Les petites captures d’écran que j’ai partagé de loin en loin lors de la rédaction des Dieux sauvages (voir ci-contre) ont suscité quelques réactions : quel est ce logiciel ? Comment ça marche ? Comment me fixer des objectifs ?
Je pense que se fixer des objectifs d’écriture est un mécanisme utile pour avancer ses projets. Les objectifs varient bien sûr en fonction du temps disponible, de l’expérience, de la complexité du récit, mais l’expérience montre qu’il vaut mieux toucher un peu son projet tous les jours que beaucoup à intervalles irréguliers (on en a parlé ici à l’occasion du commentaire des règles sur l’écriture de Robert Heinlein). Entre autres parce que l’écriture s’apparente beaucoup à un muscle et qu’un muscle, ça travaille mieux régulièrement qu’un grand coup de temps en temps. Le travail régulier permet de conserver la motivation ainsi qu’une bonne mémoire de son projet, au lieu de devoir tout réapprendre à chaque fois.
Plus prosaïquement parce que l’expérience prouve que les longues périodes de temps disponible sont rares. Et que les attendre revient à risquer de ne jamais faire aucun progrès.
Étant conçu pour des auteurs, Scrivener (fortement recommandé dans la boîte à outils de l’écrivain, ici) propose donc des fonctionnalités intégrées rusées et puissantes pour le maintien de ces objectifs.
Le calibrage du document
Tout d’abord, Scrivener propose un calibrage automatique du manuscrit en cours – la partie « Draft » ou « Manuscrit » – c’est-à-dire, ce qui finira dans la compilation. Les notes, recherches et autres documents de référence qui figurent à côté ne sont pas comptés (logique et rassurant).
Plus précisément, chaque document de la partie Manuscrit peut être intégré ou non dans la compilation manuellement. Ce qui permet de conserver, parfois, des notes à côté d’un chapitre quand cela s’impose. Ici, deux dossiers du projet de Port d’Âmes, contenant côte à côte le chapitre 3 finalisé et les notes correspondantes au moment de mes propres corrections.
Il suffit pour cela de cocher ou non la case de l’inspecteur « Inclure dans la compilation » :
(On la retrouve en mode plan dans les diverses colonnes personnalisables.)
Se fixer des objectifs
Commande (ou Control) – majuscule – T donne la fenêtre des calibrages et objectifs :
Un clic sur le bouton en bas à droite (Modifier) donne accès à la personnalisation des objectifs d’écriture, que ce soit pour le manuscrit en cours ou pour les quotas quotidiens. Comme nous calibrons des documents à la française, on préférera les caractères espaces comprises, qui sont l’unité de référence dans l’édition chez nous.
Les options offrent tout un tas de subtilités pour paramétrer au mieux son expérience (sous Mac, au moins, je ne sais pas où en est la version Windows) :
À vous de voir la rigueur que vous voulez vous imposer : autoriser les chiffres négatifs (quand on corrige, par exemple) peut déprimer… Ou pas si l’on cherche justement à faire maigrir un manuscrit. Je recommande d’activer la notification quand l’objectif est atteint ; c’est une belle récompense, et permet de s’affranchir d’une consultation compulsive du compteur à chaque paragraphe (ce qui nuit un tout petit peu à la concentration).
Il faut se rappeler que Scrivener calcule ses cibles sur les documents signalés comme étant dans la compilation uniquement (sauf si on lui dit le contraire dans les options ci-dessus). Cela signifie que si vous écrivez 5000 signes de fiche de personnage dans la section Référence, il ne le comptera pas, par exemple. Plus subtil, si vous écrivez 5000 signes dans un document du Manuscrit mais que vous décochez ensuite l’inclusion dans la compilation, ces signes seront comptabilisés dans le quota quotidien. Mais au contraire, si vous écrivez 5000 signes dans un document puis que vous l’incluez à la compilation par la suite, Scrivener ne gardera pas trace du calibrage écrit. De même, rédiger des notes dans un document inclus à la compilation est une bonne manière de faire monter artificiellement le quota du jour… Mais un piège qu’on se tend à soi-même quand il s’agit de les supprimer (car le quota s’en ressent d’autant). (Bien sûr que c’est du vécu.) Bref, ayez conscience de votre paramétrage pour ne pas vous laisser piéger par l’automatisation. (Conseil de survie de base au XXIe siècle.)
Vous voilà parés pour tenir vos objectifs quotidiens – et ça tombe bien, car nous sommes en plein NaNoWriMo, le mois de l’écriture ! (Et si vous êtes en manque de motivation, pour mémoire, j’avais contribué un petit pep talk en 2013 archivé ici.)
Pour plus de ressources sur Scrivener et peut-être franchir le pas, si ce n’est pas déjà fait, rendez-vous sur cette page.
Ça peut t’intéresser, Sylvie 🙂
Une question sur Scrivener (après le cours des Utopiales tu m’as convaincue je crois) : est-ce que c’est risqué de s’y mettre en cours de projet ? En ce moment je suis sur un roman qui a déjà 140 k sec, est-ce que ça vaut le coup que je le bascule sur Scrivener ou bien il vaut mieux commencer par un projet tout neuf sur Scrivener ?
Rien ne t’empêche de faire un copier-coller de ton travail actuel dans un document et de poursuivre de là 🙂 Il faut voir Scriv comme un logiciel qui étend de façon prodigieuse le TTX classique, pas comme une façon radicalement nouvelle de travailler. (Après, c’est risqué si c’est une excuse pour procrastiner 😉 )
Disons qu’avec 3 narrateurs qui revivent les mêmes événements de points de vue différents je commence à m’arracher les cheveux avec ma timeline… Donc non, je vais tenter de ne pas procrastiner 😉
Là Scrivener peut clairement t’aider.
je confirme, je suis toujours en phase de test de Scriv, mais mon projet a plusieurs interludes qui s’insèrent dans la trame principale. Pouvoir changer l’ordre des chapitres et interludes à volonté et le visualiser immédiatement aide énormément… Donc oui j’imagine bien que ça puisse t’être utile.
Télécharge la version d’essai et suis le didacticiel – Lionel a bien insisté dessus avec raison. Je penses qu’à partir de là, tu sauras si ça va te plaire et t’aider 😉
Pour répondre à ta non-question à propos de la version Win… Bah on est en retard. La fenêtre «Cible du document» (et non Objectif) est à minima, sans aucune option… Soupir.
Argh. Les petites différences agaçantes entre les deux versions, qui montrent que Scriv vient quand même du Mac à la base. 🙂