Liens entre traduction et écriture

Ansset posait en commentaire la question suivante :

Le fait de lire / traduire de l’anglais apporte-t-il un plus à l’auteur que vous êtes (ou « vous a-t-il apporté beaucoup au début ? »)

C’est une question qui revient assez souvent, aussi mérite-t-elle peut-être un billet à elle seule.

Oui, lire l’anglais est un gros plus. En-dehors de la réponse un peu classique sur l’ouverture au monde et à des cultures différentes que constitue l’apprentissage d’une autre langue, c’est bêtement très utile pour les recherches académiques (on trouve plus de choses en anglais en accès libre et même des ouvrages plus pointus). D’autre part, cela aide beaucoup pour l’étude de la technique de l’écriture (laquelle est bien plus documentée en langue anglaise). Mais c’est la partie émergée de l’iceberg.

La traduction est une excellente école d’écriture (même si je ne recommanderais pas de passer spécifiquement par là pour écrire, comme me le demandait Galactic Sud : cela ressemblerait à s’entraîner au saut en hauteur dans le but de pratiquer un marathon – certes, cela muscle les jambes, ce n’est pas vain, mais autant attaquer directement par la course à pied). En effet, elle exige de travailler tous les domaines purement techniques de la rédaction de fiction, à savoir ceux qui relèvent de la langue : rythme, registre, exactitude, concision, style, etc. Et même, contrairement aux idées reçues, la part de création n’est pas absente de l’exercice comme dans le cas des recherches de néologismes ou la traduction de poésies : toute traduction est nécessairement une adaptation qu’on veut la plus fidèle possible, mais le texte est obligatoirement présenté à travers le filtre de la sensibilité du traducteur. C’est cela qui fait de la traduction littéraire une pratique nécessairement humaine et impossible à automatiser.

La traduction entraîne  à avoir une attitude professionnelle vis-à-vis de l’écrit : c’est un matériau qu’il faut plier à sa volonté et cela contribue à désacraliser sa propre production. Il faut couler dans le style de l’original, sa pensée, ses intentions, et les retranscrire fidèlement en tirant parti de tout l’éventail d’expression de sa propre langue, mais en communiquant l’effet de l’original – changer de registre en conservant la même force. À ce titre, cela permet aussi de sortir de sa propre zone de confort en défrichant d’autres modes d’expression, en adoptant d’autres genres, d’autres modes de traitement, en les voyant en action. Mais la traduction représente aussi la lecture la plus profonde que l’on peut faire d’un texte puisqu’il s’agit de se l’approprier pour le restituer en réussissant un perpétuel numéro d’équilibriste entre fidélité et naturel : on réalise presque inconsciemment une analyse permanente du texte et l’on décortique par conséquent les techniques employées par les meilleurs, qu’il s’agisse de construction d’intrigue ou de personnages. C’est évidemment très instructif et nourrissant pour sa propre plume.

En un mot, la traduction littéraire a pour effet secondaire d’associer analyse profonde de la fiction et pratique de l’écriture dans un but précis. C’est donc, pour moi en tout cas, un excellent exercice qui m’a beaucoup appris et j’ai nettement senti un saut dans mon aisance (et la qualité de la production ?) dès que je me suis mis à la pratiquer de façon professionnelle.

Pour compléter, quelques entretiens extérieurs où le sujet a été également abordé : sur IfIsDead ; par Lucie Chenu sur nooSFere (l’entretien date un peu, il remonte à 2003) ; le dossier traduction réalisé par ActuSF.

Illustration par Underdark, licence CC-BY-SA-3.0.

2014-08-05T15:23:06+02:00lundi 13 décembre 2010|Best Of, Technique d'écriture|3 Commentaires

Question : du pouvoir des noms

Une question qu’on m’a présenté de visu lors d’un atelier d’écriture, cette fois ; j’avoue que je ne me l’étais jamais posée en ces termes, mais comme toujours, si une personne s’y trouve confronté, j’imagine qu’elle n’est pas la seule :

Je me demandais comment on choisit le nom d’un personnage. Est-ce qu’il y a des règles ? Comment y arrive-t-on ?

Comme pour tout en art, il n’y a pas de règles gravées dans le marbre. En revanche, il y a un certain nombre de lignes directrices qui peuvent rendre la vie plus facile, à l’auteur comme au lecteur.

Je pense que la première et la plus importante – et là, oui, cela s’apparente peut-être à une règle – c’est d’avoir un nom qui « sonne » juste pour toi, l’auteur. Certains personnages se présentent à soi déjà complets, et ils ont fréquemment le nom qui leur va ; ou même, certains patronymes peuvent obséder l’esprit, exigeant qu’on raconte l’histoire de la personne qui va derrière. J’aurais tendance à recommander fermement de ne pas modifier ces noms-là : ils portent une charge émotionnelle inconsciente et une envie qu’il serait dommage d’assécher. Les noms sont, il me semble, quelque chose d’éminemment personnel en écriture ; leur sonorité et peut-être, même, le passé qui s’y trouve attaché porte des résonances insondables, même pour l’auteur (si, par exemple, tu as été harcelé en maternelle par un sale garnement appelé Innocent, cela ne t’évoquera pas un pape). Elizabeth George parle d’un cas où elle n’est arrivée à cerner l’un de ses personnages qu’après l’avoir changé de nom.

Néanmoins, il existe un certain nombre de critères plus objectifs. Si les noms portent des connotations pour l’auteur, il en est de même pour le lecteur – et avec les connotations viennent des attentes. Par exemple, un homme nommé Wilston Herbertshire Ruperford IV ne vient manifestement pas du même milieu social que Bob Lalose. Note ce que je viens de faire : ces noms sont visiblement outranciers et n’existent pas (on l’espère). Si je mets en scène Bob Lalose, on se doute aussitôt que l’on a affaire à une satire ou à une comédie. Mais je pourrais parfaitement faire de Bob Lalose un playboy avocat pilote de F1 à qui tout réussit parce que, obsédé par son ridicule état-civil, il ne supporte pas l’échec. Voilà qu’on pourrait basculer dans la chronique sociale. Si je présente un clochard nommé Wilston Herbertshire Ruperford IV (alors qu’on s’attendrait à un chevalier d’industrie), une foule de questions surgit : s’agit-il d’un riche héritier qui a tout perdu ? Est-ce un nom qu’il s’est donné tout seul – et est-il alors un peu cinglé ? Le nom peut évidemment être pris à contrepied pour surprendre le lecteur – comme dans l’exemple du sale garnement appelé Innocent. Bref, dans tous les cas, le nom n’est pas neutre : même s’il est quelconque, il révèle quelque chose au sujet de son porteur – un type a priori quelconque (mais peut-être appelé à un grand destin).

Le nom révèle beaucoup d’autres indices : l’origine culturelle (Jean-Alfred Mastard contre Daisuke Takashi), l’âge (en France, on imagine Jennifer plus jeune que Gertrude), même le caractère (Ophélia sonne plus romantique que Marcel). Ce n’est évidemment pas une science exacte et il ne faut surtout pas en faire un code (ce qui se verra tout de suite), mais, employés correctement, ces indices peuvent parachever l’image du personnage auprès du lecteur en lui fournissant une ancre cohérente.

Pour parvenir à ce résultat, je ne connais guère d’autre méthode que celle de l’essai / erreur : réfléchir à l’origine sociale et culturelle et jongler avec les prénoms et patronymes courants ; prendre une grande feuille blanche et isoler les syllabes qui séduisent l’oreille, puis tenter une myriade de variations autour jusqu’à parvenir au résultat qui « sonne » juste. Et, évidemment, s’autoriser à changer en cours de route si l’on perd cette « connexion » avec le personnage que l’on construit. Le lecteur ne verra peut-être pas quelle différence cela peut bien faire que l’héroïne s’applle Cailtyn ou Kathleen mais, dans l’écriture, cela peut bien signifier la différence entre une identification réussie et poussive.

Photo via le site de la ville de Saint Palais sur Mer.

2014-08-05T15:23:06+02:00mercredi 8 décembre 2010|Best Of, Technique d'écriture|1 Commentaire

Question : être prêt pour écrire

Une question arrivée il y a maintenant quelques semaines (mes excuses pour le délai de réponse, mais j’ai essayé de prendre le temps d’y réfléchir) :

J’aimerais connaître ton avis sur le degré de connaissance que nous devons avoir de nos personnages avant de commencer à écrire. […] Qu’est-ce que je dois poser sur mes fiches pour me dire : « A y est, je peux prendre le stylo, je suis prêt » ? […] Bien évidemment, ces questions sont reportables – et reportées – sur l’intrigue, sur l’environnement, sur les persos secondaires, etc.

Hélas ! Il n’y a pas de réponse universelle. Ce dont on a besoin, c’est ce qu’il faut pour conduire l’histoire à son terme, et cela varie énormément d’un auteur à l’autre.

À la première extrémité du spectre, il y a (selon les catégories définies par Francis Berthelot dans Du rêve au roman) les scripturaux : ceux qui découvrent l’histoire au fur et à mesure qu’ils l’écrivent, sans plan, qui se jettent à corps perdu dans la mêlée en gageant que les personnages et les situations dévoileront eux-mêmes leur potentiel. De toute évidence, la préparation est ici minime (en tout cas au niveau conscient) et ces auteurs, à ce que j’en sais, « sentent » intuitivement le moment où ils peuvent se jeter à l’eau.

À l’autre extrémité, il y a les structurels, qui planifient, préparent, travaillent sur des notes détaillées avant la rédaction proprement dite (je devine à te lire que tu es plus dans cette optique-là, et moi aussi).

Le problème, c’est que, comme je le disais, c’est un spectre. Personne n’est vraiment tout l’un ou tout l’autre ; certains scripturaux vont récapituler où ils en sont en cours de route pour décider où conduire leurs vagabondages ensuite ; certains structurels vont suivre un chemin de traverse qui leur est venu sur le moment. Je crois que ça se résume à une question viscérale d’apprendre à se connaître, d’une part pour savoir quand on se sent prêt à écrire, mais surtout pour savoir précisément ce dont on a besoin pour le faire. Certains voudront tous les détails du passé du personnage ; pour d’autres, un nom bien trouvé suffira. Le pire, c’est que ça peut changer d’un projet à l’autre, d’un personnage à l’autre. Chiant, hein ?

D’autre part, il est fréquent de se croire prêt, de se lancer dans l’écriture, bouillonnant d’envie… Pour se rendre compte 100 000 signes plus tard qu’on n’a pas préparé les informations nécesssaires – ou, pire, qu’on a pris une mauvaise direction (ça m’est arrivé plus d’une fois).

Je pense qu’un début de réponse se situe dans l’objectif visé. Écrire est par essence un acte intimidant qu’on peut très bien repousser sine die sans attaquer grâce à ces merveilleux dérivatifs que sont les recherches et l’accumulation de détails. Sauf que ce travail, d’une part, ne compte pas vraiment dans la rédaction du récit final, d’autre part, il peut même s’avérer paralysant. Même le plus minutieux des structurels va rencontrer un éclair d’inspiration qui va entraîner son histoire dans une direction plus intéressante ; à trop planifier, on peut corseter les envies et perdre l’élan vital de son histoire.

Il me semble donc utile, quand on est structurel, de cerner avant tout ce qu’on essaie de faire de son récit. Si j’écris une chronique sociale des ateliers de confection dans l’Angleterre victorienne, j’ai intérêt à m’y connaître en confection et en Angleterre victorienne. Mais si je parle d’une femme qui a, entre autres loisirs, la couture, peu importe que je sois un expert en la matière : ce qui compte, c’est que cela fasse sens pour mon histoire. Cette personne présente peut-être des penchants pour la nervosité et le perfectionnisme : la couture est ainsi un bon exutoire car elle permet à la fois de se détendre en satisfaisant un certain goût pour le travail bien fait. C’est en cela que ce détail est important. L’essentiel ici est de connaître le moteur, pas les conséquences (dans la même optique, toutes choses étant égales par ailleurs, mon personnage aurait parfaitement pu s’adonner au macramé ou à la peinture sur soie). Car c’est le moteur qui met les éléments de l’histoire en action, pas un inventaire de détails disparates.

Savoir ce qui fait sens dans le projet, voilà à mon sens le minimum à connaître : ce qui donne vie, pilote les choix des personnages et de la narration elle-même, l’information critique qui donne une direction « vitale » à l’ensemble. C’est ce que j’appelle – très humblement et surtout pour moi-même – la « volonté de l’histoire » (ou des personnages), soit ce qui dicte sa propre logique, sa propre énergie, de manière à conduire à la réalisation du potentiel contenu dans la situation de départ1.

Le reste, je pense, s’improvise ou se recherche en cours de route quand le besoin s’en fait sentir (détails, évidemment, qui peuvent prendre une importance capitale par la suite, mais cela fait partie du jeu et de ses risques).

Et toi, auguste lectorat, as-tu un avis différent ou des expériences à partager ?

(Photo Niklas Bildhauer [licence CC-BY-SA] via Wikimedia Commons)

  1. Oui, ça rejoint beaucoup l’energeia d’Aristote.
2014-08-05T15:23:06+02:00mercredi 24 novembre 2010|Best Of, Technique d'écriture|7 Commentaires

Inventaire des points de vue

Disclaimer : cet article chercher à traiter la question de manière globale afin de donner des lignes directrices capables de couvrir 90% des cas. Mais il y aura toujours des contre-exemples, des solutions particulières, des destructurations post-modernes. Sans vouloir commettre, ô auguste lectorat, le péché de l’autocitation, je vois dans mon propre cas plusieurs occurrences où le mode narratif employé ne rentre exactement dans aucune des cases, notamment dans la novella « L’Importance de ton regard ». C’est de l’art, il n’y a que des conventions, et le but ici est de les appréhender.

Narrateur et point de vue

Le point de vue, dans un récit, est indissociable de la notion de narrateur, même si les deux concepts recouvrent des réalités légèrement différentes. Toute histoire est forcément racontée (pour être transmise), et le ou les moyens employés définissent le mode de narration et donc le point de vue.

Le narrateur est celui qui raconte l’histoire. Ce n’est pas forcément un personnage, il n’a pas forcément une identité claire, ni n’est même obligatoirement un choix possible dans notre réalité consensuelle. L’exemple qui vient immédiatement à l’esprit le récit raconté à la première personne par celui qui la vit, mais je proposais la semaine dernière un interrogatoire de police raconté par une plinthe. Narrativement, les deux sont tout aussi valides.

La connaissance que le narrateur a du récit en train de se dérouler définit le point du vue. Y réfléchir et le choisir est extrêmement important car, pour respecter la cohérence de l’histoire – et donc maintenir la suspension d’incrédulité du lecteur – il impose toutes sortes de limitations et de contraintes sur le récit. Par exemple, le narrateur ne peut pas raconter ce qu’il ignore – ou bien il ne peut pas retenir indéfiniment des informations vitales dans le but de prolonger articiellement le suspense. Sa vision des choses peut colorer le compte-rendu, etc.

Il convient donc de réfléchir aux effets, à l’ambiance que l’on souhaite créer, pour choisir le mode de narration adapté. Il est évidemment possible de changer de mode de narration dans le même récit, à condition de guider clairement le lecteur, en général par des ruptures entre scènes (ton serviteur, ô auguste lectorat, kiffe la tech).

Types

Les modes de narration se découpent grossièrement selon un arbre dichotomique (dans un article théorique, il convient d’employer des mots de plus de trois syllabes). Les catégories sont parfois poreuses ; ce qui compte est l’effet sur le lecteur, le transport provoqué  par le « rêve fictionnel », et non un respect borné des catégories.

La première distinction concerne la position du narrateur relativement aux personnages de l’action.

Narrateur intérieur

C’est le cas qui venait immédiatement à l’esprit cité plus haut : le narrateur est un personnage de l’action. Il raconte son histoire, à la première personne, généralement après coup (au passé) ou au présent (déroulé des événements au fur et à mesure).

Narrateur extérieur

Dans ce cas, le narrateur est – par rapport au temps de l’action en tout cas – extérieur à l’histoire, c’est-à-dire qu’il la relate à la façon d’une caméra de cinéma au champ plus ou moins large.

Narrateur omniscient

Le narrateur omniscient tient du démiurge. Il sait tout des tenants et des aboutissants du récit, connaît la moindre pensée de chaque personnage, ce qu’il a mangé le matin et le numéro de la plaque minéralogique de la voiture qui le tuera au chapitre 14. Conserver une forme de suspense peut être difficile dans ces conditions, par exemple dans les relations – et les malentendus – entre individus. Ce narrateur peut être neutre ou non (et souvent, il ne l’est pas) ; il peut se contenter d’un compte-rendu objectif, ou bien avoir une voix propre, émaillant par exemple le récit de remarques plus ou moins intrusives (ressort classique du registre comique, par exemple).

Narrateur aligné

Peut-être l’une des formes les plus faciles à manier. C’est ce qu’on appelle également la narration « personnage-point-de-vue » : l’auteur choisir un (ou plusieurs) personnages et relate l’histoire à la troisième personne, mais à travers ses yeux. Il connaît ses états d’âme et ses secrets, nous les fait partager – mais uniquement les siens. On peut raffiner plus encore la distinction :

  • Narrateur aligné strict : le narrateur ne sait et ne relate que ce que le personnage sait et peut connaître. Les perceptions sont directes. En ce sens, c’est assez voisin du narrateur intérieur, mais facilite les alternances de point de vue. Il laisse transparaître sans filtre le ressenti du personnage qu’il raconte.
  • Narrateur aligné distancié (« caméra à l’épaule ») : le narrateur ressemble à Jiminy Crickett posé sur l’épaule du personnage (mais bon, un Jiminy Crickett qui posséderait des tentacules psychosensitifs enfoncés dans le cortex du personnage). Tout en partageant les connaissances du narrateur aligné strict, son champ de vision est légèrement plus large que celui du personnage dont il relate l’histoire, ce qui permet un peu de recul.

Narrateur ignorant

Le narrateur ne sait rien des motivations, états d’âme, secrets inavouables des personnages dont il assiste aux faits et gestes : il n’a que ses perceptions pour se guider. La plinthe assistant à l’interrogatoire serait probablement un exemple de narrateur ignorant (sauf si elle assiste régulièrement aux 5 à 7 du commissaire avec sa secrétaire sur le bureau, lui donnant un élément d’information sur l’ambiance dans les locaux). Ce narrateur peut là aussi être neutre (compte-rendu strictement objectif) ou non (ce qui serait probablement le cas de notre bas de mur en bois envisageant de porter plinthe – j’en crevais d’envie depuis tout à l’heure – pour attentat à la pudeur).

Pour aller plus loin…

Je ne saurais trop recommander le Comment écrire des histoires, Guide de l’explorateur d’Élisabeth Vonarburg aux éds. Le Griffon d’Argile. En plus d’être un des rares livres de technique en français, il comporte une section très complète sur la problématique du point de vue, une des mieux fichues que j’aie jamais lue, en anglais comme en français. (Critique d’ailleurs sur cet ouvrage à venir.) Pour les intéressés, le livre se commande chez l’éditeur, ici.

2014-08-05T15:23:06+02:00mercredi 3 novembre 2010|Best Of, Technique d'écriture|5 Commentaires

Question : choix du point de vue

Une autre question qu’on m’a posé de visu, cette fois :

Comment puis-je savoir le meilleur point de vue à adopter pour mon histoire ? J’ai deux personnages, l’un plutôt blasé, l’autre un peu instable sur les bords, qui se complètent et se couvrent mutuellement. J’aimerais bien passer de l’un à l’autre, mais j’aimerais aussi installer leur relation progressivement de manière à ce que le lecteur ne se rende pas compte tout de suite des enjeux de leur association. Si j’alterne les points de vue, est-ce que je ne risque pas de casser mon effet ?

La réponse facile est : si, mais à toi de te débrouiller pour slalomer entre les trous…

Je sais, je sais. Tu l’as bien compris, mais comment fait-on ?

Plus sérieusement, cette réponse lapidaire n’est pas aussi gratuite qu’il y paraît. Chaque histoire a sa propre dynamique et, sans connaître tes personnages moi-même, sans même être toi, je ne peux pas te donner une réponse toute faite qui réglera ton problème. Le choix du point de vue est si central à l’écriture de fiction qu’on pourrait sans problème écrire un livre sur la question. En revanche, il y a peut-être quelques pistes qui pourront t’aider – ce billet sera forcément un peu simpliste et lapidaire, mais j’espère qu’il saura mettre en relief les enjeux.

Tout est subjectif (ou pas)

Le choix du point de vue est une question fondamentale qu’on néglige ou expédie parfois, alors que son choix peut faire ou défaire un récit. En effet, le point de vue dicte en grande partie le ton, et donc la dynamique de l’histoire. Si je traite de l’ascension de l’Everest, je n’écrirai pas le même livre en prenant le point de vue de l’alpiniste (aventure ! danger ! dépassement de soi !) ou de sa femme restée à la maison (soirées thé ! réflexions sur le quotidien ! Madame Bovary !). Tu as donc parfaitement raison de t’interroger en amont de la rédaction.

C’est déjà un premier élément de réponse : si tu prends donc tes personnages en troisième personne « caméra à l’épaule » (personnage-point-de-vue) ou à la première personne, soit les deux formes les plus courantes, tu es limité (approximativement) à leurs perceptions, leurs opinions, leur vision du monde. Ce qui est un atout, car c’est un excellent outil de caractérisation, mais aussi un handicap, si, mettons, tu cherches à cacher un élément à ton lecteur. Prends un récit policier dont l’enjeu est de trouver qui a tué le docteur Lenoir. Si tu passes sur le point de vue du colonel Moutarde, qui sait parfaitement bien qu’il a dézingué Lenoir dans la véranda avec le chandelier, il va être très difficile de le cacher au lecteur à moins d’une bonne raison, et celui-ci risque de se sentir floué si tu n’en dis rien. Mais vu que l’objectif de ton récit est de trouver qui a tué, tu casses la dynamique de ton histoire. Solution : dans ce type de récit, tu ne passes pas sur Moutarde (à moins de tricher : amnésie, folie passagère, etc.).

Dans le cas d’éléments moins centraux, tu peux les dissimuler un moment en faisant diversion avec l’intrigue ; après tout, ton personnage-point-de-vue est là pour raconter ce qu’il lui arrive, pas pour récapituler quinze ans de psychanalyse à chaque fois qu’il sort le lait du frigo, et on veut le voir agir. Mais il faut se montrer très adroit et subtil si tu veux cacher au lecteur des éléments que, selon toute vraisemblance, il devrait savoir : ce genre de dissimulation paraît souvent artificiel, ce qui rompt la suspension d’incrédulité ou brise le « rêve fictionnel », comme dit Gardner.

Mais c’est aussi un atout car tout personnage, comme dans la vie réelle, projette son vécu, sa vision du monde, sur ce qui l’entoure. Là, en revanche, tu as un outil puissant et cohérent pour lui donner, en quelque sorte, des « angles morts » dans sa vision du monde. Un sociopathe ne voit pas la réalité comme le reste de la population, par exemple, ce qui peut parfaitement justifier que des détails, des subtilités dans les relations humaines, lui échappent et donc, si tu réussis bien ton coup, échappent à ton lecteur. De façon plus simple, pourquoi ton protagoniste récapitulerait-il ce qu’il sait pour son seul bénéfice ? Ce sont ses initiatives qui nous l’apprennent, et les conséquences qu’elles entraînent sur sa psyché ; c’est une façon de construire une personnalité par strates successives, in media res.

Le point de vue est le véhicule par lequel on entre dans un récit : si le véhicule a une roue crevée et une fuite d’huile, on restera sur les grandes routes, et tant pis pour les montagnes. Tu peux donc forger ton point de vue en accord avec l’effet que tu cherches à rendre ; il faut alors te poser la question de ton intention narrative, pour réfléchir à la meilleure façon de la transmettre.

La piste active

Holly Lisle propose pour sa part une règle extrêmement simple : il faut choisir le point de vue qui en sait le moins. Je suis méfiant avec les « règles » mais le conseil n’est pas sans mérite. Le plus ignorant, dans une scène, est souvent celui qui a le plus de raisons d’agir (et propose donc la narration la plus intéressante), et celui qui pourra le mieux exposer la situation au lecteur, puisqu’il a lui-même besoin de la comprendre. Il ne faut évidemment pas pousser l’axiome dans ses derniers retranchements (le point de vue de la plinthe lors d’un interrogatoire de police n’a pas grand intérêt, à part peut-être pour du postmoderne) mais, si l’on reprend l’exemple de l’assassinat de Lenoir, on a logiquement envie de suivre l’enquêteur qui devra démêler les faux-semblants, collecter les indices, etc. Bref, c’est une astuce commode qui peut aider à prendre une décision rapide dans les cas simples.

2020-10-12T16:36:43+02:00vendredi 29 octobre 2010|Best Of, Technique d'écriture|13 Commentaires

Elizabeth George, Mes secrets d’écrivain

Comme bien des livres de technique écrits pas des grands noms, Mes secrets d’écrivain (titre un peu bling-bling par rapport à l’original Write Away, soit un appel positif à l’écriture sans complexes) se place entre le livre de technique aride et les mémoires d’auteur. C’est la même approche que Patrica Highsmith avec son Art du suspense, mais George propose un volume bien plus intéressant et profitable.

La première partie, « Vue d’ensemble du métier »1, récapitule de façon très générique ce qui fait la chair d’une histoire : personnages, atmosphère, intrigue. C’est là qu’elle attaque sans ambiguïté sur son « story is character » (une histoire, ce sont des personnages), une déclaration éventuellement discutable mais dont la démonstration est d’un grand intérêt, surtout pour tous ceux qui ont tendance à se laisser entraîner par leur monde.

La deuxième, « Les bases », est la plus technique : George ne craint pas de dévoiler étape par étape la façon dont elle construit ses romans, livrant de nombreux « trucs » pratiques pour dynamiser un dialogue, organiser les scènes. George a fait des études de psychologie et cela se sent : son approche des personnages est très psychanalytique, peut-être trop pour certains, mais j’aurais tendance à penser que tout écrivain doit avoir une part de psychologue en lui pour construire des personnages humains, complexes, vraisemblables et donc intéressants. Elle explique notamment en grand détail son approche des besoins et objectifs de chacun, à travers le « besoin fondateur » et la « manoeuvre pathologique« , deux germes incroyablement simples et précieux pour guider l’écriture.

La troisième et la quatrième sont plus attachées au processus de construction en lui-même, et on trouve là moins d’informations originales, à part, peut-être, l’emphase énorme que place George sur la discipline d’écriture : elle le dit sans détours, selon elle, c’est la seule qualité indispensable à la réussite, devant la passion et le talent. Un coup de pied au derrière taille 72, toujours bienvenu. La dernière partie est la moins intéressante, concentrée autour d’exemples et d’études de cas tirés de son propre travail.

Ce qui rend ce livre aussi intéressant à mon sens est une véritable envie pédagogique. George ne prétend nullement enseigner une méthode infaillible de réussite, mais elle met à nu son propre processus de création en partageant au fil de l’eau quelques leçons qu’elle a apprises. Cet équilibre, difficile à négocier, lui permet justement de dégager quelques leçons de valeur (qu’on aurait envie de qualifier d’universelles) tout en encourageant chaque auteur au travail et à la quête de ses propres vérités. Elle explique humblement ses propres travers et comment elle les combat ; elle délimite clairement les circonstances où la rigueur et la logique doivent dominer (George est clairement structurelle), et celles où c’est la liberté et l’inspiration qui doivent prendre la main.

En revanche, il faut noter que la forme et le discours de ce livre sont d’une simplicité trompeuse. En conséquence, il me semble que pour en tirer le maximum de profit, il convient d’avoir soi-même déjà conduit une certaine forme de réflexion sur les défis de l’écriture – et même de s’être heurté plusieurs fois à des difficultés. Je doute qu’il puisse donc être très pertinent pour le très grand débutant. On peut aussi grogner devant la quantité d’extraits tirés de son propre travail George présente au fil des pages, mais il faut admettre que les exemples sont pertinents et, surtout, admirables de justesse narrative : de vraies démonstrations.

En définitive, plus qu’un exposé de technique ou des mémoires d’écrivain, ces Secrets sont presque un appel à construire sa propre méthode, libéré des entraves et des attentes quant au résultat. Bien peu de livres sur l’écriture parviennent à transmettre ce message, à distiller une telle passion, à redonner une telle envie quand le découragement guette face à un obstacle en apparence insurmontable.

  1. Les traductions sont de mon fait, ayant lu le livre en anglais.
2014-08-05T15:23:07+02:00lundi 25 octobre 2010|Best Of, Technique d'écriture|Commentaires fermés sur Elizabeth George, Mes secrets d’écrivain

Tuer quelques mythes pour combattre la procrastination

La procrastination est probablement une des afflictions les plus sévères à frapper les écrivains : enracinée dans diverses causes, souvent la peur de l’inadéquation ou du manque de maîtrise, elle peut indiquer le réel besoin de réfléchir davantage à son histoire avant de s’y engager, mais c’est plus souvent une véritable paralysie devant la fameuse « page blanche », dénuée de véritable fondement. Même Victor Hugo procrastinait. Victor Hugo, quoi !

Notre monde post-moderne connecté web 2.0 communicatif d’échange en réseau d’influences neuronales collaboratif mobile a ajouté une nouvelle composante terrible aux raisons déjà multiples pour l’auteur de procrastiner : le courrier électronique et les réseaux. Oui, on entend régulièrement dire que le meilleur conseil qu’on puisse donner ces jours-ci pour écrire est de se couper du monde, mail et Internet inclus, mais l’expérience prouve que c’est difficile à faire, et puis, se dit-on, une petite vérification du mail de temps en temps, quel mal cela peut-il faire ?

Un mal énorme, et je suis enfin tombé sur les données qui le prouvent.

Teh Intertubez r not evilz

Il me semble que couper Internet aujourd’hui est quasiment impossible pour la majorité des auteurs. En ce qui me concerne, Internet est mon encyclopédie : besoin d’ancrer une scène dans un lieu réel, je compulse Google Images ; besoin de la donnée précise de telle arme, je fais une recherche croisée dans Wikipédia ; je ne parle même pas des dictionnaires que j’emploie qui sont maintenant en ligne. Le problème n’est pas tant la présence d’Internet comme distraction (il est relativement facile de se réfréner de lire des articles ou de regarder des vidéos de chatons trop lol sur YouTube, car ces activités sont clairement identifiées comme improductives) que celui de vérifier son mail – Twitter – Facebook toutes les cinq minutes (voire moins).

Derrière l’idée du « allez, un petit check Facebook et je m’y mets » se trouvent principalement deux idées :

  • « Je pourrais rater une information importante ». J’ai lancé une discussion ou un commentaire un peu polémique, je voudrais voir ce que ça donne, si c’est bien ou mal compris, ou même si (pour peu qu’on ait ces inclinations) ça va se foutre sur la tronche et je vais pouvoir remettre de l’huile sur le feu de mon troll, qu’est-ce que je suis trop mdr.
  • Ça prend trois secondes. C’est vrai, quoi un petit clic sur la barre de tâches, « Check mail » – ding, oh tiens, que se passe-t-il dans le vaste monde ? Quoi, on veut connaître mon avis sur la meilleure marque de tuyaux d’arrosage à utiliser en cas de gel fréquent ? Allez, je réponds, c’est vite fait. Après tout, si je réponds maintenant, je suis efficace, j’aurai réglé un problème immédiat et je pourrai me remettre à bosser l’esprit tranquille, n’est-ce pas?

Faux.

Despite all my rage, I am still just a rat in a cage

En vérifiant nos mails toutes les trois minutes, nous nous comportons ni plus ni moins comme des rats de laboratoire. Cet article établit un parallèle (que j’ai vu ailleurs) qui me semble frappé au coin du bon sens : le mail est une machine à renforcement variable.

En deux mots : prenons deux lots de rats. Le premier est entraîné à recevoir une récompense chaque qu’il appuie, mettons, vingt fois sur une pédale (= renforcement fixe). Le second reçoit sa récompense au bout d’un nombre aléatoire (parfois tout de suite, parfois au bout de cinquante coups de pédale) : renforcement variable. Si l’on arrête de récompenser les deux, on constate que les premiers rats cessent presque aussitôt de travailler, quand les autres continuent longtemps à presser la pédale (normal, puisqu’ils sont incapables de prévoir l’arrivée de la récompense).

C’est le mécanisme de la machine à sous, et c’est exactement le mécanisme du courriel. Dans un monde connecté, l’arrivée d’un nouveau message est un plaisir basique, qui flatte l’ego en lui donnant l’impression de recevoir de l’attention, ou d’avoir quelque chose à faire et à régler, ce qui, par la suite, procure du bien-être.

Bon, okay, dites-vous, le mail, c’est la machine à sous. Et alors ? Ça ne me coûte rien, ça ne fait de mal à personne. Où est le problème ?

Non, vous n’êtes pas multi-tâches

Eh bien, le problème est expliqué dans cet autre article du même site (consacré à la productivité des programmeurs, mais peu importe). En un mot comme en cent, « multitasking is a myth » : être multi-tâches est un mythe. Bien sûr, on peut faire deux ou trois choses en même temps qui ne nécessitent guère de capacité de réflexion, comme marcher et téléphoner, manger et jouer à WoW regarder la télé, écouter les débats de l’Assemblée Nationale et dormir.

Mais des activités qui requièrent une attention poussée de notre part – écrire, donc – exigent de la part du cerveau qu’il s’y consacre entièrement. Et, surtout, notre intellect est ainsi fait – et l’écriture ne fait certainement pas exception – que ces tâches complexes nécessitent un temps de mise en route, une sorte de période « tampon » où nous nous mettons dans l’esprit (haha), le contexte, de ce que nous devons faire. Le graphique de l’article précité montre qu’à cinq projets en même temps, c’est foutu : le cerveau passe tout son temps disponible à changer de contexte au lieu de faire ce qu’il est censé faire.

C’est en cela que la vérification périodique des emails est un mal. Chaque fois que le cerveau pourrait se plonger dans la tâche en cours, la scène, s’investir dans le personnage pour le ressentir, ce qui ne se convoque pas par magie à chaque fois que l’on s’assied au clavier, il se trouve sorti de force de sa réflexion pour aller presser la pédale de la machine à renforcement variable. Comme il est difficile de s’y remettre ensuite, la tentation d’aller tenter un nouveau tour de roue (satisfaction immédiate) devient plus grande, et la journée se transforme peu à peu en longues heures improductives et inexplicablement décourageantes. Chaque fois que l’on change de tâche, et donc de contexte, notre cerveau paie en énergie et en concentration un prix incompressible qui s’ajoute à celui de la tâche elle-même. Changer de tâche quinze fois par heure – même pour vérifier les réseaux sociaux juste trois secondes -, c’est multiplier ce prix par quinze.

La distraction say leu male

Écrire nécessite un immense investissement personnel et intellectuel, de plonger au coeur de soi, de faire abstraction du monde extérieur pour se transporter ailleurs, dans l’esprit d’autrui, pour rapporter ces visions au lecteur. Je pense humblement que c’est bien plus difficile si l’on ne trouve pas le moyen – et la discipline – de se couper de ces stimuli semblables à la ficelle colorée qu’on agite devant le nez du chaton : c’est se condamner à tourner en rond avec un cerveau perpétuellement bloqué en seconde. Cela se comprend intuitivement, et ceux qui ont essayé, comme votre serviteur, en vantent les mérites, mais la science nous dit ici pourquoi – et, avec un peu de chance, cela pourra convaincre les réticents.

2014-08-05T15:23:07+02:00mercredi 20 octobre 2010|Best Of, Technique d'écriture|12 Commentaires

Patricia Highsmith, L’Art du suspense, mode d’emploi

Patricia Highsmith, l’auteur acclamée du Talentueux Monsieur Ripley ou de L’Inconnu du Nord-Express, se propose dans ce livre d’analyser en détail les éléments du roman à suspense, passant, comme beaucoup de livres de technique, de la naissance de l’idée aux corrections du manuscrit en passant par la construction de l’intrigue. La brieveté du volume (218 pages en français) laisse espérer une grande densité de leçons glanées pendant une vie d’écriture à succès, abandonnant le délayage au profit de l’efficacité et de la concision.

Hélas, il n’en est rien.

L’Art du suspense, mode d’emploi est tout sauf un mode d’emploi du suspense. Highsmith mêle des anecdotes tirées de sa vie – nullement inintéressantes mais d’une portée forcément limitée, surtout dans le cadre d’un livre aussi court – à, certes, un certain nombre de recommandations techniques, mais extrêmement basiques, et surtout dérivant au gré de ses réflexions sans véritable plan ni fondement théorique. Le livre peine à trouver sa place entre le manuel pour grands débutants, le récit de mémoires et les pensées d’ordre global sur l’écriture ; à un certain nombre de questions revenant régulièrement comme le choix du point de vue, Highsmith répond souvent « tout est possible, ça dépend », ce qui est effectivement la seule vraie réponse qu’on puisse faire, mais n’est pas d’un grand secours pour le jeune auteur, lequel espère plutôt des lignes directrices ou des conseils pour orienter son choix. Le livre ne propose à la place que des exemples, dont la valeur est, en plus, parfois discutable.

Ajoutons que Highsmith ne dit quasiment rien de la construction d’intrigue proprement dite, de son processus, à part qu’il convient d’y prêter une grande attention dans le cadre du suspense, puisque tous les faits doivent concorder et se justifier mutuellement. D’accord, merci, mais on attend de ce genre de livre au minimum une analyse de ce sur quoi le suspense repose de manière à appréhender l’effet, analyse d’une absence criante ici.

Il semble en plus que le livre n’ait jamais été révisé ; l’édition que j’ai eue entre les mains (en anglais, Plotting and Writing Suspense Fiction) date de 1983 et passe un temps non négligeable à parler de la technique sur machine à écrire, entre papier carbone et versions successives du manuscrit. Depuis la généralisation du traitement de texte, ces considérations ont bien sûr disparu et ne sont d’aucun intérêt autre qu’archéologique pour qui s’intéresse à la méthode de travail des auteurs. Je doute également que le marché de la nouvelle soit aussi florissant aujourd’hui qu’elle ne le présente 27 ans plus tôt.

Les deux intérêts principaux du livre résident probablement, d’une part dans la germination des idées, d’autre part dans l’approche du milieu éditorial. Highsmith a quelques considérations d’intérêt à proposer sur la naissances des idées, leur croissance organique et la façon dont elles finissent par prendre vie et susciter l’envie de les écrire. D’autre part, elle montre une approche très pragmatique du texte, entre révisions et corrections éditoriales, coupes et adaptations pour la télévision et le cinéma, ce qui peut s’avérer instructif pour les jeunes auteurs qui ont parfois tendance à considérer leur production comme sacrée et intouchable…

Néanmoins, ces deux aspects ne justifient absolument pas le prix exigé pour le volume français en occasion (40 € sur Amazon). Cela sent le livre de commande rédigé sans véritable plan ni vraie envie de faire partager son savoir-faire. Sur la construction et la naissance des idées, on lira avec bien plus de profit Mes Secrets d’écrivain d’Elizabeth George ; sur la nature même du texte et la mission de la littérature, The Art of Fiction de John Gardner (déjà critiqué ici) ; sur la technique même du texte, Comment écrire des histoires d’Elisabeth Vonarburg, trois volumes qui détaillent bien mieux et de façon bien plus complète ce que ce Mode d’emploi échoue à faire.

À réserver donc, éventuellement, aux fans de Patricia Highsmith qui veulent en savoir plus sur sa méthode de travail ou aux boulimiques comme votre serviteur qui, de toute façon, lisent tout ce qui ressemble de près ou de loin à un livre de technique d’écriture (et qui pourront le lire en anglais à moindre coût).

2014-08-05T15:23:07+02:00mercredi 6 octobre 2010|Best Of, Technique d'écriture|2 Commentaires

John Gardner, The Art of Fiction

Ce volume assez mince (200 pages), non traduit à ma connaissance, est cité très régulièrement par les Américains comme référence et lecture quasi-obligatoire ; je me souviens notamment de Terry Brooks le recommandant très chaudement lors de sa venue aux Imaginales il y a quelques années. Son sous-titre (« Notes sur le métier pour les jeunes auteurs ») laisse entendre un contenu relativement simple mais, si l’on n’est jamais au-dessus d’une révision des fondamentaux, son traitement de problèmes élémentaires de la fiction (point de vue, cohérence, rythme) sert surtout de prétexte à une vision globale du métier d’écrivain à la fois sévère et inspirante.

Il existe globalement deux catégories de livres sur la technique d’écriture : ceux qui sont mécanistes, proposant formules et systèmes, qu’il faut aussitôt s’empresser de critiquer de manière constructive afin d’espérer les digérer et se les approprier intelligemment (les travaux de Holly Lisle, par exemple) ; et ceux qui, au contraire, proposent une vision plutôt personnelle de la littérature et du processus d’écriture, en se concentrant plus sur les buts que les moyens (comme Mes Secrets d’écrivain d’Elizabeth George). The Art of Fiction se place résolument dans la seconde catégorie ; Gardner résume de façon très concise son expérience d’auteur et de professeur d’écriture créative, touchant à peu près à tous les domaines de la narration.

Le livre est organisé en deux parties. La première propose des considérations d’ordre général sur la théorie esthétique de la littérature. J’entends déjà grincer les dents de ceux qui, comme moi, ont été déçus par les exégèses littéraires à la française, espérant trouver dans les travaux universitaires des leçons d’écriture plutôt que des études d’oeuvres ; mais cette partie est très nettement orientée vers la fonctionnement et le rôle de la littérature de fiction, Gardner rappelant qu’avant d’écrire, il faut comprendre ce que l’écriture cherche à atteindre. Ce en quoi il a parfaitement raison.

Loin d’être aride, il établit dans cette partie un certain nombre de fondamentaux bien connus de l’auteur un peu expérimenté et même du lecteur critique, mais qu’il n’est jamais mauvais de rappeler, notamment la qualité onirique de la fiction (une histoire est un rêve qui ne doit pas être interrompu), l’évolution de la notion d’illusion de réalité au fil des siècles, ou encore la place de la métafiction par rapport à la fiction classique. Il établit donc parfaitement le lien entre la narratologie (discipline a posteriori par essence, où l’on dissèque le récit achevé) et la pratique créatrice (chaotique, intuitive, plus ou moins domptée par le praticien).

La seconde partie est beaucoup plus technique, tout en restant assez générale. Gardner aborde les facettes élémentaires de la technique littéraire : point de vue, syntaxe, causalité narrative, dialogue, etc. Rien qu’on ne trouve ailleurs (le Comment écrire des histoires d’Elisabeth Vonarburg traite à mon sens plus clairement ces problématiques pour ceux qui en cherchent une synthèse), à part peut-être un rappel enrichissant sur lenergeia d’Aristote : une intrigue est la réalisation du potentiel contenu dans les personnages. L’ouvrage propose une section sur le rythme et la sonorité de la prose, aspects souvent laissés de côté mais appliqués ici à la langue anglaise et donc sans intérêt pour celui qui lit cet article (normalement).

Il termine par quelques considérations morales sur la pratique artistique et la responsabilité qu’a tout créateur quant à l’impact de son oeuvre ; c’est probablement le discours qui peut le plus prêter au débat, alors que Gardner quitte sa position relativement permissive pour affirmer des principes certes nobles, mais vis-à-vis desquels, à mon sens, tout auteur doit trouver sa position. Une grosse trentaine d’exercices clôt le livre, allant du défi intéressant (« Sans commettre une seule faute de goût, décrivez quelqu’un en train de vomir ») au parfaitement inutile (« Construisez l’intrigue d’un roman », mmkay, mais il faut espérer que le lecteur de ce genre d’ouvrage n’attende pas la permission pour s’y essayer) – à considérer comme du bonus.

Par les domaines abordés, The Art of Fiction constitue donc un parfait manuel introductif à l’écriture, ce qui explique sa réputation de référence, mais, dans une forêt d’ouvrages regorgeant de formules narratives prétendûment miracles, il constitue en plus une petite bouffée d’air frais dont, à mon sens, même l’auteur expérimenté peut tirer profit. Car ce qui fait son intérêt n’est pas tant son contenu que son approche, son ton légèrement provocateur et empli d’un subtil esprit, le tout visant à susciter chez le lecteur (ou son élève) une attitude à la fois humble et ambitieuse vis-à-vis de la pratique artistique. Une attitude qu’il est bon de voir reprécisée et formulée aussi clairement. Comme l’excellent (à mon sens) livre d’Elizabeth George, Gardner trouve un juste équilibre entre la technique et l’ineffable inhérent à toute activité créatrice : il en reconnaît la nature chaotique, la loue et l’encourage même, mais met en avant l’indispensable nécessité de la technique pour apprivoiser et canaliser ce foisonnement. Sur ce point, il est sans pitié : il insiste sur la nécessité de l’amélioration constante, ne montre aucune tolérance pour la paresse ou le sentimentalisme, tout en encourageant l’auteur en devenir à considérer les plus grands écrivains du passé comme sa famille et non des modèles ou, pire, des fantômes penchés sur son épaule.

En art, rien ne vient sans travail ni réflexion, répète-t-il. C’est une évidence, mais on peut lui savoir gré de la formuler aussi clairement, et dans un ouvrage qui se proclame comme adressé au néophyte.

2014-08-05T15:23:07+02:00vendredi 24 septembre 2010|Best Of, Technique d'écriture|3 Commentaires

Comment la libération de la diffusion fait le lit des publicitaires

Attention, article impopulaire.

L’édition électronique fait couler beaucoup d’e-ink en ce moment ; après la musique et le cinéma, c’est au tour de la littérature de se voir numérisée en masse, et d’affronter les défis posés par ce bouleversement. (Le but de cet article n’est certainement pas d’étudier la question en entier, mais mon petit orteil me dit qu’on n’a pas fini d’y revenir.) Face au changement, très schématiquement, on discerne trois attitudes :

  • L’édition classique, héritière de contraintes légèrement prosaïques comme des salaires, des loyers, des frais d’entreprise, s’efforce de transposer son modèle économique à ce nouveau monde sans y laisser des plumes.
  • Beaucoup d’internautes et « affiliés » (start-ups dans le domaine) scandent que « le vieux modèle est mort », qu’il faut une révolution, qu’il faut tout faire péter, sans proposer grand-chose de réaliste qui dépasse l’échelle d’une relative confidentialité. (Même Benjamin Bayart, directeur de FDN, à qui j’avais posé la question, pataugeait un peu sur ce point bien qu’il présente une argumentation tout à fait raisonnable sur les limites du vieux modèle.)
  • Les auteurs et créateurs, assis entre deux chaises, qui aimeraient bien ne pas se faire bouffer par ce qui se prépare en grande partie sans eux, ont souvent de belles idées sur la circulation de la culture, ou bien sont terrifiés par ce qui se prépare mais n’osent rien dire de peur qu’une campagne de presse négative comme Internet sait si bien en lancer ne se déchaîne contre eux (les trois n’étant pas mutuellement exclusifs).

Or, je vois se promener depuis un bon moment maintenant sur la toile un angélisme branchouille, où l’on parle de « nouveaux métiers », de « nouveaux horizons », où le nouveau rebelle est le type qui pirate pour saper les méchantes forteresses du grand capital, où la liberté de création et de diffusion sera la garante absolue de la diversité de l’offre, et où tous les créateurs pourront vivre joyeusement, même les plus confidentiels. Youpi arcs-en-ciel.

Je n’y crois pas un seul instant. Et je m’en vais démontrer pourquoi, en distribuant deux ou trois flying high kicks, parce que ça commence à me courir depuis un moment, et puis qu’un article énervé c’est toujours plus marrant à lire, et je pense à ta marrade, ô auguste lectorat, alors lâchage.

Évacuons tout de suite un certain nombre de présupposés de l’argumentation.

  • Je postule que le créateur doit être rémunéré correctement pour son travail. Pour deux raisons :
    • D’une part par justice : le travail apprécié doit être rémunéré.
    • D’autre part par nécessité structurelle. Créer demande du temps, un investissement personnel, une pratique régulière, un état d’esprit ; ce peut être l’oeuvre d’une vie, et il faut que le créateur puisse s’y consacrer sans obstacles. La rémunération juste de son travail devrait idéalement être donc investie dans la suite de cette création. Par ailleurs, un créateur fauché, sans retour juste, finit par laisser tomber et faire quelque chose de plus productif et satisfaisant de sa vie. Oui, créer est une vocation, un besoin impérieux qui viendrait presque d’en-haut mais, au bout d’un moment, la lassitude finira – en moyenne – par s’installer, ne laissant que des apprentis en mal de reconnaissance. Rémunérer le créateur, c’est s’assurer de la santé de la culture – et donc le plaisir qu’on y prend.
  • Je rappelle que je suis fermement anti-DRM, anti-Hadopi et toutes les horreurs qui vont avec. À titre personnel, le piratage ne me dérangerait pas si j’avais l’assurance de gagner par ailleurs correctement ma vie. Je me suis très longuement exprimé sur la question l’année dernière.

Unicorns and rainbows

L’angélisme dont je parle plus haut appelle de ses voeux un monde en quelque sorte déréglementé, peut-être souhaitable dans une certaine mesure, mais dont les conséquences, je le prédis telle Cassandre, seront aux antipodes de ce qu’on imagine. Quelle est l’hypothèse principale de ce monde ? Avec la baisse des coûts de production, l’offre devient pléthorique (encore plus). Toutes les étrangetés peuvent théoriquement se retrouver publiées sur la toile ; chacun y va de l’ouverture de sa boutique, de sa micro-structure, etc. Les éditeurs reconnus poursuivent, voire augmentent leur imposant rythme de publication.

Les conclusions tirées sont triples :

  • La part de distribution et diffusion disparaît (ou se réduit grandement), ce qui se répercute sur la rémunération de l’auteur (qui augmente en proportion) et le prix du produit final (qui baisse).
  • Information universelle et immédiate grâce à la toile : choix informé de l’acheteur. « Tout le monde a sa chance. »
  • Conséquence : accès universel à la culture. Élargissement du marché. Plus de lecteurs, donc plus de rémunération pour plus de créateurs, croissance de la culture, mutation de la société qui sort de la médiocrité et ouvre une nouvelle ère d’éducation et d’échange qui met fin à la guerre et sauve le monde (quand je lis certaines aspirations, je vous jure que j’exagère à peine).

Et moi je dis : bullshit.

Le piège de l’économie classique

Bullshit pourquoi ?

Parce qu’aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette vision qui ne renieraient pas certains altermondialistes tombe dans un piège ultra classique de la doctrine économique. Elle postule que le lecteur est un agent économique parfait. C’est-à-dire qu’il constitue une entité prenant des choix rationnels fondés sur l’hypothèse suivante : il cherche à maximiser son utilité (= ici plaisir de lecture) sur la base d’une information exhaustive, anticipée et analysée.

Cela signifie qu’un lecteur théorique de ce monde futur, pour que ça marche, soit parfaitement informé sur ses domaines de prédilection et fasse un choix informé. Cela postule qu’il dispose donc d’une information fiable, mais surtout d’un temps potentiellement infini pour parvenir à sa décision, tout comme il dispose d’un temps potentiellement infini pour maximiser son utilité (= lire tout ce qui est susceptible de l’intéresser). On touche déjà du doigt les limites du modèle, puisqu’on les affronte déjà aujourd’hui avec l’édition papier. Sans compter que le livre se trouve aussi en concurrence avec la télé, les jeux vidéo, etc.

Conséquence : dans un monde où l’offre est pléthorique et peu coûteuse, mais où le temps d’information comme de consommation se limite toujours plus, comment va se faire le choix ?

Ma réponse est la suivante : à travers la promotion, la communication, en un sens la publicité.

Je pense que les « phénomènes Internet » actuels, de Cory Doctorow à Mikaël Vendetta en passant par Mozinor, se passent de commentaires : leurs initiatives ont créé du buzz (le mot magique qui fait rêver tous les marketeux). Ils ont trouvé le créneau différent, l’approche personnelle qui les a dégagés du lot. On ne parle pas d’eux parce qu’ils sont bons ; on parle d’eux parce que ce sont des phénomènes. Certains dépassent ce stade et s’avèrent des personnalités riches ayant un vrai discours (Doctorow) qui dépasse le buzz ; d’autres sont des flans qui tomberont à moyen terme dans les oubliettes de l’histoire (Vendetta).

Dans un monde où l’offre est pléthorique, dépassant largement les capacités d’information et de lecture de l’être humain moyen, lequel dispose d’un temps limité, c’est le matraquage médiatique qui va faire la différence. Qu’est-ce que je dois acheter ? À défaut, celui dont j’entends le plus souvent parler. Cela va aggraver la tendance « coup éditorial » qu’on subit déjà beaucoup, l’effet « Machin passe chez Fogiel et Ardisson », la construction de pseudo-scandales éditoriaux, etc. Qu’on parle de vous, cela peut vous tomber plus ou moins par hasard, mais c’est aussi une technique, une véritable science, qui coûte de l’argent : c’est le métier du publicitaire.

Attention, le buzz ou la présence médiatique peuvent être parfaitement légitimes en raison, encore une fois, d’un regard différent, d’une oeuvre particulière (Doctorow). Mais qu’on m’explique la légitimité de Mikaël Vendetta, qui est une parfaite construction médiatique ?

De plus, ce matraquage va muter pour noyauter l’information publique (blogs, forums), afin de se dissimuler dans des recoins supposés indépendants. C’est déjà le cas et connu dans le monde du jeu vidéo où certains posteurs sont de suspects avocats indéfectibles d’une même marque… Les majors suivent l’exemple pour constituer de vraies forces de frappe répandant avis favorables et construisant des buzz de toutes pièces.

Je ne dis évidemment pas que tous les blogs se laisseront embarquer – j’en connais personnellement qui ont refusé toute forme d’affiliation et l’ont même publiquement dénoncé, s’attirant des inimitiés au passage. C’est courageux et nécessaire. Mais c’est aussi une affaire de spécialistes. Le visiteur moyen, qui travaille toute la journée, n’a aucune volonté d’exégète mais juste de consommer de la littérature pour son plaisir (et il a mille fois raison), n’a pas le temps, l’énergie, ni même l’envie d’aller démêler le vrai du faux. Et c’est normal.

Loin d’être l’Eldorado fantasmé qu’on nous promet, je regarde donc avec une extrême suspicion les discours idéalistes de dissémination culturelle parce qu’on le veuille ou non, réaliser un choix informé, à moins qu’on soit spécialiste, devient quasiment impossible. Il faut se convaincre une bonne fois pour toutes qu’il ne suffit pas d’être sur Internet pour exister. La conséquence logique est un glissement vers ceux dont c’est le métier de parler plus fort que les autres et d’être écoutés : les publicitaires.

En passant, je voudrais mentionner ce billet de Jean-François Gayrard de Numerik:)Livres, qui définit son métier comme celui d’un « propulseur littéraire ».

Dans des structures comme les nôtres, 100% numérique, quand on y réfléchit bien, l’édition pure occupe seulement 40% de notre temps. Tout le reste est consacré à la promotion dématérialisée sur les réseaux et les médias sociaux de nos auteurs et de nos titres. Nous propulsons plus qu’autre chose.

(Graissage de mon fait.) CQFD.

Sauf que ce métier existe : pour moi, quelqu’un qui passe 60 % de son temps sur la promotion d’une oeuvre, ça porte un nom classique et bien connu des métiers du livre : attaché de presse.

Avant que je ne me fasse sauter à la gorge, je voudrais quand même terminer en déclarant mon respect aux publicitaires et attachés de presse dont le travail est important et nécessaire. Comprenons-nous bien : je ne fustige nullement ces métiers (qui m’intéressent énormément, d’ailleurs). Je fustige l’angélisme qui constiute à imaginer un monde merveilleux, méritoire et bon marché où tout le monde aura sa place. Je répète : bullshit. La publicité sera plus nécessaire encore qu’aujourd’hui, et j’ai un scoop : elle n’est pas gratuite.

Maintenant, à votre avis, qui aura les moyens de la payer ?


Le Buzz ( Le Tutoriel #2 )
envoyé par mozinor. – Cliquez pour voir plus de vidéos marrantes.

2016-01-19T14:25:20+01:00mardi 7 septembre 2010|Best Of, Humeurs aqueuses|8 Commentaires
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