Tout le monde ne fonctionne pas comme ça – il existe des auteurs et autrices pour qui le flot de l’écriture court automatiquement au fil des mots et du clavier ; mais j’oserais gager que même pour ces personnes, il existe des moments où elles calent – où la pensée consciente s’invite dans le flot, et fait tousser la machine.
Une grande partie de l’effort d’écriture vient du fait de chercher ce que l’on va dire, et comment le mettre en scène ; le jeu et la joie libres de l’imagination représentent un mode de pensée très distinct de celui d’écrire, où l’effort consiste à rendre l’infini palpable, à borner la vision, à la faire rentrer dans les briques LEGO des mots. Et ce changement de mode est difficile, peut susciter une certaine fatigue mentale (voire l’envie de fuir), car la liberté de penser se trouve à présent contrainte par un système vaste mais fini, le langage.
Il est important de reconnaître cette difficulté de manière à accepter la fatigue mentale ponctuelle, pour ne pas céder à la peur et à la tentation de l’abandon. Cela peut être un état très vulnérable. Dans ces moments, il convient de se donner un instant pour se recentrer, accepter la peur, et potentiellement identifier la difficulté qui vient (s’agit-il d’imaginer, de concevoir, de rédiger, de trouver comment aborder une scène ou un problème ? etc.)
Car ce que l’on inventorie et identifie est à son tour délimité ; et ce qui est délimité perd de sa capacité anxiogène.
Un article très juste.
En général j’ai pas de mal à écrire ( les premiers jets sont dégueux par contre), mais effectivement parfois je bloque, je me bute à la réalité (des fois parce que la pensée va plus vite que mes doigts sur le clavier et finit par s’empêtrer dans le délire), des fois parce que fichtre, quelle phrase va bien pouvoir articuler le bordel que j’ai créé. Je suis d’avis qu’il n’y a pas de solution miracle, mais quelque chose qui m’a libéré c’est qu’au moment où cela arrive il faut reculer son siège et ne pas culpabiliser. C’est pas grave, ça veut pas dire qu’on est nul, ça fait justement partie du processus d’écriture. Moi ça m’aide à me détendre et affronter l’angoisse de me dire ça.
Je souscris entièrement, et j’ai la même « parade » ! On en parle de loin en loin, je trouve l’acceptation de l’imperfection du premier jet littéralement vitale. C’est absolument le processus, en effet !