Pour conserver du respect pour les saucisses et les lois, il ne faut point les regarder faire. – Bismarck

Le conseil constitutionnel a décapité le concept de riposte graduée de la loi HADOPI, le gouvernement prépare une nouvelle étape dans la régulation d’Internet (loi LOPPSI 2), les ventes de disques sont en chute libre, le livre s’intéresse à l’édition électronique, the times, they are a-changin’…

Les débats sur le téléchargement, la consommation de la culture, l’information et l’expression en ligne durent depuis une bonne dizaine d’années, de la bulle Internet (qui fit un retentissant ploc) aux autoroutes de l’information en passant par le jeu en ligne, les réseaux sociaux, la mutation de la presse. Seulement, récemment, le législateur français a  décidé de s’y intéresser de près, d’abord avec la loi DADVSI et surtout avec la tristement célèbre loi Création et Internet, dite HADOPI, qui fait encore des vagues.

Sauf qu’il fait un peu nawak.

Et que, pendant que nos députés s’amusent à comprendre la différence entre un pare-feu et un logiciel de bureautique (« Mais sur les logiciels libres vous pouvez également avoir des pare-feux […] Par exemple, nous au ministère, nous avons un logiciel libre, qui s’appelle Open Office » – célèbre bourde de Christine Albanel) , qu’ils s’efforcent de réglementer un système dont leur ignorance crasse ne vaut que celle de leurs prétendus experts, la culture, ses acteurs et ses artistes se débattent en nombre pour garder la tête hors de l’eau et s’efforcer de survivre (« Nous allons continuer à nous battre contre le droit des auteurs » – Malencontreux lapsus de la même).

Et ça, ça me rend méchant.

Bref, on n’est pas là pour déconner.

Euh… bref.

Plus sérieusement, la crise est réelle. Par exemple, selon le rapport annuel de la SACEM publié aujourd’hui même, les droits générés par les supports physiques ont diminué d’un tiers (!) en cinq ans, chute nullement compensée par le téléchargement et le spectacle. La musique est la plus durement touchée mais le film souffre également, et le livre, en mettant le doigt dans l’engrenage de l’édition électronique, risque d’ouvrir une boîte de Pandore dont nul ne saurait prévoir les conséquences.

Je est un autre (donc l’enfer, c’est moi)

Alors je vais dire beaucoup de je, ce que j’évite autant que possible même si c’est un blog, mais je ne vois pas comment faire autrement ici : lectorat chéri bien aimé mon amour, daigner pardonner à ton misérable serviteur. Très humblement, je suis attaché à la culture, à la nécessité pour l’artiste de vivre correctement de son art grâce au public, pas seulement parce que c’est mon métier, mais parce que je crois fondamentalement que c’est le premier vecteur d’amélioration de la condition humaine (je vous avais dit qu’on n’était pas là pour déconner). Dans le même temps, je suis un geek de longue date, j’étais un drogué du Net avant même la création de Free, à une époque où ma facture de téléphone pouvait atteindre plus de cinq cents francs par mois.

Certes, ça ne fait pas un diplôme ni même une qualification (quoique, je fais plus de 50 % au geek test, ça compte ?).

Mais quand je vois les discours démagogiques d’un côté comme de l’autre, certains extrêmistes du Net confondant copyright et droit d’auteur, niant allègrement le droit de l’artiste à gagner sa vie, bramant des slogans anarchistes sans comprendre la réalité du désastre, et le législateur qui pond des textes tellement bien pensés qu’ils vont à l’encontre de la Constitution, bah c’est idiot, mais ça m’énerve.

Donc, pour ceux qui ont du mal à démêler la technologie des « impératifs de civilisation » (comme on dit), comme pour essayer de faire un point et de réfléchir ensemble à l’avenir, je voudrais vous inviter, pour une série d’articles publiés au fil des jours à venir, à un résumé des enjeux, à une récapitulation des épisodes précédents et des erreurs commises (notamment en montrant pourquoi, même si l’on voulait rester dans l’esprit de la loi, celle-ci est mal pensée) pour terminer, peut-être, sur des propositions et de nouvelles façons de réfléchir. Et ce, surtout, de la façon la plus objective possible, sans formules à l’emporte-pièce, avec des sources, et sans (trop) se prendre au sérieux. (Super, c’est aussi motivant qu’une pub pour Adibou, au secours, j’ai peur.)

Nan mais d’où qu’y cause, lui ?

Eh là, fi, madame, je ne me leurre pas, je n’ai rien d’une autorité. Je ne suis pas juriste, je ne suis pas avocat, je ne suis pas une association ni un groupe de pression. Je suis seulement un type qui s’efforce de lire les textes et qui – j’avoue que j’ai la faiblesse de le croire, mais je sais que je suis loin d’être le seul – s’efforce d’entrevoir les deux côtés de la barrière. Mais surtout parce que je suis frappé de constater à quel point les problématiques actuelles sont comparables à celles… de la gestion des ressources naturelles renouvelables (halieutique en l’occurrence) et combien l’esprit de l’un pourrait se transposer à l’autre, surtout quand on considère l’esprit d’indépendance chevillé au Net, pour le meilleur et pour le pire.

Ha !

Eh bien je vous laisse sur ce cliffhanger de ouf’ gueudin pour vous donner rendez-vous à la part’ deux.