Creating Flow with OmniFocus : le seul autre manuel de productivité nécessaire

La productivité, le lifehacking, c’est mon dada, mon plaisir coupable. Je suis toujours convaincu qu’il existe de meilleures manières de travailler, plus efficaces et plus agréables, et que les outils modernes permettent de supprimer au maximum les obstacles à la créativité, en donnant – faute d’interfaces neuronales, peut-être un jour – à l’esprit le moyen le plus direct d’exprimer ce qu’il a en tête. Je pourrais en parler à longueur d’articles ici, mais je sais bien que ça n’intéresse qu’une partie de toi, auguste lectorat, et je ne veux pas me transformer en consultant productivité à 100%. Ce n’est pas plus mal, cela me force à mûrir au maximum les notions et les flux de travail avant d’en parler.

Et donc, aujourd’hui, je veux te parler de l’autre livre qui m’a fait voir la lumière en terme d’organisation et de travail, Creating Flow with OmniFocus. Ne fuis pas, ce n’est pas parce que tu n’utilises pas OmniFocus que tu ne peux rien en retirer – même si, forcément, cela aide pour l’implémentation. Mais je dirai, sans hésiter, que CFwOF est le seul autre livre, à part Getting Things Done (rien que ça) qui a eu un tel impact sur ma façon de m’organiser pour arriver à jongler avec toutes mes casquettes.

CFwOF est rédigé par Kourosh Dini, psychiatre et musicien, qui s’est fait une spécialité d’étudier les mécanismes de la créativité sous l’angle pratique. Très influencé par le zen, il aspire, notamment à travers cet ouvrage, à étudier puis supprimer au maximum les barrières à l’état de flow – cet état de créativité maximal où le temps passe sans qu’on s’en aperçoive, où l’on avance semble-t-il sans effort, où le défi est merveilleusement accordé à la réalisation. Et pour cela, il s’appuie sur OmniFocus, qu’il définit comme le meilleur gestionnaire de productivité personnel – et je suis d’accord.

CFwOF peut se lire comme un manuel pour OmniFocus, un didacticiel qui part des bases les plus élémentaires pour aborder les fonctions les plus pointues qu’offre le logiciel dans ses recoins les plus cachés (subtilités sur les perspectives, automatisation, liens internes, etc.). Rien qu’à travers cela, il serait déjà très intéressant, car OmniFocus offre une quantité ahurissante de subtilités qui en font véritablement le Photoshop de la productivité, mais les cache à l’utilisateur débutant pour ne les révéler que si on les lui demande – un peu à la manière de Scrivener. Mais – et c’est là que le livre a été, pour moi, une révélation – Dini partage ses années d’expérience avec le logiciel et entre dans le plus grand détail dans son flux de travail, proposant des dizaines d’utilisations intelligentes et passionnantes du logiciel, le tout en situation.

Car, ainsi qu’on l’a vu en parlant d’OmniFocus, savoir utiliser son outil de gestion de projet n’est que la moitié du travail. L’autre moitié consiste à réfléchir à sa façon de travailler, à la cerner, puis à réussir à l’implémenter dans l’outil qu’on s’est choisi. Et c’est là que le livre s’avère une véritable bible pour le fidèle de GTD qui veut se construire un vrai système englobant sa vie entière. Débordant régulièrement sur des notions de psychologie, Dini explique pas à pas ses choix et ses propositions d’usage, jusqu’aux plus avancées, le faisant même fonctionner dans les derniers chapitres en coordination des outils comme TextExpander et Keyboard Maestro. Le livre est très, très abondamment illustré (il dépasse les mille pages) et accompagne l’utilisateur dans la structuration de ses espaces de travail jusqu’à atteindre le moment béni où son système commence à travailler pour lui au lieu de l’inverse.

© Kourosh Dini

Je crois avoir relu et fouillé Creating Flow with OmniFocus davantage encore que Getting Things Done, car c’est un livre pratique avant tout. En implémentant certaines de ses suggestions, en utilisant intelligemment les forces d’OmniFocus, j’ai clairement débloqué certaines zones de ma vie qui, avant, me causaient du stress.

Quelques exemples, parce que je sens bien que ça tourne à l’argumentaire commercial :

Terre et Mer. Parmi les usages avancés d’OmniFocus, Dini propose de réaliser un projet intitulé « Land & Sea » qui vise à inventorier, avec davantage de hauteur, tous les projets en cours, et de les placer dans des « canaux de travail » à répartir dans la journée. Ainsi, au lieu de se trouver noyé sous des dizaines, voire des centaines de tâches dépareillées, Terre et Mer permet de rassembler les projets globaux et d’articuler des espaces de travail dédiés, tout en acceptant – et c’est là que c’est beau – qu’il n’est pas nécessaire de tout toucher un jour donné ; il suffit d’y revenir régulièrement. Par exemple, mon Terre et Mer personnel contient seulement deux canaux ; l’un ne contient qu’un seul projet, mes corrections de Le Verrou du Fleuve – car c’est l’urgence du moment, et j’y travaille chaque jour –, l’autre contient en rotation : m’occuper du blog, gérer mes courriels, préparer mes prochaines masterclasses, produire Procrastination, etc. Des choses que je n’ai pas besoin de voir chaque jour, et je tourne au fil de la semaine et du besoin. Pour en savoir davantage sur cette idée, Dini développe sur son blog.

Passe et Classe. Vous voyez ces petites tâches administratives qui vous occupent l’esprit mais qu’il faut bien faire, comme préparer une courte lettre aux impôts, racheter des timbres, envoyer un mail urgent, imprimer un rapport pour un collègue ? Les mettre dans un gestionnaire de tâches aide déjà à se débarrasser la tête, mais ce qui devient agaçant, c’est qu’elles se retrouvent au même niveau que « écrire roman » et « nourrir blog » quand ce sont de petites choses. Or, quand j’ai du temps devant moi, je veux voir mes gros projets, pas « acheter timbres », qui m’accapare et me pollue. Eh bien, pourquoi ne pas basculer toutes ces tâches simples dans un seul contexte – « File & Flow » en anglais – et se noter simplement de le visiter tous les jours, et de voir ce qu’il est possible de faire, par exemple en fin de journée, quand le cerveau commence à couler par les oreilles ? Savoir qu’on verra chaque jour cet ensemble de tâches… et qu’on pourra choisir de l’envoyer balader si on le souhaite procure une grande sérénité.

De riches idées de ce genre, couplées à leur implémentation dans OmniFocus, il y en a donc des dizaines dans Creating Flow with OmniFocus. Ce sont à la fois des astuces futées qui s’ancrent dans la psychologie et des systèmes pour assurer, conformément à la promesse du logiciel, que l’utilisateur ne voie jamais sous les yeux que les tâches qu’il souhaite à un moment donné. Dini aborde toutes les embûches classiques de la vie moderne, notamment la gestion des communications et tout particulièrement des mails… Un sujet qui me tient à cœur car je rame toujours à rester à jour, même si, depuis mon application de GTD et mon passage dans l’écosystème Apple, je n’ai plus, à un moment donné, qu’une dizaine de courriers en souffrance (qui datent parfois, hélas, mais ce n’est rien en comparaison de la centaine que j’avais régulièrement voilà quelques années). L’ouvrage guide cette fameuse réflexion à laquelle OmniFocus présente l’utilisateur sans crier gare, le confrontant à l’angoisse existentielle de se dire : que veux-je faire exactement, et comment ?

À titre d’exemple – et pour bien montrer que j’applique ce que je prêche –, sur la droite se trouvent mes perspectives telles que conçues après ces lectures assidues de CFwOF, et qui m’aident à guider ma vie au quotidien (entre parenthèses, les noms d’origine de l’ouvrage, parfois poétiques, mais que j’ai traduites, parce qu’on ne se refait pas) :

  • Focus (Dashboard) : le tableau de bord central d’où je lance tout. C’est ma perspective de pilotage (synchronisée avec mon Apple Watch) où figure tout ce que je dois faire un jour donné, ainsi que les échéances proches. Idéalement, je dois pouvoir réduire le nombre de tâches à zéro chaque soir. Pas toujours facile ou faisable, mais j’en approche assez souvent.
  • Rester à flot (Treading water) : une perspective de sécurité pour m’assurer que je n’ai pas laissé passer des tâches que j’aurais aimé voir mais que j’ai pu louper parce que, pour une raison ou une autre (genre, parce que c’est le week-end !) je n’ai pas assidûment consulté OmniFocus pendant quelque temps.
  • Vite fait : des tâches à la durée inférieure à 15′, pour ne pas gâcher les petites fenêtres de temps qui apparaissent parfois entre deux portes ou rendez-vous, ou parce que l’on a fini son travail un peu plus tôt et que l’on veut rentabiliser le temps qui reste avant de passer à autre chose.
  • On retrouve également Terre et Mer (Land & Sea), Passe et Classe (File & Flow), et quelques perspectives personnalisées comme la planification du blog, mon projet personnel de revue hebdomadaire, j’en ai une plus bas pour la production de Procrastination, etc.

CFwOF est un ouvrage assurément spécialisé, qui intéressera avant tout celles et ceux qui ont déjà un bon pied dans la méthode GTD, qui en ont assimilé les principes de base et se heurtent à présent à l’implémentation de leurs envies dans un système intégré. Je n’hésite pas à considérer le livre de Dini comme un « GTD advanced« , qui met l’accent sur la libération de l’esprit pour les tâches créatives – un sujet qui touche forcément, mais qui concerne tous les knowledge workers. Bien sûr, cela aide d’utiliser OmniFocus, mais si vous êtes dans l’écosystème Apple, ce livre peut totalement justifier de basculer vers cet outil, car il vous montrera – comme aucun autre – comment en tirer le maximum, et pourquoi il demeure bel et bien le meilleur.

Et si vous n’êtes pas sous OmniFocus ni Apple… ça vous montrera tout ce que vous pourriez faire du côté en aluminium brossé de la force… et vous donnera envie. (Viendez. On fait tellement plus de trucs.)

L’ouvrage n’est disponible qu’en anglais et est diffusé de manière indépendante par Kourosh Dini à cette adresse (lien affilié, en savoir plus).

De manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci ! 

2019-11-14T00:24:21+01:00jeudi 28 septembre 2017|Lifehacking|Commentaires fermés sur Creating Flow with OmniFocus : le seul autre manuel de productivité nécessaire

GTO (Getting Things in Order)

Aucun lien avec le manga du même titre. Juste pour partager un petit bout d’organisation que je me suis installé il y a plusieurs mois et dont, avec le recul, je suis assez satisfait : en début d’année, je m’étais fixé comme objectif de respecter à la lettre la méthode GTD, ne serait-ce que pour la tester en détail et regarder ce qui me convient ou non. D’ici la fin 2016, j’aurai un retour d’expérience à proposer, avec un détail des outils, mais, pour l’heure, le système qui semble le plus facultatif et le plus lourdingue à installer est aussi l’un de ceux qui s’avère le plus amusant à employer et qui offre le meilleur rapport temps passé / utilité : l’échéancier, ou tickler file. 

tickler-file

Le principe est tout bête : 43 dossiers, 12 pour les mois, 31 pour les jours. Le dossier le plus proche de soi correspond à la date du jour, et ainsi de suite jusqu’à la fin du mois, puis les mois eux-mêmes suivent. Chaque matin, on ouvre la chemise du jour et l’on traite ce qui s’y trouve. C’est un ingénieux système de « remise à plus tard » absolument sûr, tant que l’on prend l’habitude de le consulter chaque matin (et de prendre de l’avance en cas d’absence). Reçu des billets de train pour un trajet qui aura lieu dans deux mois ? Il suffit de les mettre dans la chemise correspondant à deux mois plus tard. Pas certain d’être disponible pour un événement, mais besoin d’un rappel pour vérifier un peu plus tard ? Un post-it déposé dans quinze jours permet de s’en libérer l’esprit, tout ayant l’assurance d’y revenir. J’ai passé trois heures à étiqueter tout ce machin et j’avoue qu’avec la disparition progressive du papier, il ne sert pas quotidiennement, mais il me rend régulièrement de fiers services : c’est le système le plus pratique pour se débarrasser d’un document jusqu’au moment où l’on en aura besoin.

2016-08-23T17:25:16+02:00mercredi 24 août 2016|Lifehacking|Commentaires fermés sur GTO (Getting Things in Order)

Pour avancer simplement sur son écriture

Ha, ha. Business. (Source)
Ha, ha. Business. (Source)

Un des commentaires les plus courants qu’on entend sur l’écriture, c’est : « J’aimerais bien, mais je n’ai pas le temps. »

Cela ne sous-entend pas forcément qu’il faut plus de temps, mais, en général, cela cache le problème suivant : j’aimerais des plages de temps plus longues – pour me plonger dans mon histoire, pour éventuellement me remettre en route après un long arrêt, et, évidemment, pour combattre la procrastination.

L’écriture, probablement plus que toute autre pratique artistique, est un travail de longue haleine, avec une visibilité sur les résultats quasi inexistante. Consommer un texte prend du temps : chaque phrase se lit une à une, chaque paragraphe contribue à former dans l’esprit davantage de sens, de mise en scène, d’action. Par comparaison, la musique est presque immédiate – une phrase musicale, une atmosphère s’assimilent en quelques secondes – et l’image pour ainsi dire instantanée.

Par conséquent, la récompense que l’on peut espérer de la création – c’est-à-dire, voir une partie au moins de son travail accompli – est très faible, là où le musicien entend rapidement si ce qu’il compose sonne, où le peintre voit tout de suite si son œuvre prend un chemin intéressant. On peut écrire un long moment sans tâter de résultat – il manque un retour, ou une boucle de rétrocontrôle positive, si l’on veut lorgner vers les neurosciences. C’est potentiellement décourageant ; c’est pourquoi tant de manuels et d’auteurs (dont ton serviteur, auguste lectorat) insistent sur la notion de discipline.

Je me faisais la réflexion, en composant la bande-originale de Psycho Starship Ramage, que je rencontrais moins de difficultés à me mettre dans l’état d’esprit conduisant à créer, à atteindre l’état mystique de flow. Pourtant, c’est un travail tout aussi complexe, ardu. Pour quelle raison la barrière paraît-elle moins haute ? Parce que la musique envoie un retour bien plus immédiat à son créateur : cela sonne, ou pas. C’est efficace, ou pas. Il faut tel effet en plus. Il faut altérer les basses. Il faut un renversement d’accords à tel endroit. Il faut une nouvelle ligne mélodique. Etc. La liste de choses à faire s’allonge sans cesse, une foule de petits problèmes à fouiller, triturer, que l’esprit a envie de résoudre.

Le lien avec l’écriture ? Hé, on peut hacker la discipline.

On conseille fréquemment, en productivité, de diviser une grande tâche ou un vaste projet en étapes élémentaires de moindre envergure afin de faciliter le progrès. Genre : au lieu de se dire « je dois lire ce livre », faire une liste comme suit : « Lire le chapitre 1. » « Lire le chapitre 2. » « Lire le chapitre 3. » etc.

Ça paraît débile. Ça l’est peut-être, même si l’expérience (et les neurosciences) tend à montrer qu’une tâche qu’on peut finir en un laps de temps modéré rebute moins l’esprit qu’une masse mal définie sur une liste. 

Pour quelle raison la majorité des auteurs tendent-ils à se précipiter pour laver la pelouse / étendre le chien / tondre le linge plutôt qu’à faire leurs pages ? Parce que ces tâches sont immédiatement accessibles et clairement délimitées avec un résultat très clair et identifiable : la pelouse brille, le chien est allongé, le linge est imberbe. Alors qu’écrire… Quand des pages sont-elles bonnes ? À quel point un personnage est-il suffisamment défini ? Quand sait-on qu’on est prêt à écrire ?

« Réfléchir à mon super roman » n’est pas une tâche clairement délimitée. « Composer une super ouverture » ne l’est pas non plus, mais le retour, le feedback sonore est immédiat, ce qui identifie mieux le point de départ, et soulève une foule de problèmes à résoudre ; la boucle de rétrocontrôle positif, ce feedback si difficile à obtenir en cours d’écriture, font avancer le projet.

Pour faire avancer un projet d’écriture qui rame, ou tout simplement pour se donner de l’allant, je crois qu’il suffit de se donner des problèmes à résoudre, tout particulièrement en phase de recherche et de construction. Plutôt que « réfléchir à mon intrigue », se prévoir de « réfléchir à mon héros » ; plutôt que « réfléchir à mon héros », se prévoir « décrire mon héros », « prévoir les qualités et défauts de mon héros », « réfléchir au passé de mon héros » ; plutôt que « réfléchir au passé de mon héros », se prévoir « quelle est la famille de mon héros ? », « d’où lui vient sa cicatrice cool au menton ? », « pourquoi a-t-il peur des iguanes ? »

N’importe quoi pour arriver à des tâches clairement définies et immédiatement accessibles, autant que décoller les bibelots et épousseter la moquette. L’esprit est naturellement attiré par des problèmes clairs qu’il peut résoudre. À chaque fin de session d’écriture, on tirera probablement profit de se choisir une nouvelle sélection de petits problèmes à résoudre la fois d’après. Cela réduit grandement la barrière d’entrée au travail d’écriture, et donc, la procrastination.

2019-06-07T22:48:03+02:00mardi 3 mai 2016|Best Of, Lifehacking, Technique d'écriture|13 Commentaires

La boîte à outils de l’écrivain (mais pas que) : dompter son courrier électronique, les outils (2/2)

Inbox-mainOkay, après m’être bien ridiculisé jeudi dernier en parlant de techniques pour traiter son courrier électronique, je continue à démontrer que je n’ai peur de rien : voyons maintenant quels outils peuvent convenir.

Y a un gros spoil à droite. (Sais-tu, auguste lectorat, que la traduction de spoiler plus ou moins officielle est « divulgâcheur » ? Tabernacle.)

Ce qu’on cherche

Au fil de mes années de quête pour atteindre l’excellence courrielistique, le Graal de l’inbox zero, j’ai fini humblement par établir une liste de critères à remplir pour une application.

Ubiquité. Nous vivons à l’air du (Duncan Mac)Cloud et de l’objet intelligent. Le courriel se situe sur Internet avant toute chose ; je dois pouvoir accéder à mon système avec une expérience comparable depuis mon ordinateur ou ma tablette, mais surtout depuis mon téléphone – indispensable pour rentabiliser les petites vérifications qu’on se permet tandis qu’on attend dans la file des impôts qu’on appelle le numéro 76 au comptoir C.

Retour différé (« snooze »). On entre dans le plus moderne : il s’agit là de pouvoir différer un message pour un temps donné. C’est-à-dire de le faire disparaître de la liste à traiter (en général de la boîte de réception) jusqu’au moment où l’on sait qu’on pourra s’en occuper. Genre, je ne vais pas écrire une lettre de deux pages à un bon ami sur le clavier tactile de mon téléphone, je voudrais que ça disparaisse jusqu’à mon retour devant mon clavier Logitech Illuminated en titane de gnou. Cela vaut aussi pour les messages auxquels j’attends une réponse : je voudrais que le message se rappelle à mon bon souvenir dans deux semaines, mettons, si je n’ai pas de réponse.

Envoi différé. C’est-à-dire la possibilité de retarder l’envoi d’un message d’un temps donné : je l’ai rédigé, mais je veux qu’il parte demain matin, ou dans un mois. Pourquoi faire alors que le courriel est un mode de communication instantané ? Parce qu’il n’est pas censé l’être. Nous traitons tous de plus en plus nos courriels comme de la messagerie instantanée, mais le système n’est pas conçu ainsi : c’est au contraire un mode de communication asynchrone – le destinataire s’en occupe quand il le peut. Hélas, le courriel donne de plus en plus (et exige) une illusion de disponibilité permanente, ce qui n’est bon, ni pour le moral, ni pour la productivité de personne (plutôt qu’échanger quinze mails, il vaut mieux se passer un coup de fil). Par exemple, il m’arrive de travailler tard le soir, parce que cela m’arrange ainsi ; mais ai-je envie que mon correspondant professionnel sache que j’ai envoyé un mail à 23 heures 23 ? Il peut aussi bien le recevoir demain matin à 9 heures (s’il n’est pas aussi cinglé que moi et n’est pas sur son mail lui non plus à 23 heures 23), cela ne change rien pour lui, mais cela ne lui donne pas l’impression que je suis disponible H24, quand, dans les faits, je ne peux pas l’être en réalité (parce que je ne suis qu’un homme, eh ouais).

Création et rappel d’actions facile. Quand un courriel est lié à une action à effectuer (dans mon cas, ce serait par exemple : corriger des épreuves, répondre à un entretien, chercher une information pour un tiers…), il faut que je puisse la consigner rapidement dans un système auquel je fasse confiance et qui soit automatisable au maximum.

Et les applications qui correspondent à toutes ces exigences (à l’heure où j’écris) sont…

Google Inbox + Mixmax sous Chrome

Ouais, c’est un peu compliqué. Le problème c’est que seule cette combinaison, à ma connaissance, ne donne toutes ces fonctionnalités avec un certain (et paradoxal) degré de simplicité.

Reprenons dans l’ordre.

Google Inbox

Rapidement écarté par les chroniqueurs lors de sa sortie en 2014, Inbox est pourtant l’une des meilleures inventions récentes de Google. Offrant la même expérience sur mobile, tablette et navigateur, Inbox :

  • Rassemble les conversations de moindre importance dans des lots à part (listes de diffusion, forums, notifications), permettant de trier la correspondance signifiante (adressée à vous) de ce qu’on appelle aujourd’hui « bacon » (le spam que vous acceptez de recevoir, comme des notifications Facebook ou la liste des ventes privées de SexyAvenue – ne niez pas, la NSA est au courant). Un peu comme les onglets dans Gmail mais en mieux.
  • Permet d’épingler un courriel et de l’annoter (pour y attacher l’action nécessaire)
  • Permet de renvoyer un courriel à une date ultérieure (« snooze« )

Inbox est gratuit (donc c’est vous le produit) pour tout détenteur d’un compte Gmail (c’est la même infrastructure). Moyennant une petite configuration, n’importe quelle adrelle peut utiliser Gmail comme solution de courriel de façon transparente (c’est mon cas, et pourtant mon adresse est en @lioneldavoust.com). Pour y accéder, c’est à https://inbox.google.com/.

Mixmax

mixmax-mainMixmax est un produit encore peu connu mais qui ajoute à Inbox (ainsi qu’à Gmail) tout ce qui lui manque :

  • Envoi différé
  • Signatures
  • Réponses-type
  • Fusion & publipostage
  • Et bien d’autres machins puissants que seuls les commerciaux sont susceptibles d’employer, mais qui sont super bien fichus.

Petit hic : Mixmax ne fonctionne que sous la forme d’une extension du navigateur Chrome. Donc voilà, Chrome or go home. Dans les faits, par rapport aux exigences ci-dessus mentionnées, cela prive juste de l’envoi différé sur mobile, ce qui n’est pas bien grave. Sur un appareil mobile, on a tendance à organiser ses messages plutôt qu’à y répondre, de toute manière.

Pour installer Mixmax dans votre Chrome, passez par ce lien de parrainage (rappel sur les liens affiliés).

Mentions honorables

D’autres solutions approchent de ce niveau de raffinement existent, mais elles sont pour l’instant inachevées, ou bien ne donnent pas toutes les fonctionnalités espérées. Cependant, si elles correspondent mieux à votre propre système, sachez qu’elles existent :

Gmail + Activeinbox

activeinbox-iconFait tout ce que le couple Inbox + Mixmax propose à peu près, en mieux par certains côtés, en moins bien par d’autres. À un très regrettable détail près : pas de solution mobile encore, ce qui empêche le traitement dans toutes ces petites fenêtres de temps potentiellement perdues et qui, pour moi, est rédhibitoire 1. En revanche, il fonctionne sur Chrome, Firefox et Safari. Activeinbox reste une Rolls pour le contrôle des courriels, dont je me suis servi plusieurs années avec soulagement (s’inscrire par ici, lien de parrainage).

Boomerang

Produit vénérable car ancien, qui propose l’envoi différé et le snooze. S’intègre surtout avec Gmail, mais aussi avec Outlook. Si vous êtes coincé dans l’écosystème Microsoft, ça peut valoir un coup d’oeil. Boomerang par Baydin.

Et sinon ?

Et sinon… Il semble qu’un certain nombre de produits disponibles uniquement sur les plate-formes Apple (Dispatch et Airmail en tête de liste) fournissent le même genre de fonctionnalités, tout en offrant la possibilité alléchante de s’affranchir de Google. Mais là… je ne suis pas compétent.

(Maintenant que j’ai raconté tout ça, par pitié, n’allez pas croire que je suis un foudre de guerre sur la correspondance, vous savez qu’il n’en est rien – ces petites astuces me permettent toutefois de donner de l’ordre au chaos qu’est mon courriel, et d’éviter que ce soit encore pire. Vous vous rendez compte d’à quoi nous échappons tous, hein ?)

  1. L’équipe promet depuis des années une solution mobile, mais on attend toujours…
2016-04-05T18:59:32+02:00lundi 11 avril 2016|Lifehacking, Technique d'écriture|3 Commentaires

La boîte à outils de l’écrivain (mais pas que) : dompter son courrier électronique, les techniques (1/2)

help-emailBon. Très franchement, auguste lectorat, je ne pensais pas un jour me retrouver à proposer un article se proposant de donner un petit coup de main pour l’organisation du courrier électronique, parce que c’est, pour tout dire, un peu risible. Je suis en effet sujet depuis des années à une sorte de syndrome de Sisyphe – une boîte de réception qui se remplit sans cesse et ne se vide jamais, avec des retards parfois surréalistes (terme châtié pour dire : honteux) dans la correspondance. Je ne me plains pas, après tout, c’est le signe qu’on juge potentiellement sympa de m’envoyer des trucs, et que, même après ces années, on ne m’en veut pas (trop) de ma lenteur.

Mais je n’ai pas la fatuité de me croire seul sujet à ce mal qui est pour ainsi dire le nôtre à tous ; l’expression « email overload » (surcharge de courriels) génère quelque 120 000 résultats à l’heure où j’écris et des flopées de logiciels, livres, cours se targuent tous de vous aider à régler ce problème pour seulement 99,99 hors taxes. Une statistique récente annonce que l’Américain moyen passe 6,3 heures (6,3 heures, fichtrefoutre !) par jour dans sa boîte de réception. Remplacez « boîte de réception » par « au téléphone » : y aurait pas comme un truc qui coince ?

Que peut-on donc faire ? 

Je n’ai pas de réponse mais je lutte contre le problème depuis à peu près quinze ans et j’ai développé une sorte de système dont la qualification scientifique est « pas trop dégueu » – j’ai à présent rarement plus de trente mails dans ma boîte, et ce de façon stable. Je vois chez d’autres proches et amis 150, 500, voire plusieurs milliers… Et ces mêmes proches et amis, voyant mon fonctionnement, m’ont exhorté à rédiger cet article : « je voudrais lire ça ! ». Tout ce long caveau pour dire : non, je ne suis pas parfait dans le traitement de mon courriel (mais qui l’est ?), cela dit, j’ai peut-être un ou deux trucs que je peux partager, et que voici. En toute humilité. Sans garantie de succès.

Bon.

De mon humble expérience, contrôler son courrier électronique relève de deux pans :

  • Les bonnes techniques
  • Les bons outils.

Aujourd’hui, nous parlerons de techniques. Lundi, j’aurai deux outils complémentaires à proposer.

Email-fu : quelques pistes pour des techniques

drowned-in-mailJe suis passé proche du burn-out fin 2014. Ce jour-là, j’ai pris une résolution : me déconnecter totalement pendant deux semaines, laisser les courriels tomber dans les abysses et ne les reprendre qu’à la rentrée. Cela m’a fait un bien fou, d’une part au moral, mais surtout, je me suis rendu compte d’une évidence : mon travail ne s’était pas écroulé bien que je n’aie pas consulté frénétiquement ma boîte de réception. Il en est venu une autre évidence encore plus… évidente, et qui, je gage, s’applique à 80% d’entre nous (ceux qui ne travaillent pas dans le support technique, en gros) :

Notre travail ne consiste pas à répondre à des courriers électroniques

Une grande part de la communication professionnelle passe par le courriel, oui, et il ne faut pas le laisser à la dérive, bien sûr, mais, dans une large mesure, répondre au courriel ne relève pas du travail de production. Soit, selon votre métier : écrire, composer, boucler un bilan, rédiger une proposition commerciale, rédiger un article scientifique, conduire une expérience, appeler un client, corriger des copies, moderniser un cours, etc. Dans le cadre professionnel, le courriel relève de la logistique et de l’organisation. Dans le cadre personnel, il relève de la correspondance

Lui donner davantage d’importance ouvre une porte dangereuse. Le courriel est un jeu immédiatement gratifiant : j’ai traité ce message, j’ai répondu, un de moins sur une liste immédiatement visible. J’ai donc la sensation d’être productif, de m’affairer – mais je ne le suis pas, c’est la brutale vérité ; je le serais si je produisais au lieu d’organiser. Bien entendu, il faut organiser son travail, mais si l’on reprend la statistique énoncée plus haut, doit-on réellement passer 6 heures sur 8 d’une journée de travail standard en organisation ? Ce serait plutôt l’inverse.

D’où la première technique : encadrer le courriel dans des plages horaires déterminées et claires. Il n’y a que 24 heures dans une journée et un nombre fini de choses faisables. Pour ma part, j’ai relégué le principal de cette activité à une demi-journée dans la semaine, et je m’affaire à ramener mon délai de réponse standard pour la correspondance à « quelques semaines » (au lieu, parfois, de « quelques mois »). Le reste du temps, se contraindre à un nombre de consultations raisonnable dans la journée (j’en suis à deux ou trois, et c’est une sacrée victoire sur moi-même, je peux vous dire).

La boîte de réception n’est pas un dossier d’archive

Mon humble expérience – et largement partagée, à ce que j’en sais – m’a également fait tomber dans un piège classique : laisser les messages dans la boîte de réception quand il faut en faire quelque chose. Voire, les y laisser pour ne pas les oublier. Voire, les y laisser parce que je ne sais pas quoi en faire / ne veux pas décider quoi en faire. Ils pourrissent là, une sensation de culpabilité croissante m’habite chaque fois que je les vois, je ne veux plus les ouvrir, mais je ne veux pas les jeter non plus – car ils sont utiles. Je n’ai juste pas clarifié en quoi. Du coup, je fredonne LALALALALA en regardant plutôt les nouveaux messages tout neufs qui viennent d’arriver avec plein de choses nouvelles dedans, comme un singe appuyant sur la pédale dispensant des récompenses. Je n’ose pas faire défiler ma boîte de peur de ce qui va m’exploser au visage. Honnêtement, je ne suis pas le seul, hein ? (Enfin, étais – comme je le disais plus haut, je n’ai plus qu’une trentaine de messages en souffrance de façon régulière.)

Maintenant, analogie largement répandue chez les auteurs de méthodes de productivité outre-Atlantique. Combien d’entre nous laissent leurs factures d’électricité impayées dans notre boîte aux lettres physique afin de « penser à les régler » ? Absurde, hein ? C’est pourtant ce que nous faisons avec nos courriers électroniques.

Bien des auteurs militent pour le principe du « touch it once » (n’y toucher qu’une fois). Cela ne veut pas dire qu’il faut répondre à chaque message immédiatement dès réception ; mais décider ce qu’est ce message dès ouverture, le diriger aussitôt vers un système fiable, et l’y parquer, avec les actions attenantes si nécessaire. Pour cela, la méthode Getting Things Done offre une aide précieuse. Ce message :

  • N’apporte-t-il rien ? L’effacer.
  • Peut-il être traité en moins de deux minutes ? Le faire tout de suite.
  • Contient-il des informations utiles pour référence ultérieure ? L’archiver.
  • Nécessite-t-il une action en retour ? La noter dans un système fiable et archiver.

Donc, seconde technique : se contraindre dès l’ouverture d’un message à décider clairement ce qu’il nécessite comme action à suivre. Archiver ces actions en sécurité. S’assurer d’y revenir. Et passer à autre chose.

Et maintenant ?

Quels sont les outils qui peuvent nous aider rapidement et facilement à étayer ce flux de travail ? La suite lundi.

2016-04-05T18:59:37+02:00jeudi 7 avril 2016|Lifehacking, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur La boîte à outils de l’écrivain (mais pas que) : dompter son courrier électronique, les techniques (1/2)
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