La reMarkable est une tablette pour prendre des notes aussi splendide que parfaitement déconseillée

Résumé des épisodes précédents pour le contexte :

Hé ! Si j’ai tant de plaisir sur une machine à écrire sans distraction, peut-être fais-je fausse route depuis des années avec mes tablettes et mes montres connectées – je recommandais il y a six ans l’iPad pour prendre des notes manuscrites, mais la nouvelle mouvance des outils intentionnellement limités me convient-elle peut-être mieux aujourd’hui ? Si la Freewrite a été une telle révélation, peut-être son équivalent en prise de notes manuscrites me donnerait-il lui aussi joie et concentration. La tablette pouvant être retournée gratuitement au bout de trois mois en cas de déception, cela valait le coup d’essayer.

Spoiler alert : je vais la renvoyer au bout de trois semaines et retourner bercer mon iPad Pro adoré contre mon cœur. Là, là, Commerson1. La méchante tablette en noir et blanc va s’en aller. N’aie pas peur.

Qu’est-ce que la reMarkable ?

C’est une tablette destinée à la prise de notes avec, donc, un écran à encre électronique (comme les liseuses, ou la Freewrite). L’absence de rétroéclairage est censé être plus reposant pour les yeux ; la durée de vie de la batterie est d’autant plus considérable ; et le revêtement de l’écran est vendu comme étant le plus proche du papier possible. C’est très clairement un outil destiné à un seul et unique usage : écrire à la main, beaucoup, et lire éventuellement des PDF, que l’on peut annoter très facilement.

Je suis absolument le cœur de cible. Je ne réfléchis bien qu’en écrivant à la main, c’est pourquoi j’ai mis le doigt dans l’écosystème Apple en 2016 avec le tout premier iPad Pro et son Pencil, et que j’en suis venu à passer sous Mac. Quand je n’écris pas à la Freewrite, je passe littéralement le plus clair de mon temps avec un stylo ou un stylet à la main. Sachant que je me déplace beaucoup, je ne veux pas trimballer des kilos de notes sur tous mes projets en cours ; la prise de note numérique est idéale pour moi, me permettant d’emporter en toute sécurité plusieurs centaines de pages griffonnées de mon écriture repoussante rien que pour « Les Dieux sauvages ».

Bref, promettez-moi la Rolls des tablettes de prise de notes et je suis votre client. Un appareil que je peux saisir et sur lequel commencer à écrire aussi naturellement qu’avec un bloc-notes, sans une forêt d’applications m’incitant à la distraction (ce qui est la promesse marketing) ? Hell yeah. Je voulais absolument aimer la reMarkable.

Sauf que c’est un objet aussi magnifique qu’absurdement conçu.

Un objet splendide au toucher parfait… 

La version en ma possession, la reMarkable 2, est un appareil réellement saisissant. D’une finesse extrême (5 mm), elle ne pèse strictement rien et se révèle une vraie joie à manipuler et emporter. Quand je reprends mon iPad Pro, j’ai l’impression de manipuler une brique. Elle est réellement belle, dans le style minimaliste. D’autre part, le stylet se prend parfaitement bien en main. Et le toucher sur l’écran, ô, mes aïeux ! Orgasme manuscrit. (Ça existe, ça ?) La pointe est juste assez flexible, la réactivité parfaite, pour avoir l’impression d’écrire au feutre mince sur du papier. Le stylet n’a pas besoin de batterie, on peut écrire paume à plat sur la surface. Sur ce point, pas de mensonge. Meilleure expérience d’écriture numérique que j’aie jamais vécue. Rhaaa Lovely.

Mais dès l’utilisation, le rêve vole en éclats dans un bruit de porcelaine et de sanglots.

… à l’expérience utilisateur totalement ratée… 

Oh mes aïeux (bis), par où commencer ? Il y a tellement de trucs mal foutus, et pourtant si faciles à régler, que j’ai du mal à croire que le logiciel de la reMarkable soit conçu par des gens qui utilisent réellement leur appareil pour une prise de notes un tant soit peu sérieuse. Alors allons-y en mode liste à puces, sinon on y est encore demain.

La réactivité de l’interface est déplorable. L’encre électronique a toujours été moins réactive que les écrans, c’est une réalité. Impossible d’espérer de la reMarkable le même taux de rafraîchissement qu’un iPad avec ProMotion, on est d’accord. Mais même là, charger un document de seulement quelques pages prend au moins une seconde. Une fois ouvert, ça va, mais les innombrables ralentissements de l’interface, qui vont au-delà des rafraîchissements nécessaires de l’encre électronique, exaspèrent rapidement. Mort lente par une centaine de microsecondes d’attente.

La couche tactile de l’écran est dure de la feuille. La reMarkable peut se manipuler au stylet, qui fonctionne parfaitement, ou au doigt – et là, c’est le drame. Là où mon iPad repère sans problème des touches légères, la reMarkable rate mes entrées une fois sur deux pour sélectionner un document, tourner des pages, etc. Il faut appuyer, faire des gestes clairs, ce qui, là aussi, agace vite. Est-ce que m’entends, hé ho ?

La sélection des outils d’écriture est stupide. C’est là que j’affirme que les développeurs de la reMarkable ne s’en servent pas, c’est pas possible. Là, désolé, mais il faut que je fasse la démonstration.

Les outils d’écriture sur la tablette sont sélectionnés dans un premier menu. L’épaisseur et la couleur (qui apparaîtra sur les PDF exportés, puisque l’encre électronique apparaît en noir et blanc) figurent dans un menu à part. D’accord ?

Ce qui fait que si je suis en train d’écrire avec, mettons, le stylo, et que je veux surligner un titre (une opération que je fais constamment pour structurer mes notes), je dois : ouvrir le menu des crayons (tap) > sélectionner le surligneur (tap) > ouvrir le menu des couleurs (pour vérifier que j’ai la bonne (tap) > sélectionner la couleur (tap) > fermer le menu en tapant ailleurs avec mon doigt (tap) > recommencer une fois sur deux parce que l’appareil n’a pas entendu (retap) → soit cinq foutues entrées pour une sélection d’outil.

Sérieux ?!

Maintenant, comparons avec n’importe quelle app de notes sur un iPad :

Incroyable.

Elles ont toutes

UNE BARRE D’OUTILS FAVORIS

Pour, genre, sélectionner un outil en UN SEUL TAP et rester dans le flow (déjà que l’interface fait ce qu’elle peut pour suivre avec son encre électronique…)

Vous n’allez pas me dire que c’est difficile en deux mille vingt-deux de sacrenom de sac à papier ?

Vous êtes sûrs que vous avez déjà essayé de prendre deux pages complètes de notes avec votre engin, chez reMarkable ?

Enfin, impossible d’annoter des PDF avec des pages lignées. OK, on peut charger des PDF dans la reMarkable et les annoter au stylet, ce qui est chouette. (Je me voyais déjà corriger mes manuscrits comme ça au lieu de tuer à chaque fois une petite forêt en les imprimant.) On peut insérer des pages complémentaires dans le PDF pour prendre des notes plus étendues… mais là, houlàààà mon bon monsieur, faut pas compter sur le fait d’avoir des lignes sur ces pages, hein. Déjà qu’on a ajouté la fonctionnalité récemment. Les lignes, ce sera livré séparément. Peut-être.

Bon, vous n’allez pas me dire que c’est réellement pensé, cette affaire ?

… et au modèle économique invraisemblable

Et maintenant, on entre dans le délire total : si vous voulez synchroniser vos notes dans le cloud avec Dropbox, Google Drive ou OneDrive, envoyer vos notes par mail, avoir la reconnaissance de l’écriture manuscrite, une synchronisation plus efficace (?!) et j’en passe, c’est un abonnement de SIX BALLES PAR MOIS

Notez bien. Je ne suis pas du tout contre payer un abonnement pour soutenir le développement d’un outil que j’utilise. La pilule avait un peu de mal à passer à la commande, mais si je retire des bénéfices réels d’un outil, qu’il me fait réellement gagner du temps et de la tranquillité d’esprit, je suis prêt à mettre la main au portefeuille. (Après tout, j’ai bien acheté une Freewrite pour deux fois le prix d’un iPad d’entrée de gamme.) Si la reMarkable s’était révélée transcendante, j’aurais pu accepter le ticket d’entrée. En grognant, mais OK. J’accepte le jeu.

Mais, heu, un appareil qui fait à peu près tout plus mal qu’un iPad (voir la démonstration ci-dessus), et sur lequel on trouve en plus toutes ces fonctionnalités à l’achat une fois pour toutes ? J’aimerais bien, je cherche, le souvenir velouté de la pointe de votre stylet outrageusement sensuel sur votre écran me fait me mordre la lèvre de désir avec un gémissement troublé, mais franchement, les mecs : faut pas déconner.

Tous les désavantages du papier, presque aucun avantage du numérique

Bon, bah voilà. Avec l’absence de réactivité de l’interface, sa lourdeur qui rend la sélection d’un outil aussi efficace que de prendre physiquement un autre stylo dans le pot à crayon (remarquez, c’était peut-être l’idée, émuler le monde analogique ?), l’abonnement par-dessus le marché, la reMarkable ne présente quasiment aucun des intérêts du numérique. À ce stade, vous savez ce qui ne présente aucune distraction, permet d’ajouter le cas échéant des feuilles lignées dans un document qu’on annote, propose toute une variété d’outils dont certains en couleur, tout en conservant le toucher du papier ?

LE FUCKING PAPIER !

Que faire si l’on veut prendre des notes en numérique

Ne prenez pas une reMarkable. Je reste sur ma recommandation de base : prenez un iPad (qui sont tous compatibles Pencil à présent, en plus). Prenez une heure pour la configurer de manière à éviter les distractions (ce qui reste beaucoup plus facile sur une tablette que sur un ordi) :

  • Organisez vos applications de manière à éviter les distractions sur l’écran d’accueil.
  • Coupez les notifications. (Vous devez couper les notifications.)
  • Achetez GoodNotes pour dix balles et mettez-le bien en évidence sur votre écran d’accueil.
  • Pour émuler le toucher du papier, achetez éventuellement un protège-écran destiné à cette fin (j’ai un iVisor de chez Moshi que je recommande, mais je crois qu’il ne se fait plus) : vingt balles.
  • C’est tout.

Vous aurez un appareil réactif, qui en plus permet de prendre des notes en couleur, ce qui est drôlement utile pour griffonner des plans ou surligner des PDF. Et qui en plus permet d’aller sur Wikipedia ou de lire des BD… en couleur, voire de mater Netflix, avec tout l’écosystème des applications de lecture de livres électroniques si le cœur vous en dit. D’accord, ce n’est pas de l’encre électronique, ça reste un écran. Mais à ce stade, la reMarkable n’offre strictement aucun avantage. Vraiment pas. Prenez plutôt une liseuse, si vous préférez.

Et je suis très triste, parce que le contact de ce feutre sur l’écran… Graou.

Mais le meilleur outil, c’est celui qu’on utilise.

  1. Oui, il s’appelle Commerson. Tous mes appareils ont des noms de cétacés. Ça vous étonne ?
2022-04-20T09:16:41+02:00mercredi 20 avril 2022|Best Of, Lifehacking|4 Commentaires

Procrastination podcast S06e15 – Sauvegarder ses textes

procrastination-logo-texte

Deux semaines ont passé, et le nouvel épisode de Procrastination, notre podcast sur l’écriture en quinze minutes, est disponible ! Au programme : “S06e15 – Sauvegarder ses textes“.

Petit épisode concentré sur de la technique pure, mais conserver son travail – et le récupérer en cas d’accident informatique – peut représenter une question cruciale dans une vie d’écriture. Quelles sont les bonnes pratiques – et comment peut-on demander des coups de pouce simple à son entourage ? Mélanie explique comment elle protège non seulement ses textes, mais les traductions dont elle a la lourde responsabilité ; Lionel présente des règles d’hygiène informatiques simples, notamment la règle dite du “3-2-1”. Estelle montre que l’on peut aussi se montrer détendu·e avec cette question, et que le papier, aussi, peut être la forme la plus fondamentale d’archivage.

Références citées

– Brandon Sanderson

– Services de synchronisation cloud : Dropbox (https://dropbox.com), iCloud (https://www.apple.com/icloud/), Google Drive (https://drive.google.com/), Box (https://www.box.com)

– Service de sauvegarde dans le cloud : Backblaze (http://backblaze.com), Carbonite (https://www.carbonite.com), Crashplan (http://crashplan.com)

– Carbon Copy Cloner (https://bombich.com)

– Laurent Kloetzer (qui va peut-être se demander ce qu’il fait là ?)

Procrastination est hébergé par Elbakin.net et disponible à travers tous les grands fournisseurs et agrégateurs de podcasts :

Bonne écoute !

2022-05-02T18:31:24+02:00vendredi 15 avril 2022|Procrastination podcast|Commentaires fermés sur Procrastination podcast S06e15 – Sauvegarder ses textes

Les Questions dangereuses, livre à paraître aux éditions Hélios en janvier 2019

Ha, auguste lectorat ! Croyais-tu que j’allais seulement te donner des « Dieux sauvages » pendant toutes ces années ? OK, j’avoue, je le croyais aussi (et je ne râle absolument pas), mais une superbe proposition est arrivée : les éditions Hélios me font l’immense plaisir, honneur et privilège de rééditer en poche la novella (court roman) Les Questions dangereuses, publiée en 2011 dans l’anthologie De Capes et d’esprit vol. 2, dirigée par Éric Boissau et publiée chez Rivière Blanche.

Couv. Ammo

Je suis ravi car Les Questions dangereuses fait clairement partie de ces textes où je me suis dit, comme pour « Tuning Jack » ou « L’Île close » : “c’est une idée vraiment trop stupide pour que je ne l’écrive pas”.

De quoi ça s’agit

Ah, Batz ! Clerc, moine – que dis-je, philosophe ! – ce sont là les métiers à haut risque, non le nôtre. Nous au moins n’avons jamais aucun doute dans le maniement des armes, mais eux qui mijotent avec elles continûment sans jamais y échapper finissent par confondre Question et Réponse, oubliant qu’il y a l’extrémité que l’on empoigne et celle avec laquelle on tue.

Dans un Royaume de France où le plus grand danger n’est pas la rapière, mais une Question à laquelle on ignore la Réponse, Thésard de la Meulière et Batz d’Arctangente sont mancequetaires du roi : les plus fins esprits de la ville de Panâme, dévoués à la protection de la reine. Quand un meurtre ignominieux se trouve commis aux funérailles d’un héros national, Thésard se lance sans hésiter dans des investigations qui l’amèneront à dévoiler un complot d’envergure mondiale – et où son cerveau pourrait bien finir par couler par ses oreilles.

À propos de cette édition

Cette version chez Hélios sera augmentée d’un long entretien avec Nicolas Barret, où l’on causera de la vie, de l’univers et du reste (je m’avance moyennement, là). Actuellement, le texte seul reste disponible en numérique aux éditions ActuSF (disponible chez tous les bons disponibluteurs) et dans l’anthologie, bien sûr, mais cette version-là aura la superbe classe d’une splendide illustration réalisée par Ammo, tiendra tout seul sur une étagère (avez-vous remarqué qu’une liseuse ne tient pas toute seule ?), il y aura l’entretien qui révélera plein de secrets honteux sur moi1, et j’avoue que j’ai ri tout seul en relisant une vanne que j’avais oubliée en parcourant le texte juste avant de rédiger cette note de blog, et ça, auguste lectorat, dans le métier, on appelle ça UN PUTAIN DE BON SIGNE.

Enfin bref, vous aurez compris que j’essaie de vous dire que c’est bien, forcément, mais Les Questions dangereuses fait partie des textes idiots que je suis vraiment fier d’avoir commis, et j’espère que vous aurez autant de plaisir que moi à le (re)découvrir, sachant qu’il est annoncé en papier chez Hélios pour, donc, janvier 2019.

Hardi, mancequetaires, ne vous posez pas de Question, la Réponse est l’achat de ce livre. Qui sait ce qui pourrait arriver sinon.

On en reparlera d’ici là, bien sûr.

  1. Dans la limite des stocks disponibles.
2019-01-07T05:43:25+01:00mercredi 24 octobre 2018|À ne pas manquer|5 Commentaires

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