Déconnexion annuelle pendant les fêtes (et on casse l’ambiance)

Et hop.

Comme tous les ans, même si je ne fête pas spécialement le Solstice d’Hiver, je prends deux à trois semaines de déconnexion complète annuelle (c’est plus pratique de faire cela tandis qu’on est tous occupés à travailler notre future culpabilité de ne pas avoir tenu nos résolutions dès le 10 janvier). Donc : jusqu’à janvier, pas de blog, de mail ni de réseaux commerciaux (mais l’épisode de Procrastination sortira bien le 2 janvier, grâce aux intrépides d’Elbakin.net – merci à eux !)

Étonnamment, c’est aussi une métaphore assez juste de Twitter

Un petit codicille à ce sujet : j’avoue rester quelque peu… décontenancé (HA) de l’ambiance de plus en plus délétère sur les réseaux, et les quelques shitstorms, insultes et j’en passe que j’ai reçus cette année m’ont montré une nette progression de l’agressivité en ligne. Heureusement, il y a plein de gens formidables (si vous lisez ça, vous en faites certainement partie, et merci). Cependant, je pense beaucoup ces temps-ci à une statistique lue il y a longtemps : toute relation humaine dont le rapport interactions positives / négatives passe en dessous de 1 pour 5 se dirige droit vers l’extinction. Ma relation avec les réseaux s’approche un peu trop de ce ratio en ce moment : sans tomber dans l’absurde et faux « on ne peut plus rien dire » (souvent utilisé comme cri d’orfraie des ignorants et des oppresseurs), je constate quand même qu’il devient de plus en plus difficile de faire une blagounette clairement étiquetée comme telle sans recevoir une leçon de choses. D’un côté, les Trumpistes revendiquent le droit de donner à leurs opinions la même valeur que des faits, et de l’autre, dans des domaines éminemment subjectifs comme la créativité, la moindre opinion est torpillée par des assoiffés d’e-réputation (souvent gage de manque d’assurance dans la vie).

Tout ça me fatigue. Sérieusement. Et en vrai, je me fiche royalement de convaincre qui que ce soit, surtout dans le domaine créatif où j’ai la chance d’arriver à tracer une vague route (grâce à toi, auguste lectorat) – je pourrais continuer à le faire en fermant tout pareil ma bouche sur le sujet. Je suis en quête – pas en vérité.

De plus en plus, la fiction (et surtout l’imaginaire) ressemble au seul havre d’expression où l’on peut encore prendre des risques sincères, s’interroger sur des questions difficiles ensemble avec les lecteurs, oser une conversation métaphorique à travers le premier aveu nécessaire à l’établissement d’un débat : « je ne sais pas, interrogeons-nous. »

Je suis aussi tout à fait conscient que l’on retire des réseaux ce que l’on y met et j’ai commencé, depuis l’été dernier, à prendre un soin particulièrement conscient de ce que j’y mettais, moi aussi. Mais à force, ma relation avec Twitter, et Facebook, prend de plus en plus l’allure d’un mariage raté que je suis fatigué d’essayer d’entretenir. Mais encore une fois, si vous lisez ça, vous êtes merveilleux, et merci de ce que vous proposez.

Bref, je m’arrête là. Pas envie de lancer les fêtes sur une note lamentant une fois de plus l’état-du-monde-ma-bonne-dame, mais, bon. On se revoit début janvier. Et une chose est certaine – si un jour j’appuie sur le gros bouton rouge faisant sauter tous mes profils sociaux – deux choses ne s’arrêteront pas : ni le podcast, ni le blog.

Parce que là, c’est toujours une vraie joie de le faire.

Bonnes fêtes !

2020-01-05T23:59:35+01:00vendredi 20 décembre 2019|À ne pas manquer|22 Commentaires

Tuyaux stupides et gens intelligents

Je trouve passionnant, particulièrement sur le Net, la possibilité d’avoir des discussions à plusieurs et d’inviter autant de participants qu’on le souhaite à un débat. Les systèmes de commentaires, forums etc. s’y prêtent très bien. Je vais donc élargir le principe de répondre publiquement aux questions sur la technique d’écriture à des domaines plus vastes ; spécialement si le point soulevé mérite une longue réponse, comme cela peut arriver au cours d’échanges privés. Cela me permet de proposer un article digne de ce nom sur un sujet qui me semble le mériter au lieu de trois lignes de mail vides, d’inviter d’autres opinions dans le débat et de refléter ce qui vous intéresse certainement.

Comme d’habitude, mon avis n’a l’ambition de n’être que le mien – d’avis. Mais les discussions (même passionnées) sont bienvenues, tant qu’elles restent dans les usages de l’endroit.

"Lutter est un processus sans fin. On n'acquiert jamais vraiment la liberté ; on la gagne et la remporte à chaque génération." Coretta Scott King

Avanti.

J’aimerais aborder avec vous […] une remarque que vous aviez réalisée aux Utopiales 2011 concernant le bien-fondé de la liberté d’expression sur le Net. Vous pensiez qu’elle devait être totale car les gens sont suffisamment intelligents pour séparer le bon grain de l’ivraie. Euhhhhh, à mon humble avis, je crains que cela ne soit pas vrai.

Je ne suis pas tout à fait sûr d’avoir dit « sont ». Par contre, j’ai certainement dit « devraient », ce dont je suis parfaitement capable (ouais). Si j’ai dit « sont » quand même, mes excuses : je pensais « devraient ».

Vous faites certainement référence à ce que j’expliquais sur le principe de neutralité du Net, fondamental à son fonctionnement, qui stipule que le Net doit être le même pour tout le monde. Les tuyaux acheminant les données sont censés être « stupides », c’est-à-dire ne rien filtrer, et laisser l’utilisateur faire son choix et critiquer ce qu’il reçoit, de la même manière que la presse est libre (dans certaines limites) ou que le téléphone et le courrier postal sont des systèmes neutres (à vous de choisir avec qui vous correspondez et si vous préférez échanger des dessins de Bambi ou des plans de bombes à neutrons).

Je considère ce principe sain, car je pense que la liberté d’expression, à partir du moment où elle est accompagnée d’équité, entraîne toujours plus de conséquences positives que négatives dans une société. Je suis donc toujours dubitatif quand une société civilisée se préoccupe de la restreindre, surtout quand c’est à des fins de « protection ». Et c’est très à la mode en ces temps-ci, où, pour des crimes certes ignobles mais dont l’ampleur réelle en ligne paraît discutable, comme la pédophilie, on se propose d’instaurer un filtrage global du Net qui permettra de couper arbitrairement n’importe quel site (voir ce coup de gueule).

À partir de quand protège-t-on les plus faibles, et à partir de quand infantilise-t-on un peuple quand son gouvernement décide qu’il n’est pas assez grand pour décider par lui-même ? Qui choisit ce qui peut circuler – ce qui peut être dangereux quand on y est exposé trop jeune, par exemple – et ce qui ne l’est pas ? Quid custodies custodiet ?

Est-ce à dire qu’il n’existe aucun courant de pensée inacceptable dans une société civilisée, contre lequel lutter ? Non, bien sûr, mais ce n’est pas du tout la même chose. Combattre, dans ce domaine, c’est informer, éduquer, en employant les règles du débat démocratique. C’est faire appel à l’intelligence des gens, propager le savoir, leur donner les outils pour s’informer, et puis, progressivement, leur faire confiance pour agir en êtres humains. Il faut que le citoyen ait le pouvoir de filtrer l’information qui lui parvient, et non que d’autres décident à sa place de ce à quoi il a accès. C’est simplement ce que cela signifie. Pour cela, les protocoles doivent rester agnostiques.

Je suis d’accord avec les fondateurs de Freenet : je pense résolument que les démons ne conservent leur force que tant qu’ils sont refoulés. Il me semble qu’il en est de même avec les idées négatives et la bêtise. L’interdit entraîne deux conséquences regrettables. D’une part, elle donne aux idées qu’on cherche à refouler une aura de séduction, comme l’Inquisition Romaine en a fait l’expérience à répétition, où les thèses mêmes qu’elle cherchait à contrôler ont joui d’une publicité inattendue (effet Streisand, en termes modernes). D’autre part, comme le dit l’adage, ignorer le passé, c’est se condamner à le réitérer. Comme on le sait sur Internet depuis toujours : « Don’t feed the troll. »

Alors, non, je ne pense pas que les gens soient, aujourd’hui, tous en mesure de filtrer les informations qui les assaillent en permanence. Je pense en revanche qu’ils en ont le potentiel, si on leur donne les outils, et qu’ils doivent l’acquérir, prendre la maîtrise de la technique. Cela n’arrivera qu’en leur faisant un peu confiance, et c’est nécessaire pour que nous apprenions tous une forme de maturité. C’est un problème d’éducation, un problème de civilisation, n’est-ce pas, monsieur Sarkozy, et pas un problème avec les idées en elles-mêmes. Ce n’est pas une chose qui se réglera en dix ans ; c’est peut-être même un des grands projets de notre époque, et il nécessite du doigté et de la prudence. Mais à force d’essayer de soigner les symptômes (les idées qui circulent) et non les causes (la nécessité constante de développer l’esprit critique face à l’information), je crains que nous finissions par nous retrouver aussi démunis qu’en essayant de soigner les bubons de la peste avec du Biactol.

(En fait, même pour un article de blog, c’est forcément lapidaire et résumé.)

2019-01-07T07:42:52+01:00jeudi 12 janvier 2012|Humeurs aqueuses|17 Commentaires

Titre

Aller en haut