Par curiosité et en passant, je suis retombé sur la fameuse scène de l’ordinateur de Minority Report, qui avait frappé en son temps peut-être davantage que le film lui-même : l’interface purement gestuelle, la façon quasiment magique dont les éléments étaient manipulés de manière tactile apparaissaient réellement comme le futur en 2002. Replaçons-nous dans le contexte, la première interface tactile sur un terminal grand public – l’iPhone – allait sortir en 2007 ; la tablette moderne, l’iPad, en 2010. (Évidemment que je sais qu’il y avait des interfaces tactiles et des tablettes avant ; ce n’est pas du fanboyisme Apple que de placer ces deux jalons, je parle d’interfaces grand public, soit connues et accessibles des consommateurs à grande échelle, au point que ces paradigmes s’intègrent à la société et ne soient plus remarquables. Et ce sont ces deux appareils qui en sont grandement responsables.)
Je vous invite à la revoir en l’an de grâce 2021-presque-22 parce que c’est fascinant.
Si vous y prêtez attention, cet extrait, encore considéré dans l’inconscient collectif comme l’avenir des interfaces, commence à appartenir à une certaine forme de rétrofuturisme. Pour manipuler l’interface, il faut des gants spéciaux (alors qu’un système d’intelligence artificielle suffisamment avancé saurait distinguer le geste signifiant du geste parasite, comme on l’a déjà de nos jours avec l’exemple terre-à-terre de la porte automatique) ; aujourd’hui, cette nécessité même semble étrange. Tom Cruise effectue des gestes secs et théâtraux, visiblement peu naturels et codifiés, pour que l’ordinateur comprenne ses entrées (bien sûr, on peut arguer aussi que c’est simplement pour l’effet cinématographique).
Mais surtout, surtout, regardez les grosses ardoises de données transparentes qui permettent de récupérer des informations sur un terminal pour les envoyer sur l’autre, qui se trouve littéralement à un mètre et demi. (Il faut même un opérateur pour le faire.) C’est très joli cette plaque de verre qui s’imprègne des données pour les décharger ailleurs, mais c’est littéralement absurde aujourd’hui, évidemment, sachant que dans mon chez moi en 2021, mon téléphone et mon ordinateur se synchronisent en permanence d’eux-mêmes via ce machin qu’on appelle le cloud1.
L’argument principal du film – prévoir et arrêter les crimes avant qu’ils ne se produisent – reste évidemment pertinent, comme avec toutes les bonnes idées de SF (Fondation fonctionne toujours même si tous les personnages fument et écrase leurs mégots dans ces cendriers « atomiques » – années 1950 obligent).
En revanche, si cette scène dite de l’ordinateur était refaite aujourd’hui, elle serait à coup sûr subtilement différente.
(Bon. Et puis sinon. L’écran transparent, tarte à la crème des interface futuristes, on en parle ? Oui, c’est plus facile pour filmer et ça rend bien, mais dans l’absolu, c’est la pire idée qui soit en termes d’expérience utilisateur.)
- On pourrait arguer, d’ailleurs, que le procédé du transfert de données manuel était déjà dépassé avec la technologie de 2002 – je veux dire, on avait déjà Internet et des réseaux informatiques pour imaginer la chose. ↩
C’est vrai que c’est amusant à revoir !
Et finalement, je ne trouve pas beaucoup d’exemples de mémoire avec des interfaces futuristes qui soient toujours pertinentes aujourd’hui…
Finalement, le plus rétro (la console texte) reste le socle de pas mal de métiers pointus et d’admin systèmes, mais c’est pas vraiment grand publique.
Ce qui est cocasse, dans un sens, c’est la propension des œuvres futuriste à vouloir toujours réinventer la roue avec des concepts plus ou moins heureux (mais faut émerveiller, hé !) alors qu’encore aujourd’hui, si le tactile s’impose sur smartphone et tablette, on est très loin d’abandonner le couple clavier/souris pour l’informatique grand public.
Carrément ! Même la tentative d’Apple de faire de l’iPad l’ordinateur de l’avenir a fait long feu. Ils ont fini par sortir un combo clavier / trackpad… Quoi qu’on fasse, ça serait toujours beaucoup plus précis que le tactile.
Le seul truc de mémoire récente qui était plutôt bien vu, c’étaient les PADD de Star Trek Next Generation, qui préfiguraient nos tablettes. Ça a juste mis 20 ans à arriver au lieu de 3 siècles 😁
« L’écran transparent, tarte à la crème des interfaces futuristes, on en parle ? »
Boulet, oui (et il n’est sûrement pas le seul. Mais c’est Boulet, quoi.)
http://www.bouletcorp.com/2021/01/20/ralerie-technologique/
(J’aime bien réagir uniquement sur le point ultrasecondaire d’un billet 😉 )
Aaaah je suis joie qu’il ait réagi, c’est quand même l’inventeur du merveilleux formicapunk 😁
Ce n’est pas du tout un point ultrasecondaire ! C’est vital ! C’est agaçant ! Boulet a raison ! Faut que ça cesse !
(Un peu dans le même genre, ça me rappelle les feuilles de papier aux coins rognés de Battlestar Galactica. WTF)
C’est vrai que cette technologie commence à appartenir au futur du passé, mais (car il y a un mais ^^) le transfert de donné d’un terminal à l’autre par action physique d’un humain n’est pas aussi has been que ça peut en avoir l’air !
Deux cas d’usage très pratique où on fait ça aujourd’hui : le débit et la sécurité.
Le débit d’abords. Même avec les connexions les plus performantes, le débit reste limité, et pour des cas de volume d’informations énormes, il est parfois plus rapide de mettre des data center dans des camions pour transporter physiquement la donnée (amazon à même un service pour ça : https://aws.amazon.com/fr/snowmobile/)
La sécurité ensuite. Quand on manipule des données sensibles, il est utile d’avoir un réseau qui ne soit pas du tout connecté à internet (ça limite pas mal la surface d’attaque pour un hacker, qui doit du coup être sur place pour pouvoir faire quelque chose) mais c’est aussi pratique que les employés aient accès à internet pour bosser. Dans ce cas on a 2 réseaux : un totalement hors ligne et un connecté à internet, et ces 2 réseaux ne sont pas interconnecté (si non ça sert à rien ^^’). Du coup pour transférer des donnée d’un réseau à l’autre la solution de la clé usb entre deux terminaux séparé de 1m n’est pas si saugrenue que ça.
Cela dit, dans le film je ne pense pas que ces points aient été réfléchit, mais je me disais que c’était quelque chose d’intéressant de faire savoir que ça se fait encore ce genre de choses 🙂
Wahou! Merci beaucoup pour ces précisions, c’est super intéressant et c’est évidemment tout à fait vrai ! Je ne l’ai pas du tout pris en compte ici !
Ça me rappelle ce vieil aphorisme des débuts du Net, « le meilleur débit est offert par un camion rempli de disques dur, mais le ping est pourri » 😁
Mais de rien ! Il faut bien que ça serve de temps en temps d’avoir tout ça fourré au fond de ma tête 😉 Je ne savais pas qu’il y avait un dicton sur les camions et les disques dur, mais c’est vrai que le ping est bien nul ! 😀