Je veux écrire. Je démarre par où ?

bad-advice-675x900C’est une question qui revient souvent, et qui paraît simple en apparence, mais à laquelle on trouve soit des réponses très vagues (« mets-toi à écrire, travaille, fais des efforts, mange macrobiotique ») soit très commerciales (« facile ! achète mes cours par correspondance qui feront de toi un auteur de best-seller, seulement 99,99 € ! »). Il faudrait donc tenter de taper entre les deux :

Saurais-tu me conseiller des formations sur l’écriture ? Globalement j’ai des idées, je connais un peu mes points forts et faibles, mais je n’arrive pas à structurer mon projet, peut-être parce que je ne me suis pas encore posé les bonnes questions. Ou un bouquin ?

Si je prends la liberté de reformuler : je débute (ou presque), je veux écrire (commencer / finir mon projet), je prends le problème par quel bout ?

Il s’agira donc ici, pour les grands débutants, de proposer quelques éléments de base, de toutes premières pistes pour pousser au-delà de la simple écriture « pour le tiroir ».

L’art est un mélange de technique et de tripes

Dès lors qu’on veut écrire pour d’autres que soi, on cherche à être compris. Dès lors que l’on cherche à être compris, on cherche à communiquer des intentions (narratives). Dès lors que l’on cherche à communiquer des intentions, il convient de connaître le langage dans lequel on s’exprime. En littérature, ce n’est pas seulement l’orthographe et la grammaire, ce sont aussi, beaucoup, les codes de la narration (qui ne sont en rien des règles, mais permettent de comprendre les attentes d’un lecteur et donc de maîtriser son récit).

Tout art est un équilibre entre :

  • La technique – la domination, disons, de son art, la maîtrise de son langage particulier, de manière à servir au mieux les intentions, les effets que l’on vise à obtenir ;
  • Les tripes – je n’aime pas le terme d’inspiration, qui donne l’impression d’un processus évanescent. Les tripes, c’est l’originalité de sa propre voix ; l’émotion personnelle, le regard individuel sur le monde – tout ce qui fait qu’un auteur, quand il va chercher profondément en lui, est le seul à pouvoir dire ce qu’il a à dire, et joue potentiellement sa vie et son sang dans un texte, parce que ce qu’il a dit a de l’importance pour lui.

La techique se développe, se travaille, s’apprend, potentiellement avec un tiers (cours / atelier / livre / relecteurs / etc.). Cela s’enseigne aussi relativement bien.

Les tripes viennent avec le travail, la maturité, l’affinement du regard. En un sens, elles se « travaillent », mais ne se travaillent qu’à force d’écrire, de se casser les dents, d’apprendre de ses erreurs : c’est un mûrissement individuel.

La technique peut éventuellement atteindre un degré où l’on n’apprend plus grand-chose (comme un musicien virtuose finit par jouer sans trop de difficultés une grande partie du répertoire et plafonne s’il n’essaie pas de pousser plus loin). Les tripes s’apprennent pendant une vie entière et relèvent du parcours de chacun.

Travailler la technique donne de la structure, de l’unité aux tripes, et aide à affiner davantage leur expression.

Apprendre la technique ?

Qu’est-ce qu’on apprend, en gros, dans la technique ? Liste non exhaustive :

  • Construire un personnage
  • Maîtriser un rythme narratif
  • Affiner le style
  • Échafauder une intrigue intéressante
  • Gérer la tension
  • Etc.

Mais le plus important consiste à apprendre à se connaître soi-même pour employer les outils qui correspondent au mieux à sa façon de fonctionner.

kingwritingquoteApprendre seul

Il y a assez peu, en France, de ressources orientées sur l’approche pratique de l’écriture (même si cela évolue lentement), notamment dans la technique narrative. C’est un discours encore très anglo-américain, où les ressources sont légion : la moindre recherche Google livrera trois kilos de sites plus ou moins bien fichus. Être anglophone donne donc, clairement, un atout sur ce plan : l’approche est bien plus « mécaniste » qu’en France. (Une approche à consommer toutefois avec modération.)

Cependant, on commence à avoir pas mal de choses en français d’intérêt. Je vais forcément citer mes propres articles sur l’écriture, qui visent justement ce but (il faut bien que ça serve !) + les présentations des ateliers et masterclasses réalisés par Jean-Claude Dunyach et moi-même dans le cadre des Imaginales, téléchargeables ici. Cela fait déjà pas mal de matériel, qui donnera quantité d’autres pistes pour aller plus loin.

Question livres francophones, la porte d’entrée incontournable me semble être Comment écrire des histoires d’Élisabeth Vonarburg (chroniqué ici). On pourra enchaîner un peu plus tard avec Mes Secrets d’écrivain d’Elisabeth George (chroniqué ici).

Point de vue anglophone, le pendant du Vonarburg me semble être The Art of Fiction de John Gardner (non traduit), chroniqué ici. Le podcast Writing Excuses est un must (parmi les intervenants réguliers, on trouve Brandon Sanderson, devenu un des plus grands noms de la fantasy US).

Et ensuite ? La première règle de Robert Heinlein est : tu dois écrire. Il faut s’y mettre – s’exercer, se faire lire, recueillir des commentaires, apprendre à se relire, et puis recommencer.

Apprendre avec d’autres

On voit apparaître timidement des masters d’« écriture créative » (suscitant la controverse) alors que c’est très accepté outre-Atlantique. Difficile d’en recommander, vu que je ne les connais pas, mais l’apprentissage de la technique dans un cadre universitaire ne me semble pas aberrant.

Beaucoup plus courant en France : les ateliers d’écriture (virtuels, par forum par exemple, ou en personne). Se répartissent grosso modo en deux grandes catégories :

  • Les ateliers « communautaires » – tout le monde est au même niveau ou presque, tout le monde veut s’entraider et progresser. Chaque participant peut proposer des exercices à tour de rôle, et/ou chacun se lit et commente son ressenti sur les textes des autres. Ils peuvent s’apparenter à des cercles de lecture, où l’on lit sa propre production aux autres dans le but d’avoir des premiers retours. Ils sont rarement payants (ou du moins, ils ne dépassent pas la cotisation annuelle à une association).
  • Les ateliers « encadrés » – un responsable d’atelier, parfois quelqu’un du métier, prépare les séances, donne des exercices d’écriture. La lecture est là aussi souvent publique, avec un retour des participants, mais le maître de séance, en principe plus expérimenté, aide à cerner les failles et propose des axes d’amélioration, à la manière d’un travail éditorial. La version la plus poussée de cette formule est la masterclass, où l’on s’approche du cours magistral. Le prix peut être là bien supérieur, et très variable (allant de l’investissement bien placé à l’arnaque pure).

La qualité d’un atelier d’écriture est directement liée à la bonne volonté des participants, et, dans le cas d’un atelier encadré, à celle de son responsable. Un atelier peut constituer une expérience vraiment enrichissante et instructive comme un gâchis de temps et d’argent. Prudence, donc, en particulier si le responsable de votre atelier encadré fait payer ses séances 250 € par personne et qu’il n’a jamais publié que deux livres à compte d’auteur en 1982.

En conclusion

Ce tour d’horizon très sommaire n’a pour vocation que d’aider au tout premier pas ; d’ailleurs, auguste lectorat, n’hésite pas à citer en commentaires tes ressources favorites pour aider les débutants. Le plus important (que je martèle en atelier d’écriture), c’est qu’apprendre à écrire, c’est apprendre à se connaître. Pour savoir :

  • Ce qui a véritablement du sens pour soi à dire, à mettre en scène, pour ne pas oublier le plaisir et découvrir sa propre originalité, son propre discours ;
  • La façon dont on a, soi-même, besoin de travailer pour déverrouiller sa créativité (tous les moyens sont bons – tant qu’ils restent dans le cadre de la loi, hein)

Tout apprentissage doit passer par ces deux filtres, car il n’y a pas de vérité universelle en art. C’est bien pour ça qu’on continue à en faire après plusieurs millénaires.