Selon les mots de Mediapart ; lire aussi l’article d’Actualitté et la brève d’Elbakin.net, qui sont en accès libre.

C’est une grande victoire pour les victimes, et un signal fort, profondément réjouissant, que non, on ne tolérera pas davantage ce genre de comportements dans l’édition ; que les professionnels doivent se comporter en tant que tels et que, surtout, les gens de façon générale doivent se comporter, oserais-je dire – avec humanité et respect ?

Tous ceux (parce que ce sont dans leur vaste majorité des “ceux”) qui déplorent aujourd’hui la victoire d’une “vindicte populaire” (les chevaliers de forums et de réseaux courageusement cachés derrière leurs pseudos) sont à côté de la plaque pour beaucoup trop de raisons, mais essayons quand même.

Tout d’abord, comme dit la dernière fois, le système est lourdement biaisé contre la parole des victimes ; si l’on tient à s’indigner de l’absence d’intervention de la justice dans cette histoire (même si c’est fallacieux, voir le second point), qu’on s’indigne donc de l’absence d’intervention de la justice dans toutes les histoires de ce genre, et de son inaction (ou impuissance, éventuellement, selon les cas et la manière dont on veut le voir). En d’autres termes, elle n’intervient pour ainsi dire jamais, et c’est ça le vrai problème de fond, dont le cas Stéphane M. représente hélas un symptôme parmi bien d’autres ; dans la situation encore actuelle des institutions, seul un privilégié peut clamer confortablement à la présomption d’innocence et l’appel de la justice, car il demeure un biais bien commode – les deux demeurent, encore, en faveur du privilège.

En outre, l’article de Mediapart révèle des pressions internes à l’entreprise pour faire changer les choses, sans rapport avec une quelconque “vindicte populaire”. Le 30 avril, le comité social et économique de l’entreprise votait, à plus des deux tiers, une résolution exprimant son soutien aux victimes de harcèlement, mais c’est le silence que Stéphane M. a choisi. En d’autres termes : les forces du changement étaient déjà à l’œuvre en interne ; l’indignation publique et les démarches des autrices ont favorisé un mouvement désiré au sein de Bragelonne même.

La “terreur” qui saisit certains espaces de parole est mystérieuse au sujet des affaires de ce genre (“on peut plus rien dire, plus rien faire !” – et vous voudriez dire et faire quoi, exactement ?) car un truc n’est pourtant pas bien difficile à comprendre dans toutes ces histoires : il s’agit juste, qui qu’on soit, de se comporter décemment avec les gens. Et plus encore quand on est dans une situation d’autorité professionnelle. Soyez décents, c’est tout ce qui vous est demandé ; soyez-le et vous n’aurez rien à craindre, car c’est avant tout la somme de ses actes qui dessine quelqu’un, à l’instar du cas présent. Paraît même qu’on appelle ça le karma.