Je suis un vieux blogueur. Les premières entrées de ces pages datent de 2008. DIX-SEPT ANS, bientôt ce blog pourra voter ; en 2008, l’iPhone venait tout juste de sortir, George W. Bush était encore président du monde et j’étais encore sur MySpace. (Si j’ai un blog, d’ailleurs, c’est la faute à, ou grâce à Léa Silhol, à qui je rends céans grâce et hommage : elle m’a encouragé / poussé très fort dans le dos, et comme je ne sais pas arrêter les trucs que je commence, dix-sept ans plus tard, je donne des cheveux blancs à mon hébergeur avec une base WordPress beaucoup trop grande pour son bien.)
À intervalles réguliers, je me demande : qu’est-ce qu’un blog aujourd’hui ? Où est sa place ? Le paysage a changé beaucoup plus vite que moi – je reste attaché à l’aspect bloc-notes bordélique du blog version 2005, comme cette entrée l’est assurément ; un peu de tout et n’importe quoi, un aspect expérimental, un point d’étape, un partage d’un truc rigolo. Les réseaux, hélas, ont cannibalisé cet aspect ; avec toute l’animosité qu’on doit vouer à Elon Musk si l’on est normalement constitué, il n’avait pas tort quand il traitait Twitter de « place du village ». Ce qui n’est pas réservé qu’à Twitter, notez bien ; Instagram, jadis Facebook, sont autant de places du village, d’agora modernes (agoræ ? agori ? chats angoras ?), en supposant que le tenancier vous rackette à l’entrée en vous demandant où vous étiez hier soir et vous balance en pleine face des pubs destinées à vous faire pourrir le cerveau – MAIS BON.
Aujourd’hui, un blog – je le vois chez nombre de mes camarades – se soit d’avoir un angle, une ligne éditoriale, et c’est sans doute l’approche intelligente ; je ne jette certes pas la pierre à mes camarades. Un auteur parle de livres, de narration, peut-être un peu de cinéma, il cible son propos, construit ainsi son lectorat, son public, sa communauté, ce qui augmente sa visibilité, et c’est normal – être vu, c’est aussi vendre, et il faut manger.
Mais moi, je vais vous dire : j’aime les blogs à la John Scalzi où sa fille poste ses arrangements de charcuterie en long, large et en travers parce que pourquoi pas. Okay, CERTES, je suis le public cible pour des arrangements de charcuterie, mais quand même. Et pourtant, je peine fortement à parler de moi, je considère que les livres doivent parler d’eux-mêmes ; j’ai perdu de longue date le goût des polémiques en ligne ; je lâche quelques jeux de mots à la con sur Bluesky, des réflexions plus à chaud, mais donc : suis-je bloqué dans un paradoxe stupide avec un média fondé sur le partage alors que je suis fondamentalement bloqué sur l’idée de partage en ligne ?
Est-ce que je n’écris pas un peu toutes ces réflexions juste parce que j’ai un fucking tome 5 à finir et que chaque fois que j’alimente ce blog, je sens que je devrais employer de l’énergie créative à écrire au lieu de, heu, écrire ?

Tu poses de bonnes questions…questions que je me pose aussi car depuis quelques temps j’hésite à ouvrir un blog.
Aujourd’hui mes réponses à ces questions c’est :tu n’as pas le temps pour ça franky.
Mais je suis pas certain qu’il y ait de bonnes réponses, faut faire ce qu’on a envie, ce qui fait plaisir.
Peut-être devrais-tu te concentrer sur le tome 5(tu « gagnerais » du temps), ou peut-être dois-tu continuer de procrastiner un peu, parce que sinon ton boulot sur le tome 5 va te tuer. Faut des soupapes dans ce genre de projet.
L’énergie mise ici est au final relativement distincte de l’énergie d’écriture (même si c’est la même attention qui est tiraillée). En effet, ce tome 5 me ronge la peau depuis un moment… mais je serai plus coriace! Le fait de réfléchir à ce site m’aide en effet à maintenir un lien avec la communauté, et tout simplement, ça aide à se rappeler aussi la destination finale, et ce plaisir se trouve réinjecté dans la création.
Je me demande s’il ne faudrait pas faire évoluer le « blog » en « digital garden », version orientée public et assainie de mon Zettelkasten, une sorte de partie émergée de l’iceberg. Je réfléchis en ce moment aux différents types de messages que rassemblent ces plate-formes, qui sont en fait, en gros:
– Le message bref, éphémère (= microblogging)
– La news (programmation d’un événement, sortie de livre)
– La réaction du moment (sorte d’approche sur l’actualité, ce que je fais de moins en moins pour des questions de temps)
– Le simple partage de vie, les nouvelles perso (aperçus du quotidien)
– Le contenu « pérenne » (articles de fond)
Je mets tout au même endroit, mais de tout ça, seules les réactions et les partages de vie correspondent réellement à la mission originelle du blog.
À suivre.
J’aime bien lire les blogs aussi, encore maintenant… Alors bon courage à WordPress mais tant que tu continueras, j’aurai toujours pas spécialement de réactions visibles mais ça fera toujours partie de mes plaisirs du quotidien !
Merci beaucoup Tortoise, et merci de ta fidélité 😊