En juin, demandez-moi tout ce que vous voulez chez Book en Stock

Okay, auguste lectorat, j’avoue, je fais appel au pronom honni “moi” mais il m’est difficile de faire autrement en l’occurrence à part circonlocution ridicule et finalement davantage ego-centrée…

Je suis absolument ravi, très touché et honoré d’être l’invité de Book en Stock pour le mois de juin, à travers un mois entier de discussion à bâtons rompus. L’idée : pendant un mois, chez Book en Stock, on discute ensemble ; et on peut discuter de tout, des livres bien évidemment, d’écriture, mais aussi de traduction, de biologie marine ou de saucisson si vous préférez. Toutes les questions sont bonnes, tous les sujets aussi (dans la limite de ce qui passe aux heures de grande écoute, malandrins) et je m’efforcerai d’apporter si possible des réponses tout aussi bonnes…

Ça commence donc demain. N’hésitez pas à passer sur le fil, à découvrir les modalités, et discutons, c’est l’occasion de le faire en grand détail comme on n’en a hélas pas souvent l’occasion à distance !

Merci à Dup et Phooka de Book en Stock pour l’accueil, ainsi qu’à Critic et Folio SF pour les partenariats qui rendent aussi cette rencontre possible, et à tous les participants bien sûr !

 

 

2017-06-24T09:09:26+02:00mercredi 31 mai 2017|À ne pas manquer|13 Commentaires

La boîte à outils de l’écrivain : OmniFocus, la meilleure solution de gestion de tâches et projets

Auguste lectorat, j’ai voyagé loin, lu beaucoup, j’ai plongé dans les abysses du désœuvrement et tenté par mille moyens de créer de l’ordre à partir du chaos. Persuadé qu’il existait de meilleures manières de travailler que les miennes, j’ai beaucoup échoué, jusqu’à, la tête baissée en signe de contrition, suivre à la lettre les commandements de David Allen et voir la lumière. J’ai dénudé ma vie même devant les mânes de Google et d’Apple, portant la marque d’un fichage irréversible à la NSA. De retour de ce voyage dans l’au-delà du trouble obsessionnel compulsif, je peux te l’annoncer, auguste lectorat, j’ai cerné l’outil idéal pour la gestion personnelle de la productivité.

Et, comme beaucoup, je vais te répondre : OmniFocus.

Mais pas aveuglément.

Mille outils estampillés “GTD”

Si l’on cherche les outils de “to do list”, “productivité”, “gestion de projets” ou “GTD” dans n’importe quel magasin logiciel, on tombe sur une véritable galaxie d’outils qui se prétendent tous magiques, qui te promettent de récupérer 4h de travail dans la journée, qui te rendront CEO du monde et te laisseront encore assez de temps pour apprendre trois langues étrangères en une semaine. Et il faut dire la vérité, si l’on se penche sur des outils plutôt matures, la plupart se valent. Ils ont tous le minimum requis : des outils de capture plutôt pas trop mal fichus, une hiérarchie de projets et de tâches, des mots-clés pour différencier les contextes (je te renvoie à nos discussions sur GTD, auguste lectorat, si tu découvres ces notions). Chacun a son propre paradigme un peu différent du voisin, sa propre interface graphique, son adhésion plus ou moins stricte aux saints préceptes de GTD, qui peuvent séduire un utilisateur donné.

Pour ma part, au fil des cinq dernières années, j’ai essayé sérieusement à peu près tous les ténors du genre : Remember The Milk, Todoist, Nirvana, Zendone, 2Do, FacileThings, Things, The Hit List, Doit.im, et j’en oublie. Je me suis éloigné d’OmniFocus pendant un temps, mais j’ai fini par y revenir pour de bon durablement, et par cesser ma quête incessante de l’outil de productivité idéal : c’est lui, et quand il m’y manque quelque chose, c’est probablement moi qui ne me suis pas posé les bonnes questions.

Mais je mets la charrue avant les bœufs.

Pourquoi OmniFocus

Alors, déjà, oui, disons-le tout de suite, OmniFocus n’existe que chez Apple (pour les utilisateurs Android, on lui préférera 2Do, à qui une grande part de cet article peut s’appliquer, mais en “un peu moins bien”). Mais il fait partie de cette vingtaine d’applications qui rend la vie incomparablement différente du côté aluminium brossé de la force à ce qu’on trouve ailleurs.

En surface, OmniFocus est extrêmement simple, presque décevant, même. Une liste de tâches, des projets hiérarchiques, une interface sobre à la limite de l’austère, un contexte par tâche, et un prix qui fait frémir par rapport aux usages habituels en la matière. Plus un achat intégré “pro”, assez coûteux aussi, qui débloque un certain nombre de fonctionnalités qui, à l’usage, sont indispensables…

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Qu’est-ce qui rend donc OmniFocus différent de la concurrence, alors ?

Le diable est dans les détails. Si le but d’un système de productivité personnel est de fournir à la fois une vision panoramique des tâches et de soutenir le travail sans obstruction, alors OmniFocus est le plus abouti de tous. Le moindre champ, le moindre bouton, tout est conçu pour que l’utilisateur passe, en fait, le moins de temps possible dans l’application pour se concentrer sur ce qu’il fait. OmniFocus est puissamment intégré au système et incroyablement extensible, ce qui signifie que 75% de sa puissance est “cachée” à l’utilisateur lambda qui n’en a pas besoin. Ce n’est pas un hasard si aucune autre application de gestion personnelle n’a généré autant de livres, essais, manuels, séminaires, cours en ligne : OmniFocus est, à bien des titres, le Photoshop de la productivité. Oui, n’importe qui peut tirer de Photoshop un vague dessin mal foutu, mais si c’est pour l’utiliser comme Paint, quel intérêt ?

OmniFocus nécessite un investissement de l’utilisateur, non seulement pour s’en servir à pleine puissance, mais surtout – et c’est la raison pour laquelle, à mon sens, il peut être difficile d’approche – de sa part, pour réfléchir à la manière dont il travaille et ce dont il a besoin. OmniFocus peut devenir à peu près n’importe quoi et s’adapter aux besoins d’un PDG de multinationale comme à ceux d’un créateur indépendant jonglant constamment avec dix projets en parallèle (coucou salut).

Le coup de génie d’OmniFocus est de fournir à l’utilisateur seulement les tâches qu’il a besoin de voir dans un moment ou un contexte donné. À l’aide d’une fonctionnalité “pro” (mais indispensable à mon avis), les Perspectives, OmniFocus propose à l’utilisateur de filtrer ses tâches de manière extrêmement fine selon une dizaine de critères, comme la date limite, le contexte, la date de début d’une tâche, la durée…

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… et cache le reste. Ce qui assure que, des 200 tâches en souffrance, on n’en voie que les 5 réalisables dans l’instant donné. (C’est en cela que l’utilisateur doit réfléchir à son mode de travail : il lui faut construire les perspectives correspondant à sa vie et son usage.)

Quelques exemples personnels vécus :

  • Mon travail s’articule beaucoup autour de longues plages horaires ininterrompues pour l’écriture. Mais je m’arrête toujours 15 à 30 minutes avant de faire une pause déjeuner, de partir en rendez-vous, etc. de manière à m’assurer de bien “sortir” mentalement de l’histoire et, le cas échéant, de me noter de côté d’éventuelles idées pour la suite qui viennent parfois après avoir cessé d’écrire (comme si le cerveau avait du mal à freiner). En attendant, que faire de ces 15 à 30 minutes ? J’ai une perspective me proposant uniquement les tâches de cette durée ou inférieures, ce qui me permet de tirer avantage de cette petite fenêtre de temps au lieu de la gâcher à glander sur Facebook ou de rafraîchir mon courriel. Un colis à envoyer, un formulaire à remplir, tout cela m’attend sagement pour ces petites fenêtres où cela a du sens.
  • Je suis dans une salle d’attente ou sur un quai attendant un train qui partira sous peu. Chargé de bagages, je n’ai que mon iPhone à portée de main et pas envie de déballer plus gros. Un simple clic sur le contexte “iPhone” ou, à défaut “Internet” d’OmniFocus me donne toutes les tâches disponibles sur mon téléphone et que je peux exécuter facilement (une réponse rapide à un mail, une lecture rapide, la recherche d’une information simple…)

Les Perspectives sont ce qui rend OmniFocus quasiment impossible à mettre en défaut. Même avec 500 projets, il est toujours possible de les filtrer intelligemment – à condition que l’utilisateur ait fait ce travail de réflexion en amont, bien sûr. Quelle que soit la quantité de choses à faire, le nombre de responsabilités, OmniFocus peut s’adapter finement et facilement, quand les autres applications, quand elles le font, ne sont pas aussi pointues, subtiles, et malléables. J’ai appris en début d’année une leçon ironique en voulant remplacer OmniFocus par 2Do, le croyant plus puissant à tort : je n’avais pas encore passé suffisamment de temps et d’énergie à m’approprier le premier, après un an d’usage pourtant quotidien. Si je crois qu’OmniFocus ne sait pas faire quelque chose, en général, c’est faux – c’est moi qui ne sais pas comment m’en servir.

Ce qui sépare OmniFocus de la concurrence

Donc, certaines de ces fonctionnalités existent dans certaines applications concurrentes, oui. Mais, comme dit précédemment, aucune n’a l’élégance et le degré de finition d’OmniFocus. Pour les utilisateurs à la recherche d’une réelle puissance, l’application offre en plus quantité de fonctionnalités (très) avancées qui la rendent définitivement incomparable avec la concurrence.

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Révision. OmniFocus est l’une des seules applications à consacrer un volet entier à la revue hebdomadaire (weekly review) qui forme la clé de voûte de GTD. Chaque projet présente un intervalle de révision paramétrable (de la journée à l’année) et l’utilisateur est fortement invité à les passer en revue à échéance. On peut bien sûr le faire à la main, mais c’est très pratique de pouvoir repousser la revue même d’un projet dont on sait qu’on ne peut agir dessus pendant des mois (est-il bien utile de voir chaque semaine de l’été, de l’automne et de l’hiver le projet repoussé au printemps prochain intitulé “Faire ma déclaration d’impôts” ?)

Liens internes. Tout dans OmniFocus peut être référencé avec un lien : un projet, une perspective. Cela permet de construire des tableaux de bord complexes où des tâches de niveau supérieur peuvent lier à des projets individuels, des perspectives, etc. Par exemple, une perspective “Communications” peut récapituler l’ensemble des mails à rédiger, et une liste de tâches quotidienne peut inclure un lien vers cette perspective sous le titre générique “Écrire mes mails”, ce qui allège et simplifie le coup d’œil des tâches de la journée1.

Intégration. Corollaire, OmniFocus parle à à peu près toutes les applications importantes à travers des liens d’application à application. Pour faire clair, un exemple : je reçois un mail nécessitant une réflexion et une réponse longue. Grâce à Airmail, je lie le message à une nouvelle tâche dans OmniFocus décrivant ce qu’il me faut faire sur ce message. Je peux maintenant archiver le message hors de ma boîte de réception (réduisant le stress de voir à chaque fois la même chose à chaque vérification de mon courrier), sachant que la tâche a été identifiée et que j’y reviendrai quand le moment sera venu : ma tâche OmniFocus contient un lien retour vers le message dont il est question, me permettant de poursuivre la conversation.

Automatisation. C’est la version avancée des deux points qui précèdent : OmniFocus est presque entièrement scriptable, ce qui permet de créer des modèles de projets. Exemple : la production d’un épisode de Procrastination nécessite plus ou moins toujours les mêmes étapes (production sonore, rédaction des notes, soumission à mes camarades pour validation, etc.) D’un clic sur un modèle réalisé dans Editorial sur mon iPad, j’ai un nouveau projet tout neuf contenant les dates-butoir adaptées en fonction de la date de publication de l’épisode en question.

Apple Watch. J’ai une Apple Watch depuis six mois (ça aussi, j’en reparlerai) et l’application OmniFocus pour l’appareil est simplement parfaite, pourvu, là encore, qu’on prenne le temps de réfléchir à ses besoins. C’est, très sérieusement, la meilleure intégration que j’aie vu d’une liste de tâches à ce petit bidule. J’ai mes tâches en permanence accessible à mon poignet, tout particulièrement intéressant quand je suis en vadrouille, sans avoir envie de sortir mon iPhone.

Omniprésence. OmniFocus utilise une solution de synchronisation maison, gratuite, qui est incroyablement rapide et fiable – même avec mes 200 projets, je n’attends jamais plus de quelques secondes la mise à jour de ma base sur un appareil que je n’ai pas utilisé depuis longtemps. L’application est disponible sur Mac, iPhone, iPad et Watch, avec, notamment, une quasi-parité de fonctionnalités entre Mac et iOS (et les développeurs ont promis d’accentuer encore la similitude en 2017), ce qu’il faut signaler.

OmniFocus a toutefois trois défauts (à vous de voir si c’est important)

Maintenant, l’honnêteté me dicte de te prévenir, auguste lectorat, utilisateur putatif, que l’application a trois réels défauts dont il faut tenir compte (mais l’un d’eux promet de disparaître en 2017).

Le premier, et pas des moindres, a déjà été évoqué : OmniFocus, c’est Photoshop. Au-delà de la marche d’apprentissage et de l’austérité de l’application, elle place très clairement l’utilisateur dans une situation potentiellement anxiogène qui est de devoir affronter non seulement l’intégralité de ses engagements, mais de réfléchir à la manière dont il travaille réellement et même à la façon dont il vit. Ce qui pousse à un certain nombre de questions pas toujours confortables (mais salutaires, je pense) sur l’existence – c’est un des effets promis par David Allen dans GTD, d’ailleurs. Gérer une vie relativement simple avec OmniFocus est extrêmement facile ; gérer une vie compliquée n’est pas beaucoup plus dur – ce qui le sera, ce sera d’affronter la réalité de cette vie et ce qu’elle implique quand l’outil, neutre, aura fourni à l’utilisateur une vision panoramique de sa propre folie…

Pas de collaboration. OmniFocus ne propose rien pour ça, point. C’est un outil personnel. Pour de la gestion d’équipe, il faut aller voir ailleurs des outils comme Asana.

Contextes uniques (mais ça va changer). Une tâche ne peut avoir qu’un seul contexte, ce qui devient un peu agaçant dans notre époque où les outils de travail sont quasiment omniprésents. Les utilisateurs réclament depuis des années un système de mots-clés plutôt que de contextes uniques (ce dernier parti-pris adhérant au canon de GTD), et les développeurs ont promis que cela venait enfin cette année.

OmniFocus est bon pour la santé

Ouais, bon, j’abuse un peu. Mais pas tant que ça. Comme dit plus haut, OmniFocus est une malédiction et une bénédiction à la fois : il donne à l’utilisateur, vraiment, toutes les armes pour gérer ce à quoi il tient au quotidien comme à long terme. Ce qui peut le plonger, pas si étrangement que ça, dans des abîmes de perplexité, d’introspection, de questionnements sur ses envies, ses désirs, à un point qui peut friser le métaphysique. Mais après tout, ne vaut-il pas mieux se poser toutes ces questions plus tôt que plus tard ? GTD a fait clairement évoluer ma vie de manière très intéressante, m’a rendu moins stressé, plus productif et plus réfléchi ; OmniFocus s’est révélé le compagnon idéal. C’est un peu le Scrivener de la productivité (et si tu suis cet endroit depuis un moment, auguste lectorat, tu sais combien c’est pour moi un compliment). Il fait assurément partie des composants qui me tiendront fermement ancré dans l’écosystème Apple et sans qui je ne m’imagine plus travailler.

Pour l’approcher correctement et accompagner ce questionnement, bien des auteurs ont écrit bien des livres, mais je ne recommanderai qu’un (dont je reparlerai), Kourosh Dini avec Creating Flow with OmniFocus, qui joue à la fois le rôle de didacticiel, référence et réflexion sur le travail et la création autour d’OmniFocus.

Dans l’intervalle, pour acquérir OmniFocus, rendez-vous ici pour la version iOS, et là pour la version MacDe manière générale, si l’envie d’acheter cet outil (ou l’un des autres présentés sur ce site) vous vient, n’oubliez pas de passer par les liens proposés ici – vous contribuez à financer le temps passé à rédiger ces articles gratuitement. Merci !

(Et si vous avez des questions, n’hésitez pas, comme d’habitude, les commentaires sont ouverts pendant quinze jours.)

  1. Un certain nombre d’idées présentées dans cet article sont inspirées ou prises dans l’excellent ouvrage de Kourosh Dini, Creating Flow with OmniFocus (lien affilié), dont je parle en détail ici.
2019-06-04T20:32:14+02:00mardi 30 mai 2017|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur La boîte à outils de l’écrivain : OmniFocus, la meilleure solution de gestion de tâches et projets

Retrouvons-nous dimanche et lundi à St-Malo pour Étonnants Voyageurs

Et hop, la saison des festivals continue, et cette fois c’est un autre rendez-vous annuel qui se profile ce week-end : Étonnants Voyageurs à St-Malo. Le festival se tient comme les ans à travers la ville et sur les quais. Pour ma part, je serai présent dimanche et lundi sur le stand de Critic, comme il se doit, avec l’espoir de m’échapper manger un sandwich sur la plage un jour ou un autre !

Les horaires précis de dédicace seront postés comme toujours sur l’agenda une fois que je les aurai. Bien sûr, La Messagère du Ciel sera disponible sur place. À ce week-end ! 

2017-06-08T17:47:08+02:00lundi 29 mai 2017|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Retrouvons-nous dimanche et lundi à St-Malo pour Étonnants Voyageurs

Entretien vidéo sur le Mont des Rêves autour de La Messagère du Ciel et de la traduction

Merci à l’excellent blog / vlog Le Mont des Rêves, qui fait un splendide travail d’interviews et de dossiers, à tel point que c’en est plus un webzine qu’un blog : l’équipe m’a proposé un petit entretien à la dernière édition d’ImaJn’ère à Angers (2017), et en quelques minutes (et un montage de qualité), nous avons parlé de traduction, d’écriture et bien sûr de La Messagère du Ciel. C’est ici (avec une authentique photo de ma bibliothèque de jeux de rôles en prime) :

2017-06-12T12:15:47+02:00jeudi 25 mai 2017|Entretiens|Commentaires fermés sur Entretien vidéo sur le Mont des Rêves autour de La Messagère du Ciel et de la traduction

Il fabrique des archets, et ce qu’il a à dire concerne tous les créateurs

(C’est bon, j’ai mon diplôme en titre Internet… ?)

Blague à part, c’est vrai. Et c’est bien parce que les paroles d’Éric Grandchamp sur la création au sens large, sur la passion me semblent universelles que je voudrais les partager. Justine Carnec, étudiante en journalisme, m’avait déjà proposé un entretien en février, et elle a réalisé par la suite un entretien avec cet archetier (artisan qui fabrique des archets), Meilleur Ouvrier de France, lequel est passionnant, et dont la lecture me semble pouvoir profiter aux écrivains comme aux créateurs de tous horizons. J’avais donc envie qu’il puisse être disponible au moins quelque part plutôt que de disparaître, et je suis honoré de pouvoir le publier donc, avec l’autorisation de Justine (si tu préfères, auguste lectorat, voici le lien vers l’entretien direct en PDF).

Il habite la grande maison jaune qui donne sur la Baie de Morgat, en Presqu’île de Crozon. Vêtu d’un grand tablier, il ouvre sa porte, le sourire aux lèvres, et nous emmène au deuxième étage. C’est son atelier. Sous la charpente, des machines, des outils, des morceaux de bois… Et un petit établi, face à la fenêtre ouverte sur la mer. Ses mains reprenant vite la pièce qu’il réalisait avant d’être interrompu, Éric Grandchamp, un des meilleurs archetiers au monde après quarante ans de métier, raconte son histoire et son goût pour son métier ; la fabrication d’archets.

Où êtes-vous né ?

Je suis né en Bourgogne, à Alise Sainte Reine. C’est le nom du village où a eu lieu Alésia, la bataille avec Vercingétorix.

Que faisaient vos parents ?

Mon père était ouvrier dans une société métallurgique qui faisait des pièces de très haute précision. Ma mère était femme au foyer, mais elle avait fait un apprentissage de couture. Elle aussi était extrêmement habile manuellement. Comme ils travaillaient beaucoup de leurs mains, tous les vêtements étaient faits à la maison, et une partie des jouets aussi.

D’où vous est venue cette passion du travail manuel ?

Je bricolais souvent dans l’atelier de mon père, à la maison. Et puis, il y avait un ébéniste qui habitait juste en face de chez moi, et il m’arrivait très fréquemment de traverser la rue pour aller dans son atelier, jouer avec les chutes de bois qu’il jetait dans des grosses caisses. Et puis, un Noël, je devais avoir cinq ou six ans, on m’a offert toute une panoplie avec un marteau, une scie, un étau, etc. Je m’en suis énormément servi. Arrivé à l’âge de neuf ans, j’ai commencé à faire de la sculpture tout seul. Vers mes 12 ans, j’ai rencontré une artiste qui n’habitait pas très loin de chez moi. Je pouvais passer tout l’après-midi dans son atelier, à sculpter avec elle. Elle m’a appris les rudiments esthétiques et m’a donné une certaine culture artistique.

Comment vous est venue l’idée de vous lancer dans l’archeterie ?

Je savais déjà depuis tout petit que j’allais travailler dans le bois et de mes mains. C’est une nature, et c’est aussi vital pour moi de travailler de mes mains que de respirer. Je suis allé en colonie de vacances, où j’ai rencontré un violoncelliste, et je suis tombé sous le charme de ses instruments. Je ne connaissais pas du tout le milieu de la musique, mais, à partir de là, il m’est venu plein d’idées. Dès que je suis rentré de vacances, je suis allé à Dijon, rencontrer un luthier. Il m’a consacré un après-midi entier. Il m’a expliqué les métiers de luthier et d’archetier, et il m’a dit « Si tu veux revenir et avoir quelques explications supplémentaires, n’hésite pas à refrapper à ma porte. »

Et ensuite ?

J’étais plus intéressé par le métier d’archetier que de luthier, parce qu’il y a énormément de matériaux différents, un aspect mécanique, et puis un aspect esthétique et sonore qui en font un champ d’expression très large. Là, j’avais 14 ans seulement. J’ai passé ma troisième, et j’ai tenté le concours de l’école nationale de lutherie de Mirecourt. À l’époque, il y avait six cent candidatures pour trois places de luthier et trois places d’archetiers. Mais ça, je ne le savais pas quand je l’ai passé, j’y allais comme un gamin, la fleur au fusil. (rires) Et j’ai eu beaucoup de chance, car j’ai été intégré dès la première année.

Ce violoncelliste, ce luthier, tous ces ateliers, ça vous a donné envie ?

Oui. Je pense que si l’environnement ou les parents n’ont pas éveillé la curiosité chez l’enfant, c’est très compliqué pour lui d’aller se former. Ce qui est regrettable, c’est qu’aujourd’hui, il y a trop d’interdits. On ne devrait jamais hésiter à frapper à une porte et dire « Je suis curieux, est-ce-que je peux voir ? ». J’ai toujours accepté que ceux qui en avaient envie vienne voir mon atelier, même si ce n’est pas toujours évident de consacrer du temps à chacun. Parce que, si l’ébéniste en face de chez moi m’avait dit « Non, c’est interdit aux enfants », si mon père m’avait dit « L’atelier c’est trop dangereux », ou si le luthier m’avait dit « J’ai plein de travail je ne peux pas te recevoir », je n’aurais jamais fait ce métier. C’est très important d’offrir la possibilité à des gens curieux de découvrir d’autres choses.

Y a-t-il une relation, un lien particulier qui se crée entre l’archet et celui qui le fait ?

Complètement. En fait, la fabrication d’un archet, c’est un peu un ménage à trois. Il y a le musicien, l’archetier, et puis tous les matériaux. La baguette est la plus importante, elle a sa propre personnalité. La première chose que l’archetier doit faire, c’est comprendre son client. À partir de là, il choisit une baguette qui va vraiment se marier à la personnalité et aux exigences de ce client. Ça peut prendre deux ou trois jours pour seulement sélectionner un morceau de bois, parce qu’on veut trouver exactement la baguette qui correspond à ce qu’on s’imagine faire pour ce musicien. Chaque morceau de bois, chaque musicien est différent, et on est obligé de changer de stratégie à chaque fois.

Que ressentez-vous quand vous réalisez un archet ou une pièce ?

Comment dire… C’est un compromis. En fait, j’ai à l’esprit une certaine idée de ce que j’ai envie de faire. Mais il faut personnifier mon morceau de bois, en lui demandant ce qu’il a envie de faire, ce qu’il est capable de faire. Et on va essayer de trouver un compromis entre les deux. On ne peut pas aller contre la nature des matériaux, donc il faut bien sentir toutes ces choses. L’archet, c’est une personne à part entière.

Vous diriez que c’est plus un métier, un travail, ou une passion ?

Ah, ce n’est pas un travail, parce que je ne suis jamais allé au travail. (rires) C’est un métier ; ça, c’est sûr. Une passion, aussi. Mais on peut souffrir, même dans une passion. Quand on a la page blanche, ou quand on a le doute, par exemple.

Ça vous arrive ?

Ça doit arriver à tout le monde. Si on est exigeant, on doit avoir cette page blanche de temps en temps. Il y a très longtemps, j’ai eu une période de doute. Je me disais que ce que je faisais n’avait aucune personnalité. Donc, je suis allé voir un très bon ami, et je lui ai dit : « Il y a un problème, j’ai l’impression que ce que je fais ne ressemble à rien. », et il m’a répondu qu’en fait, ce que je faisais était quelque chose de complètement neuf, ça ne ressemblait à rien de ce qui avait été fait jusqu’alors. Et c’est à ce moment-là que je me suis aperçu que j’avais arrêté de chercher l’originalité, pour uniquement chercher l’honnêteté. Et j’ai compris que le chemin était le bon. Il faut se laisser aller, il ne faut pas essayer de plaire ou de se plaire. Il faut être le plus honnête possible. Ça n’est pas évident d’être juste soi-même, ou d’accepter quasiment la laideur plutôt que la copie.

Dans l’art, l’inspiration, c’est très important. D’où vient la vôtre ?

De la vie. Quand on veut trouver l’inspiration, il faut se trouver des belles choses dans la vie. On peut aussi tirer des belles choses de moments qui ne sont pas nécessairement très beaux. Lorsque je vais à la pêche, en fait, je n’y vais pas réellement, je travaille. Il faut se créer un cadre, car l’inspiration vient de l’extérieur. Elle vient aussi de soi, mais si on ne se crée pas un univers tout autour, elle ne viendra pas. Ça peut être la pêche, la sculpture, la bijouterie, la rencontre avec des amis. Comme je disais, je ne suis jamais allé au travail. Ça fait partie d’une vie, quoi.

Jouez-vous d’un instrument ?

J’ai joué du violon, mais je suis un très mauvais violoniste. C’est sans doute un grand avantage.

Pourquoi ?

Parce que, quand j’essaye un de mes archets, si c’est absolument catastrophique, je vais essayer de le régler jusqu’à temps que ma pauvre technique arrive à passer certains caps. Je vais donc sans doute voir des défauts que des bons instrumentistes ne verraient pas. Je n’ai pas envie d’apprendre. Je passe déjà tellement de temps sur mes archets… Je préfère en savoir davantage sur la sculpture, la fonderie, l’art, la culture en général.

Quelles ont été les rencontres déterminantes dans votre parcours ?

Il y a une femme qui était exceptionnelle. J’étais très jeune archetier, j’avais une vingtaine d’années. C’était une Japonaise. C’est la première personne qui a eu vraiment une grande confiance en moi, et c’est elle qui m’a ouvert le marché japonais. C’est une chance inouïe. Elle fait du négoce de violon et d’archets, c’est une personne très importante au Japon.

Comment l’avez-vous rencontrée ?

C’est une histoire à la fois triste et gaie. C’était une période difficile où je n’avais plus de commandes. C’est difficile d’être installé très loin des agglomérations. C’était le mois de mai, et avant d’espérer vendre des archets, il fallait attendre la rentrée des Conservatoires, au mois de novembre. J’avais fait une exposition qui n’avait pas du tout marché dans l’hiver, et c’était la seule adresse que j’avais. Alors, je me suis décidé à la contacter, pour savoir si elle était intéressée pour voir mes archets. Et elle m’a dit oui. Je suis allé à Paris, et, pendant 20 minutes, elle n’a pas prononcé un seul mot, elle a juste regardé mes archets très méticuleusement. Enfin, elle a sorti trois d’entre eux, et m’a dit « Je vous dois combien ? ». (rires) Et elle a ajouté « Bon, c’est très bien, mais il faudrait que tu changes ceci, ceci et ceci. Dans un mois, je repasse à Paris. Tu peux me préparer trois archets comme je t’ai suggéré ? » Alors j’ai dit oui, bien sûr, et c’est comme ça qu’a commencé cette histoire avec le Japon.

Le succès, ça monte à la tête ?

Non. L’humilité est pour moi une des pièces maîtresses parmi les qualités qu’il faut avoir, dans tous les domaines. Il faut mériter tous les jours ce qu’on a acquis. J’ai accroché un seul de mes prix au mur, celui du Meilleur Ouvrier de France. Tous les autres sont dans des cartons. J’ai juste celui-là, parce que ce concours n’est pas un concours contre les autres. C’est un concours contre soi-même. On peut être trois ou quatre à se présenter, et trois ou quatre à avoir la médaille d’or. Ce prix au mur, c’est un peu comme le juge de paix, tu es obligé de le mériter tous les jours. Et en plus, la grosse tête, ça voudrait dire qu’on pose ses valises et qu’on s’arrête, qu’on ne veut plus du tout avancer. Ça ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est d’aller toujours plus loin.

2019-06-04T20:31:36+02:00mercredi 24 mai 2017|Best Of, Technique d'écriture|9 Commentaires

Mercredi à Paris : enregistrement de podcast en live

Un rapide petit mot pour dire que mercredi soir, nous serons doublement hébergés avec Mélanie Fazi et Laurent Genefort (avec qui nous publions notre podcast sur l’écriture Procrastination) : de façon sonore, par l’excellent podcast les Voix d’Altaride, qui parle de jeu de rôle mais pas que, dérivant souvent sur les notions de narration et de game design, et aussi de façon géographique, puisque cet épisode des Voix d’Altaride sera enregistré en live à la splendide libraire Charybde !

C’est à partir de 19h30, 129 rue de Charenton, 75012 à Paris.

 

2017-05-27T13:06:23+02:00lundi 22 mai 2017|À ne pas manquer|Commentaires fermés sur Mercredi à Paris : enregistrement de podcast en live

La photo de la semaine : Carte postale

J’veux dire, qu’est-ce que je pouvais faire avec cette vue sous mon nez.

The Postcard

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2017-05-14T17:42:08+02:00vendredi 19 mai 2017|Photo|Commentaires fermés sur La photo de la semaine : Carte postale

Magie Ex Libris volume 2, Lecteurs nés, est disponible

L’année dernière, à la sortie du Bibliomancien, je confessais que “c’était du plaisir en barre, de l’aventure menée tambour battant, une véritable déclaration d’amour aux littératures de l’imaginaire, à la lecture, à la passion que nous partageons pour le rêve, la créativité, avec en prime des personnages extrêmement attachants et un système de magie dense, hyper bien fichu et profond”.

Et c’est confirmé dans le volume 2. Jim C. Hines réussit à approfondir encore un univers complexe et néanmoins parfaitement accessible, avec le mélange d’humour, d’aventure et de bon esprit qui fait sa marque. Je me suis énormément amusé dans la traduction, la recherche de chaque petite référence et blague (c’est pas tous les jours que vous avez l’occasion d’extirper votre vieux Bestiaire d’AD&D 2 dans le cadre professionnel), le suivi de cette intrigue menée tambour battant. Les relations entre personnages s’étoffent, des secrets affleurent, bref, si vous avez aimé le volume 1, aucune raison de ne pas prolonger le plaisir : le livre est sorti depuis quelques semaines (je suis en retard pour l’annonce…). Et pour mémoire, l’auteur est présent ce week-end en France aux Imaginales, c’est l’occasion de venir le voir !

2017-05-14T17:28:06+02:00jeudi 18 mai 2017|Dernières nouvelles|8 Commentaires

« Une Forme de démence » dans Destinations, l’anthologie des Imaginales 2017

Laissons parler la quatrième de couverture, qui présente l’ouvrage bien mieux que je ne pourrais le faire, et qui est, après tout, faite pour…

Autour du thème des Imaginales 2017, Destinations, l’anthologie officielle du festival, offre ses multiples feux, entre lieux étranges et voyages initiatiques, espaces lointains et abysses glacés, îles englouties et messages de la Voie lactée. Bienvenue au pays de tous les imaginaires !

Couv. Julien Delval

L’anthologie réunit quatorze textes, entre fantasy et science-fiction. Polysémique, notre sujet a entraîné nos auteurs – maîtres du genre et nouvelles plumes – à s’intéresser à la naissance des nations (Le Roi Cornu), au destin de personnages misérables (L’Aiguillon de l’amour), aux vaisseaux spatiaux lancés dans l’espace (Sans destination, Essaimage, Hoorn), ou à une planète apparemment banale (Chrakrouar III). D’autres assument avec brio les archétypes de la fantasy (Bucéphale au coeur des ombres, La Voix des renards pâles, La Source) ou mélangent les genres (FIN, Ivresses et profondeurs, Jehan de Mandeville, Le Livre des merveilles du monde, La Voix des profondeurs).

Une Forme de démence clôt ce volume en nous contant avec émotion le plus étrange des voyages : celui que nous faisons dans l’imaginaire des écrivains.

Je suis très heureux de participer de nouveau cette année à cette splendide série d’anthologies qui, mine de rien, depuis neuf ans (fichtre), promeut la fantasy d’expression française – et tous les imaginaires. Car, auguste lectorat, si tu es habitué de l’événement, tu remarqueras peut-être que la formule de l’ouvrage change légèrement cette année et propose à présent quelques incursions vers la SF et le fantastique, réunissant donc les trois genres de l’imaginaire.

Au sommaire

  • G. D. Arthur
  • Pierre Bordage
  • Charlotte Bousquet
  • Fabien Cerutti
  • Grégory Da Rosa
  • Lionel Davoust
  • Victor Dixen
  • Estelle Faye
  • Loïc Henry
  • Stefan Platteau
  • François Rouiller
  • Jean-François Thomas
  • Adrien Tomas
  • Aurélie Wellenstein

À propos d’« Une Forme de démence »

Inspiré par quelques pérégrinations récentes qui risquent de virer à la monomanie, « Une Forme de démence » relate l’histoire d’un vieux professeur d’université, créateur d’un monde fantastique novateur et unique, qui embauche une étudiante, Edda, pour l’aider à mettre ses notes en ordre. Mais la création, et son créateur, cachent un secret qui risque de renverser à jamais la vision qu’Edda a du monde… et peut-être celle du lecteur également.

C’est une histoire intimiste avec un certain nombre de références cachées (mais nullement nécessaires pour l’apprécier) ; j’avoue qu’avec cette nouvelle, j’aimerais payer en filigrane ma dette au plus grand créateur de monde qui soit, et sans l’imaginaire de qui beaucoup d’entre nous ne seraient probablement pas là.

La page du texte est en ligne sur le site, accessible ici.

L’anthologie est disponible en avant-première pendant le festival, cette fin de semaine, pour une sortie officielle début juin.

2017-10-30T11:39:20+01:00mercredi 17 mai 2017|À ne pas manquer|2 Commentaires

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