Pourquoi ponctuer correctement des dialogues ? Une autre raison : un éditeur m’a confié lundi après le premier article…
Pense à glisser quelque part qu’un dialogue mal formaté est presque un critère de refus tant on en voit défiler et à quel point ceux qui les étudient sur tablette ou écran se RUINENT les yeux sur des listes à puce et des put*** de tirets et de mises en forme fantasques.
C’est clair, non ?
Bien. Tout est en ordre et assimilé après l’article de lundi ? Votre traitement de texte est configuré et la différence réplique / didascalie claire ? Alors, allons-y.
Comme énoncé lundi, le formatage classique fait appel aux guillemets et tirets de réplique. Tout le monde, en général, connaît la règle de base :
- Ouvrir les guillemets au début du dialogue,
- Tiret en tête de chaque réplique,
- Fermer les guillemets à la fin du dialogue.
Mais c’est facile à dire. Que fait-on quand surgit une longue didascalie ? C’est la fin du dialogue, ou pas ? Et quand une précision narrative s’insère dans une réplique ? Je fais quoi ?
L’exemple suivant présente à peu près tous les cas de figure possibles :
« Ceci est un exemple de formatage de dialogue », annonça Jean.
Pierre fit la moue. « Vraiment ? Et nos répliques sont donc artificielles… ? s’étonna-t-il.
— Parfaitement. » Jean avait l’air content de lui. « Dis donc n’importe quoi, pour voir.
— Je ne suis pas d’accord avec cette manipulation (il frappa du poing sur la table) et je tiens à le proclamer !
— Proclame ce que tu veux, ricana Jean avec un sourire mauvais dont une longue description ne servirait qu’à montrer la possibilité de rallonger autant qu’on veut l’incise à partir du moment où cela reste clair pour le lecteur. L’exemple est déjà terminé. »
Rappelle-toi, auguste lectorat, la règle de lundi : la clarté. Les répliques étant incluses dans des guillemets (ou démarrant par un tiret), il s’agit de les fermer si une confusion est possible avec la narration. Dans les faits, on ferme les guillemets (et on les rouvre) si et seulement si la didascalie qui suit est une phrase autonome.
Ce qui nous donne, dans le premier cas :
— Proclame ce que tu veux, ricana Jean avec un sourire mauvais dont une longue description ne servirait qu’à montrer la possibilité de rallonger autant qu’on veut l’incise à partir du moment où cela reste clair pour le lecteur. L’exemple est déjà terminé. »
Et dans le deuxième :
— Parfaitement. » Jean avait l’air content de lui. « Dis donc n’importe quoi, pour voir.
À la lecture, c’est parfaitement transparent. Simple, non ?
Les parenthèses sont possibles, mais rares : elles servent en général à insérer une didascalie en rupture avec le flot naturel de la phrase, ce qui n’est pas très courant :
— Je ne suis pas d’accord avec cette manipulation (il frappa du poing sur la table) et je tiens à le proclamer !
Notez que la virgule se situe à l’extérieur des guillemets :
« Ceci est un exemple de formatage de dialogue », annonça Jean.
Car, grammaticalement, la réplique comprise dans les guillemets est un « paquet » indépendant ; la phrase se lit réellement comme suit :
Jean annonça : « Ceci est un exemple de formatage de dialogue. »
En revanche, si un point d’exclamation ou d’interrogation termine la réplique, la virgule saute. Elle ferait double emploi avec l’indicateur d’humeur du locuteur, qui figure alors dans la réplique.
En résumé
- Guillemets ouvrants et fermants au début et à la fin du dialogue ou en cas d’incise narrative, mais seulement si une confusion est possible avec la didascalie (typiquement, une phrase autonome)
- Tirets cadratins en début de réplique si les guillemets ont été ouverts
- Virgules à l’extérieur des guillemets (« Salut », dit-il) mais les autres signes sont internes et (« Non ! » cria-t-il)
- Rarement : si brève irruption d’une didascalie en milieu d’action, parenthèses.
Et si on utilise jamais de guillemets ? Mais que des cadratins ?
Dans ma pratique, je suis en désaccord sur deux points.
1) si la didascalie est une phrase autonome mais trop longue à mon goût, je ferme les guillemets avant et je les rouvre après. Dans ton exemple:
— Proclame ce que tu veux », ricana Jean avec un sourire mauvais dont une longue description ne servirait qu’à montrer la possibilité de rallonger autant qu’on veut l’incise à partir du moment où cela reste clair pour le lecteur. « L’exemple est déjà terminé. »
2) les didascalies entre parenthèses, j’ai arrêté. Je procède ainsi (toujours avec ton exemple) :
— Je ne suis pas d’accord avec cette manipulation… » il frappa du poing sur la table « … et je tiens à le proclamer !
Enfin, tout ça, c’est quand je suis libre de faire comme je veux. C’est souvent l’éditeur qui décide.
Tout à fait, on n’a pas forcément le choix, hélas. J’aime bien ta variation pour remplacer les parenthèses, dont je ne suis pas très client de manière générale.
Comme je l’ai indiqué sur ton blog, je n’utilise jamais les guillemets mais juste les cadratins. C’est mal ?
Idem. Pourtant, Zevaco, Simenon, pour ne citer qu’eux, n’utilisaient pas de guillemets pour les dialogues… Alors ? On fait quoi ? =)
On fait comme on veut. L’essentiel, c’est d’être clair et cohérent. L’écrivain n’a pas les mêmes contraintes que le traducteur, car il est libre d’agencer son texte comme il le veut et de répartir dialogues, narration, didascalies, etc. comme ça lui chante. Le traducteur, s’il veut respecter le rythme du texte, veille à ne pas casser les paragraphes.
Exemple (un peu long) dans ma trado en cours.
Texte anglais:
Kade shook his head. « No. This is our fall to take. »
« I’m with Kade, » Rangan said softly.
Ilya bowed her head. She didn’t look convinced. Her mind felt angry to Kade, defiant.
« Fine, » she said. « I’ll go start shutting things down. » She left through the open door.
(suite)
On fait comme on veut… oui et non, on doit surtout faire de façon à plaire à un éditeur, tout de même.
Avec quillemets et tirets cadratins:
Kade secoua la tête. « Non. C’est à nous seuls de supporter les conséquences.
— Je suis d’accord avec Kade », dit Rangan à voix basse.
Ilya baissa la tête. Elle ne semblait pas convaincue. Kade sentait son esprit plein de colère, de défiance.
« Bien, dit-elle. Je vais désactiver les systèmes. » Elle sortit par la porte ouverte.
(suite)
Sans les guillemets:
Kade secoua la tête.
— Non. C’est à nous seuls de supporter les conséquences.
— Je suis d’accord avec Kade, dit Rangan à voix basse.
Ilya baissa la tête. Elle ne semblait pas convaincue. Kade sentait son esprit plein de colère, de défiance.
— Bien, dit-elle. Je vais désactiver les systèmes.
Elle sortit par la porte ouverte.
Vous ne trouvez pas que le rythme est légèrement altéré?
Romain: c’est ce que je disais. Dans l’exemple ci-dessus, je préférerais avec guillemets. Mais l’éditeur n’en veut pas, alors je fais sans.
Si vous êtes curieux, jetez un coup d’oeil à l’édition originale de « Madame Bovary » (disponible sur gallica), symbole du grand classique dont on ne doit pas changer une virgule, et comparez avec les éditions actuelles. Flaubert (ou son imprimeur) ne respectait aucune règle et mélangeait tout sans balisage.
De toutes façons, l’éditeur, il corrige derrière (guillemets, pas guillemets, quels tirets, etc) en fonction de sa propre charte…
Oui, Christophe Thill, mais en tant que traducteur, je préfère connaître ladite charte en amont, ça évite les épreuves à s’arracher les cheveux.
… et ça épargne tout le boulot à l’éditeur, aussi…
Voilà oui, en tant qu’écrivain envoyant des manuscrits à divers éditeurs, il est mieux de connaître les éventuelles préférence de chacun.
On fait comment? On lit l’article en détail les copains, le formatage avec tirets, c’est pour le prochain article (vendredi) 😉
Vite vite !
Les guillemets, c’est de la ponctuation non ? http://www.risc.cnrs.fr/detail_lesechos.php?ID=24185
Remarque d’un lecteur profane :
ça me gonfle assez vite dans les dialogues quand j’ai des « dit-il » « annonça-t-elle », « s’énerva Jean », « dit-elle », « sourit-il », « s’esclaffa-t-il ».
A la limite, s’il y avait des « se cannibalisa-t-il » ou des « se goinfra-t-il » ça rendrait le dialogue imagé !
Blague à part, il faut faire confiance au lecteur, et ne pas trop lui mâcher le travail au dépend de la fluidité du texte. Une description précise de la situation avant le dialogue permet peut-être d’éviter toutes les interruptions du narrateur. Il est aussi possible de s’arranger pour que le dialogue aide le lecteur à s’y retrouver : parfois je cherche l’accord féminin pour savoir si c’est la fille ou le gars qui parle : « – je suis contente » !
Je le redis, je ne suis que lecteur. Mais c’est avec ce genre de détail que le livre me tombe des mains ou pas.
Voilà qui vient à point nommé ^^
C’est très clair ! Tu peux m’expliquer la recette de la quiche aux poireaux de la même façon
(le secret de la tarte aux poireaux, c’est moitié oignons et moitié poireaux)
(tu fais fondre à feu doux, puis tu rajoutes un peu de farine et du lait pour faire béchamel)
La suite est là: http://lioneldavoust.com/2014/apprenons-a-ponctuer-des-dialogues-3-le-formatage-moderne/