « CTF » pour Capture the Flag, capture de drapeau, correspondant à des tâches unitaires dans mon OmniFocus marquées d’un drapeau.

Quels sont les bénéfices ?

Construction sous Fantastical.

Éclatants. Multiples. Incroyables. Tellement que je me demande comment j’ai pu faire quoi que ce soit avant d’adopter cette technique. Sans rire, j’ai augmenté ma productivité de moitié, j’ai récupéré du temps que j’ignorais posséder, j’ai commencé à reprendre le dessus sur certains dossiers en jachère, bref : je ne vis plus jamais sans. Vivre sans revient à travailler comme avant et c’est maintenant synonyme pour moi de : confusion et panique.

Le bénéfice pour moi le plus important est le suivant :

Je ne consulte plus mails et réseaux sociaux qu’une fois par jour. Rien que ça, mes amis, ça revient à arrêter la drogue (enfin, j’imagine que ça fait comme ça, vu que la seule drogue dure que j’aie jamais consommée était World of Warcraft). Ce qui veut dire qu’au lieu de me sortir douze fois la tête de ce que je suis en train de faire parce que, oh tiens, et s’il se passait quelque chose en mon absence que j’ignore ? je reste focus comme un laser de télémétrie sur ce que je fais – ça ne veut pas dire que j’ai parfois la flemme, que ce que je fais est difficile et que j’aimerais être un peu ailleurs, mais là, j’ai pas d’excuse facile : oui, d’autres questions seront gérées, mais plus tard. À l’heure dite.

Mais ce n’est pas tout :

Ma concentration sur le moment est totale. Alors oui, bien sûr, encore une fois, j’écris parfois un truc drôlement compliqué sans savoir où je vais, parce que je sais, je sais que je suis en train de le découvrir en écrivant, et ça, auguste lectorat, je déteste, je préfère de loin avoir la scène dans ma tête avant de la rédiger, mais certaines scènes ne fonctionnent pas comme ça – et donc, je préférerais largement faire à peu près n’importe quoi d’autre – mais je sais aussi que c’est nécessaire, et je n’ai aucune échappatoire, aucun prétexte, encore une fois, comme dit plus haut, et puis je sais que je vais y arriver. J’ai déjà hiérarchisé ma journée. Je fais déjà ce qui est important. Mettre des mots sur la page. Même si je saignerai des oreilles à la fin de la session.

Je suis tranquille. Corollaire de ce qui précède : tout ce qui doit absolument avancer dans la journée a déjà été mis dans le budget temps. Notamment, l’écriture. Tout s’articule autour, parce que c’est mon boulot principal, et que j’ai trop d’ADN de petit chaton mignon facilement distrait par tout ce qui brille pour me faire confiance et savoir me discipliner, si je ne me dis pas, comme à un bon petit chaton mignon, non Médor, on écrit à ce moment-là, on regarde les mails à celui-ci, et on pisse là-bas, et celle-là, tu l’as vue ? Quoi, c’est trop le kif d’appeler un chat Médor, non ?

J’acquiers un véritable sens du temps à ma disposition. J’ai un problème récurrent, que je partage avec beaucoup d’indépendants – je ne sais pas dire non, parce que beaucoup de trucs m’intéressent, et je n’aime pas refuser les choses. Mais c’est une compétence capitale à posséder pour, au hasard, ne pas se fâcher avec les gens à qui on promet des choses, pour ne pas se tuer à la tâche, pour rendre les travaux à l’heure sans mourir au passage. Encore une fois, je ne prétends pas devenir automagiquement parfait – certains parmi vous lisent ça et savent que je vous dois un mail depuis un mois ou six, mes plates et profondes (à la fois) excuses, mais tout cela devrait améliorer la situation sur le long terme –, et bon, si ça ne répare pas miraculeusement le passé, ça peut au moins aider l’avenir.

Donc

Faites-le. Pardon : essayez. (Faut que je dise « essayez », parce que sinon des ayatollahs vont encore me dire que j’impose ma vue sans nuance, alors que bon, c’est de l’enthousiasme, ça se voit, nan ?) Ça ne coûte tellement pas cher à mettre en place – Sparks dit que ça lui prend vingt minutes par soir, ça m’en prend deux fois moins, et les bénéfices que j’en retire sont huge. Tellement qu’il faut un mot américain pour le dire, parce que chez les Américains, tout est plus vaste, il paraît. J’établis ça dans une petite routine du soir, avec d’autres petites choses sympa, dont je parlerai probablement sous peu.

Amusez-vous !

2019-06-01T14:37:38+02:00lundi 27 août 2018|Best Of, Lifehacking|12 Commentaires

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017 (5) : un cheminement

Les règles sont ici, mais je les rappelle rapidement : un pomodoro d’écriture non stop sur le ou les déclencheurs qui t’inspirent, t’intriguent, ou même te font partir sur une tangente sans rapport – peu importe, il faut juste écrire.

Dans les épisodes précédents, nous avons commencé à esquisser un ou plusieurs personnages, et peut-être un univers ; en tout cas, on peut raisonnablement parier que des directions se sont dégagées, peut-être des conflits, des problèmes à résoudre – les germes d’une histoire ou de plusieurs. Eh bien, cette semaine, nous allons donner une direction à cette histoire : nous allons envisager un cheminement d’ensemble. Alors évidemment, il ne s’agit pas en un seul pomodoro d’écrire une décalogie (j’achète le secret si vous savez faire. J’achète CHER.) mais de faire les premiers pas, ou de planifier un bout d’intrigue, si vous êtes du genre structurel-le ? À voir. Il s’agit d’écrire et de s’amuser avant tout.

Un cheminement

  • L’adversaire avance caché, il faut le démasquer
  • L’adversaire n’est pas localisable, il faut le trouver
  • Le protagoniste doit rassembler assez de forces extérieures pour vaincre
  • Idem, avec des ressources intérieures (initiation, entraînement…)
  • Il faut affaiblir l’antagoniste avant de pouvoir le vaincre (vaincre est à prendre au sens de neutralisation – pas nécessairement tuer, ça peut être neutraliser, raisonner…)
  • Il faut comprendre l’antagoniste pour pouvoir le vaincre
  • Il faut devenir pire que l’antagoniste pour pouvoir le vaincre
  • Il faut faire semblant de s’allier à l’antagoniste pour le vaincre
  • Il faut un long voyage pour vaincre l’antagoniste (quête)
  • Il faut dépasser ses démons (voir du côté du drame de la semaine dernière ?) pour vaincre l’antagoniste

 

2017-08-15T21:53:35+02:00mardi 15 août 2017|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Lundi, c’est déclencheurs, édition 2017 (5) : un cheminement

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (8) : un dénouement

avengers-writingC’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix. Rappel : vous devez trouver vingt minutes dans la semaine pour écrire, pour donner corps à votre rêve. L’article original à voir ici.

C’est le dernier exercice de cette série, et cette semaine, nous allons réfléchir à une conclusion, un dénouement aux éléments que nous avons déjà établis. Nul besoin que cela s’enchaîne immédiatement avec les passages déjà écrits ; il peut s’agir d’un horizon lointain, lequel pourra éventuellement changer, d’ailleurs, en fonction de l’histoire si vous décidez de poursuivre ce récit avec les éléments déjà établis. Le but est de réfléchir à une conclusion intéressante qui vienne, en un sens, justifier le parcours narratif ébauché : vers quoi voulez-vous tendre ? Quelle conclusion, quel coup de théâtre donnerait une fin intéressante à ce voyage ? N’hésitez pas à y réfléchir par vous-même, ou bien à piocher dans les déclencheurs. Comme d’habitude, trouvez vingt minutes au moins pour écrire sans vous arrêter, sans questionner ce que vous faites, mais en vous laissant porter par l’envie, par ce qui vous intrigue. Si vous avez l’habitude de planifier, cela vous fera du bien ; si vous n’aimez pas cela, essayez quand même, pour tenter une autre façon de travailler et voir ce que vous en retirez.

Un dénouement

  1. Happy end !
  2. Tout le monde meurt à la fin
  3. Le protagoniste obtient ce qu’il voulait, mais c’est une malédiction
  4. Le protagoniste abandonne sa quête en trouvant plus important
  5. L’amour résout tout
  6. Fin d’un âge, début d’un autre
  7. Réconciliation
  8. Mort des adversaires
  9. Neutralisation des adversaires
  10. Le mal triomphe !
2015-07-31T14:24:11+02:00lundi 31 août 2015|Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (8) : un dénouement

Question : comment construire ma méthode d’écriture ? (1/2)

Toujours dans les questions qui me sont arrivées et qui sont restées sans réponse depuis la première moitié du vingtième siècle (au moins), en voici une qui touche à un sujet qui m’intéresse particulièrement, celle de la méthode d’écriture. En préambule, il me faut dire que je considère toute « méthode » comme un échafaudage à la pratique de l’art, quel qu’il soit, et que cette pratique relève toujours d’un mélange de technique et d’inspiration, de métier et de folie, de préoccupation d’accessibilité et de plaisir personnel. C’est un exercice de funambule : le métier donne un cadre à l’envie brute, et il me semble qu’une oeuvre de qualité résulte de la juste application de l’un, comme de l’autre, ensemble. La technique seule entraîne une oeuvre fadasse, aseptisée, vite oubliée. L’inspiration seule donne une oeuvre anarchique, peu accessible, confuse, où, dans les cas extrêmes, le lecteur n’est pas respecté dans ses attentes.

Il arrive fréquemment que prôner l’usage de la technique fasse pousser des hauts cris aux jeunes auteurs qui ne jurent que par leur plume et le respect ultime de l’Art. Okay, le respect ultime de l’Art, c’est cool, mais si l’on veut faire de l’écriture un métier, il faut considérer qu’au bout du livre, il y a un type qui le lit, et qu’à un moment, il faut le prendre en compte. Non pas le prendre par la main, mais pas le prendre pour un abruti non plus. Les tiroirs sont pleins de manuscrits respectant ultimement l’Art, dont l’auteur refuse de toucher une virgule. Ce n’est pas un jugement de ma part sur leur valeur. En revanche, il me semble que le Graal de tout artiste consiste à faire passer son message, à respecter son Art, tout en le rendant accessible, à lui-même comme aux autres, autant qu’il est possible. Mais c’est autrement plus difficile. Et c’est là que la technique intervient, d’une part pour s’aider soi-même à construire cette oeuvre, dans les phases d’élaboration, d’autre part pour atteindre cet objectif, dans les phases de réalisation. (Nous avons déjà discuté de cette problématique autour des diplômes d’écriture.)

La question posée est si vaste que je vais la séparer en deux parties, la première aujourd’hui, qui me concerne plus directement. Bien sûr, ma réponse ne regarde que moi, et encore, en ce moment ; il n’est pas dit qu’elle n’évoluera pas, comme elle l’a déjà fait pour le passé. Néanmoins, pour ma part, je tire toujours du profit de discuter de méthode avec mes camarades, et de lire celle des autres, alors autant apporter ma pierre à l’édifice collectif.

La seconde partie de la réponse viendra dans le courant de la semaine prochaine.

Vous dites vous imposer d’écrire vite le premier jet, pour ne pas écouter les doutes, mais quelle est la part de réflexion préalable ? Combien de temps passez-vous à réfléchir au synospis, aux personnages, à la trame en général ? Dans ce laps de temps peut également s’insinuer le doute.

Effectivement, je m’impose d’écrire rapidement, d’une part pour ne pas écouter les doutes, mais surtout pour court-circuiter, autant que possible, la part intellectualisante et clinique qui va observer une scène, un personnage, de l’extérieur au lieu de les vivre de l’intérieur – ce qui m’est pourtant nécessaire pour me les montrer d’une façon cohérente, et me permettra de les écrire d’une manière qui va impliquer le lecteur autant que possible. Cependant, cela se couple en effet à une phase de réflexion antérieure, au cours de laquelle je vais construire ma matière, m’en imprégner.

Cette période peut être extrêmement longue. J’ai jeté les toutes premières briques de Léviathan vers la fin des années 90, et celles d’Évanégyre au début des années 2000. Les premiers textes publiés dans l’univers datent respectivement de 2007 et 2009. Après, j’ai aussi fait tout un travail d’entraînement, de recherche de ma propre méthode, qui a aussi nécessité un temps d’apprentissage. Le cycle est à présent plus court, mais j’estimerais en moyenne que le travail « actif » de préparation d’un livre me prend au grand minimum six mois à temps plein d’étude pure, de recherches, de construction de scénario, etc. Je ne parle pas de la construction d’un univers, qui est insondable.

Les doutes peuvent s’insérer à cette étape, mais je pense qu’ils ne sont pas délétères. À l’origine, il y a une idée, une envie d’écriture, un idéal et un projet, et je m’efforce de très soigneusement capturer cette intention dans les premières phases. Elle s’apparente à une forme de saveur, à une émotion brute, originelle, que j’ai envie de ressentir dans l’écriture et, autant que possible, de transmettre au lecteur. Elle constitue mon compas et ma direction. Si je m’embourbe, je prends un moment pour me poser et me dire : « OK, que voulais-je faire à l’origine ? Ce que je suis en train de faire va-t-il dans la bonne direction ? » Les doutes sont donc intéressants dans ce contexte, ils peuvent constituer un signal d’alarme exprimant un potentiel fourvoiement. Et cette réflexion peut conduire à un changement volontaire de cap, parce que l’idée a évolué. Dans les phases de préparation, il n’y a aucune « crainte » du résultat final à avoir. Cela s’apparente à tracer l’itinéraire d’une randonnée sur une carte. C’est sans risque, c’est le terrain des voeux, des désirs, de la volonté, de la vision. C’est sur le terrain lui-même qu’il faudra fournir l’effort réel.

Après, cette approche ne fonctionne pas pour tous – d’autres préfèrent se lancer tête baissée dans le récit, parce que cela leur convient mieux. C’est très bien aussi. Nous parlerons la semaine prochaine de la constitution d’une méthode, ou, de façon plus vaste, d’une approche personnelle de l’écriture, dans la deuxième partie de la question.

2014-08-05T15:18:28+02:00jeudi 18 avril 2013|Best Of, Technique d'écriture|7 Commentaires

Question : logiciels de planification et mind-mapping

Je tente un nouveau truc : à la suite des ateliers d’écriture comme celui des Imaginales (pour mémoire les diaporamas de mes deux interventions sont toujours disponibles ici), il m’arrive de plus en plus fréquemment de recevoir des questions par mail sur des points précis de technique d’écriture. Plutôt que de répondre à une seule personne, je pensais éventuellement en faire profiter l’assistance : la question que l’un se pose, un autre se la posera peut-être aussi (c’est beau comme du Lao Tseu).

Je m’efforcerai donc de rééditer l’expérience si cela te séduit, ô auguste lectorat. Deux caveats à cela cependant :

Je n’ai pas la science infuse ni ne détiens la Solution Ultime. Je suis comme tout le monde, un auteur qui expérimente, tente des trucs, se plante, et je suis même très, très loin d’avoir l’expérience d’autres. En revanche, après de nombreuses discussions avec mes petits camarades, j’ai l’impression d’être l’un des plus structurels de tous ceux avec qui j’ai pu échanger. Mais je ne dois quand même pas être le seul dans le paysage : cet éclairage pourra peut-être servir à d’autres (et sinon, ça ne fait de mal à personne). En tout cas, je me réserve le droit d’être d’accord avec moi-même comme de ne pas savoir répondre.

D’autre part, n’hésitez pas à m’envoyer vos questions d’écriture si l’expérience vous tente (avec le caveat premier), mais je découvre, à mon grand regret, et il est temps que je l’affronte, que je ne peux pas faire relecteur dans ce cadre (c’est-à-dire à la suite des ateliers ou des interventions). Je suis ravi de garder le contact ; je veux m’efforcer autant que possible de transmettre ce que j’ai pu apprendre mais je n’ai tout simplement pas assez de temps dans une journée pour relire et commenter les textes qu’on m’envoie. Je le voudrais, vraiment. Mais à terme, il faut que j’avance moi aussi et l’expérience m’a prouvé que je peux passer la journée à cela et ne rien faire moi-même, ce qui n’est tout simplement pas possible. J’en veux pour démonstration que je n’arrive déjà plus à répondre personnellement que je n’en ai pas la possibilité. Croyez bien que je le regrette, vraiment, mais ce n’est pas humainement faisable, et il faut maintenant que je l’assume si je veux éviter de décevoir davantage ceux qui attendent et espèrent des réponses. Je vous présenterai mes excuses personnellement à chacun. J’ajoute par ailleurs que je n’occupe plus de fonctions éditoriales nulle part, ce qui ne me rend pas forcément très intéressant… et que mon avis ne vaut pas forcément mieux que celui d’un lecteur plus adapté à votre genre que je ne le suis.

Répondre aux questions, en revanche, c’est tout à fait possible, et tout le monde en profite. Je me dis que ça peut être un bon compromis pour m’efforcer de transmettre le peu que j’ai pu apprendre, sans perdre sommeil ni raison !

Allons-y, donc. (suite…)

2018-07-17T14:34:21+02:00mardi 6 juillet 2010|Technique d'écriture|6 Commentaires
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