Petite réflexion aléatoire qui m’est venue à l’issue de quelques conversations avec des auteurs et autrices à leur premier (ou peu s’en faut) manuscrit achevé, et qui cherchent, étape évidemment logique, à le placer. La question fréquente qui vient ensuite est : « vers quelle maison d’édition devrais-je me tourner ? Peux-tu recommander quelqu’un ? »
Et je suis toujours fort dépourvu comme quand la bise fut venue, ou plutôt ma réponse est toujours la même : en fait, je ne peux pas. Et je crois que personne ne peut recommander une maison d’édition comme ça, en tout cas pas sans avoir lu le manuscrit en détail (et je suis forcé de dire tout de suite que je ne peux pas le faire), ainsi que conversé avec la personne de son projet artistique et de son éventuelle stratégie quant à ce qu’elle désire accomplir. Et à ce stade, en laissant de côté l’aspect thérapeutique de la verbalisation, la personne retirerait beaucoup plus de ce temps et de cette énergie à faire le travail de recherche elle-même.
Le choix d’une maison d’édition est quelque chose d’éminemment personnel, qui concerne bien sûr une entente autour d’un projet, mais aussi une compatibilité professionnelle et de caractères. Et ça, personne à part l’auteur ou autrice ne sait mieux qu’iel ce qu’iel cherche, désire, et personne d’autre ne connaît mieux son projet pour chercher où le placer. (Et puis aussi, apprendre à connaître un paysage éditorial me semble une curiosité professionnelle satisfaisante, mais également fondamentale et salutaire.)
Bien évidemment, en revanche, il est tout à fait possible de converser de maisons spécifiques, d’approches de travail, de retours d’expérience pour voir si les compatibilités esthétiques et professionnelles pourraient s’annoncer favorables. Mais, sans placer d’abord la relation éditoriale sur le plan affectif – car c’est pour commencer une relation d’affaires –, demander qu’on vous recommande une maison d’édition me semble fonctionner aussi bien, en un sens, que de demander : « tu aurais des amis à me conseiller ? » Ben… c’est pas la manière la plus pertinente de procéder, quoi.
Je pose un dernier truc là, qui en vous dira peut-être beaucoup plus sur moi que sur l’édition en soi, mais bon : il y a plus de vingt ans, quand j’épluchais l’Internet balbutiant pour comprendre le fonctionnement du monde éditorial, je suis tombé sur le conseil suivant : « ne vous saoulez jamais avec un éditeur ». J’ai trouvé cela évidemment tout à fait pertinent – risquer de se ridiculiser ou de vomir ses margaritas sur les chaussures de quelqu’un qui pourrait vous faire signer un contrat est évidemment une très mauvaise idée. Mais aujourd’hui, j’en suis venu à penser différemment : il faut travailler avec les éditeurs avec qui on peut se saouler. (Et y aller mollo sur les margaritas.)
Ce n’est évidemment pas une relation qui se construit du jour au lendemain, de la même façon que le trajet de chaque créateur et créatrice se forge résolument autant qu’il le ou la forge.
Un très bon article pour tous les « postulants » comme moi. De mon expérience, je dirai que trouver un éditeur c’est comme trouver un emploi. Soit tu réponds à des annonces (appels à texte), soit tu fais des candidatures spontanées (soumissions), mais dans ce cas il faut faire un effort supplémentaire pour savoir à qui tu t’adresses. Parfois tu as de la « chance » et tu passes un premier entretien (rencontre en salon par exemple) mais tu n’es jamais assuré de décrocher le poste.
Jolie comparaison. C’est aussi ainsi que je visualise la recherche d’une maison d’édition pour un manuscrit.
Ça garde cette donnée qu’on n’envoie pas son projet n’importe où à n’importe qui, tout comme on ne postule pas à n’importe quel poste n’importe où. C’est en fonction du manuscrit, tout comme c’est en fonction de notre projet pro/perso et de nos compétences (il y a des guillemets imaginaires sur ce dernier mot, je voulais utiliser un autre terme mais je n’arrive pas à saisir lequel). Bref, ça se travaille.
Effectivement, je n’y avais pas pensé en termes aussi explicites mais la comparaison avec l’offre d’emploi est très juste, y compris dans les approches et les rapports. Dans les secteurs tertiaires, on m’a toujours répété qu’une erreur à ne pas commettre était de ne pas avoir l’air, heu, désespéré et prêt à acquiescer à tout juste pour avoir un poste ; qu’il fallait garder à l’esprit que l’entreprise aussi a besoin d’employés de qualité et donc ne pas se brader non plus. Le rapport de force est assez comparable dans l’édition – il convient de ne pas accepter n’importe quoi même pour un premier placement, et se rappeler que le rapport est d’abord professionnel (après, la familiarité peut se construire).
D’abord : merci Ghost Hildy et merci Lionel.
Dans l’immédiat je n’ai pas de meilleur terme que compétence à proposer.
Quand j’ai voulu que mes textes soient publiés, je me suis posé la question suivante : je ne suis pas du « milieu » comment je vais faire ? Je me suis donc renseigné (merci le podcast Procrastination au passage, même s’il n’est pas ma seule source) et j’ai trouvé beaucoup de parallèles avec mon autre vie pro dans l’industrie (oui, même non publié j’affirme être un auteur pro). Dans cette dernière, j’ai eu la chance d’être candidat, mais aussi recruteur. Quand on est candidat il y a ce qu’on attend de l’entreprise (un salaire, une expérience enrichissante, etc.) mais aussi ce que l’on peut apporter (compétences, connaissances, savoir-faire, savoir-être, etc.). Comme recruteur, on se rend compte qu’à niveau égal, deux candidats ne se valent pas. En effet, les compétences et savoir faire ne suffisent pas, on attend un savoir-être et on se demande : qu’est-ce que ce candidat va pouvoir apporter pour faire avancer l’entreprise ?et comment va-t-il s’adapter avec ses collègues ?
Avec le temps, j’ai l’impression qu’il y a le même genre d’interrogation de la part d’un éditeur.
Après, comme le souligne Lionel : la familiarité peut se construire. J’ai des expériences où j’avais des relations proches (difficile de trouver un meilleur terme) avec mon employeur.
PS : désolé pour le pavé.
« [C]ompétences, connaissances, savoir-faire, savoir-être, etc. » : je cherchais justement un terme pour tout ça en même temps^^ Capacité ? Trop limité. Bon là, je m’enfonce dans les sables (car sous les pavés, la plage… ) j’arrête avec le vocabulaire.
Je suis aussi en plein dans les recherches de ME (first time for everthing). C’est aussi pas mal de boulot de recherche, un peu de veille aussi, et ça oblige à se poser la question de pourquoi on voudrait publier ce manuscrit et comment. La différence majeure que j’y vois avec mes démarches de recherche d’emploi, c’est que j’attends d’un futur job qu’il me permette de payer les charges et remplir le frigo dès le premier mois de salaire, alors que le monde du livre ne fonctionne pas ainsi pour un auteur avec un premier roman sous le bras.
Je suis d’accord, on attend d’un emploi qu’il nous rémunère. Quant à l’édition…. Si un jour je vis de mes textes tant mieux (on a le droit de rêver), mais je ne vais pas faire mes choix dans ce sens, en tout cas je n’ai pas cet espoir.
Et je rejoins ton avis, il faut savoir pourquoi on veut être publié. J’irai plus loin : il faut savoir pourquoi on écrit. Il me semble que c’est la meilleure boussole pour ne pas se perdre.