Commençons déjà par le plus simple : je serai à Livre Paris le week-end du 17 et 18mars, sur le stand des éditions Critic, pour vous présenter enfin Le Verrou du Fleuve !
Mais cette annonce nécessite absolument une explication et un peu de contexte.
EDIT DU 8 MARS – Livre Paris est revenu sur ses positions et annoncé que toutes les interventions seront rémunérées. Ce qui suit a donc valeur d’archive.
Un soulèvement d’envergure se produit actuellement de la part des auteurs contre l’événement au titre de l’absence de rémunération. Des discussions que j’imagine absolument héroïques ont été lancées par la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse (big up à Samantha Bailly qui fait un boulot de dingue) pour obtenir la rémunération des conférences et des activités des auteurs qui viennent contribuer à faire le succès de l’événement, lequel est, disons-le tout de suite, de nature commerciale. Pour commencer à s’informer, voir cet article d’Actualitté et le hashtag (mot-dièse, pardon) #payetonauteur.
Je te renvoie, auguste lectorat, sur les ressources sus-citées, mais pour faire simple, à Livre Paris, les éditeurs louent leur stand ET les visiteurs paient leur entrée. À qui va l’argent ? À tout : la salle, la technique (dont les plantes vertes), mais pas aux auteurs – qui représentent quand même la raison principale pour laquelle le public se déplace ; la force d’un événement comme Livre Paris est dans le nombre et la variété. Les auteurs présents ne sont même pas défrayés par l’événement.
Ce qui m’amène, dans le cas de Livre Paris et de manière plus générale, aux deux points suivants. À noter que c’est ma position et que je la partage, chacun est libre de penser ce qu’il désire et de gérer ses affaires autrement, et il y a aucune animosité dans mes paroles – je fonctionne comme ça, et vous pouvez ne pas être d’accord. C’est mon truc. Donc :
1. Prise en charge
J’ai clarifié plusieurs fois ma position sur les événements littéraires et ce que je considère comme étant le minimum. Et c’est le défraiement, voir ici. En résumé : je ne viens pas dans un événement à mes frais – je demande au minimum la prise en charge du trajet, de l’hébergement et des repas – protip : je suis facile à nourrir en saucisson.
C’est là que se trouve la raison de ma présence à Livre Paris : celui qui défraie, ici, c’est mon éditeur. Mais ça vous montre tout de suite le problème : Critic loue un stand (payé à Livre Paris) ET fait venir ses auteurs à SES frais (c’est Critic qui me paie mon train, me nourrit en saucisson et me donne la possibilité de venir vous voir – gloire leur soit rendue). Quand vous, lecteurs, payez dix balles votre entrée, sachez que derrière les stands, tout le monde a payé aussi, comme vous, quoique de manière différente.
Donc, de mon point de vue, je ne rends pas de comptes à Livre Paris, ce ne sont pas mes interlocuteurs, mes interlocuteurs, c’est Critic, mon libraire et éditeur. C’est envers Critic que j’ai des engagements, c’est Critic qui endosse le risque financier, et ça n’est qu’à cette condition que je me pointe à Livre Paris, ou dans tout autre salon qui pratique les mêmes conditions (et il y en a, et des gros). Critic engage des frais et ma parole est donnée à Critic. Je n’ai même jamais eu de contact avec Livre Paris.
Je serai présent à Livre Paris, non pas parce que je cautionne la politique de l’événement, mais parce que je suis solidaire des frais engagés par mon éditeur et que, de mon point de vue, c’est lui l’organisateur de ma venue. Ça serait la même avec l’association de pétanque libertine de Plan-de-Cuques.
2. Rémunérer les interventions
On entre dans l’autre bât (techniquement, on entre dans des bas, mais bon) qui blesse : la rémunération des activités (au sens large) relatives à la présence sur un salon. Celles-ci sont (liste non exhaustive, par ordre croissant de difficulté personnelle perçue et de préparation nécessaire) :
- Dédicaces
- Tables rondes et débats
- Rencontres avec les lecteurs (concerne souvent les auteurs jeunesse, qui interviennent auprès d’une classe)
- Conférences et ateliers
Évacuons tout de suite ce qui devrait tenir de l’évidence : toute intervention nécessitant une préparation en amont – typiquement une conférence ou un atelier – requiert une rémunération supplémentaire spécifique1. Je suis tombé des nues en apprenant qu’à la base, Livre Paris ne rémunérait pas celles-ci – mais, grâce à la Charte (re-big up à Samantha et son équipe), c’est censé changer cette année.
Restent les tables rondes et dédicaces, qui ne sont pas rémunérées. Il y a trois ans, j’ai exprimé en ces lieux une virulente opposition à ce principe, considérant que c’était une partie du boulot. Trois ans plus tard, force est de constater que a) de plus en plus d’événements les rémunèrent (donc c’est possible) et b) c’est le cas assez souvent dans le monde anglophone (mais le marché est plus vaste).
Je n’ai pas / plus d’avis aussi tranché sur la question. Les craintes que j’exprimais dans l’article de 2015 restent : a) voir les auteurs bankable prendre l’ascendant sur les plus jeunes parce que la rémunération de leur présence sera justifiable financièrement au lieu de parier sur un inconnu et b) voir le ticket d’entrée des festivals augmenter en conséquence, réduisant potentiellement l’accès à la culture (car nous travaillons dans ces domaines ardus où la mission culturelle doit côtoyer la viabilité économique). Mais ma réflexion évolue clairement, surtout en comparaison avec la musique. Avec la mutation des modèles économiques (piratage, streaming) et la réduction des revenus afférents, on avance toujours que les musiciens (et le spectacle vivant de manière générale) s’en tirent mieux parce qu’ils auront toujours les représentations. Mais pour un auteur, une dédicace ou une table ronde n’en sont-ils pas l’équivalent ? Dès lors, l’économie ne devrait-elle pas suivre ? Je n’ai pas de réponse absolue, juste ces éléments-là, et c’est le travail des syndicats et associations de démêler la chose (ce qu’elles font très bien, comme les derniers jours l’ont montré).
Cependant – et la boucle est bouclée – dans le cas qui nous intéresse, Livre Paris est un événement commercial. Que Livre Paris fasse payer tout le monde – éditeurs ET visiteurs – et ne rémunère pas les acteurs centraux de la manifestation pointe un des innombrables dysfonctionnements de notre secteur, et il est fantastique que tout le mouvement #payetonauteur porte enfin cet élément à la connaissance du public.
J’espère que cela se propagera aux autres grandes manifestations qui pratiquent la même chose, en silence, depuis des années.
- Hormis cas particuliers comme les conventions sur le modèle américain comme la Worldcon, où tout le monde est bénévole et où même G. R. R. Martin paie son billet et son hébergement. ↩
Le coup du saucisson m’a tué ! ???? Mais sinon belle explication.
Le lien est incomplet :/
https://t.co/NBG2PKwHdq
J’ai toujours eu du mal avec le système de dédicaces payantes à l’américaine, d’autant que souvent, c’est vraiment pas donné. Alors quand on veut faire dédicacer plusieurs bouquins (qu’on a achetés), je voudrais pas avoir à faire un prêt chez Cetelem pour avoir l’occasion d’apercevoir un auteur dont et aimé le livre et d’avoir une petite signature pour sceller cette rencontre.
Je trouve que les dédicaces ou la présence sur un stand, (que vous reliez à juste titre à votre éditeur), c’est assez différent du cas où une orga vient vous demander de participer à une conférence / table ronde / café littéraire où même si vous ne faites que papotez, vous parlez d’une expérience, et vous prenez de votre temps (et de votre personne) pour répondre à leur demande. Du temps que vous auriez pu consacrer à dédicacer par exemple, ou à manger du saucisson, pour rester dans le domaine gustatif.
Je sais pas si on peut mettre les deux sur la même égalité… Je ne sais pas ce que vous en pensez, de l’autre côté de la table, ça revient peut-être à la même chose ?
Il ne s’agit ABSOLUMENT pas de passer sur un système de dédicaces payantes pour les lecteurs ! Il s’agit d’interroger le fonctionnement d’événements commerciaux comme Livre Paris où l’on a un peu l’impression que tout le monde paye : exposants et visiteurs, et donc de reverser une portion de ce revenu à ceux qui sont justement mis en avant pour la renommée dudit événement. En aucun cas il ne s’agit de faire payer les lecteurs pour les dédicaces. JA-MAIS. 🙂
Dans la liste que j’établissais par ordre croissant de difficulté et de préparation perçue, la présence sur un stand est évidemment le plus « relax ». Néanmoins, cela représente au minimum du temps et un déplacement (donc la fatigue afférente, quand on se déplace tous les week-ends comme au printemps – et il faut voir que le reste de la semaine, on doit bosser normalement). Donc ce n’est clairement pas la même chose qu’une intervention, mais cela nécessite malgré tout de l’attention, or on n’a pas tous la même facilité au contact : beaucoup d’auteurs sont introvertis – c’est toujours un immense plaisir de rencontrer ses lecteurs, mais cela demande malgré tout de l’énergie et de la disponibilité sur plusieurs journées ; c’est bien tout le but du truc, sinon autant rester chez soi. Pour ma part, je sais que je peux n’avoir aucune pause pendant un mois entier voire deux – pas de week-end ni donc de jour pour souffler. Je voyage beaucoup de base donc ça me va, mais ça n’est pas rien en terme d’énergie, de vie sociale etc.
Personne n’a encore évoqué les prix exorbitants demandés aux éditeurs pour participer aux grands salons. Rentable pour qui ?
Je ne peux pas le faire car ce n’est pas mon rôle, mais ne pense qu’il y aurait là aussi fort à dire.
Tu seras là quel(s) jour(s) ?
La juxtaposition de ces deux phrases est-elle accidentelle ?
je suis facile à nourrir en saucisson.
C’est là que se trouve la raison de ma présence à Livre Paris
:p
Pour avoir organisé et pour organiser encore des salons et des rencontres (de bien moindre envergure), c’est toujours compliqué d’assurer le budget de tous les côtés, mais les frais de déplacement, c’est le minimum !
Là le Salon du Livre de Paris, c’est un cas d’école : privatisé de tous les côtés, un fonctionnement que par de la comm’ et une organisation uniquement par l’intérêt commercial. Les voir réduire le prix d’entrée est d’ailleurs risible aujourd’hui, car ils ont longtemps été les plus chers (pour aucune raison) mais l’affluence semble avoir encore baissé l’an dernier, donc ils sortent l’argument du « on veut ouvrir à un public plus large »… comique comme tout.
Sur la question de la rémunération, ils pourraient au moins admettre la différence entre conférences et tables rondes promotionnelles, ce serait un début. Après, des négociations pourraient débuter.
(en tout cas, vive le saucisson !)
Et sinon, pour l’association de pétanque libertine de Plan-de-Cuques (sans doute dans le nord vu l’orthographe du nom ????), tu fais des tarifs selon la tenue des visiteurs ? ????
Excellente explication. Personnellement, je ne pense pas venir, comme expliquer il y a deux jours. Je trouve inadmissible de payer 10euros une entrée une journée pour que les auteurs bossent gratis…
Allons ! Plan-de-Cuques c’est dans l’arrière-pays marseillais, donc on peut venir tout nu :p
Et merci à toi pour ta lecture ????
https://www.livreparis.com/fr/lesalon/actualites/communique-livre-paris/
Visiblement ça « commence » à bouger.