Parfois, dans cette vallée de larmes, on se lève le matin et l’on découvre une nouvelle qui nous fait tendre un poing rageur vers les cieux en hurlant du sommet d’une falaise battue par les embruns sous un ciel de tumulte : « Je l’avais annoncé ! C’était la Vérité, et ces fous ne savaient l’entendre ! Que tous ces nazes des réseaux qui se regorgeaient dans leur ignorance soient foudroyés sur le champ par la honte et que leurs lamentations montent vers les cieux comme la musique des ennemis du Seigneur au jour de la Révélation ! Je me ferai un petit thé Oolong dans le calice de leurs larmes. »
Car oui, c’est acté, c’est validé par le Journal Officiel : on ne dit pas digital, mais numérique, bordel. (Il est possible que le « bordel » ne figure pas dans le communiqué légal d’origine. Mais j’aime à croire que c’est là une judicieuse illustration de la différence entre la lettre et l’esprit de la loi.) Digital, en français, c’est ce qui a rapport aux doigts, ou bien à la rigueur au poison de la plante du même nom. Alors certes, une tablette peut être numérique et digitale. Mais elle est numérique d’abord. Capice?
Plus que jamais, le mot « digital » est un indicateur sûr que votre interlocuteur cherche à vous jeter de la poudre aux yeux et n’y connaît probablement en réalité que dalle.
On sent l’écrivain attaché au sens des mots. Ça fait plaisir. C’est une petite victoire en effet, mais il y a tant d’autres batailles…
Pêle-mêle pour plaisanter :
Au jour d’aujourd’hui (triple pléonasme)
Faire passer un message (la personne ne peut donc pas le lire…le message ne fait que passer)
La voiture à Untel (on dit fils de pute, bordel, pas fils à pute)
Et il y en a tant d’autres. 😉
J’ai eu la même réaction (plus une d’incrédulité, je croyais que c’était déjà la traduction officielle).
Sinon, il paraît qu’on ne dit pas « master class » mais « classe de maître », bordel (https://actualitte.com/article/99358/politique-publique/vous-ne-suivrez-plus-une-master-class-mais-une-classe-de-maitre).
Je ne doute donc pas que l’aimable Lionel va corriger sa section « événements » (et faire corriger par les Imaginales) !
On est aussi censé dire mél, et là c’est : over my dead body. 😉
Cela dit, on va effectivement y penser pour l’année prochaine.
Numérique (dans ce contexte) = en rapport avec l’informatique (économie numérique, fichier numérique, numérisation…)
Digital (dans ce contexte) = en rapport avec les appareils utilisant la technologie d’entrée des informations par les doigts sur un écran: smartphones, tablettes, écrans tactiles… L’économie digitale est donc (dans ce contexte) une branche de plus en plus importante de l’économie numérique, celle qui concerne les smartphones et autres. On encode sur un clavier de tablette par « digitalité » (si je puis dire). Bien sûr, on utilise aussi les doigts sur un vrai clavier, mais ce n’est pas le même contexte. Le but est ici de différencier une branche de l’économie numérique qui prend une importance grandissante et exige des investissements spécifiques (adaptation des logiciels, par exemple). Donc, en substance, on numérise une photo (par exemple) et on investit dans l’économie digitale. A mon avis, malheureusement, cette subtilité de langage restera lettre morte, sauf chez les spécialistes du secteur.
Désolé, mais c’est parfaitement incorrect. Digital est un anglicisme qui remonte bien avant l’invention du smartphone, « digit » signifiant à l’origine dans ce contexte « chiffre » (au sens de symbole mathématique unique), ce qui a donné autrefois les « montres digitales » et autres « affichages digitaux » pour les cristaux liquides des années 70-80. Les doigts n’avaient rien à voir là-dedans, si ce n’est étymologiquement, l’anglais ayant emprunté de très loin la racine digitus pour rappeler que les gens comptaient jadis sur… leurs doigts. Mais dire qu’on dit « digital » en rapport avec les doigts en français n’a aucun fondement. On a piqué l’expression de l’anglais, comme dans 90% des mots du secteur, depuis 40 ans (or, pour mémoire, l’interface tactile accessible au grand public, c’est beaucoup plus récent : 2007, avec la commercialisation de l’iPhone).
« L’économie digitale » est une affreuse expression qui fait ricaner tous ceux et celles qui ont le moindre savoir technique, ce qui montre bien son invalidité. Je ne la vois employée que par des cadres ou des hauts fonctionnaires qui veulent se faire mousser, démontrant, comme dit dans l’article, leur parfaite ignorance de ce dont ils parlent, et discréditant d’emblée un discours.
Je sais parfaitement d’où vient l’erreur de dire « digital » à la place de « numérique » et ce qu’est un « digit » en anglais. Je voulais simplement évoquer une autre utilisation du mot digital dans le cadre du secteur numérique, une subtilité de langage pour affiner le discours, et non une grossièreté comme vous semblez vouloir l’exprimer avec radicalité. Les cadres et hauts fonctionnaires savent souvent de quoi ils parlent et sont rarement à leurs postes de direction par hasard. Ricaner quand on prétend avoir le moindre savoir technique est très pédant, si vous voulez mon avis. Enfin, en informatique, 2007 n’est pas très récent, mais très lointain déjà: l’iPhone ne fut certainement pas une révolution numérique, mais bien une très importante révolution « digitale ». PS, je ne poursuivrai pas cette discussion plus avant.
Dites, vous avez quand même vu le ton de l’article d’origine et l’image qui va avec, hein… ?
Je ne fais nullement une généralité envers une certaine catégorie de gens, comme vous voulez me l’attribuer.
Je pense en revanche, oui, que ceux et celles qui utilisent des mots censés faire genre dans le seul but de jeter de la poudre aux yeux n’ont pas volé quelques ricanements, car au fond, ce qu’ils font, c’est mépriser l’intelligence de leur audience, ce qui me paraît bien plus intolérable.
(Et je ne dis pas que c’est votre cas, je ne sais même pas qui vous êtes.)
Le mot est un barbarisme, c’est un simple fait qui est donc accrédité officiellement. Restons-en là, en effet. 🙂